COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 698 DU 30 SEPTEMBRE 2019
No RG 17/01596 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C4RP
Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal d'instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 19 mai 2017, enregistrée sous le no 17-000605
APPELANTE :
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE
GUADELOUPE
Petit Pérou
[...]
Représentée par Me Annick RICHARD, (toque 107) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE NON REPRÉSENTÉE :
Madame Y... U... épouse G...
[...]
[...]
signification à personne physique - non représentée
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 21 janvier 2019.
Par avis du 21 janvier 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Mme Laure-Aimée GRUA-SIBAN, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 25 mars 2019, prorogé le 15 avril 2019, le 20 mai 2019, le 24 juin 2019, le 8 juillet 2019 et le 30 septembre 2019.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière.
Lors du prononcé de l'arrêt : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement aviséees. Signé par Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon offre préalable de crédit acceptée le 15 février 2012, la Caisse régionale de crédit agricole de la Guadeloupe (la CRCAMG) a consenti à Mme Y... G... un prêt personnel d'un montant de 20000 euros remboursable par 120 mensualités de 223,95 euros au taux conventionnel de 5,918 %.
Selon offre préalable de crédit acceptée le 16 février 2012, la CRCAMG a consenti à Mme G... un prêt renouvelable utilisable par fractions et assorti de moyens de paiement autorisant un découvert maximal de 1500 euros au taux conventionnel de 14,90 %.
Le 29 août 2013, Mme G... a obtenu sur son compte de dépôt ouvert dans les livres de la CRCAMG, une autorisation de découvert d'un plafond de 1600 euros remboursable dans un délai supérieur à 1 mois et inférieur ou égal à 3 mois.
Soutenant que Mme G... a manqué à ses obligations, par acte d'huissier de justice du 22 mars 2017, la CRCAMG l'a fait assigner en paiement des sommes de 11 413,41 euros au titre solde débiteur du compte courant avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2015, 17680 euros au titre du prêt personnel impayé avec intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure 27 avril 2016, 1634,04 euros au titre du crédit renouvelable impayé avec intérêts au taux contractuel à compter du 27 avril 2016, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la capitalisation des intérêts.
Par jugement rendu le 19 mai 2017, le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, a, constaté que l'action engagée au titre du contrat de prêt personnel de 20000 euros en date du 15 février 2012, du crédit renouvelable en date du 16 février 2012 et du découvert en compte courant est atteinte par la forclusion, déclaré en conséquence irrecevables les demandes formées par la CRCAMG au titre de ses contrats, rejeté le surplus des prétentions, laissé à la charge de la CRCAMG les frais irrépétibles exposés et les dépens l'instance.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 15 novembre 2017, la CRCAMG a relevé appel de cette décision.
En dépit d'une signification de la déclaration d'appel et des conclusions faite respectivement les 16 janvier et 24 février 2018 à la personne de Mme G..., cette dernière n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 janvier 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions en date du 14 février 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la CRCAMG demande à la cour, de infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre le 19 mai 2017 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, constaté la recevabilité des demandes formées à l'encontre de Mme G..., en conséquence, la condamner à payer à la CRCAMG les sommes de 11 413,41 euros au titre solde débiteur du compte courant avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2015, 17680,37 euros au titre du prêt personnel impayé avec intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure 27 avril 2016, 1634,04 euros au titre du crédit renouvelable impayé avec intérêts au taux contractuel à compter du 27 avril 2016, ordonner la capitalisation annuelle des intérêts, condamner Mme G... à lui payer la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner la même aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance dont distraction au profit de l'avocat soussigné en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La CRCAMG soutient que ses demandes sont recevables car contrairement à l'appréciation du premier juge, selon relevés de comptes joints, Mme G... a cessé les remboursements relatifs aux prêts précités à compter du 30 mai 2015, l'échéance d'un prêt étant juridiquement payée dés qu'elle est portée au débit du compte, peu important la position du compte avant et après cette opération, dés lors qu'elle ne fait l'objet d'aucun rejet de la part de l'établissement bancaire ; le compte de Mme G... fonctionnait régulièrement depuis son ouverture en février 2012 en position débitrice, une convention de découvert tacite existant entre les parties, avant comme après la signature de la convention de découvert autorisé, de sorte que la banque était tenue dans ses engagements par cette pratique habituelle, la juridiction devant tenir compte du premier incident de paiement non régularisé ; s'agissant du découvert du compte courant, celui-ci s'est trouvé en position constamment débitrice au-delà du découvert autorisé à compter du 17 janvier 2015, le délai de forclusion commençant à courir au terme du délai de trois mois prévu par l'article R. 312–35 du code de la consommation ; les créances en cause sont donc certaines et justifiées, mise en demeure de régulariser ayant été adressée à Mme G... le 27 avril 2016 et déchéance du terme prononcée le 20 août 2016, celle-ci ayant reconnu sa dette par courrier du 9 mai 2016 et l'acte introductif d'instance étant du 22 mars 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l'énoncé de l'article L311-52 devenu R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, ou le premier incident de paiement non régularisé, ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable, ou le dépassement, au sens du 13 de l'article L. 311-1 non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L.312-93.
S'agissant de la facilité de découvert, le délai de forclusion biennale commence donc à courir à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant le dépassement non autorisé du découvert.
La CRCAMG expose que le compte courant de Mme G... s'est trouvé en position constamment débitrice à compter du 17 janvier 2015 et non à compter du mois de mai 2014 comme retenu par le premier juge.
Or, il convient de rappeler que cette autorisation de découvert conventionnel a été signée le 29 août 2013 et que suivant les relevés de compte produits, dés le mois de novembre 2013, le compte courant de Mme G... présente un solde débiteur supérieur au plafond fixé à 1 600 euros soit 5 654,47 euros au 06 novembre 2013, 2 261,97 euros au 06 décembre 2013, 2873,78 euros au 6 janvier 2014, puis à compter du mois de mai 2014 à nouveau un solde débiteur supérieur au découvert autorisé soit 1794,58 euros au 06 mai 2014, puis certes 1165,02 euros au 06 juin 2014, mais 2678,50 euros au 04 juillet 2014, 3374,85 euros au 06 août 2014, 5 407,43 euros au 05 septembre 2014, 1610,99 euros au 6 octobre 2014, 3995,07 euros au 06 novembre 2014.
Aussi, s'agissant d'une autorisation de découvert contractuel à hauteur de 1 600 euros remboursable dans un délai supérieur à 1 mois et inférieur ou égal à 3 mois, la CRCAMG ne peut valablement soutenir que du fait d'une pratique habituelle, il existait entre les parties une convention de découvert tacite de cette facilité, alors que ledit contrat prévoit expressément que le montant de l'autorisation de découvert en compte est remboursable au plus tard, dans un délai inférieur ou égal à 35 jours (trois mois maximum), le compte de dépôt devant présenter une position créditrice de un jour ouvré minimum entre chaque découvert et que l'article L. 312-93 du code de la consommation impose au prêteur en cas de dépassement se prolongeant au delà de 3 mois de proposer à son client un autre type d'opération au sens de l'article L. 311-2 du même code, ce dont la CRCAMG ne justifie pas en l'espèce.
Il est admis que le dépassement du découvert manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion de sorte qu'en tenant compte du retour du solde du compte dans les limites du plafond du découvert autorisé au mois de juin 2014 (1165,02 euros) et des termes susvisés du contrat, il est de juste appréciation de retenir dans tous les cas la date du 04 juillet 2014 comme point de départ de ce délai de sorte que le délai de forclusion de 2 ans a commencé à courir à compter du 4 novembre 2014 en ce qui concerne ledit découvert (et non de janvier 2015 comme soutenu à tort par la CRCAMG).
S'agissant des prêts contractés les 15 et 16 février 2012, la CRCAMG conteste également la date de mai 2014 retenue par le premier juge comme date du premier incident non régularisé et fait valoir celle du mois de mai 2015. Cependant, aucun élément dirimant ne justifie cette date, pas plus que celle du 30 juin 2015 mentionnée dans le courrier de mise en demeure adressée le 27 avril 2016 par l'appelante à Mme G....
Il est admis qu'il ne peut être fait échec aux règles d'ordre public relatives à la détermination du point de départ du délai biennal de forclusion propre au crédit à la consommation par l'inscription de l'échéance d'un prêt au débit d'un compte courant dont le solde est insuffisant pour en couvrir le montant, étant précisé qu'en l'espèce le plafond de la facilité de découvert était régulièrement dépassé sur une période de 3 mois, dépassement qui doit être considéré comme une échéance impayée constituant donc le point de départ du délai de forclusion pour le crédit remboursé par prélèvement sur le compte. A ce titre, la date du 04 juillet 2014 sera donc également retenue par la cour et cette action déclarée forclose pour avoir été intentée postérieurement au délai légal de 2 ans.
De façon surabondante, il convient de constater que contrairement à ce qui est allégué par la CRCAMG, la mention "rejet prlv prêt personnel" concernant l'échéance du 30 janvier 2015 du crédit contracté le 15 février 2012 apparaît du relevé de Mme G... en date du 06 février 2015 de sorte que dans tous les cas, son action introduite par assignation du 22 mars 2017, est forclose.
Aussi, sauf à fixer le point de départ du délai de forclusion à compter du 04 juillet 2014, le jugement querellé doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Succombant, la CCMJ supportera les entiers dépens de procédure et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoirement prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole de la Guadeloupe ;
Rejette la demande faite au titre des frais irrépétibles ;
Déboute la Caisse régionale de crédit agricole de la Guadeloupe de toute demande plus ample ou contraire ;
Et ont signé le présent arrêt.
Le Greffier Le Président