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06/01/2020 | FRANCE | N°17/014221

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 01, 06 janvier 2020, 17/014221


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 03 DU 06 JANVIER 2020

No RG 17/01422 - VMG/.EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C4ES

Décision déférée à la Cour : jugement mixte, origine tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 08 septembre 2017, enregistrée sous le no 16/000998

APPELANTE :

SNC CAMPITELLO 803
[...]
[...]

Représentée par Me Gérard LISETTE, (TOQUE 59) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

SARL ROTISSEUR DES ILES
[...]
[...]
[...]


Représentée par Me Christophe SAMPER de la SCP CAMENEN - SAMPER - PANZANI, (TOQUE 09) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BAR...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 03 DU 06 JANVIER 2020

No RG 17/01422 - VMG/.EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C4ES

Décision déférée à la Cour : jugement mixte, origine tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 08 septembre 2017, enregistrée sous le no 16/000998

APPELANTE :

SNC CAMPITELLO 803
[...]
[...]

Représentée par Me Gérard LISETTE, (TOQUE 59) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

SARL ROTISSEUR DES ILES
[...]
[...]
[...]

Représentée par Me Christophe SAMPER de la SCP CAMENEN - SAMPER - PANZANI, (TOQUE 09) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 04 novembre 2019.

Par avis du 04 novembre 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 06 janvier 2020.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, la SNC Campitello 803 (la SNC), bailleur, a donné en location à la SARL Rôtisseur des îles (la société RDI), locataire, un laboratoire de charcuterie et ses accessoires.

Par jugement du 17 mai 2013, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a condamné la SNC à verser à la SARL ATCE, fournisseur du matériel, la somme de 32 805,18 euros. Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de cour d'appel de Basse-Terre du 15 juin 2015.

Par acte d'huissier de justice délivré le 28 avril 2016, la SNC a fait assigner la société RDI notamment en paiement de la somme de 32 805,18 euros, en paiement des intérêts dus sur cette somme à titre de dommages et intérêts et en restitution sous astreinte du matériel loué.

Par jugement contradictoire du 08 septembre 2017, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a :
-déclaré irrecevable la demande de la SNC tendant à la condamnation de la société RDI à lui payer la somme de 32 805,18 euros,
-déclaré recevable la demande de la SNC en condamnation de la société RDI à lui restituer le matériel loué sous astreinte,
-rejeté les demandes de la SNC,
-condamné la SNC à verser à la société RDI une indemnité de procédure de 1 700 euros ainsi qu'aux dépens,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-et rejeté les autres demandes des parties.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 24 octobre 2017, la SNC a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 26 novembre 2018 rendu au visa de l'article 16 du code de procédure civile, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats et réservé les demandes et débats.

Par ordonnance du 15 avril 2019, le conseiller de la mise en état a débouté la société RDI de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions en réponse remises par la SNC le 17 septembre 2018 et l'a condamnée au paiement des dépens de l'incident.

Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2019.

PRETENTIONS ET MOYENS

Les dernières conclusions, remises les 17 septembre 2018 par l'appelante, 17 décembre 2018 par l'intimé, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La SNC demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :
-infirmer le jugement déféré,
-condamner la société RDI à lui payer le montant TTC de 32 805,18 euros,
-condamner à titre de dommages et intérêts la société RDI à payer à la SNC les intérêts de droit ayant couru sur le montant de 32 805,18 euros à compter de l'assignation délivrée à celle-ci le 14 avril 2010 par la SARL ATCE ainsi que la somme de 1 500 euros mise à la charge de celle-ci au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner à la société RDI de remettre à la SNC l'intégralité du matériel loué au terme du contrat de location du 01 avril 2008 venu à échéance le 31 mars 2013 et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du rendu de la décision à intervenir,
-condamner la même au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
-assortir la décision de l'exécution provisoire.

La société RDI demande à la cour, au visa des articles 1134 du code civil et L.110-4 du code de commerce, de :
-confirmer le jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 08 septembre 2017 en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en paiement de la SNC à son encontre et irrecevable la demande de dommages et intérêts,
-infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de revendication du matériel par la SNC à l'encontre de la société RDI,
-statuant à nouveau, déclarer irrecevables les conclusions de la SNC sur l'appel incident, juger qu'il y a eu transfert de propriété dés la fin du contrat de location entre la SNC et la société RDI, en conséquence, juger que la demande de revendication de la SNC est mal fondée, débouter la SNC de sa demande,
-condamner la SNC à payer à la société RDI la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Il y a lieu de rappeler que les conclusions de la SNC en date du 17 septembre 2018 sont recevables, le conseiller de la mise en état ayant déjà tranché l'incident formé à ce sujet par la société RDI le 17 décembre 2018.

Sur la demande en paiement

L'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article L. 110-4 du code de commerce prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est admis que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, il est prévu par le contrat conclu le 01 avril 2018 entre les parties que la SNC réalise l'acquisition du matériel défini par le locataire et le met à la disposition de ce dernier pour une durée d'au moins 5 ans, le plan de financement de ce matériel dont le coût hors taxes est de 93 337,66 euros étant constitué à hauteur de 29 535,43 euros par les apports en fonds propres effectués par les associés du bailleur, à hauteur de 64 805,18 euros à concurrence des loyers mensuels hors taxes dus par le locataire et à hauteur de 1 euro symbolique correspondant au montant du dépôt de garantie constitué par le locataire.

Par assignation du 14 avril 2010, il est constant que la SNC a été attraite en justice à la demande de la SARL ATCE, fournisseur du matériel loué par la société RDI, en paiement de la somme principale de 32 805,18 euros, demeurée impayée par cette dernière. Il est donc établi qu'à compter de cette date, la SNC a eu connaissance de la défaillance de son locataire dans le règlement du loyer dont le paiement était contractuellement prévu par anticipation en une seule fois, d'ailleurs à son bénéfice, puis délégué au fournisseur selon l'intimée. Ainsi, par jugement du 17 mai 2013 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre confirmé par arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 15 juin 2015, la SNC a été condamnée à payer à la SARL ATCE cette somme de 32 805,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation outre celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aussi, c'est à tort que la SNC soutient que le droit au recouvrement appartenait uniquement à la SARL ATCE et que le point de départ de la prescription quinquennale à son endroit est la date du 01er avril 2013, échéance (à 60 mois) du contrat de location conclu le 01 avril 2008 puisque précisément contrairement à ce qu'elle fait valoir, elle a eu connaissance en sa qualité de bailleur, du paiement partiel par la société RDI de sa créance de loyers dés le 14 avril 2010.

Dés lors, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont considéré que l'action de la SNC était prescrite pour avoir été introduite postérieurement au 14 avril 2015 et par suite, irrecevable. En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en dommages et intérêts

A l'énoncé de l'article 1147 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 17 mai 2013 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 15 juin 2015 ayant condamné la SNC au versement de la somme de 32 805,18 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2010 outre une indemnité de procédure de 1500 euros, l'appelante réclame à titre de dommages et intérêts le paiement de ces intérêts et frais.

Outre le fait que l'action en paiement de cette somme principale a été jugée irrecevable pour être tardive, il est constant que la société RDI n'a pas été appelée dans l'instance précitée ayant abouti à la condamnation de la SNC à payer à la société ATCE les sommes et intérêts dont s'agit. Aussi, dans la présente instance, en l'absence de la preuve d'une inexécution lui incombant relativement au paiement des intérêts réclamés en guise de dommages et intérêts, ceux-ci, pas plus que l'indemnité de procédure fixée par les juges, ne sauraient être mises à la charge de la société RDI.

En conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.

Sur la demande en restitution du matériel

L'article 1134 précité du code civil fait du contrat la loi des parties et aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La juridiction de premier ressort a déclaré cette demande en restitution du matériel recevable mais injustifiée et l'a rejetée au motif que la SNC n'a pas produit la facture Proforma 5119 du 12 novembre 2007 mentionnée à l'annexe 1 du contrat de location du 01 avril 2008.

Le contrat signé le 01 avril 2018 entre la SNC et la société RDI prévoit :
-page 2 que la SNC réalise l'acquisition du matériel défini par le locataire et le met concomitamment à la disposition du locataire dans le cadre du présent contrat de location pour une durée d'au moins cinq années,
-au terme de ladite location, le locataire procède au rachat du matériel et qu'à ce titre, le locataire a consenti une promesse d'achat (ci après "la promesse d'achat") conclue ce jour entre les parties,
-page 8 - article 19.1 que le matériel restera la propriété exclusive du bailleur pendant toute la durée du présent contrat,
-page 9 - article 21 que toute restitution du matériel (...) au terme du présent contrat, le sera par le locataire à ses frais et moyens.

Si aucune des parties n'a produit la promesse d'achat précitée, la société RDI ne peut valablement soutenir que le seul terme du contrat au 01er avril 2013 entraîne transfert de propriété à son bénéfice puisqu'il n'est pas établi que la SNC ait levé l'option de vente de sorte que le matériel donné en location est demeuré propriété de l'appelante.

Pour s'opposer à la restitution réclamée, la société RDI ne peut davantage arguer d'un manquement à l'obligation de délivrance de la SNC alors que le contrat de location du 01er avril 2008 exclut toute responsabilité du bailleur quant aux caractéristiques du matériel, sa non conformité ou son fonctionnement éventuellement défectueux (article 11) ou de ce que les 3/4 de ce matériel a été payé, la première obligation du locataire étant de régler ses loyers. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, aux termes du contrat liant les parties, l'euro symbolique prévu n'est pas le prix de vente mais le montant du dépôt de garantie constitué par le locataire.

Il est exact que si le procès-verbal de livraison, de réception et de prise en charge signé le 10 juillet 2008 par l'ensemble des parties désigne l'objet du contrat de location commé "1 laboratoire de charcuterie et ses accessoires conformément à la proforma 5119 de ATCE du 12 novembre 2007", cette dernière n'étant pas davantage produite à hauteur de cour, il est versé aux débats la facture émise le 25 juin 2008 par la SARL ATCE au nom de la SNC mentionnant le nom du locataire EURL [...] (bénéficiaire la RDI) et les bons de livraison du matériel pour une facture totale de 94 340,61 euros de sorte que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, la liste du matériel à restituer est justifiée, la preuve pouvant se faire par tous moyens.

Aussi, il sera fait droit à la demande en restitution du matériel présentée par la SNC, encore propriétaire de ce dernier, ce sous astreinte si nécessaire de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution, selon modalités précisées au présent dispositif.

Dés lors, le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

Sur l'exécution provisoire

La cour statuant en dernier ressort et la présente décision ayant force exécutoire, cette demande tendnat au prononcé de l'exécution provisoire du présent arrêt, est sans objet.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Vu les circonstances de la cause, il n'est pas inéquitable que chacune des parties supporte les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour. Aussi, les demandes présentées, en cause d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société RDI restera tenue aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement querellé sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la SNC Campitello 803 en condamnation de la SARL Rôtisserie des îles à lui restituer le matériel loué ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Ordonne la restitution par la SARL Rôtisserie des îles à la SNC Campitello 803 de l'intégralité du matériel loué au terme du contrat de location du 01 avril 2008 tel que décrit dans la facture du 25 juin 2008 au nom de la SNC Campitello 803 émanant de la SARL ATCE ;

Dit qu'à défaut d'exécution passé un délai de 2 mois après la signification du présent arrêt, cette restitution sera ordonnée sous astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant une période de 2 mois ;

Rejette les demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SNC Campitello 803 aux entiers dépens d'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Et ont signé le présent arrêt.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 17/014221
Date de la décision : 06/01/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2020-01-06;17.014221 ?
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