COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 205 DU 22 JUIN 2020
No RG 15/00759 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B67-CQ2H
Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 05 mars 2015, enregistrée sous le no 12/01418
APPELANTE :
S.A. LES ETABLISSEMENTS [...]
[...]
[...]
Représentée par Me Muriel RODES, (TOQUE 80-81) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉS :
Madame R... O...
[...]
[...]
Monsieur H... K...
[...]
[...]
Représentés tous deux par Me Félix COTELLON, (TOQUE 35) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Monsieur F... X... Q...
[...]
[...]
Monsieur RB... Y...
[...]
[...]
Monsieur T... L...
[...]
[...]
Monsieur E... V... C...
[...]
[...]
Représentés tous par Me Fabienne CONQUET-MERAULT, (TOQUE 42) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée à M. Eric RAVENET, substitut général, qui a fait connaître son avis.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 04 mai 2020.
Par avis du 04 mai 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 22 juin 2020.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte établi en l'étude de M.I... D..., notaire à Basse-Terre (Guadeloupe) le 16 octobre 1975, W... P... a vendu à la société ETABLISSEMENTS [...], représenté par son président directeur général M... U... diverses parcelles faisant partie du solde de l'habitation "[...]", commune de [...] (Guadeloupe).
Suivant acte reçu en l'étude de S... B..., notaire à [...] (Var), le 22 août 1985, Monsieur J... N... BD... UE... W... P... a légué à M.H... K... et à Mme R... O... une partie d'une parcelle cadastrée section [...] ainsi que les parcelles cadastrées section [...] et [...] lieudit [...] commune de [...] (Guadeloupe).
Le 2 septembre 1985, en la commune de Brignolles (Var) Monsieur J... N... BD... UE... W... P... est décédé.
Se prévalant de la vente à son profit par M. W... P... du domaine de [...] par acte notarié du 16 octobre 1975, la société [...] a, par actes des 8 janvier, 19 janvier et 8 février 1988, assigné les ayants droits du vendeur, les époux K... ainsi que Mme HW... représentant ses filles mineures, en revendication des parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...] , expulsion et démolition des constructions édifiées par eux sur ces parcelles.
Par arrêt du 17 janvier 2000, statuant sur l'appel formé à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre en date du 7 mai 1998, la cour d'appel de Basse-Terre a rejeté la demande en résolution de la vente consentie à la société [...] par acte authentique du 16 octobre 1975 et désigné un expert pour procéder à une analyse des titres de propriété.
Le 26 avril 2004, Mme K... a déposé une demande en inscription de faux incident en vue de faire déclarer comme faux l'acte de vente dressé le 16 août 1975 par M. D..., notaire.
Par arrêt du 12 avril 2010, la cour d'appel de Basse-Terre, statuant sur l'inscription de faux, a, aux termes de son dispositif:
- constaté que l'acte originaire régulièrement passé en la forme authentique, le 16 octobre 1975, portait, après déduction d'une réserve de 17 hectares et 67 centiares, sur la vente du solde de l'habitation [...] d'une superficie de 119 hectares environ, incluant une ancienne distillerie désaffectée ;- constaté que le notaire a, postérieurement à la vente, modifié le titre originaire en excluant de la vente la distillerie désaffectée et en fixant à 117 hectares la contenance de la propriété vendue et à 19 hectares 67 centiares celle de la réserve ;
- dit que les modifications apportées à l'acte de vente initial sont constitutives d'un faux matériel commis par le notaire ;
- dit n'y avoir lieu à publication de la présente décision indépendamment de la décision qui sera rendue sur le fond du litige portant sur la validité de la vente et l'action en revendication exercée par la société [...] ;
- renvoyé l'examen de l'affaire au fond ;
- invité les parties si elles l'estiment utile à la défense de leurs intérêts, à compléter leurs écritures ;
- sursis à statuer sur les autres demandes.
Par arrêt du 6 décembre 2010, la cour d'appel de Basse-Terre a :
- constaté que, par suite d'une erreur matérielle, l'arrêt du 12 avril 2010 mentionne à la septième ligne à compter du bas de la page 11 et dans le premier paragraphe du dispositif, que l'acte originaire du 16 octobre 1975 portait sur la vente d'un solde de l'habitation de "119 hectares environ" au lieu de " 109 hectares environ" et dans le deuxième paragraphe du dispositif que le notaire a fixé réduit à "117 hectares" au lieu de " 107 hectares" la contenance de la propriété vendue ;
- dit qu'aux emplacements de l'arrêt ci-dessus indiqués, il sera mentionné "109 hectares" au lieu de " 119 hectares" et " 107 hectares" au lieu de " 117 hectares" ;
- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre du 7 mai 1998;
* et statuant à nouveau et y ajoutant
- constaté que, par arrêt du 17 janvier 2000, la cour a déjà statué sur la demande de résolution de la vente du 16 octobre 1975 pour non-paiement du prix de vente ;
- déclaré, en conséquence, irrecevable la demande d'annulation de la vente du 16 octobre 1975 fondée sur le même moyen ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Les Etablissements [...] ;
- dit que les parcelles situées sur le territoire de la commune de [...] et cadastrées [...] , [...] et [...] n'étaient pas comprises dans la vente conclue par W... P... au profit de la société les Etablissements [...] le 16 octobre 2015
- rejeté, en conséquence, l'action en revendication exercée par la société Les Etablissements [...] ;
- constaté que la réserve de 19 hectares 67 centiares exclue de la vente ne pouvait pas être localisée à l'emplacement des lotissements [...] et [...] dont tous les lots avaient été vendus avant le 16 octobre 1975, ni détachée de la parcelle [...] non comprise dans la vente ;
- dit qu'à défaut d'élément permettant une localisation précise en un autre lieu, il n'y pas lieu d‘ordonner une expertise ; -constaté que les appelants et les intervenants volontaires n'ont saisi la cour d'aucune demande au fond visant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice ;
- rejeté la demande en paiement de dommages-Intérêts pour procédure abusive présentée par Mme O... ;
- débouté la société Les Etablissements [...] de ses demandes et Mme O..., M. K... et les intervenants volontaires de leurs plus amples demandes ;
- dit que le présent arrêt et l'arrêt du 12 avril 2010 devront être publiés à la requête de la partie la plus diligente à la conservation des hypothèques de Pointe à Pitre ;
- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes de la société Les Etablissements et condamné celle-ci à payer à Mme O... une indemnité de 25.000 euros et aux intervenants volontaires, M.UZ... L..., M. RI... L..., M.Y..., M.Q..., M.C..., Mme VB... et Mme XW..., une indemnité de 7 000 euros ;
- condamné les Etablissements [...] aux dépens.
Par un arrêt du 2 mai 2011, la cour d'appel a rectifié cet arrêt en précisant que la superficie de la réserve était de " 17 hectares et 67 centiares " et non de " 19 hectares et 67 centiares".
Les décisions du 6 décembre 2010 et du 2 mai 2011 ont fait l'objet d'un pourvoi en cassation qui a été rejeté par la Cour de Cassation par un arrêt du 20 novembre 2012.
Suivant acte reçu le 22 janvier 2016 par le notaire BU... SQ..., notaire à Mulhouse (Haut-Rhin), BU... J... E... U... en qualité de représentant de la société LES ETABLISSEMENTS [...] a fait établir un acte de prescription acquisitive sur les parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...] lieudit [...] commune de [...] (Guadeloupe). Trois témoins demeurant en Guadeloupe ont attesté que depuis l'acte d'acquisition du 16 octobre 1975, la société LES ETABLISSEMENTS [...] a possédé les parcelles originairement cadastrées section [...] , redivisée depuis, [...] et [...] depuis cette date et jusqu'à ce jour, possession ayant eu lieu à titre de propriétaire, d'une façon continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque.
Le 26 janvier 2017, la Cour de cassation a rejeté le nouveau pourvoi formé le 16 octobre 2014 par la société [...] contre les arrêts rendus les 12 avril 2010 et 6 décembre 2010, pourvoi fondé sur les dispositions de l'article 618 du code de procédure civile.
Par jugement du 2 février 2017, le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, frappé d'appel le 12 avril 2017 a :
- déclaré irrecevables les demandes de la société Les établissements [...] SA de déclarer faux l'acte notarié de vente du 6 juillet 1987 par lequel Mme R... O... et M. H... K... ont acquis de M. W... P... une parcelle cadastrée section [...] , lieudit « [...] » à [...] (971), de dire que le présent jugement sera publié aux hypothèques, d'ordonner en conséquence la mention du jugement à intervenir en marge de l'acte de vente du 6 juillet 1987 et de production de l'attestation du 22 août 1985,
- annulé l'acte de prescription acquisitive du 22 janvier 2016 dressé par Maître BU... SQ..., par lequel ce dernier énonce que la société Les établissements [...] SA doit être considérée comme propriétaire des parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...] au lieudit
«[...]» à [...] (971) ;
- condamné la société Les établissements [...] SA à verser à Mme R... O... et à M. H... K... la somme de 5 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les autres demandes des parties ;
- condamné la société Les établissements [...] SA aux dépens ;
- accordé à Maître Félix Cotellon le droit de recouvrer directement contre la société Les établissements [...] SA les dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
*****
Par acte enregistré au greffe au greffe du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre le 15 juin 2012, la société LES ETABLISSEMENTS [...] a procédé à une inscription de faux contre l'acte authentique du 22 août 1985.
Selon actes d'huissier en date des 2 et 12 juillet 2012, elle a assigné R... O... et H... K... devant le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- déclarer faux le testament authentique du 22 août 1985,
- les condamner solidairement à lui verser la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction dans les termes de l'article 699 de ce même code.
Par jugement contradictoire en date du 5 mars 2015, le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre a :
- déclaré irrecevable la demande d'inscription de faux concernant le testament du 22 août 1985 de W... P...,
- condamné la société LES ETABLISSEMENTS [...] SA à verser à R... O... et H... K... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes des parties,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société LES ETABLISSEMENTS [...] SA aux dépens,
- accordé à Maître COTELLON le droit de recouvrer directement contre la société LES ETABLISSEMENTS [...] SA les dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Le 20 mai 2015, la société LES ETABLISSEMENTS [...] SA a interjeté appel de cette décision.
Le 18 juin 2015, R... O... et H... K... ont constitué avocat.
Le 19 octobre 2015, F... X... Q..., RB... Y..., T... L... et E... V... C... sont intervenus volontairement à l'instance
Suivant ordonnance en date du 19 novembre 2015, le conseiller de la mise en état a :
- constaté l'absence de remise des conclusions de R... O... et H... K..., intimés, dans le délai de la loi,
- déclaré R... O... et H... K... irrecevables à conclure,
- dit que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance sur le fond.
Par ordonnance en date du 19 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a :
- constaté l'absence de remise des conclusions de R... O... et H... K..., intimés, dans le délai de la loi,
- déclaré irrecevables comme tardives les conclusions des 16 décembre 2015 et 31 mars 2016 de R... O... et H... K...,
- dit que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance sur le fond.
Dans son arrêt en date du 24 avril 2017, la cour de céans a :
- déclaré recevable le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état,
- confirmé l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société [...],
- condamné ensemble R... O... et H... K... à payer à la société [...] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné R... O... et H... K... aux dépens du déféré et dit que les dépens seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Muriel RODES.
Par ordonnance en date du 20 novembre 2017, le conseiller de la mise en état :
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir tirée par la société ETABLISSEMENT [...] de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire d'F... Q..., RB... Y..., T... L... et E... V... C... ,
et a :
- débouté F... Q..., RB... Y..., T... L... et E... V... C... de leur demande d'indemnité de procédure,
- dit que l'affaire sera plaidée à l'audience du 5 février 2018, l'ordonnance de clôture étant rendue le 22 janvier 2018,
- condamné la société ETABLISSEMENTS [...] au paiement des dépens de l'incident.
Selon arrêt du 16 avril 2018, la cour de céans a :
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture,
- renvoyé le dossier à la mise en état,
- ordonné sa transmission au ministère public.
- dit que les parties, hormis les consorts O... et K..., déclarés irrecevables à conclure, conservent la possibilité de conclure à nouveau notamment au vu des réquisitions du ministère public.
Le 20 avril 2018, le Ministère public a conclu à l'absence d'intérêt à agir de la société [...] en sa demande de nullité de l'acte authentique du 22 août 1985 par la voie de l'inscription de faux.
Dans son ordonnance en date du 23 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions incidentes prises par R... O... et H... K...,
- constaté que le conseiller de la mise en état s'est déjà déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir tirée par la société [...] de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des consorts Q... Y... L... C... et écarté cette demande,
- dit que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur la demande réitération de communication du dossier au ministère public,
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société LES ETABLISSEMENTS [...],
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulées par les consorts Q... Y... L... C... ,
- rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de l'incident seront à la charge de la société LES ETABLISSEMENTS [...].
L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 19 décembre 2019, a fixé l'audience de plaidoiries le 6 janvier 2020, date à laquelle en raison d'un mouvement national de grève des avocats, elle a fait l'objet d'un renvoi le 4 mai 2020, dans les termes de l'alinéa 3 de l'article 779 du code de procédure civile.
Le 4 mai 2020, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 22 juin 2020.
PRETENTIONS ET MOYENS
- L'APPELANTE:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 8 mars 2019 aux termes desquelles la société [...] demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- dire la société [...] recevable en son inscription de faux,
- dire en confirmation de ce qu'a énoncé le jugement du 5 mars 2015, que les décisions des 12 avril et 6 décembre 2010 ont été rendues indépendamment de toute considération relative au testament de Monsieur P... en date du 25 août 1985,
- juger l'ensemble des écritures déposées devant la cour par les intimés et par les intervenants volontaires irrecevables et juger en fonction des seuls moyens articulés par la société [...] au soutien de reconnaissance du faux qu'est le testament du 22 août 1985 conformément aux trois expertises graphologiques qui ont pu être produites devant la cour et sur la base des preuves objectives produites devant elle sur l'existence d'une usurpation d'identité de Monsieur P... pour signer un certain nombre de documents,
- dire Monsieur K... et Madame O... mal irrecevables et mal fondés à contester l'usucapion de la société [...] sur les parcelles [...] , [...], [...] et [...] alors que le titre dont ils se prévalent est un faux et que c'est uniquement ce faux qui leur donnait un droit d'agir,
- dire que les consorts O... K... qui n'ont pas conclu sur le faux en lui-même et sa réalité devant le premier juge sont irrecevables à le contester devant la cour qui n'est saisie que de leurs conclusions de première instance,
- dire en conséquence que compte tenu de l'irrecevabilité des consorts O... XV... K... à contester l'acte de notoriété prescriptive de la SA [...] et donc à contester la recevabilité de l'inscription de faux introduite par la SA [...] contre le faux testament, la cour devra faire droit à l'inscription de faux, quelque puisse être l'avis du parquet sur la recevabilité de la SA [...], question pour laquelle ce dernier n'a pas compétence,
- dire que la cour en regard des consorts O... K... restés parties à l'instance d'appel déclarera que le testament de Monsieur P... du 25 août 1985 dont se prévalent ces derniers est un faux et l'annulera,
- dire que les titres de propriétés des intervenants volontaires trouvent leur fondement ailleurs que dans le testament de Monsieur P... et que ces derniers ne peuvent nullement être affectés par l'annulation dudit testament pour faux, ayant leur origine dans un acte de vente du 6 juillet 1985 de Monsieur P... à Monsieur K... et à Madame O...,
- dire la présente intervention volontaire avoir pour origine une manoeuvre procédurale abusive et être constitutive d'un abus de droit d'ester en justice,
- dire les intervenants volontaires radicalement irrecevables à intervenir volontairement a une procédure pour laquelle ils ne peuvent invoquer ni qualité ni intérêt à agir,
- écarter l'ensemble de leurs écritures des débats et statuer indépendamment dos moyens que ces derniers ont pu articuler,
- donner acte à la SA [...] que par cette intervention volontaire, les intervenants volontaires se revendiquent comme ayant des droits émanant de ce testament dont ils font utilisation en justice comme moyen d'obtenir la reconnaissance de droit et commettent donc une tentative d'escroquerie an jugement et un usage de faux,
- dire que l'inscription de faux de la SA [...] est recevable et bien fondée,
- constater que le testament de Monsieur P... a été objectivement identifié comme un faux qui n'a pas été signé par Monsieur P...,
- dire que le testament notarié de Monsieur P... objet de l'inscription de faux est un faux,
- dire qu'il est nul et non avenu, l'annuler,
- dire en conséquence les consorts O... K... déchus de tout droit quant à l'héritage de Monsieur P...,
- dire que Madame O... et Monsieur K... comme tous leurs ayants cause n'ont pu agir au nom de l'héritage de Monsieur P... et que tous leurs actes ou actions de fait ou de droit sont nul et non avenus, n'ayant pu produire aucun effet de droit valide,
- condamner chacun des deux intimés faussaires ainsi que chacun des intervenants volontaires à payer à la société [...] les sommes suivantes:
. 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour fraude à ses droits,
. 100 000 euros à titre de préjudice moral,
- condamner solidairement Monsieur K..., Madame O... avec chacun des intervenants volontaires à payer à la société [...] les sommes de :
. 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le dommage matériel, économique et financier qui a résulté de l'utilisation de ce faux testament depuis 1985 pour contester la propriété de la société [...],
. 400 000 euros à titre d'indemnisation pour les frais et dépenses de justice qui ont été provoqués du fait de l'utilisation de ce faux par les défendeurs depuis 29 ans,
- condamner chacun des intervenants volontaires à payer à la société [...] :
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et procédure abusive,
. 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame O... et Monsieur K... respectivement chacun à la société [...] la somme d e15 000 euros au titre de l'article 700 pour la première instance et la somme de 25 000 euros chacun pour l'appel,
- condamner solidairement les intimés et les intervenants volontaires en tous les dépens dont distraction au profit de Maître RODES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- LES INTERVENANTS VOLONTAIRES:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 29 octobre 2018 par lesquelles Monsieur F... X... Q..., Monsieur RB... Y..., Monsieur T... L... et Monsieur E... V... C... sollicite de voir :
- dire recevable et bien fondée leur intervention volontaire principale,
¿ au principal sur l'appel principal,
* en la forme,
- déclarer irrecevable sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, la demande d'instruction de faux de la société [...],
- subsidiairement constater la prescription de l'action de la société [...] et la dire irrecevable pour défaut de publication au Bureau des hypothèques des assignations en date des 2 et 12 juillet 2012,
* au fond,
- prononcer la nullité d le'acte de prescription acquisitive des parcelles [...] , [...] et [...] établi le 12 janvier 2016 au profit de la société [...] par BU... SQ..., notaire à la résidence de [...], [...], publié et enregistré au bureau des hypothèques de Pointe à Pitre le 24 février 2016, D n o1278, volume : 2016 P no714,
- confirmer le jugement dont appel et dire:
. que l'arrêt du 6 décembre 2010 a déjà dit que les parcelles revendiquées ne sont pas comprises dans la vente consentie par W... P... le 16 octobre 1975 à la société [...],
. que les dites parcelles ne sont jamais rentrées dans son patrimoine,
. que la société [...] n'a pu les prescrire par acte du 22 janvier 2016,
. que ledit acte est nul et de nul effet et donc inopposable aux concluants,
. que la société [...] n'établit pas être une héritière ou un légataire universel du défunt,
. qu'elle n'a pas d'intérêt à demander la nullité du testament,
. qu'il résulte donc de ces énonciations que son action en inscription de faux est irrecevable, faute d'intérêt à agir,
. qu'elle est déboutée de tous les chefs de sa demande,
- ordonner la publication de la décision à intervenir,
¿ à titre très subsidiaire sur l'appel de la société [...]
- dire irrecevable et mal fondée l'action d'inscription de faux du testament ainsi que tous les autres chefs de la demande,
- confirmer le jugement dont appel,
- condamner la société [...] à payer à chacune des parties intervenantes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, au profit de Fabienne CONQUET, avocat, aux offres de droit,
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ;
Qu'en l'espèce, la société LES ETABLISSEMENTS [...] , qui dans ses motifs sollicite la cour de solliciter un nouvel avis du ministère public aux fins qu'il se prononce sur le faux que représente le testament et qu'il s'explique sur les motifs de son avis d'irrecevabilité de l' action d'inscription de faux, n'a pas repris sa demande de nouvelle saisine du ministère public dans le dispositif de ses écritures ;
Que dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point, étant précisé que le 20 avril 2018, le ministère public avait émis un avis d'irrecevabilité de l'action de la société [...] du fait de son absence d'intérêt à agir ;
Sur la recevabilité de la procédure
Attendu qu'à l'énoncé de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ;
Que par suite, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ;
Qu'en outre, l'intérêt à agir, qui doit être tant légitime que juridique ce qui s'oppose à un intérêt purement économique, doit être apprécié au moment de l'introduction de la demande en justice ; que cette règle conduit à refuser que l'intérêt puisse être remis en cause par l'effet de circonstances postérieures ;
Attendu qu'en l'espèce, la société LES ETABLISSEMENTS [...] soutient qu'elle a intérêt à agir dès lors que depuis la vente du 15 octobre 1975, elle a occupé les parcelles [...] , [...] , issues de la parcelle initialement [...] , et les parcelles [...] et [...] à titre de propriétaire de façon continue, permanente, publique, paisible et continue jusqu'en décembre 2010 ; qu'elle affirme que les consorts O... K... , n'ont pas hésité à établir le faux testament du 22 août 1985 aux termes duquel W... P... leur léguait ces mêmes parcelles dont il n'était plus propriétaire de ces parcelles ; qu'au regard de sa prescription acquisitive en cause reconnue dans l'acte du 22 janvier 2016, elle a intérêt à agir en inscription de faux de ce testament sur lequel les consorts O... K... appuie leurs droits;
Que sur ce point, il ressort en effet des termes du testament du 22 août 1985, que W... P... a légué à H... K... et à R... O... son épouse :
1) Une parcelle de terre d'une contenance de 37 hectares 92 ares 86 centiares, sise au lieudit ‘[...]' cadastrée section [...] de la Commune de [...] pour même contenance (déduction à effectuer de 4 ha vendus chez Me MY... Notaire à Pointe à Pitre (Guadeloupe), vente devant se concrétiser fin septembre 1985) au bénéfice de mon neveu H... K...,
2) Une parcelle de terre d'une contenace de de 14 a 15 ca section [...] , pour une même contenance,
3) une parcelle de terre d'une contenance de 21 ares 65 sis au même lieudit [...], Commune de [...], sous le [...] de la section [...] pour même contenance. (...);
Qu'ainsi, il ressort de ces éléments, l'objet du litige est bien la qualité de propriétaire sur ces parcelles, revendiquée une nouvelle fois par la société [...] dans une seconde instance au fond parallèlement suivie et mise à fin le 2 février 2017 devant le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, dont il a été également fait appel le 12 avril 2012, la procédure d'inscription de faux du testament ayant pour finalité de remettre en cause celle des intimés ;
Que toutefois, cette question a été tranchée par décisions des 12 avril 2010, 6 décembre 2010 et 2 mai 2011, dont les pourvois ont donné lieu à rejet par la Cour de cassation ;
Qu'après avoir antérieurement, dans sa décision du 12 avril 2010 constaté l'existence d'un faux commis par le notaire instrumentaire quant à la contenance des parcelles dans l'acte du 16 octobre 1975, la cour de céans a, dans sa motivation du 6 décembre 2010, également analysé que ce n'est qu'en tant que mandataire de W... P..., que M... U..., représentant de la société LES ETABLISSEMENTS [...] a accompli après le 16 octobre 1975 des actes d'administration et gestion concernant l'exécution de baux, le paiement d'impôts fonciers sur les parcelles [...] , [...] et [...] ce qui contredit ses assertions sur un quelconque droit de propriété à son profit sur ces parcelles lié à l'acte de cession du 16 octobre 1975 ;
Que la cour a, à la suite dans son dispositif, expressément statué en disant que les parcelles situées sur le territoire de la commune de [...] et cadastrées [...] , [...] et [...] n'étaient pas comprises dans la vente conclue par W... P... au profit de la société les Etablissements [...] le 16 octobre 2015, et en conséquence, a rejeté, en conséquence, l'action en revendication exercée par la société Les Etablissements [...] sur ces parcelles ;
Que, ainsi, contrairement à ce qu'affirme dans ses écritures la société LES ETABLISSEMENTS [...], l'arrêt du 6 décembre 2010 a, dans son dispositif, autorité de la chose jugée ; que de surcroît, les pourvois sur ces décisions ont donné lieu à rejet de cassation ; que la discussion de l'appelante sur le caractère invalide de la motivation de ces décisions est dès lors sans objet et ne saurait leur retirer leurs effets juridiques ;
Que dès lors, à la date de l'engagement de la procédure d'inscription de faux le 15 juin 2012, la société LES ETABLISSEMENT [...] ne détient ni droit ni titre de propriété sur les parcelles situées sur le territoire de la commune de [...] et cadastrées [...] , [...] et [...] ; que surabondamment, un acte de notoriété acquisitive ne constitue pas un titre recognitif de droits de propriété et ne peut servir éventuellement que comme élément d'appréciation des faits ; qu'en conclusion, alors que l'intérêt à agir doit être apprécié au moment de l'introduction de la demande en justice et doit être légitime, cette règle conduit à refuser que l'intérêt puisse être remis en cause par l'initiative prise par la société ETABLISSEMENTS [...] de réintroduire une instance en tentant, par la voie de l'inscription de faux, de se ménager de nouveaux moyens de preuve ;
Qu'en conséquence, c'est par une juste appréciation, que la juridiction de premier ressort a estimé que la société LES ETABLISSEMENTS [...], faute d'intérêt légitime à la date de l'engagement d'inscription de faux, était dépourvue d'intérêt à agir dans le cadre d'une procédure d'inscription de faux du testament de ce dernier en date du 22 août 1985 ; que pour ce même motif, les consorts F... X... Q..., RB... Y..., T... L... et E... V... C..., liés par la nature de la procédure d'inscription de faux et qui n'ont pas de surcroît, du fait de leur seule qualité d'intervenants volontaires qualité à former appel incident, n'étant ni intimés ni parties en première instance, ne démontrent pas plus d'intérêt à agir et seront déclarés irrecevables en leurs demandes ;
Sur les mesures accessoires
Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, la société LES ETABLISSEMENTS [...], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance ;
Que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre en date du 5 mars 2015 en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
Déclare irrecevables F... X... Q..., RB... Y..., T... L... et E... V... C... en leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société LES ETABLISSEMENTS [...] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Et ont signé le présent arrêt.
Le greffier Le président