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23/11/2020 | FRANCE | N°17/001001

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 01, 23 novembre 2020, 17/001001


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 492 DU 23 NOVEMBRE 2020

No RG 17/00100 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CYWI

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 12 janvier 2017, enregistrée sous le no 16/00187

APPELANT :

Monsieur [D] [E]
Le carré d'or [N]
[Localité 1]

Représenté par Me Pascal [P] de la SELARL [P] et [B], (TOQUE 25) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

Madame [R] [F]
C

hez [B] [V], [Adresse 1]
[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuel JACQUES de la SELASU EJA - EMMANUEL JACQUES ALMOSNINO, (TOQUE...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 492 DU 23 NOVEMBRE 2020

No RG 17/00100 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CYWI

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 12 janvier 2017, enregistrée sous le no 16/00187

APPELANT :

Monsieur [D] [E]
Le carré d'or [N]
[Localité 1]

Représenté par Me Pascal [P] de la SELARL [P] et [B], (TOQUE 25) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

Madame [R] [F]
Chez [B] [V], [Adresse 1]
[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuel JACQUES de la SELASU EJA - EMMANUEL JACQUES ALMOSNINO, (TOQUE 93) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile de Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre, chargée du rapport, en présence de Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré, composé de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 23 novembre 2020.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 14 février 2014 , le docteur [D] [E], médecin stomatologue au sein de la collectivité territoriale de [Localité 1], a pratiqué divers soins et travaux dentaires sur la personne de [R] [F], laquelle se plaignant de douleurs importantes avait la veille sollicité un rendez-vous en urgence.

Du 14 février 2014 au 11 avril 2014, le stomatologue a ainsi procédé à la pose de 10 couronnes sur les dents maxillaires 15 à 25 et de 4 couronnes sur les dents mandibulaires 32 à 42.

Le 28 avril 2014, se plaignant de douleurs diffuses dans toute la bouche, [R] [F] consultait un chirurgien dentiste, [J] [L], exerçant également à [Localité 1], lequel a constaté sur radiopanoramique, la présence de caries profondes secteur 1 et 4, un ciment résiduel interdentaires, un tartre sous gingival et les signes d'une parodontite. Quant à la cause des douleurs, il l'imputait soit aux caries, soit à un syndrome de septum, soit à une parodontite chronique. Pour traiter l'inflammation gingivale, étant déjà sous traitement médicamenteux, il lui prescrivait des bains de bouche.

Dans une lettre en date du 1er mai 2020 qu'il adressait à [R] [F], [D] [E] récapitulait les traitements à finaliser : l'hyperesthésie de l'incisive du bas, dont la pulpotomie a déjà été réalisée, l'hyperesthésie de la prémolaire en bas à gauche avec nécessité de dévitalisation simple et mise en place d'un bridge, l'occlusion à stabiliser, la dévitalisation de la canine supérieure droite.

A partir du 3 mai 2014, pour une durée de 10 jours, [R] [F] rejoignait [F] en Suisse pour y subir des soins dentaires au sein de la clinique [Établissement 1].

Du 11 juin au 23 juillet 2014, le docteur [J] [L] a procédé à la dévitalisation de la dent 23.

A partir du 24 septembre 2015 et jusqu'au 11 octobre 2016, suite à la fracture de la céramique de la dent 12, le docteur [J] [L] est intervenu pour la mise en place d'un inlay core et d'une couronne céramique, une gingivite sévère au départ du bridge secteur 3, deux détartrages, et le 11 octobre 2016 pour une parodontite chronique active sur plusieurs dents.

Le 29 août 2014, [D] [E] a mis en demeure [R] [F] de payer le montant des deux factures d'un montant respectif de 1 330 euros et 14 700 euros.

Par requête du 8 juin 2015, [D] [E] déposait une requête en injonction de payer la somme de 16.030 euros à l'encontre de [R] [F].

Par ordonnance du 1er septembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre faisait droit à cette demande.

L'ordonnance d'injonction de payer était signifiée le 26 janvier 2016 à [R] [F] qui formait opposition le 5 février 2016.

Devant le tribunal [D] [E] demandait la condamnation de Mme [R] [F] à lui payer la somme de 16 030 euros au titre des soins dentaires réalisés, ainsi que la somme de 50 000 euros en indemnisation de son préjudice. [R] [F] concluait au rejet des demandes de M. [D] [E] et sollicitait à titre reconventionnel sa condamnation à lui verser la somme de 57.000 euros de dommage et intérêt, et subsidiairement, une expertise.

Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :
- déclaré recevable l'opposition formée par [R] [F] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 1er septembre 2015 par le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre à la requête de M. [D] [E],
- mis à néant ladite ordonnance d'injonction de payer,
- déclaré recevable les conclusions et pièces signifiées par [R] [F] à l'appui de son opposition,
- débouté [D] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné [D] [E] à payer à [R] [F] la somme de 28 500 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné [D] [E] à payer à [R] [F] la somme de 2 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [D] [E] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 23 janvier 2017, [D] [E] a interjeté appel de ce jugement.

Le 2 juin 2017, [R] [F] a constitué avocat.

Par arrêt en date du 21 janvier 2019, la cour de céans a avant dire droit, ordonné une mesure d'instruction.

Le 30 mars 2020, l'expert judiciairement désigné a conclu les opérations expertales.

L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 23 septembre 2020, a fixé l'audience de plaidoiries le 5 octobre 2020, à l'issue de laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 23 novembre 2020 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

- L'APPELANT :

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 4 août 2020 aux termes desquelles [D] [E] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
* à titre principal
- condamner [R] [F] à lui payer les sommes de :
o 16 030 euros au titre des soins réalisés,
o 50 000 euros au titre des préjudices subis,
- dire que les notes d'honoraires produites par [R] [F] ne sont pas recevables et suffisantes à démontrer les honoraires réellement payés par [R] [F] à la clinique privée en Suisse au titre des soins qui y auraient été prodigués,
- débouter [R] [F] de ses demandes reconventionnelles,
* à titre subsidiaire, si le principe de sa responsabilité pour faute médicale devait être retenu :
- condamner [R] [F] à lui payer la somme de 16 030 euros au titre des soins réalisés,
- limiter le préjudice subi par [R] [F] aux conclusions de l'expert dans son rapport qui évalue le déficit fonctionnel temporaire pendant un mois, le déficit fonctionnel permanent à 8% et le préjudice esthétique temporaire et définitif à 0/7,
- ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties,
* en tout état de cause,
- condamner [R] [F] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui seront recouvrés par la société d'avocats [P] et [B] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- L'INTIMÉE :

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 mai 2020 par lesquelles [R] [F] sollicite de voir :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [D] [E] de ses demandes de condamnation à son encontre et en ce qu'il a constaté l'engagement de sa responsabilité,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné [D] [E] à lui payer la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* statuant à nouveau,
- condamner [D] [E] à lui payer la somme de
84 217,10 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouter [D] [E] de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
* en outre,
- condamner [D] [E] à lui payer la somme de
20 817,60 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [D] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux inclus les honoraires de l'expert de 1 800 euros,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le fond

- sur la responsabilité

Attendu que la responsabilité d'un médecin stomatologue exerçant de manière libérale est fondée sur la violation d'une obligation de moyens dans le cadre de l'exécution de soins ; qu'il est tenu de prodiguer des soins attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science ; que cette responsabilité professionnelle est subordonnée à la preuve d'une faute commise dans les traitements dentaires dont la démonstration incombe au patient et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise, que [D] [E], stomatologue à [Localité 1], a du 14 février au 11 avril 2014, pratiqué divers soins et travaux dentaires sur la personne de [R] [F], au cours desquels ont été réalisés les réfections et poses de 10 couronnes sur les dents maxillaires 15, 14, 13,12, 11, 21, 22, 23, 24, 25 et de 4 couronnes sur les dents mandibulaires 42, 41, 31,32 ; que le docteur [L] est postérieurement intervenu sur les dents 23 et 12, et la clinique dentaire de [F] en reprise des dents 42, 41, 31, 32, mais en réalisant des couronnes sur d'autres dents 43, 33, 35, 36, 37 ;

Que les travaux d'importance effectués par [D] [E] l'ont été sans devis et sans plan de traitement signé par la patiente, laquelle aurait accepté dans le cadre d'une réhabilitation esthétique, le renouvellement, selon ses dires, de facettes et non de couronnes, alors que l'expert après examen des radiopanoramiques antérieures a relevé l'existence que des couronnes existantes sur les incisives mandibulaires ; que toutefois, l'expert a observé qu'avant d'entreprendre des travaux de soins et de nature esthétique, il n'est pas établi que la patiente ait été informée de la nécessité probable d'étendre le projet à des dents voisines d'une part et d'autre part que le stomatologue n'a pas réalisé un assainissement parodontal, comprenant un temps de latence destiné à évaluer la réponse tissulaire et l'engagement personnel de la patiente ;

Que l'expert explique en effet, qu'une dent vivante est agressée lors de la préparation d'une couronne, que durant les jours et semaines, voire mois qui suivent cette préparation, soit elle surmonte l'agression (hypothèse favorable), soit elle réagit violemment (pulpite ou nécrose); que dans les suivis, il apparaît que les dents 31, 32, 42, 23, 24, 12, 13, 15 ont d'ores et déjà réagi défavorablement nécessitant des traitements canalaires, lesquels sont donc imputables à ces couronnes ; que ce traitement canalaire peut se réaliser en perçant un petit orifice dans la couronne, ce qu'a fait le docteur [L], soit en détruisant carrément la couronne ce qui "semble" avoir été la méthode retenue par la clinique dentaire de [F] ; qu'à l'égard de cette dernière, l'expert s'interroge, au regard de la mauvaise qualité des reproductions de panoramiques effectués dans cet établissement (outre la production d'un "descriptif flou"), sur la validité du diagnostic effectué par ce dernier concernant des nécroses estimant "qu'il est assez étrange de trouver autant de nécroses au même moment y compris sur les dents non traitées 33 et 43" ; qu'il précise cependant "qu'il est possible qu'un intervalle trop court entre la préparation des dents à couronner et la pose des couronnes définitives ait été ménagée expliquant la survenue de plusieurs pulpites ou nécroses" ;

Que lors des examens clinique et radiologique de la patiente effectuée par l'expert le 17 octobre 2019 "à distance thérapeutique", et au vu d'une photographie prise de la denture au début des travaux, l'expert a pu ainsi constater les éléments suivants :
- les dents 15 et 14 portaient des reconstitutions volumineuses (plombages) ce qui justifient "dans certaines circonstances la réalisation de couronnes", quand 4 incisives maxillaires portaient des facettes devenues disgracieuses, la radio panoramique ne permettant pas de se prononcer sur l'état initial des incisives mandibulaires présentant des couronnes existantes,
- les dents 15, 13, 12, 11, 23, 24 ont subi des traitements canalaires (dévitalisation) apparemment de bonne facture, les dents 12 et 11 ne présentant pas d'image infectieuse,
- à la mandibule, la résorption osseuse est moyenne, localement profonde (36, site de l'implant et 35, pilier antérieur du bridge réalisé en Suisse actuellement dans un état pré-terminal),
- les dents 33, 32, 31, 41, 42, 43 ont subi des traitements radiculaires apparemment de bonne facture,
- sur la panoramique, il n'est pas observé de foyer infectieux apparent lors l'atteinte parodontale sévère sur la dent 35, réalisé en Suisse,
- les douleurs diffuses "dans toute la bouche" selon la patiente vont dans le sens, confirmé ultérieurement, d'un état gingival défaillant (gingivite, parodontite selon les secteurs), lequel n'est pas imputable aux traitements entrepris par [D] [E] ;
- un état inflammatoire sévère de la gencive, laquelle est oedématiée, hyperhémiée ce qui est classiquement associée à des prothèses agressives et à une hygiène bucco-dentaire insuffisante,
- cet état inflammatoire sévère est encore plus marqué, pour les dents 33 à 43 réalisée en Suisse ; que le tabac étant un facteur aggravant, toutes les surfaces dentaires comportent des dépôts significatifs,
- la comparaison entre les radios panoramiques réalisées antérieurement aux soins litigieux (13 juillet 2007 et 14 février 2014) révèle que le défaut d'alignement des collets au niveau de la dent 11 était préexistant à l'intervention de [D] [E] et que le travail a amélioré l'harmonie du secteur incisivo canin ;
- il n'existe pas d'anomalie occlusale flagrante en statique ni en dynamique,
- la réalisation prothétique du secteur mandibulaire antérieur est de moins bonne qualité ;
- à distance sociale, la patiente présente un sourire harmonieux, des dents régulières d'une teinte agréable avec un élément moins disgracieux en 26 (1ère molaire supérieure gauche), 45 et 26, non concernées par l'expertise, dont la couleur et l'aspect tranchent avec les autres dents ;

Qu'en conclusion, l'expert estime que ces travaux entrepris sans consentement ou devis signé ont été entrepris cependant après une mauvaise évaluation du "terrain" de la patiente (vitalité pulpaire, état gingival, ressenti psychologique) et ont entraîné des douleurs parfois intenses qui ont brisé la relation de confiance, la patiente ayant fait choix ensuite de traiter quelques points sensibles dans une clinique suisse sans souci d'économie et en faisant réaliser d'autres travaux ; qu'il estime que le déficit fonctionnel provisoire, constitué par des douleurs peut être évalué à 60 % pendant 1 mois, que la date de consolidation peut être fixée le 23 juillet 2014, date à laquelle le dentiste [L] a terminé les soins sur la dent 23 et que le déficit fonctionnel permanent est d'un total de 8 %, comprenant les douleurs importantes lors de la prise d'aliments du côté droit (2%), les douleurs morales associées à un long historique de soins parfois douloureux (3%), et une perte de qualité au quotidien correspondant à une modification de la perception par la patiente de son sourire "dont elle se serait rendue compte à posteriori sur des photos" (3%) ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments, qu'aucune erreur de diagnostic ou geste défaillant de chirurgie-dentaire ne peut être imputée au stomatologue [E] lors des soins et réhabilitation esthétique qu'il a pratiqués sur la personne de [R] [F] ; que sur le plan esthétique, l'expert ne remet pas en cause la nécessité probable d'étendre le projet aux dents voisines et aux incisives mandibulaires pour des raisons esthétiques, de même qu'il ne conteste pas le remplacement des plombages par des couronnes ; qu'en revanche, l'expert n'est pas aussi affirmatif lorsqu'il indique qu'il "est possible" qu'un intervalle de temps a été trop court entre la préparation des dents à couronner et la pose des couronnes ; qu'en tout état de cause, il estime que les douleurs diffuses sont liées à un état gingival défaillant (gingivite, parodontite selon les secteurs) lesquels ont pour origine une hygiène bucco-dentaire insuffisante caractérisée notamment par des dépôts de plaque dus au tabac et l'absence d'entretien dentaire ; qu'il conclut que ces douleurs ne sont pas imputable aux traitements entrepris par [D] [E] ; que du fait de l'intervention des thérapeutes dans la clinique dentaire de [F], dont les éléments ne sont pas suffisamment étayés par la radiopanoramique de mauvaise qualité et un descriptif flou, l'expert s'est interrogé quant à la réalité du diagnostic concernant l'existence de nécroses ayant amené la clinique dentaire à procéder notamment à la destruction des couronnes mandibulaires posées par [D] [E] ;

Que dés lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, dès lors qu'il ne peut être retenu de simple possibilité, aucune imputabilité directe et certaine n'est avérée entre les couronnes posées par ce dernier et les dommages allégués consistant en des douleurs subies par [R] [F], laquelle a en outre fait choix d'interrompre les soins dispensés par [D] [E] ;

Que s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il convient de rappeler que ce n'est que lorsque l'un des risques se réalise, que le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins peut faire perdre au patient une chance de l'éviter en refusant qu'il soit pratiqué ou encore causer à celui auquel l'information était due un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce risque ;

Que dès lors que n'ont pas été démontrés l'imputabilité des douleurs à la pose des couronnes ni le lien entre le défaut d'information et la survenance des douleurs préexistantes, il en résulte que ce défaut d'information ne porte pas sur un risque qui s'est réalisé et qu'aucune perte de chance n'est avérée ;

Que dés lors, c'est à tort que le premier juge a déclaré [D] [E], responsable pour faute, dans la pratique des soins dentaires opérés, dans l'état actuel de sa patiente et l'a condamné au paiement de dommages et intérêts ; que par suite, le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions et [R] [F] déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

- sur les factures

Attendu qu'aux termes de l'article 1315 du code civil, applicable à des relations contractuelles antérieures au 1er octobre 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

Que quand bien aucun devis n'a été signé, il n'en demeure pas moins que les travaux rapportés dans les factures d'un montant respectif de 1 330 euros et 14 700 euros ayant donné lieu à mise en demeure du 29 août 2014, ont été effectués, l'expert ne remettant pas en cause leur qualité et [R] [F] n'en contestant pas ni la nature de ces travaux ni leur réalisation du 14 février 2014 au 11 avril 2014 ; qu'ainsi, l'obligation est établie en son principe ;

Que s'agissant du montant de l'obligation, il n'est également pas argué par [R] [F] que conformément aux dispositions des articles R. 1111-21 et suivants du code de la santé publique, les tarifs des honoraires ainsi que leur tarif de remboursement par l'Assurance Maladie et particulièrement les soins prothétiques courants tel la pose de couronne, ne soient pas affichés de manière visible et lisible tant dans la salle d'attente que dans la salle de soins du cabinet de [D] [E], ainsi que ce dernier l'affirme ; que le caractère excessif des traitements réalisés n'est ni argué ni établi ;

Que [R] [F], bénéficiaire des dits travaux dont le caractère esthétique a été mis en exergue par l'expert, qui ne justifie pas du paiement ou d'un fait qui a produit l'extinction de son obligation, ne prouve donc pas sa libération ; que dès lors, elle sera condamnée au paiement de la somme de 16 030 euros en remboursement des soins réalisés ;

Sur les mesures accessoires

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, [R] [F], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance de premier ressort et celle d'appel ;

Que l'équité commande de la condamner à payer à [D] [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les dispositions de première instance seront dès lors sur ces points infirmées ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré du tribunal de grande instance de Basse-Terre en date du 12 janvier 2017 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne [R] [F] à payer à [D] [E] la somme de 16 030 euros au titre des deux factures en date du 11 avril 2014,

Déboute [R] [F] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de [D] [E],

La condamne également à lui verser une somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [R] [F] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la société d'avocats [P] et [B] du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Et ont signé le présent arrêt.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 17/001001
Date de la décision : 23/11/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2020-11-23;17.001001 ?
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