COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 217 DU 22 JUIN 2020
No RG 18/01086 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-C73S
Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal d'instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 29 juillet 2005, enregistrée sous le no 110500007
APPELANTE :
Madame V... K...
[...]
[...]
Représentée par Me Gladys SAINT-CLEMENT, (TOQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE :
SA INTRUM DEBT FINANCE AG
société anonyme représentée par INTRUM FRANCE
anciennement dénommée INTRUM JUSTITIA
sis [...] prise en la personne de son représentant légal sûment domicilié en cette qualité audit siège venant aux droits de la société COFINOGA
[...]
[...] )
Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, (TOQUE 114) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 27 avril 2020.
Par avis du 27 avril 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 22 juin 2020.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé en date du 20 janvier 1998, la société COFINOGA a octroyé aux époux E... W... et V... K... une ouverture de crédit par découvert en compte de 20 000 francs (3 053,43 euros), comportant un taux effectif global de 14,48 %.
Le 15 mars 2004, la société COFINOGA a notifié la déchéance du terme à E... W... et l'a mis en demeure de lui rembourser la somme de 18 551,63 euros outre pénalité et intérêts contractuels.
Suivant acte d'huissier en date du 16 décembre 2004, la société COFINOGA a assigné les époux V... K... et E... W... devant le tribunal d'instance de Basse-Terre, aux fins de les voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme 18 767,24 euros en principal, outre les intérêts au taux de 15,28% sur la somme de 18 551, 63 à compter du 13 avril 2004, et une somme indemnité de 600 euros en application du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire en date du 29 juillet 2005, le tribunal d'instance de Basse-Terre a :
- condamné les époux W... à payer à la société COFINOGA la somme de 18 767,24 euros en principal, outre les intérêts au taux de 15,28% sur la somme de 18 551, 63 à compter du 13 avril 2004, le tout en deniers ou quittances,
- rejeté la demande de délais de paiement des époux W...,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les époux W... au paiement des dépens.
Le [...], E... W... est décédé.
Le 11 juillet 2018, le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, saisi le 16 octobre 2017 par V... K..., au visa de l'article 540 du code de procédure civile, a déclaré son action recevable, l'a relevée de la forclusion résultant du délai d'appel, et l'a autorisé à interjeter appel du jugement RG no11-05-00007 rendu le 29 juillet 2005 par le tribunal d'instance de Basse-Terre entre la société COFINOGA d'une part et V... K... épouse W... et E... W... d'autre part, et réservé les dépens.
Le 8 août 2018, V... K... a interjeté appel de cette décision, intimant à ce titre la société INTRUM JUSTITA DEBT FINANCE AG.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société INTRUM JUSTITA DEBT FINANCE AG, intimée non constituée, ayant son siège social sur le territoire de la Confédération Hélvétique, laquelle a constitué avocat le 12 mars 2019.
Le 2 décembre 2019, les conseils des parties ont été avisés de ce qu'étaient envisagées la clôture de l'instruction de l'affaire le 8 avril 2020 et le dépôt de leurs dossiers le 20 avril 2020.
Le 16 mars 2020, M. le premier président de la cour d'appel de Basse Terre a ordonné la mise en œuvre du Plan de continuité de l'activité spécial covid-19 . Par ordonnance des 18 mars et 20 avril 2020, les effets de l'ordonnance de roulement annuelle prise le 16 décembre 2019 ont été suspendus, le contentieux civil, initialement fixé les 6 et 20 avril 2020 étant planifié sur une seule journée soit le 27 avril 2020.
Le 27 avril 2020, une ordonnance de clôture a été rendue et suite aux dépôts de leur dossier par les conseils des parties, l'affaire mise en délibéré jusqu'au 22 juin 2020, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.
PRETENTIONS ET MOYENS
- L'APPELANTE:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 septembre 2019 aux termes desquelles V... K... demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'en dire bien fondée,
- juger que l'assignation délivrée à la requête de COFINOGA à V... K... le 16 décembre 2004 en ce qu'elle lui a été délivrée en Guadeloupe à une adresse à laquelle elle n'a jamais résidé, est nulle et de nul effet, comme n'ayant pu saisir valablement le tribunal,
- infirmer en toutes ses dispositions, en ce qui la concerne, le jugement rendu par le tribunal d'instance le 29 juillet 2005 sous le numéro RG: 11-05-000007 entre elle-même, la société COFINOGA et E... W...,
* et statuant à nouveau,
- constater que l'offre de crédit régularisée le 23 janvier 1998 n'a pas été signée par elle, qu'en conséquence, elle n'a pas souscrit d'engagement à l'égard de la société COFINOGA,
- infirmer le jugement rendu le 29 juillet 2005 en ce qu'il a été rendu à son encontre,
- condamner la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE à lui verser la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE aux dépens de l'instance comprenant les frais de traduction des actes conformément aux dispositions de l'article 695 9o du code de procédure civile,
- condamner la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- L'INTIMEE:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 mars 2019 par lesquelles la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, venant aux droits de la société COFINOGA, sollicite de voir :
- dire V... K... irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel du jugement du tribunal d'instance de Basse-Terre du 29 juillet 2005,
- débouter V... K... de sa demande de nullité du jugement du tribunal d'instance de Basse-Terre (Rg no11-05-000007) du 29 juillet 2005,
- débouter V... K... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- dire la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, régulièrement aux droits de la société COFINOGA, recevable en son appel incident,
- ce faisant,
- condamner V... K... à lui payer la somme de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de Myriam WIN BOMPARD, avocat aux offres de droit,;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la procédure de première instance
Attendu que l'article 14 du code de procédure civile dispose que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ;
Qu'aux termes des articles 651, 654 et 655 du code de procédure civile, la signification qui sert à porter à la connaissance d'un intéressé un acte, doit être faite à personne et si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Que selon l'article689 du code de procédure civile, la signification est faite "au lieu où demeure le destinataire s'il s'agit d'une personne physique"; que ce lieu doit s'entendre comme celui de son domicile ou à défaut, de sa résidence ou de son domicile élu ;
Attendu qu'en l'espèce, la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG soutient que l'assignation du 16 décembre 2004 est régulière comme ayant été délivrée à l'adresse du domicile conjugal des époux W... K... , "[...] " ; qu'au demeurant, dans la signification du jugement du 29 juillet 2005 effectuée le 20 septembre 2005, l'huissier instrumentaire a indiqué qu'à l'adresse susdite, il n'avait pu rencontrer V... K... épouse W..., mais que "Les personnes interrogées" lui "ont indiqué que le destinataire de l'acte n'habite plus à [...], serait actuellement en Métropole" sans qu'il ait pu obtenir sa nouvelle adresse"; qu'il conclut que les diligences effectuées par l'huissier sont conformes aux dispositions de l'article 648 du code de procédure civile et qu'aucune nullité n'est encourue ;
Que V... K... soulève l'irrégularité de la saisine de la juridiction de premier ressort; que sur ce point, elle fait valoir que l'assignation du 16 décembre 2014 n'est pas produit aux débats, que contrairement à ce que soutient l'intimée, elle n'a jamais résidé en Guadeloupe mais résidait à [...], lieu au demeurant mentionné dans le contrat de crédit litigieux ; que n'ayant pu exercer ses droits en défense, l'assignation du 16 décembre 2014, qui est nulle et n'a pas valablement saisi le tribunal d'instance de Basse-Terre ;
Attendu qu'il sera observé en effet, la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, qui ne s'explique pas sur les raisons de cette défaillance, ne verse pas aux débats l'assignation en date du 16 décembre 2014 qu'elle aurait fait délivrer à V... K..., [...] dans le département de la Guadeloupe ; que la communication de la signification de l'acte de saisine est essentielle puisque cet acte conditionne l'efficacité même de l'acte d'engagement de la procédure devant le tribunal d'instance; qu'en effet, un tel acte ne peut avoir de valeur juridique que dans la mesure où son destinataire a pu en être informé et qu'il ait été à tout le moins recherché à sa dernière adresse connue; que faute d'une telle production, la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG ne permet pas à la cour saisie de l'appel, de vérifier non seulement la régularité formelle de l'appel en cause de V... K..., mais préalablement son existence même conformément à l'article 14 susvisé ;
Que de surcroît, il sera relevé qu'alors que le contrat d'ouverture de crédit en litige porte mention de l'adresse de V... K..., tout comme celle d'E... W..., au [...] , la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG ne communique aucun document selon lequel V... K... lui aurait notifié un changement d'adresse ; que celle-ci ne peut donc exciper de l'existence d'un "domicile conjugal" situé à [...] , sur la base des seules déclarations de personnes non identifiées reçues par l'huissier dans un acte postérieur au jugement, ce qui ne saurait combattre les divers documents, déclaration fiscale, attestations de personnes dénommées communiquées A PRECISER par l'appelante ;
Que dès lors, l'absence de démonstration par la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG de la saisine de la juridiction de premier ressort à l'égard de V... K... par un acte régulier à tout le moins à sa résidence rend nulle toute la procédure poursuivie devant le tribunal d'instance de Basse-Terre de son engagement et de tous les actes subséquents et sa nullité en sera prononcée en cause d'appel;
Sur les mesures accessoires
Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance ; que les frais de traductions des actes de procédure délivrées à l'étranger, lesquels étaient indispensables à la procédure, s'intègrent, par application de l'article 695-9o du code de procédure civile, de plein droit aux dépens, sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans le dispositif de la présente décision ;
Que l'équité commande de la condamner à payer à V... K... la somme de 2 000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Annule toute la procédure diligentée devant le tribunal d'instance de Basse-Terre à l'égard de V... K...,
Ajoutant,
Condamne la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG à verser à V... K... une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG aux dépens.
Et ont signé le présent arrêt.
Le greffier Le président