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26/10/2020 | FRANCE | N°16/00697

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 26 octobre 2020, 16/00697


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRET No 396 DU 26 OCTOBRE 2020






No RG 16/00697 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7A-CVN7


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 07 avril 2016, enregistrée sous le no 12/00572




APPELANT :


Monsieur N... W...
[...]
[...]


Représenté par Me Francis CORDOLIANI, (TOQUE 120) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART




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Madame M... V... X...
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Représentée par Me Pierre-yves CHICOT, (TOQUE 73) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aid...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 396 DU 26 OCTOBRE 2020

No RG 16/00697 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7A-CVN7

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 07 avril 2016, enregistrée sous le no 12/00572

APPELANT :

Monsieur N... W...
[...]
[...]

Représenté par Me Francis CORDOLIANI, (TOQUE 120) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

Madame M... V... X...
[...]
[...]
[...]

Représentée par Me Pierre-yves CHICOT, (TOQUE 73) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/000982 du 01/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 07 septembre 2020.

Par avis du 07 septembre 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 26 octobre 2020.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 13 juillet 2010, M. N... W..., chirurgien-dentiste, a procédé à l'extraction de la dent 44 de Mme M... X..., laquelle s'était présentée à son cabinet en urgence, se plaignant de douleurs importantes.

Mme M... X..., arguant d'algies persistantes suite à cette intervention, obtenait par ordonnance de référé du 21 juin 2011, l'organisation d'une expertise médicale et la désignation pour se faire de M. J... P... , docteur en chirurgie-dentaire, expert prés la cour d'appel de Basse-Terre, avec la mission notamment de vérifier l'imputabilité des séquelles invoquées aux lésions initiales.

M. J... P... a déposé son rapport en date du 16 janvier 2012 et suite à l'assignation en date du 15 mai 2012 délivrée par Mme M... X... à M. N... W... en responsabilité et indemnisation, par jugement du 31 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a, en réservant l'ensemble des demandes des parties, ordonné la réouverture des débats en lui confiant un complément d'expertise avec pour mission notamment de dire si les actes médicaux réalisés par M. N... W... étaient indiqués au regard de l'état de la patiente et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale, rechercher si le patient a reçu une information préalable et suffisante sur les risques que lui faisait courir l'intervention, dire si l'atteinte au nerf mentonnier constitue un risque inhérent à ce type d'extraction ou s'il caractérise une maladresse du praticien, si non analyser les erreurs ou les défaillances de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué.

Le 09 décembre 2014, M. J... A..., docteur en chirurgie-dentaire, expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Basse-Terre, a été désigné en lieu et place de M. J... P... pour réaliser ce complément d'expertise et a déposé son rapport en date du 23 avril 2015.

Le tribunal de grande instance de Basse-Terre, a par jugement contradictoire du 07 avril 2016 :
-déclaré M. N... W... entièrement responsable des conséquences dommageables dont Mme M... X... a été victime lors de l'intervention dentaire du 13 juillet 2010,
-condamné M. N... W... à payer à Mme M... X... les sommes de 17 500 euros en réparation de son préjudice corporel et 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,
-condamné M. N... W... aux entiers dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise.

Par déclaration d'appel du 18 mai 2016, M. N... W... a interjeté appel de ce jugement.

Mme M... X... a constitué avocat le 02 juin 2016.

Par arrêt du 26 février 2018, la cour de céans ayant constaté que maître Jeanne-Hortense Louis, avocat de Mme M... X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle avait écrit au bâtonnier de l'ordre des avocats afin de désignation d'un nouvel avocat en ses lieu et place, a révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état et sursis à statuer sur les demandes et dépens.

Par décisions des 04 avril puis 16 juillet 2018, le bureau d'aide juridictionnelle de la cour a désigné en lieu et place de maître Louis, maître Jacques Urgin puis maître Jennifer Linon, avocats, lesquels ne se sont pas constitués pour le compte de Mme M... X....

Désigné par décision modificative du 29 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle pour représenter Mme M... X..., maître Pierre-Yves Chicot a constitué avocat le 30 juin 2020 en lieu et place de maître Louis.

Avisés de la tenue de l'audience fixée au 07 septembre 2020, les parties ont déposé leurs dossiers, en application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile et l'affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2020, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Les dernières conclusions, remises les 16 août 2016 et 02 septembre 2016 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

M. N... W... demande à la cour, de :
-déclarer son appel recevable,
-infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
*statuant au fond,
-dire que l'impartialité du docteur A... n'est pas acquise au cas d'espèce, ce dernier ayant eu précedemment, en 1998, un différend en matière d'expertise avec le docteur W..., susceptible d'entacher manifestement ses conclusions,
-dire que l'imputabilité médico-légale entre la pathologie algique trigéminale droite alléguée par Mme M... X... et l'avulsion de la 1ère prémolaire no44 réalisée par le docteur W... le 13 juillet 2010 ne saurait être certaine, directe et exclusive,
-annuler par suite l'homologation par le tribunal des rapports d'experts,
-ordonner en tant que de besoin, une contre-expertise confiée à des médecins compétents et qualifiés en médecine légale, stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, qui pourront s'adjoindre l'avis d'un sapiteur neurologue,
-le cas échéant, et en tout état de cause, dire que l'atteinte physique du nerf mentonnier n'est en l'espèce, ni démontrée, ni prouvée,
-dire par suite, que la faute imputée au docteur W... n'est pas mieux établie,
-débouter en conséquence, Mme M... X... de l'intégralité de ses demandes,
-condamner Mme M... X... à lui payer à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi pour atteinte portée à sa réputation et sa notoriété la somme de 30 000 euros,

-condamner Mme M... X... à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. N... W... soutient principalement que l'extraction réalisée par ses soins le 13 juillet 2010 à son cabinet a été simple, rapide, totale, la dent no44 déjà égressée, ayant été saisie au collet, facilement mobilisée avec un davier prémolaire du bas, sans effraction osseuse ou gingivale, ni alvéolectomie, ni utilisation d'instrument rotatif ou de bistouri, sans lambeau de gencive, sans effraction du canal mandibulaire sous-jacent, ni besoin de suture de la crête alvéolaire. Il argue de l'état antérieur odonto-stomatologique conséquent de Mme M... X... fortement édentée (absence de 17 dents) entraînant des troubles de la fonction masticatrices et des douleurs dissociées (syndrome de Costen), précisant que celle-ci souffre d'une syndrôme algo-dysfonctionnel des articulations temporaux-mandibulaires. Il critique le certificat médical établi le 20 septembre 2010 par le docteur H... sans compétence en chirurgie dentaire et fait valoir les insuffisances des rapports d'expertises judiciaires. Il conteste leurs conclusions aux motifs que MM. P... et A... n'ont pas tenu compte de cet état antérieur, ni de l'ostéome déformant le bord supérieur du canal dentaire relevé par la radiographie réalisée par M. K... I... qui peut se comporter en épine irritative. Il fait valoir l'argumentaire de M. Q... Y..., médecin légiste et stomatologue, expert prés la cour d'appel de Bordeaux, requis par ses soins et contestant dans le dire annexé au rapport de l'expert J... A... toute imputabilité médico-légale entre la pathologie algique trigéminale droite alléguée par Mme M... X... et l'avulsion de la 1ère prémolaire no44 réalisée le 13 juillet 2010. Il conclut à la nécessité de l'organisation d'une contre-expertise confiée à des médecins qualifiés en stomatologie, cette procédure ayant entaché sa réputation et sa notoriété.

Mme M... X... demande à la cour, de :
-à titre principal, dire et juger que le docteur W... a commis une faute lors de l'extraction de sa dent,
-dire et juger que le lien de causalité entre le dommage subi par Mme M... X... et la faute du docteur W... est certain et direct,
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-rejeter les entières demandes de M. N... W...,
-à titre subsidiaire, ordonner la réalisation d'une contre-expertise,
-constater que la requérante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale,
-statuer comme en matière d'aide juridictionnelle pour les dépens.

Mme M... X... objecte que les rapports d'expertise établis par MM. J... P... et J... A... sont régulièrement acquis aux débats, M. N... W... n'ayant pas remis en cause l'impartialité alléguée du second pendant les opérations menées. Elle soutient que la lésion du nerf mentonnier dont elle souffre est en lien direct avec l'intervention pratiquée par M. N... W... lequel n'a pas respecté les régles de l'art dentaire, les hypothèses avancées par celui-ci se heurtant aux radiographies réalisées postérieurement à celle-ci. Elle indique n'avoir pas été informée par M. N... W... des possibles risques encourus par l'extraction subie et déplore son absence de souscription d'une assurance de responsabilité civile professionnelle pourtant obligatoire. Elle ajoute que par le biais de cette légitime procédure, elle n'a jamais voulu nuire à M. N... W...

MOTIFS

Sur la responsabilité de M. N... W...

La responsabilité du chirurgien-dentiste exerçant de manière libérale est fondée sur la violation d'une obligation de moyens dans le cadre de l'exécution de soins, le chirurgien-dentiste étant tenu de prodiguer des soins attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science.

Cette responsabilité professionnelle est subordonnée à la preuve d'une faute incombant au patient commise dans les soins dentaires et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, il est constant que le 13 juillet 2010, Mme M... X..., qui n'est pas la patiente habituelle de M. N... W..., s'est présentée à son cabinet en raison d'une douleur aigue dans la bouche.

Suite au refus de celle-ci de procéder le 20 juillet courant, en milieu hospitalier, à l'extraction de la prémolaire douloureuse no44 ainsi que le lui proposait M. N... W..., faisant droit à sa demande d'y procéder immédiatement sous anesthésie locale, ce dernier acceptait de procéder à cette avulsion sans réaliser de radiographie préopératoire.

M. N... W... indique que Mme M... X... a quitté son cabinet, soulagée, avec une feuille de soins non signée et sans l'ordonnance associant antibiothérapie, antalgique et bains de bouche, rédigée à son intention.

Souffrant de douleurs persistantes et permanentes, Mme M... X... soutient s'être présentée le 20 juillet 2010 au cabinet de M. N... W... qui lui a remis une prescription - produite au dossier-, ce que ce dernier a contesté devant les experts judiciaires mais admet dans ses ultimes écritures.

Sur prescription de M. R... H..., médecin traitant de Mme M... X..., celle-ci a subi le 27 août 2010 une radio panoramique réalisée par M. K... I..., médecin-radiologue lequel a conclu : " présence d'un petit ostéome au niveau de l'angle mandibulaire (5mm), au niveau de la zone d'avulsion de 44, on note une opacité arciforme (résidu apical?)".

Selon le rapport d'expertise judiciaire de M. J... P... en date du 16 janvier 2012, Mme M... X... "décrit la persistance de la sensation de douleurs et d'engourdissement dans le secteur mentonnier droit, persistant jour et nuit. L'examen clinique montre une crête édentée en arrière de la dent no43. La gencive est correctement cicatrisée et ne présente pas de signe particulier en regard de la dent qui a été extraite".
Selon l'expert, l'examen radiologique réalisé le 30 août 2011 dans le cadre des opérations d'expertise, révèle un "alvéole parfaitement cicatrisé, une bonne reconstruction osseuse et (une) probable disparition de l'apex résiduel.
La radio postopératoire permet de confirmer la proximité entre l'extrémité de la racine et l'émergence du nerf mentionner, facteur anatomique déterminant, dans la survenue des lésions nerveuses. La description faite par la patiente et l'exploration clinique confirment l'existence d'un déficit sensitif dans le territoire du nerf mentonnier signalant l'existence d'une lésion physique de celui-ci.

Dans la mesure où rien n'indique - notamment dans la fiche clinique- l'existence préalable d'un tel déficit, on peut parler d'imputabilité directe et certaine.
Le code de déontologie médicale et le code de la santé publique rendent obligatoires l'assurance en responsabilité civile professionnelle des praticiens".

Aux termes de ses conclusions dans le cadre du complément d'expertise réalisé le 23 avril 2015, l'expert J... A... a conclu que :
-compte tenu du tableau clinique décrit et de l'image radiologique du 26 juillet (15 jours post-op) présentant la zone de l'extraction, la dent 44 n'était pas récupérable et devait être extraite (épaississement ligamentaire et zone laissant supposer une infection importante).
-une radio préopératoire dans la zone de 44 est indispensable pour bien visualiser son rapport anatomique avec le trou mentonnier et l'émergence nerveuse. Aucune radio préopératoire n'a été faite.
-une prise en charge médicamenteuse post opératoire aurait réduit la douleur. Le courrier adressé le 13 juillet 2010 par M. N... W... au docteur C..., anesthésiste pour une hospitalisation, montre un souci de diligence dans la prise en charge de la patiente par M. N... W.... L'ordonnance délivrée le 20 juillet 2020 constitue également une preuve de prise en charge de la douleur, à une semaine post-opératoire.
-le patient n'a pas reçu de consentement éclairé sur les risques opératoires possibles puisque Mme M... X... indique qu'elle n'a reçu aucune information sur ceux-ci et M. N... W... affirme qu'il "n'y avait aucun risque".
L'expert conclut que "l'atteinte du nerf mentonnier constitue LE RISQUE inhérent à une extraction dans cette zone. C'est pourquoi une radio préopératoire est nécessaire. Le curetage de la zone doit être réalisé avec une grande prudence afin de ne pas léser l'émergence nerveuse".

Il ressort des pièces du dossier qu'avant de procéder à l'extraction de la dent no44, M. N... W... n'a pas procédé à une radiographie de la cavité bucco-dentaire de Mme M... X... de sorte qu'en dépit de son édentement prononcé, il n'existe pas de cliché de la gencive de celle-ci avant l'avulsion.

Or, s'il est exact que les experts ont conclu à la nécessité de cette extraction d'une dent irrécupérable, à une cicatrisation correcte et à une bonne reconstruction osseuse, il est certain qu'une telle radio aurait permis ainsi que l'indique M. J... A... expert, de visualiser le rapport anatomique avec le trou mentonnier et l'émergence nerveuse.

Cela est confirmé par le rapport de M. J... P... expert également assermenté inscrit sur la liste de la cour d'appel de Basse-Terre, lequel a procédé dans le cadre de ses opérations d'expertise à une radio -ce qui ne peut valablement être contesté- et qui indique que celle-ci confirme la proximité entre l'extrémité de la racine, facteur anatomique déterminant et l'émergence du nerf mentonnier.

Aussi, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, au regard de la situation dans la bouche de cette dent douloureuse 44 et de la zone d'intervention, en ne réalisant pas une radiographie de la gencive de Mme M... X..., M. N... W... a commis une faute professionnelle. A ce sujet, M. J... A... répondant au dire formulé par docteur Q... Y... pour le compte de M. N... W..., précise qu'une radio rétroalvéolaire bien qu'insuffisante reste nécessaire et doit être complétée par une radio tridimensionnelle pour vérifier la proximité entre l'apex et l'émergence nerveuse.

Il apparaît également qu'en soutenant qu'il n'y avait aucun risque à cette intervention et en n'établissant pas avoir suffisamment informé Mme M... X... laquelle sans preuve contraire indique n'avoir reçu aucune information sur les risques encourus, M. N... W... a également manqué à son obligation professionnelle d'information préalable à tout acte opératoire, peu important que la patiente ait souhaité une extraction immédiate de la dent douloureuse et qu'elle souffre d'un édentement important.

Il est également contraire aux régles de la profession que M. N... W... ne justifie pas dans le cadre de son activité de stomatologue d'une assurance professionnelle.

Sans que M. N... W... ne rapporte la preuve de l'incompétence ou de l'impartialité de MM. P... et A..., lesquels n'ont pas fait l'objet d'une procédure appropriée de suspicion ou récusation pendant le déroulement de leurs opérations d'expertises menées contradictoirement, en respect de leurs missions respectives complémentaires et des dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile, ces rapports d'expertises judiciaires discutés devant la cour s'avèrent suffisamment argumentés, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale.

Il y a lieu de préciser que les rapports d'expertise ne sont qu'un élément d'appréciation dans la prise de décision d'une juridiction qui en apprécie librement la valeur et la portée sans avoir à les homologuer, ce que n'a d'ailleurs pas fait la juridiction de premier ressort dans le dispositif de sa décision.

Toutefois, en l'espèce, les rapports d'expertise précités ont démontré que l'extraction de la dent 44 de Mme M... X... était impérative et que la cicatrisation de l'alvéole était parfaite. Ceci est confirmé par l'appréciation de M.Z... F..., electroradiologiste, dans son compte-rendu radiologique du 13 avril 2011 précisant qu'au "niveau de la zone d'extraction de la 44, il n'est pas observé d'image de racine restante, ni de fragment dentaire restant".

Par ailleurs, il est constant et non contesté que Mme M... X... souffre d'un édentement très important antérieur à l'intervention (pour avoir 17 dents de moins sur 32) alors que le dommage allégué en lien avec celle-ci, qui a bien cicatrisé, consiste en des douleurs persistantes et d'engourdissement dans le secteur mentonnier droit.
A ce sujet, il est important de souligner l'état antérieur de la cavité bucco-dentaire de l'intéressée présentant notamment un édentement de tout le secteur postérieur (45 - 46 - 47- 48) lequel doit être pris en compte ainsi que le soutient M. Q... Y... stomatologiste par le biais du dire annexé au rapport de M. J... A..., une neuropathie sensitive trigéminale inhérente à une précédente avulsion dentaire ne pouvant être écartée.

De plus, il y a lieu de noter qu'en réponse à ce dire, l'expert J... A... indiquait que "l'absence de radio préopératoire pour l'extraction d'une dent potentiellement en rapport avec une émergence nerveuse constitue bien une négligence mais sans effet certain avec le préjudice allégué".

Par ailleurs, interprétant la radiographie du maxillaire inférieur droit de Mme M... X... faite le 27 août 2010 par M.K... I... lequel avait noté la présence d'un petit ostéome au niveau de l'angle mandibulaire, suivant certificat médical du 13 avril 2011, M. Z... F..., radiologue, précisait que "l'on observe au niveau de l'angle de la mandibule à droite, une petite zone d'ostéocondensation de forme arrondie, de contours réguliers, bien limités, homogène, d'environ 4 à 5 mm (dont) l'aspect est en faveur d'un petit ostéome qui déforme légèrement le bord supérieur du canal dentaire inférieur pouvant se comporter comme une épine irritative" de sorte qu'il ne peut être exclu que les douleurs décrites par Mme M... X... aient aussi leur origine dans cet ostéome.

Aussi, sans la preuve d'une imprécision d'un geste de chirurgie-dentaire de la part de M. N... W... lors de l'intervention critiquée, vu la bonne cicatrisation constatée à dire d'experts, vu également l'édentement antérieur important de la patiente et la présence de cet ostéome, la conclusion de l'expert P... selon laquelle, on peut parler d'imputabilité directe et certaine entre les douleurs décrites par Mme M... X... et le déficit sensitif dans le territoire du nerf mentonnier est contrariée et ne peut être retenue par la cour.

Ce faisant, en l'espèce, en dépit des fautes commises par M. N... W..., la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre celles-ci et le préjudice allégué par Mme M... X... n'est pas établi.

Dés lors, c'est à tort que le premier juge a déclaré M. N... W... contractuellement responsable, dans la pratique des soins dentaires opérés, des conséquences dommageables de ses actes envers sa patiente.

En conséquence, le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. N... W...

Au soutien de sa demande selon laquelle la procédure intentée par Mme M... X... à son encontre porterait atteinte à sa réputation, M. N... W... ne produit aucune pièce au dossier.

De plus, si la preuve d'un lien de causalité avec le préjudice subi n'a pas été rapportée, plusieurs fautes professionnelles ont été retenues à son endroit.

Aussi, la demande de dommages et intérêts présentée par M. N... W... injustifiée sera purement et simplement rejetée.

Sur les mesures accessoires

L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, il n'est pas inéquitable que chacune des parties supporte les frais engagés par elle pour la présente instance. La demande faite à ce titre par l'appelant sera donc rejetée.

Les dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertises, seront supportés par le trésor public, Mme M... X... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement déféré en date du 7 avril 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit qu'en l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le dommage, M. N... W... ne peut être tenu pour responsable du préjudice subi par Mme M... X... suite à l'extraction de sa dent no44 survenue le 13 juillet 2010 ;

Rejette les demandes en indemnisation présentées par Mme M... X... ;

Rejette les demandes de contre-expertise présentées par les parties ;

Déboute M. N... W... de sa demande à titre de dommages et intérêts ;

Rejette la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par le trésor public;

Et ont signé le présent arrêt.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 16/00697
Date de la décision : 26/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-26;16.00697 ?
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