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05/10/2020 | FRANCE | N°19/00854

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 05 octobre 2020, 19/00854


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRÊT No 350 DU 05 OCTOBRE 2020




R.G : No RG 19/00854 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7D-DDR3


Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 19 février 2019, enregistrée sous le no 18/00180


APPELANTE :


S.C.I. HELICONIA
[...]
[...]




INTERVENANTS VOLONTAIRES :


Mme V... Y... épouse T...
M. B... T...
demeurant tous deux [...]
[...]
[.

..]


Représentés par Me Edouard LANTHIEZ, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et ayant pour avocat plaidant Me Eva DUBOIS, au barreau de RENNES




INTI...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 350 DU 05 OCTOBRE 2020

R.G : No RG 19/00854 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7D-DDR3

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 19 février 2019, enregistrée sous le no 18/00180

APPELANTE :

S.C.I. HELICONIA
[...]
[...]

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Mme V... Y... épouse T...
M. B... T...
demeurant tous deux [...]
[...]
[...]

Représentés par Me Edouard LANTHIEZ, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et ayant pour avocat plaidant Me Eva DUBOIS, au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur S... J... E... D...
[...]
[...]

Madame M... N... C... épouse D...
[...]
[...]

Représentées tous deux par Me André LETIN, (TOQUE 60) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 septembre 2020, en audience publique, devant la cour composée en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile de Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre, magistrate chargée du rapport, en présence de Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les avocate ne s'y étant pas opposés. Elles en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré composé de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 05 octobre 2020.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de
l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique du 29 septembre 2017 reçu par Mme R... I..., notaire au sein la SCP G... et K... titulaire d'un office notarial à [...] (971), avec la participation de M. F... X... notaire associé à [...] (56190), M. S... D... et Mme M... C... épouse D... (M. et Mme D...) ont vendu à la SCI Heliconia, une propriété bâtie composée d'une villa comprenant 3 chambres, une salle de bains, une salle d'eau, une pièce sans fenêtre, un bureau avec évier, une cuisine aménagée et équipée, un cellier, un séjour, un salon-terrasse avec cinq volets roulants électriques, une piscine au chlore, une cuisine d'été ouverte en bois avec barbecue et four à pizza, deux bungalows en bois sans emprise béton dont l'un avec coin cuisine, garage ouvert pour deux voitures, un atelier, le tout entièrement clôturé, édifié sur un terrain figurant au cadastre [...] [...], pour une surface de 33 ares, 93 centiares, moyennant le prix de 604 500 euros comprenant la valeur des biens mobiliers à concurrence de 6 000 euros.

Se prévalant de nombreux désordres apparus après sa prise de possession des lieux intervenue le 26 mars 2018, la SCI Heliconia a, par assignation du 03 décembre 2018, saisi le juge des référés aux fins de désignation d'un expert immobilier et de paiement d'une indemnité de procédure.

Par ordonnance contradictoire rendue le 19 février 2019, la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre a dit n'y avoir lieu à référé, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l'instance à la charge de la SCI Heliconia.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 25 juin 2019, la SCI Heliconia a relevé appel de cette décision.

M. B... T... et Mme V... Y... épouse T... (M. et Mme T...) sont intervenus volontairement à l'instance d'appel par le biais du conseil de la SCI Heliconia.

M. et Mme D... ont constitué avocat le 18 juillet 2019.

Les parties ont conclu.

Cette affaire fixée initialement à l'audience du 02 mars 2020 a été renvoyée à l'audience de dépôt du 07 septembre 2020 en raison du mouvement national de grève des avocats. Les parties ayant déposé leurs dossiers, l'affaire a été clôturée et retenue à l'audience du 07 septembre 2020 puis mise en délibéré au 05 octobre 2020, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Les dernières conclusions, remises les 17 février 2020 par l'appelante, 04 février 2020 par l'intimée, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La SCI Heliconia demande à la cour, de :
-infirmer l'ordonnance de référé rendue le 19 février 2019 par Mme la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir, dit n'y avoir lieu à référé expertise dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*statuant à nouveau,
-vu les articles 905-2 alinéa 1, 910-1 et 954 du code de procédure civile, déclarer recevable l'appel formé le 25 juin 2019 par la SCI Heliconia, appelante et M. et Mme T..., intervenants volontaires,
-débouter M. et Mme D... de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
-vu les articles 145 du code de procédure civile, et 1137, 1604 et 1641 du code civil, nommer un expert avec mission de se rendre sur place, [...] » sise [...] après avoir convoqué les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, avis étant donné à leurs conseils éventuels, entendre les parties et tous sachants, se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estime utiles à l'accomplissement de sa mission (assignation, plans, devis, titres de propriété, déclarations de travaux, permis de construire et tout autre document relatif aux travaux réalisés dans l'immeuble en relation avec les vices ou défauts de conformité allégués dans l'assignation et les conclusions), faire toute constatation utile sur l'existence des vices ou non-conformités allégués par la demanderesse dans l'assignation et ses conclusions, décrire les travaux effectués depuis la construction de la villa Héliconia et dire s'ils ont été déclarés à l'administration et réalisés suivant les règles de l'art et conformément aux documents contractuels, distinguer les vices cachés des éventuelles non-conformités, établir la chronologie des ventes du bien immobilier (en précisant les dates de visites préalables et les intermédiaires éventuellement intervenus), examiner l'immeuble, rechercher la réalité des vices et/ou non conformités allégués par la partie adverse dans l'assignation et dans ses conclusions en produisant des photographies, en indiquer la nature, l'origine et l'importance, préciser notamment pour chaque vice s'il provient d'une usure normale de la chose, d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation du bien immobilier et en préciser, si possible, l'auteur, de travaux qui ont été effectués (non-conformité aux règles de l'art, aux normes ou autres),ou d'une autre cause, rechercher la date d'apparition objective du ou des vices, c'est-à-dire leur origine réelle (et non leur découverte), notamment par rapport à la date de conclusion du contrat de vente, préciser la date à laquelle l'acquéreur a eu connaissance de ces vices, indiquer si l'acquéreur pouvait déceler ces vices lors de la vente et s'il pouvait en apprécier la portée (en tenant compte de ses connaissances), fournir tous éléments concernant l'éventuelle connaissance du ou des vices lors de la vente par le vendeur, dire si les vices pouvaient ne pas être connus des vendeurs, indiquer si ces vices rendent l'immeuble impropre à son usage ou s'ils «diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus» (selon les termes de l'article 1641 du code civil) ; dans l'hypothèse où l'acquéreur entendrait demander une restitution d'une partie du prix de vente (et non la résolution totale de la vente ou encore l'allocation de dommages et intérêts), fournir au tribunal tous éléments d'appréciation de la diminution de la valeur de l'immeuble, vice par vice ; dans l'optique d'une éventuelle demande de dommages et intérêts, préciser dans une «note aux parties» intermédiaire les remèdes et les travaux nécessaires pour supprimer le ou les vices ; s'agissant des non-conformités, fournir au tribunal tous éléments permettant d'en apprécier l'importance au regard de l'usage attendu de l'immeuble et préciser, dans une «note aux parties» intermédiaire, les solutions et travaux nécessaires pour y remédier en faisant référence à des éléments concrets ; faire établir des devis afin d'évaluer les travaux vice par vice d'une part, non-conformité par non-conformité d'autre part, et leur durée; evaluer les moins-values résultant des vices et/ou des non-conformités non réparables ; évaluer les préjudices de toute nature résultant de ces vices et/ou non-conformités,
notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ; plus généralement, fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente sur le fond du litige de déterminer les responsabilités éventuelles encourues ; donner tous éléments permettant au tribunal d'établir les comptes entre les parties ; répondre aux dires des parties de manière complète, circonstanciée et -si nécessaire- documentée en rappelant de façon précise les normes ou documents contractuels non respectés et, en cas de désaccord sur leur existence ou leur contenu, en annexant à son rapport les extraits concernés de ces normes ou documents ; s'adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile; de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations permettant à la juridiction, le cas échéant saisie, d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis.
-dire et juger que l'avance des frais d'expertise sera à la charge de M. et Mme D..., de parfaite mauvaise foi,
-dire et juger qu'en cas de carence des parties à fournir tous moyens à l'expert d'accomplir sa mission, ce dernier informera le juge chargé du suivi du dossier, conformément aux dispositions de l'article 275 du code de procédure civile,
-condamner M. et Mme D... à payer à la SCI Heliconia la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens.

La SCI Heliconia et M. et Mme T... font état principalement de plusieurs désordres (fuites, fissures) et de non conformités (défauts dispositif d'assainissement ou installation électrique..) lesquels leur sont apparus après la prise de possession des lieux intervenue le 31 mars 2018. Ils précisent que M. et Mme D... les ont indemnisés à hauteur de la somme de 15 000 euros pour l'évacuation et le nettoyage de la villa et le raccordement de la salle de bain. Ils soutiennent disposer d'un motif légitime à obtenir une expertise "in futurum" puisque fondés à envisager une action sur le fondement de la garantie des vices cachés, du dol et/ou du défaut de délivrance des vendeurs, dont ils dénoncent la mauvaise foi.

M. et Mme D... demandent à la cour, de :
-rejeter l'ensemble des moyens, fins et conclusions des appelants et intervenants volontaires,
-vu les articles 954 et suivants du code de procédure civile, vu l'absence d'énoncé des chefs de l'ordonnance critiquée, vu l'absence de griefs ou de critique sérieuse à l'encontre de la motivation de l'ordonnance, dire irrecevable et en tout cas non soutenu l'appel,
-en tout état de cause, rejeter la demande d'expertise tant dans son principe que dans les missions sollicitées, ;
-dire qu'il n'y a lieu à référé,
-condamner la SCI Heliconia au paiement d'une somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'en tous les dépens.

M. et Mme D... contestent tous vices cachés, dol ou défaut de délivrance et objectent l'achat par la SCI Heliconia, de la villa postérieurement à plusieurs visites et séjours dans les lieux, donc en toute connaissance de cause, en l'état, et avec clause de non garantie. Ils arguent de leur bonne foi et insistent principalement sur les termes de l'acte contractuel régulièrement conclu, en présence du notaire de l'acquéreur et de l'absence de toute possibilité d'action en responsabilité civile ou pénale à leur encontre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure d'appel

En premier lieu, il convient de noter que la déclaration d'appel formalisée le 25 juin 2019 par la SCI Heliconia respecte les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile en ce qu'elle énonce les chefs de jugement expressément critiqués à savoir infirmer la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé expertise et à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En second lieu, si les premières conclusions de l'appelante en date du 02 juillet 2019 se contentaient de demander l'organisation d'une expertise, il apparaît que les conclusions prises par la SCI Heliconia le 14 août 2019 puis le 08 octobre 2019 soit dans le mois suivant l'avis de signifier à bref délai transmis par le greffe de la cour le 09 septembre 2019 en application des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile, tout comme les dernières en date du 17 février 2020 déterminent l'objet du litige. Contrairement à ce qui est soutenu, elles comportent un exposé des faits et de la procédure (cf pages 2 à 17 de celles-ci), l'énoncé des chefs de jugement critiqués (cf page 18), une discussion des prétentions et des moyens (cf pages 19 et s) ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions (cf page 40 et s), ce conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Dans tous les cas, il convient de souligner que quand bien même, il n'est pas conclu dans le dispositif des premières conclusions à l'infirmation totale ou partielle du jugement déféré, l'appel interjeté en date du 25 juin 2019, a été formé antérieurement à l'interprétation nouvelle des textes faite par la Cour de cassation dans son arrêt publié le 17 septembre 2020 (pourvoi1823.626) de sorte que l'application de cette interprétation à la présente instance aboutirait à priver l'appelante de son droit à un procès équitable.

Aussi, en l'état de la procédure, il y aura lieu de déclarer que le moyen exposé par M. et Mme D... tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé le 25 juin 2019 ou de son caractère non soutenu ne peut prospérer.

Sur la demande d'expertise

A l'énoncé de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Sur ce fondement, la mesure d'instruction sollicitée permet à celui qui la demande de réunir des éléments de fait pouvant servir de base à un procès susceptible d'opposer les parties, étant précisé que la preuve d'un motif légitime doit être établie c'est à dire que la mesure ne soit pas vouée à l'échec en raison d'un obstacle de fait ou de droit manifeste à son admission, le demandeur devant produire des éléments rendant crédibles ses allégations sans avoir à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque la mesure qu'il sollicite est justement destinée à les établir.

Toutefois, le juge saisi sur le fondement de l'article 145 n'a pas à caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction au regard du fondement juridique de l'action que le demandeur se propose d'introduire, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé. Il suffit de constater qu'un procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui.

La SCI Heliconia argue de nombreux désordres révélés après la vente (fuites toitures, fissures murs, piscine...) ou défauts de conformité (surface habitable par rapport au permis de construire, défaillances installation électrique, dispositif assainissement...), lesquels sont contestés par M. et Mme D... se remettant notamment aux termes clairs et exprès de l'acte notarié de vente conclu le 29 septembre 2017 précisant l'état du bien, connu des acheteurs, notamment l'absence de certificat de conformité de la villa dont le permis de construire a été délivré en 1994, la création en 2002-2003 d'une pièce supplémentaire de 13,5m² ne nécessitant pas de permis, l'ancienneté de l'installation électrique, la présence d'un système d'assainissement privé ou de détecteurs de fumée dans l'immeuble.

Si l'acte de vente établi le 29 septembre 2017 indique que "l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents ou cachés sauf (..) s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur" et contient plusieurs clauses relatives à la conformité des travaux, à l'état de l'installation électrique, au système d'assainissement ou autres détecteurs de fumées, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de procéder à la qualification d'un désordre en vice caché, de vérifier les conditions de l'existence d'un dol ou d'un défaut de délivrance de la chose mais uniquement de rechercher si l'action envisagée au fond n'est pas irrémédiablement compromise.

Or, en l'espèce, il ressort notamment des procès-verbaux de constats en date des 06 et 27 juin 2018 dressés par M. L... A... de l'étude P... huissier de justice, l'existence de fissures verticales -pour certaines traversantes- se prolongeant jusqu'au plafond visibles dans la chambre et à l'extérieur ainsi que dans les toilettes lesquelles auraient été masquées par de la peinture outre plusieurs traces d'infiltrations et auréoles visibles au plafond qui proviendraient du colmatage de la toiture.

Aussi, sauf à démontrer que l'action au fond serait irrémédiablement vouée à l'échec ce qu'échouent à faire devant la juridiction des référés M. et Mme D..., à tout le moins, les désordres ci-dessus décrits constituant des faits déterminés et pertinents, suffisent à caractériser un motif légitime au sens de l'article 145 précité.

Dés lors, il y a lieu de considérer que les contestations évoquées ne privent pas la SCI Heliconia de la possibilité de faire estimer par le biais d'une expertise judiciaire contradictoire les dommages invoqués, à charge pour elle d'en avancer les frais, une telle expertise apparaissant utile dans l'optique d'un éventuel procès avec le vendeur, ce sous réserve de l'appréciation ultérieure du litige lequel sera débattu devant les juges du fond.
Dés lors, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il est de juste appréciation de dire que l'appelante justifie d'un intérêt certain et légitime à voir ordonner la mesure d'instruction sollicitée.

En conséquence, infirmant la décision, il convient de faire droit à la demande et de désigner l'expert Q... W... avec la mission figurant au dispositif.

En vertu de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée sera confiée au juge chargé du contrôle de ces mesures au tribunal de grande instance de Basse-Terre.

Sur les mesures accessoires

Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve les frais irrépétibles engagés par elle pour la présente instance, tant devant le premier juge que devant la cour.
La décision querellée sera donc confirmée de ce chef et les demandes présentées à hauteur de cour au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Enfin, les dépens resteront à la charge de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Déclare recevable l'appel interjeté par la SCI Heliconia et de M. et Mme T..., intervenants volontaires;

Infirme l'ordonnance déférée uniquement en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé expertise ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Ordonne une expertise et commet pour y procéder Q... W..., expert judiciaire inscrit sur la liste de cour d'appel de Basse-Terre, demeurant [...]
Tel : [...] - [...] ;

Dit qu'après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles, convoqué utilement les parties, l'expert remplira, au contradictoire de celles-ci, la mission suivante :

-se rendre sur les lieux "[...] et les visiter,
-entendre les parties et tous sachants, se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estime utiles à l'accomplissement de sa mission,
-vérifier la réalité des vices et/ou désordres et/ou non conformités allégués par la SCI Heliconia dans ses ultimes conclusions,
-en cas de tels vices ou désordres, ou non conformités, en rechercher les causes, en indiquer la nature, l'origine et l'importance, préciser notamment pour chaque vice ou désordre ou défaut de conformité, s'il provient d'une usure normale de la chose, d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation du bien immobilier, de travaux qui ont été effectués (non-conformité aux règles de l'art ou autres),ou d'une autre cause, et en préciser, si possible, l'auteur,
-dire si ces désordres étaient ou non apparents à la date de conclusion du contrat de vente et/ou de la prise de possession,
-au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d'apparition,
-dire si ces défauts pouvaient ne pas être connus du vendeur,
-indiquer l'importance, la nature, le coût et la durée d'éventuels travaux de remise en état des lieux et s'il y a lieu le montant de la moins-value pouvant résulter de l'impossibilité éventuelle de reprendre tout ou partie des désordres,
-donner son avis, s'il y a lieu, sur les comptes à faire entre les parties,
-s'adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile, répondre aux dires des parties de manière complète, circonstanciée et si nécessaire documentée avant la remise de son rapport définitif,
-plus généralement, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente sur le fond du litige de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et les préjudices subis ;

Dit que l'expert déposera son rapport écrit au greffe du tribunal de grande instance de Basse-Terre dans le délai de cinq mois à compter de sa saisine, après avoir adressé un pré-rapport aux parties et répondu à leurs dires ;

Fixe à la somme de 1 600 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par la SCI Heliconia à la régie d'avances et de recettes du tribunal de grande instance de Basse-Terre (auquel il sera confié le suivi de cette mesure d'instruction) dans les deux mois de la présente décision ;

Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Dit que l'expertise sera réalisée, sauf refus exprès des parties, sous forme dématérialisée par utilisation de la plate-forme OPALEXE ;

Dit que le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée sera confiée au juge chargé du contrôle de ces mesures au tribunal de grande instance de Basse-Terre ;

Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SCI Heliconia aux entiers dépens de l'instance ;

Et ont signé le présent arrêt.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 19/00854
Date de la décision : 05/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-05;19.00854 ?
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