COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 395 DU 26 OCTOBRE 2020
No RG 16/00252 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7A-CULE
Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande nstance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 19 novembre 2015, enregistrée sous le no 15/00364
APPELANTES :
Madame J... N... veuve W...
[...]
[...]
Représentée par Me Louis-raphaël MORTON de la SCP MORTON et ASSOCIES, (TOQUE 104) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
Mademoiselle B... F... W...
[...]
[...]
Représentée par Me Louis-raphaël MORTON de la SCP MORTON et ASSOCIES, (TOQUE 104) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉ :
Monsieur S... I...
[...] Madame L...
[...]
Représenté par Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL et BANGOU, (TOQUE 56) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 07septembre 2020.
Par avis du 07 septembre 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 26 octobre 2020.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 15 août 1986, H... D... W..., né à [...] ) le [...] a vendu à S... I..., né le [...] la nue propriété d'un terrain de 10.76 m sur 3.66 m et la maison y édifiée, le dit terrain faisant "partie d'un morceau plus grand (lui) appartenant qui figure sur le plan cadastral No...[...] ".
Par acte authentique en date du 5 juin 2009, H... D... W... a fait donation à sa fille B... F... W..., issue de son mariage avec J... N..., la nue propriété d'une parcelle de terre située sur la collectivité territoirale de Saint-Martin, et la maison y édifiée figurant au cadastre sous la relation suivante: section [...] lieudit Hameau du Pont d'une surface de 71 ares.
H... D... W... est décédé le 14 septembre 2011.
Suivant acte d'huissier en date du 25 février 2015, S... I... a assigné J... W... devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre, pour voir notamment :
- déclarer parfaite la vente entre H... D... W... et lui-même le 15 août 1986 d'une superficie de terrain de 39,38 m2 cadastrée [...] sise [...] , collectivité territoriale de Saint-Martin, sur laquelle est édifiée une maison d'habitation de trois pièces,
- dire J... W... sans droit ni titre sur la maison,
- ordonner son expulsion, et celle des occupants de son chef,
- la condamner à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle, après fixation de cette dernière à 800 euros, jusqu'à libération effective des lieux.
Par jugement en date du 19 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :
- jugé parfaite la vente de la parcelle de terre d'une superficie de 39,38 m2, [...] , sise [...] , sur laquelle est édifiée une maison d'habitation de 3 pièces, conclue entre H... D... W... et S... I..., le [...] ,
- constaté que J... W... n'a aucun droit ni titre sur la maison sise sur la parcelle de terre d'une superficie de 39,38 m2 cadastrée [...] ,
- dit que les occupants de son chef se trouvent par conséquent occupants sans droit ni titre depuis leur emménagement,
* en conséquence,
- ordonné l'expulsion des occupants de la maison litigieuse avec assistance de la force publique et d'un serrurier, s'il échet,
- autorisé S... I... à faire transporter si nécessaire l'ensemble des meubles, et objets mobiliers garnissant les dits locaux dans le garde meubles de leur choix, aux frais, risques et périls des actuels occupants ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,
- fixé à 800 € le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation à payer par les occupants ou à défaut par J... W..., jusqu'à libération effective des lieux, par la remise des clefs,
- rejeté la demande de S... I... tendant à condamner J... W... à lui rembourser l'intégralité des loyers indûment perçus sur le fondement de l'article 4 du code de procédure civile,
- condamné J... W... à payer à S... I... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le 24 février 2016, J... W... a interjeté appel de la décision.
Le 24 mai 2016, B... F... W... est intervenue volontairement à l'instance.
Par arrêt du 26 février 2018, la cour d'appel de céans, renvoyant l'affaire à la mise en état, a avant dire droit:
- ordonné la réouverture des débats,
- ordonné une mesure d'instruction,
- réservé la cause et les dépens.
L'expert a déposé son rapport au greffe de la cour le 7 octobre 2019.
L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 29 juin 2020, a fixé, en application de l'alinéa 3 de l'article 779 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 7 septembre 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 26 octobre 2020, pour son prononcé par mise à disposition au greffe.
PRETENTIONS ET MOYENS
- L'APPELANTE ET L'INTERVENANTE VOLONTAIRE:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 20 mai 2020 aux termes desquelles J... N... et B... F... W... demandent à la cour de :
- déclarer S... I... en ses demandes faute d'intérêt à agir contre les concluantes
- subsidiairement,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et débouter S... I... de toutes ses demandes fins et conclusions,
- dire que l'acte de vente dont se prévaut S... I... ne porte pas sur les parcelles appartenant aux concluantes, que ce soit à titre de nue propriétaire ou d'usufruitière ;
- dire qu'il n'a aucun droit sur la parcelle cadastrée [...] et la construction y édifiée pour 71 centiares ;
- lui faire injonction de cesser immédiatement toute mesure d'exécution à l'égard des concluantes ;
- le condamner à payer à chacune des concluantes la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamner S... I... à telle amende civile qu'il plaira ;
- condamner S... I... à payer aux concluantes
la somme globale de 3 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP MORTON et ASSOCIÉS conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
- L'INTIME:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 24 janvier 2020 par lesquelles S... I... sollicite de voir :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par J... W... du jugement rendu, le 19 novembre 2015, par le tribunal de grande instance de Basse-Terre,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, sauf en ce qu'il a débouté S... I... de sa demande tendant à 1'a1location de dommages et intérêts pour privation de la jouissance de son bien.
* statuant à nouveau,
- condamner J... W... à lui verser la somme de la somme de 10 000 €, à titre de dommages et intérêts pour avoir été privé de la jouissance de son bien,
- condamner solidairement J... W... et B... F... W... à lui payer la somme de 3 000 €, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL DURIMEL et BANGOU, conformément à l'article 699 du même code,
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande
Attendu qu'S... I..., qui exerce une action en revendication d'une parcelle, en se fondant sur un acte sous seing privé du 15 août 1986, par lequel H..., D... W... lui a vendu la nue propriété d'une parcelle de 366 mètres sur laquelle était édifiée une maison, détachée d'une parcelle plus grande figurant sur le plan cadastral B1.65 à SAINT-MARTIN, a intérêt à agir à l'encontre de Mme J... W... dont il soutient qu'elle loue la parcelle et la maison édifiée sur celle-ci à des tiers ;
Sur le fond
Attendu qu'en application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements;
Que s'appuyant sur un acte sous seing privé de vente du 15 août 1986, S... I... revendique la reconnaissance et la protection de ses droits de propriétaire sur la parcelle en litige; qu'il soutient que J... N..., qui a donné en location la construction, est sans droit ni titre sur la parcelle litigieuse ;
Que l'acte sous seing privé en date du 15 août 1986 signé par H... W..., R... A... épouse W... et S... I... , mentionne :
"Je soussigne W... H... D... ferrailleur en retraite demeurant à [...] par cette presente declare vendre a Monsieur I... S... U... demeurant à Ste M... un morceau de terrain de Dix mètres Soixante seize sur Trois mètres Soixante six y compris la maison qui s'y trouve construite.
La dite maison est construite en parpaings enduits et de tole galavanisée et ondulée mesurant Sept mètres Soizante seyze sur Trois mètres Soixante six le tout pour la somme 6000 Six mille FRANCS dont le paiement intégral est fait par l'acquéreur.
Le dit terrain fait partie d'un morceau plus grand qui m'appartient qui figure sur le plan cadastral [...] et borné comme suit: au Nord pour le reste du terrain du vendeur ; au Sud par les terres de Mlle O... P...; a l'Ouest par les terres de Mr W... Q... ; et a l'Est par les terres de Mr W... Ephise. Un chemin d'accès est pevu a Mr I... et se situe entre le reste des terres du vendeur et celles de Mr.W... Z... et mesure Trois metres de largeur
Il est convenu par l'Acquereur que le Vendeur gardera l'Usufruit et de la maison jusqu'à sa mort à quel temps l'Aquereur prendra complète possession du terrain et de la maison.
Fait à [...] le 15 Aout 1986" ;
Que quand bien même cette vente n'a pas été réitérée par acte notarié, elle n'en demeure pas moins parfaite entre les parties, en application de l'article 1583 du code civile, dès lors que la chose et le prix avaient été ainsi convenus, l'usufruit du bien ayant été joint à la nue propriété de S... I... au décès du vendeur le 14 septembre 2011 ;
Que les appelantes affirment que l'acte de vente du 15 août 1986 dont se prévaut S... I... ne porte pas sur les parcelles leur appartenant, que ce soit à titre de nue propriétaire ou d'usufruitière et qu'il n'a aucun droit sur la parcelle cadastrée [...] et la construction y édifiée pour 71 centiares ;
Que toutefois, contrairement à ce qu'elles soutiennent, les constats et analyses l'expert ne comportent aucune formulation dubitative, lorsqu'il conclut, dans le paragraphe identification de la parcelle de son rapport: "En confrontant les deux plans avec les repères géographiques donnés dans l'acte sous seing privé, une concordance peut être établie en la parcelle [...] et le bien vendu à Monsieur S... I... par Monsieur H... W..." ; que pour ce faire, l'expert avait préalablement reporté les numéros de lots sur le plan cadastral, notamment afin d'identifier celui de Mlle O... P... qui se révèle comme bornant le bien vendu en sa partie Sud dans la description de l'acte du 15 août 1986 ; que s'étant rapproché du cabinet de géomètre expert, lequel est à l'origine du relevé du terrain, ce cabinet lui a précisé, qu'il n'existait pas d'actes d'origine et seul le bâti avait été enregistré au moment de la configuration du cadastre dans les années 70 ce qui a compliqué l'identification des biens dans un quartier où les maisons sont très rapprochées et desservies par des couloirs", mais qui explique également les discordances de superficies; qu'en outre, sur le site, l'expert n'a pu visiter la maison, mais il a indiqué que les "côtes relevées par le cabinet Blondel en mars 2016 sont très proches de celles indiqués à l'acte pour la construction et la longueur totale du terrain, seule la profondeur diffère puisqu'y ont été incluses les deux dépendances ajoutées à l'Ouest"; qu'au demeurant la distribution en trois chambres, laquelle a été confirmée par les appelantes lors de la visite sur le site, "était bien présente en 1986", soit à la date de l'acte sous seing privé de vente à S... I... ; qu'enfin, si H... W... était également propriétaire dans le quartier d'Hameau du Pont d'autres constructions réalisées sur les parcelles [...] et [...] , leur description et côtes ne correspondent pas à l'acte de 1986 ; que dès lors, c'est sans qu'aucune ambiguïté n'entache leurs attestations, que quatre enfants H... W..., T... W... épouse E..., G... W..., Y... W... et X... W... épouse K... ont pu affirmer que leur père les avait informés de la vente d'un terrain et de la maison y édifiée à Hameau du Pont à leur frère - non reconnu - S... I..., ce qui corrobore encore l'identification de la parcelle en litige telle que résultant par ailleurs des constats et analyses de l'expert ;
Attendu que par voie de conséquence, c'est par une juste appréciation que le juge de premier ressort a déclaré parfaite la vente de cette parcelle, aujourd'hui cadastrée [...] et la maison y édifiée, et en a tiré toutes conséquences sur l'occupation sans droit ni titre de J... W... et des occupants de son chef, sur leur expulsion, le déménagement des objets meublants, la fixation de l'indemnité mensuelle d'occuaption à 800 euros ; qu'elle sera également confirmée quant au rejet de la demande de dommages et intérêts, ainsi que l'avait observé le premier juge, en l'absence d'éléments d'appréciation sur le quantum des loyers effectivement perçus ;
Sur les mesures accessoires
Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, J... N... et B... F... W..., qui succombent, seront in solidum condamnées aux dépens de l'instance d'appel ;
Que l'équité commande également de les condamner in solidum à payer à S... I... la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que par ailleurs, les dispositions de première instance sur ces points seront confirmées ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Déclare recevable l'action de S... I...,
Confirme le jugement déféré en date du 19 novembre 2015 en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
Condamne également en cause d'appel in solidum J... N... et B... F... W... à payer à S... I... une somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum J... N... et B... F... W... aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SELARL DURIMEL et BANGOU, société d'avocat du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy pour ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision;
Et ont signé le présent arrêt.
Le greffier Le président