COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 907 DU 23 DECEMBRE 2019
No RG 19/00286 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7D-DCC2
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 12 février 2019, enregistrée sous le no 18/00185
APPELANT :
Monsieur W... H... K...
[...]
[...]
Représenté par Me Dominique DEPORCQ, (TOQUE 63) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉES :
L'ASSOCIATION PIGEON D'ARGENT
réprésentée par son Président en exercice Monsieur S... P... demeurant à [...]
[...]
[...]
Représentée par Me Florence BARRE AUJOULAT, (TOQUE 01) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
La COMMUNE DE SAINT-CLAUDE
représentée par son Maire en exercice
[...]
[...]
Représentée par Me Olivier PAYEN de la SCP PAYEN - PRADINES, (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 21 octobre 2019.
Par avis du 21 octobre 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 23 décembre 2019.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte authentique établi le 19 novembre 1973 par Me G... Y..., notaire à [...], Monsieur O... C... X... R... a vendu à W... H... Q... K... et à son épouse U... M... T... L... un terrain d'une superficie de 77 ares situé [...] ), cadastré section [...], lequel est actuellement cadastré section [...] . Dans cet acte, était portée la mention suivante: "Monsieur et Madame W... K..., acquéreurs ainsi que leurs ayants droit ou ayants cause, auront le droit d'utiliser une voie de pénétration qui doit être établie à travers le surplus de la propriété du vendeur située à la limite SUD-EST de la parcelle objet des présentes, et ce à titre de servitude active de passage."
Par acte authentique établi les [...] par Me A... I..., notaire à [...], Monsieur O... C... X... R... a vendu à la commune de Saint-Claude un terrain d'une superficie de 2 hectares, 93 ares 74 centiares cadastré [...] [...] (actuellement cadastré [...] ).
A la suite de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint Claude en date du 27 juin 1980, la commune de Saint-Claude a donné à compter du 1er janvier 1981 en gérance "la section B et la partie de la section A qu'elle occupe actuellement sis à [...] et cadastre section [...] ".
*****
Suivant actes d'huissier en date des 10 et 12 décembre 2018, Monsieur W... K... a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre aux fins d'organiser une mesure d'instruction, l'expert recevant mission de constater qu'il n'a pas accès à la parcelle dont il est propriétaire, constater l'état d'enclave de la dite parcelle, de s'adjoindre tout géomètre expert compétent avec pour mission de constater l'emprise irrégulière faite par la commune de Saint-Claude et l'association Pigeon d'argent, de donner son avis sur les éventuelles fautes commises par la commune s'agissant des mesures qu'il convenait de prendre pour éviter l'atteinte à son droit de propriété, donner son avis sur les éventuelles responsabilités qui en découlent et chiffrer les divers préjudices qu'il subit.
Par ordonnance en date du 12 février 2019, le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre a:
- dit n'y avoir lieu à référé,
- débouté l'association Pigeon d'Argent de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné W... H... K... à payer à la commune de Saint-Claude la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné W... H... K... à payer à l'association Pigeon d'Argent la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné W... H... K... aux dépens de la présente procédure,
Le 8 mars 2019, W... K... a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 2 avril 2019, rappelant les délais de la loi, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 21 octobre 2019.
Successivement les 9 et 10 avril 2019, l'association Pigeon d'Argent et la commune de Saint-Claude ont constitué avocat.
Conformément aux modalités prévues aux articles 760 à 762 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 905 du code de procédure civile, la clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 21 octobre 2019, l'audience ayant été tenue le jour même, l'affaire ayant été ensuite mise en délibéré jusqu' au 23 décembre 2019, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
- L'APPELANTE:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 20 juin 2019 par W... H... K..., au visa des articles 145, 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de voir:
- juger recevables et bien fondées ses demandes,
- infirmer l'ordonnance de référé en date du 12 février 2019,
- ordonner une mesure d'expertise, suivant mission de l'expert identique à celle sollicitée en premier ressort,
- condamner la commune de Saint- Claude et l'association Pigeon d'Argent à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- LES INTIMEES:
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 13 mai 2019 par l'association Pigeon d'Argent en:
- constat de ce que W... K... a saisi le juge du fond par assignation qui lui a été délivrée le 18 janvier 2019,
-constat qu'il est irrecevable et mal fondé en sa demande d'expertise et en son appel,
- rejet de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance de référé rendue e 12 février 2019 par le tribunal de grande instance de Basse-Terre,
* y ajoutant,
- paiement à titre reconventionnel à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel,
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 4 juillet 2019 par la Commune de Saint-Claude tendant à faire:
- constater que le juge du fond a été saisi par Monsieur K... suite à l'assignation qui lui a été délivrée le 18 janvier 2019,
- dire que le procès au fond, en vue duquel la mesure d'expertise avait été sollicitée, a déjà été introduit devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre et enrôlé sous le numéro RG 19/00055,
- juger irrecevable la demande d'expertise sollicitée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,
- débouter Monsieur W... K... de toutes ses demandes,
- confirmer l'ordonnance de référé rendue par Madame le président du tribunal de grande instance de Basse-Terre en date du 12 février 2019, en toutes ses dispositions,
* et y ajoutant,
- condamner Monsieur W... K... à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel,
MOTIFS DE LA DECISION:
Attendu que se fondant sur les dispositions des articles 145, 808 et 809, Monsieur W... K... soutient qu'en violation de ses droits de propriétaire, la commune de Saint-Claude a autorisé la destruction d'un nombre important d'arbres fruitiers sur son terrain et que compte tenu des constructions édifiées à l'emplacement de la servitude, tant la commune que l'association Pigeon d'Argent l'empêchent d'accéder à sa propriété, laquelle est enclavée ;
Attendu qu'en application de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé;
Que selon l'article 145 du code de procédure civile, le recours à une mesure d'instruction suppose non seulement un motif légitime mais implique que si un procès est déjà engagé devant une juridiction, c'est devant cette juridiction que la demande doit être formulée ; que toutefois, l'absence d'instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, s'apprécie à la date de saisine du juge des référés ; qu'en l'espèce, alors que l'instance au fond a été introduite le 18 janvier 2019, le juge des référés avait été saisi antérieurement par assignations datées des 10 et 12 décembre 2018 ; que dès lors, la demande de mesure d'instruction fondée sur l'article 145 du code de procédure civile présentée au juge des référés, est dès lors recevable ;
Qu'en ce qui concerne l'existence d'un motif légitime, ainsi, que l'avait relevé le juge de premier ressort, le plan cadastral produit aux débats révèle que la parcelle bénéficie d'un chemin d'accès sur la voie publique à savoir le chemin rural dit de [...] ; qu'au demeurant dans les lettres en date des 22 juin 1989 et 11 mai 1990, il reconnaît l'existence de cette desserte, sollicitant plutôt "l'élargissement du chemin communal dit de [...]" sans toutefois démontrer le caractère insuffisant de cet accès ; que c'est au demeurant, ce chemin situé en Sud-Ouest de sa parcelle que l'huissier qu'il mandatera, empruntera, sans précision d'une quelconque difficulté d'accès, lors de ses constats du 15 juillet 2016; que par ailleurs, alors que lors de l'acquisition de la parcelle [...] , il avait été convenu entre les parties qu'une voie de passage serait postérieurement établie sur le surplus de la propriété du vendeur, aucune des deux parties n'a entrepris de diligences, depuis lors et ce jusqu'à ce jour, soit depuis plus de 46 ans pour déterminer les modalités du droit de passage d'une servitude conventionnelle; qu'au regard des chefs de mission qu'il sollicite, Monsieur W... K... qui ne peut arguer ni d'un état d'enclave de sa parcelle, ni d'une "emprise irrégulière" dès lors que l'assiette d'une servitude conventionnelle n'en a pas été fixée, ne démontre aucun motif légitime permettant l'organisation d'une mesure d'instruction ;
Que la mesure d'expertise n'est pas plus justifiée sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; qu'aucune voie de fait n'est en effet avérée; que sur ce point, Monsieur W... K... ne verse aux débats qu'un procès-verbal ancien en date du 3 août 1979 évoquant l'absence d'arbre plantés en bordure de sa parcelle, laquelle est couverte d'herbe et de broussaille, constat de surcroît n'identifiant l'auteur d'un éventuel défrichage qui serait survenu un an auparavant ; qu'il produit également un procès verbal d'huissier en date du 15 juillet 2016, décrivant diverses constructions édifiées sur la parcelle appartenant à la [...] ; qu'au regard de l'ancienneté de ces constats, l'urgence requise pour ouvrir droit à l'application de l'article 808 du code de procédure civile, n'est pas établie ; que sur le fondement de l'article 809 de ce même code, le procès verbal du 15 juillet 2016 est en soi insuffisant pour établir que les dites constructions ne s'inscrivaient manifestement pas dans le cadre des droits légitimes de l'association, qui les a fait édifier en vertu de permis de construire qu'elle verse aux débats d'une part et d'autre part, que ces constructions, dès lors que l'assiette d'une servitude conventionnelle n'a jamais été fixé et que Monsieur W... K... a, depuis son acquisition, rejoint sa parcelle en empruntant le chemin communal dit de [...] , sont constitutive d'une atteinte dommageable et actuelle à ses droits ou ses intérêts légitimes ; que dès lors, aucun trouble manifestement illicite n'est établi ;
Attendu qu'en conséquence, c'est à juste titre que le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre, a dit n'y avoir lieu à référé ; que c'est également par une juste appréciation qu'il a écarté la demande indemnitaire fondée sur le caractère abusif de l'action engagée par Monsieur W... K..., l'association Pigeon d'argent, qui argue de la légèreté voire d'une volonté de nuire à son égard dans son exercice, ne les démontrant pas ; que par suite, l'ordonnance déférée sera intégralement confirmée ;
Attendu qu'en cause d'appel, il n'est pas inéquitable de condamner Monsieur W... K..., à payer à chacune des deux intimées, une indemnité d'un montant de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en avoir délibéré par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance déférée en date du 12 février 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur W... K... à payer à l'association Pigeon d'Argent et la Commune de Sainte-Anne, à chacune, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur W... K... aux entiers dépens ;
Et ont signé le présent arrêt.
Le greffier Le président