COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 908 DU 23 DECEMBRE 2019
No RG 19/00312 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7D-DCE5
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé, du président du origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 26 février 2019, enregistrée sous le no 19/00045
APPELANTS :
Monsieur L... W...
[...]
[...]
Monsieur G... OB... E... W...
[...]
[...]
Madame GP... D... W...
[...]
[...]
Madame Y... W...
[...]
[...]
Monsieur LJ... S... VH... W...
[...]
[...]
Monsieur J... KO... W...
[...]
[...]
Madame O... W... épouse Q...
[...]
[...]
Madame V... W... épouse B...
[...]
[...]
Représentés tous par Me Robert VALERIUS de la SCP CHEVRY-VALERIUS, (TOQUE 97) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉ :
Monsieur SK... C...
[...]
[...]
Représenté par Me Olivier PAYEN de la SCP PAYEN - PRADINES, (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 21 octobre 2019.
Par avis du 21 octobre 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 23 décembre 2019.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, présidente empêchée et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Prétendant que M. SK... C... occupe sans droit ni titre, la construction édifiée sur la parcelle [...] sise [...] dont ils sont propriétaires indivis, MM. L..., G..., LJ... VH..., J... W... et Mmes GP... D..., Y..., O... et V... W... (les Consorts W...), ont par acte d'huissier de justice délivré le 31 décembre 2018 saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre aux fins notamment de voir ordonner l'expulsion sous astreinte de celui-ci, fixer à leur profit le paiement d'une provision et le condamner au règlement d'une indemnité de procédure.
Par ordonnance rendue le 26 février 2019, la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre a, dit n'y avoir lieu à référé, condamné solidairement les Consorts W... à payer à M. C... les sommes de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'abus du droit d'ester en justice et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 13 mars 2019, les Consorts W... ont relevé appel de cette décision.
Par avis donné le 02 avril 2019 rappelant les délais de la loi, le greffe a informé les appelants de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 21 octobre 2019.
M. C... a constitué avocat le 9 avril 2019.
Les parties ont conclu. L'affaire a été retenue à l'audience du 21 octobre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les dernières conclusions, remises les 18 octobre 2019 par les appelants, 17 octobre 2019 par l'intimé, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
Les Consorts W... demandent à la cour, de :
-les recevoir et les déclarer bien fondés en leur appel,
-infirmer l'ordonnance de référé rendue le 26 février 2019,
-prononcer l'expulsion sans droit ni titre ni qualité de l'intimé sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
-fixer une indemnité provisionnelle à leur verser de 5 000 euros,
-condamner M. C... à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Ils soutiennent principalement qu'en leur qualité d'ayants droit de E... et P... W..., ils sont, en vertu d'un acte de partage notarié établi les 13 juillet, 03 août 1994 et 6 février 1995, propriétaires de la parcelle cadastrée [...] sise [...] et ont qualité pour agir. Ils exposent que M. C... occupe, sans droit, ni titre, le hangar qui y est édifié en y entreposant des matériaux de plomberie et autres et que contrairement à ce qui est soutenu de mauvaise foi, ils ne revendiquent pas des droits sur la parcelle [...] , vide de toute construction et propriété de la commune de [...], ainsi que le confirme le maire de cette dernière. Ils ajoutent que par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Basse-Terre du 9 mars 2009, ils avaient déjà obtenu l'expulsion de ce même hangar de M. F... et de la société Alutec avec lesquels M. VH... W... avait signé un bail à usage professionnel, le procès-verbal de bornage dressé le 19 avril 2000 n'étant pas contraire à leur argumentaire et Mme A... W..., compagne de M. C... n'ayant pas hérité de cette parcelle [...].
M. C... demande à la cour, de :
-dire et juger que les Consorts W... ne sont pas propriétaires de la parcelle [...] sur laquelle est édifié un hangar occupé par M. C...,
-dire et juger que la parcelle [...] est la propriété de la commune de [...],
-dire et juger que les Consorts W... n'ont pas qualité à agir à l'effet de solliciter l'expulsion sous astreinte de M. C... et le règlement d'une indemnité provisionnelle,
-en conséquence, les déclarer irrecevables en leurs demandes,
-débouter les Consorts W... de toutes leurs demandes,
-confirmer l'ordonnance de référé rendue le 26 février 2019 en toutes ses dispositions -et y ajoutant, condamner solidairement les Consorts W... à payer à M. C... la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Il soutient principalement que les Consorts W... n'ont pas qualité pour agir car ils sont certes propriétaires de la parcelle cadastrée [...] d'une superficie de 967 m² mais pas de celle cadastrée [...] sur laquelle se trouve le hangar dont il a l'usage. Il rappelle que les limites entre ces parcelles ont été définitivement fixées selon procès-verbal de bornage amiable du 19 avril 2000 établi par M. U... GU..., géomètre, lequel a la force obligatoire d'un acte contractuel de sorte que les Consorts W... ne peuvent soutenir que leur acte de partage fait état d'une superficie supérieure.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action
A l'énoncé de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Sur ce fondement, il est de jurisprudence assurée que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès.
En l'espèce, les Consorts W... établissent par le biais d'un acte de partage établi les 13 juillet et 03 août 1994 et 06 février 1995 par M. N... PR..., notaire à Basse-Terre et publié à la la conservation des hypothèques de Basse-Terre, être propriétaires indivis de plusieurs parcelles de terre dont le terrain cadastré section [...] [...] pour une superficie de 13a 29ca et les constructions y édifiées.
Si M. C... argue de ce que le hangar qu'il occupe se situe sur la parcelle contigue cadastré [...] , propriété de la commune de [...], les Consorts W... prétendent que ce hangar se situe précisément sur la parcelle [...] dont ils sont propriétaires. Aussi, l'objet du litige est non pas la qualité de propriétaire de ces parcelles mais leur contenance et la situation de ce hangar de sorte que les appelants justifient de leur intérêt à agir, distinct du bien fondé de l'action.
Dés lors, la fin de non recevoir soulevée sera rejetée et les Consorts W... seront déclarés recevables en leur demande.
Sur le bien fondé de l'appel
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
En application de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté à la date à laquelle la cour statue, l'imminence d'un dommage ou la méconnaissance d'un droit dont la survenance et la réalité sont certaines.
Les pièces produites dans le cadre de cette procédure de référé ne permettent pas de démontrer une violation évidente de la règle de droit puisque si les Consorts W... établissent être propriétaires de la parcelle cadastrée [...] d'une superficie de 13a 29ca selon l'acte de partage précité, M. C... verse aux débats un acte notarié dressé le 20 mars 1959 par M. BN... YT..., notaire à Basse-Terre aux termes duquel E... et P... W... ont acquis des mains de la commune de [...] un terrain, sis [...] , en forme de parallélogramme, d'une superficie de 967 m², sur lequel existe une grande construction, dont plan d'arpentage dressé par M. VP... le 03 septembre 1954 outre un procès-verbal de bornage et de délimitation établi contradictoirement le 19 avril 2000 par M. U... GU..., géomètre-expert, indiquant que "la propriété E... W... est donc maintenant délimitée par quatre segments de droite, le côté AB au nord-ouest bornant la parcelle [...] sur une longueur de 40 mètres, le côté BC au nord-est bornant la parcelle [...] , d'une longueur de 24 mètres, le côté CE au sud-est, bornant les parcelles [...] et [...] d'une longueur de 40 mètres et le côté EA du sud-ouest le long de la RN d'une longueur de 25 mètres".
Les termes des procès-verbaux de constats dressés les 08 février 2019 par M. RI... AL... huissier de justice à Basse-Terre à la demande des Consorts W... et 25 janvier 2019 par Mme AO... LI..., clerc habilité aux constats à l'office de XK... et FD... RK..., huissiers de justice à Basse-Terre à la demande de M. C..., se basant sur les pièces susvisées ne permettent pas davantage au juge des référés de déterminer la contenance des parcelles litigieuses, les termes de l'arrêt du 09 mars 2009 rendu par la cour d'appel de Basse-Terre entre M. VH... W..., M F..., la Sarl Alutec et la commune de [...] ne portant aucune mention de la numérotation des parcelles en cause, n'étant pas plus utile à la solution du présent litige.
Par ailleurs, la réponse faite le 16 mai 2018 par M. C... à Mme AS... HN... huissier de justice l'interpellant, à savoir "les Consorts W... bis représentés par Mme A... W... m'ont autorisé à entreposer du matériel de plomberie dans un local situé sur un terrain cadastré [...] " est ambigue puisqu'elle laisse croire que les appelants seraient propriétaires de cette dernière parcelle, qu'ils ne revendiquent pas.
Aussi, dans tous les cas, s'il n'appartient pas au juge des référés de déterminer la propriété ou la contenance des parcelles litigieuses, vu les pièces du dossier, il y a lieu de considérer que les Consorts W... ne rapportent pas la preuve d'une voie de fait ou d'un quelconque trouble manifestement illicite commis par M. C... à l'encontre de leurs droits.
En conséquence, c'est à raison que le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre, a dit n'y avoir lieu à référé. La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts
S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, iI y a lieu de rappeler que l'exercice d'une action en justice constitue un droit fondamental qui ne peut engager la responsabilité de celui qui l'intente qu'en cas d'abus caractérisé et l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.
En l'espèce, les éléments de la cause ne suffisent pas à caractériser la mauvaise foi ou une faute commise par les appelants ayant dégénéré en abus de droit devant le premier juge ou devant la cour. Dés lors, l'ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.
Sur les autres demandes
L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit, en cause d'appel, aux demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. Ces demandes seront donc rejetées.
Succombant, les Consorts W... seront condamnés au paiement des entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe ;
Rejette la fin de non recevoir soulevée par M. SK... C... et déclare MM. L... W..., G... W..., LJ... VH... W..., J... W... et Mmes GP... D... W..., Y... W..., O... W... et V... W... recevables en leur demande ;
Confirme l'ordonnance rendue le 26 février 2019 par la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre sauf en ce qu'elle a condamné solidairement les Consorts W... à payer à M. SK... C... la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'abus du droit d'ester en justice ;
Statuant du chef infirmé et y ajoutant ;
Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne in solidum MM. L... W..., G... W..., LJ... VH... W... , J... W... et Mmes GP... D... W..., Y... W... , O... W... et V... W... au paiement des entiers dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Et ont signé le présent arrêt.
La Greffière La Présidente