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30/09/2019 | FRANCE | N°17/00664

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 30 septembre 2019, 17/00664


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRÊT No 690 DU 30 SEPTEMBRE 2019






R.G : No RG 17/00664 - SG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C2ES


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 02 février 2017, enregistrée sous le no 15/00098




APPELANTES :


Madame Q... M...
[...]
[...]


EURL LA ROSE DU BRESIL EURL
au capital de 2000 euros immatriculée au RCS DE POINTE A PITRE sous le numéro 5343242

23 agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice, Mme Q... M... demeurant es qualité audit siège [...]


Représentées toutes deux par Me My...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 690 DU 30 SEPTEMBRE 2019

R.G : No RG 17/00664 - SG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C2ES

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 02 février 2017, enregistrée sous le no 15/00098

APPELANTES :

Madame Q... M...
[...]
[...]

EURL LA ROSE DU BRESIL EURL
au capital de 2000 euros immatriculée au RCS DE POINTE A PITRE sous le numéro 534324223 agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice, Mme Q... M... demeurant es qualité audit siège [...]

Représentées toutes deux par Me Myriam WIN BOMPARD, (toque 114) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ :

Monsieur T... I... K...
[...]

Représenté par Me André LETIN, (toque 60) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Madame E... C... K... N...
[...]

Représentée par Me André LETIN, (toque 60) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ NON REPRÉSENTÉ :

L'ETAT FRANCAIS
représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques
de la GUADELOUPE, [...],
[...]
signification à personne morale habilitée - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Laure-Aimé GRUA-SIBAN, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
M. Serge GRAMMONT, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 mai 2019, prorogé le 24 juin 2019, le 8 juillet 2019 et le 30 septembre 2019.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière
Lors du prononcé de l'arrêt : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de
l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte notarié du 28 juin 1985, M. T... K... faisait l'acquisition auprès des consorts S... d'une parcelle de terre située à [...] cadastrée section [...] lieudit [...].

Par acte sous-seing privé daté du 12 janvier 1995, M. T... K... donnait à bail à Mme Q... M... une maison d'habitation située section [...] à [...] sur un terrain de 1.200 m².

Selon bail du 1er juin 2000, M. T... K... donnait à Mme Q... M... et à l'EURL La rose du Brésil ce même bien à bail commercial pour l'exploitation de chambres d'hôtes.

En 2005, M. T... K... formait une demande d'acquisition du terrain auprès de l'Agence des 50 pas géométriques.

Par jugement du 5 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre prononçait la résiliation du bail commercial.

Par acte des 23 et 28 octobre 2013, l'Etat vendait à M. T... I... K... une parcelle de terrain située à [...], cadastrée section [...] , [...] et [...], au lieudit [...] issues de la division de la parcelle cadastrée section [...].

Par actes d'huissier des 19 décembre 2014 et 6 janvier 2015, Mme Q... M... et l'EURL La rose du Brésil faisaient assigner devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre M. T... K... et l'Etat en annulation de la vente.

Par jugement du 2 février 2017, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
- Déclaré irrecevables les conclusions de l'Etat, ainsi que les prétentions et moyens y figurant ;
- Déclaré son incompétence pour connaître de la demande d'annulation de l'acte de vente des 23 et 28 octobre 2013 par lequel l'Etat a vendu à M. T... K... une parcelle de terrain située à [...], cadastrée section [...] , [...] et [...], au lieudit [...] et de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
- Dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à assortir le jugement de l'exécution provisoire ;
- Condamné Mme Q... M... et l'EURL La Rose du Brésil aux dépens.

Par déclaration au greffe du 11 mai 2017, Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil formaient appel de ce jugement en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de leur demande d'annulation de la vente de la parcelle litigieuse.

Aux termes de ses dernières écritures, Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil demandent à la cour, outre des demandes de «dire et juger» et de constat qui ne constituent pas des prétentions, de :
- Déclarer irrecevable l'intervention volontaire de Mme E... N... épouse K...,
- Infirmer le jugement déféré,
- Annuler l'acte de cession du 28 octobre 2013 et la reconnaître propriétaire des parcelles cadastrées section [...] , [...] et [...], lieudit [...],
- Dire que la publication de l'arrêt à intervenir auprès du service de la publicité foncière vaudra titre de propriété à leur bénéfice,
- Subsidiairement dans l'hypothèse où l'intervention volontaire de Mme E... N... épouse K... serait jugée recevable, la débouter de ses demandes,
- Condamner M. T... K... et Mme E... N... épouse K... et l'État conjointement et solidairement à payer à Mme Q... M... la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. T... K... et Mme E... N... épouse K... et l'État conjointement et solidairement aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles estiment que Mme E... N... épouse K... ne se prévaut pas d'un droit propre, qu'elle n'est pas intervenue dans l'opération de cession par l'État du bien litigieux et que son intervention volontaire est donc irrecevable. Elles considèrent que le tribunal de grande instance était bien compétent dans la mesure où la parcelle vendue avait été déclassée dans le domaine privé de l'État. Elles font valoir que réglementation donne une priorité d'attribution des parcelles à leurs exploitants commerciaux et que l'État devait leur céder la parcelle litigieuse et non à M. T... K.... Elles soutiennent en outre que l'État a commis une voie de fait, ce qui justifie la compétence du juge judiciaire, et que l'achat du bien litigieux par M. T... K..., qui n'a pas développé le fonds de commerce, constituerait un enrichissement sans cause. Elles exposent par ailleurs que seul un professionnel peut obtenir la cession d'une parcelle de plus de 500 m².

Par ordonnance du 25 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de M. T... K... et l'a déclaré irrecevable à conclure.

Par conclusions d'intervention volontaire signifiées le 26 septembre 2018, Mme E... N... épouse K..., demande à la cour, outre des demandes de constat qui ne constituent pas des prétentions, de :
- Prendre acte de son intervention volontaire ;
- Rejeter les demandes des appelantes ;
- Dire qu'elles n'ont pas d'intérêt à agir ;
- Condamner Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle affirme être mariée sous le régime de la communauté légale avec M. T... K... et qu'elle a donc intérêt à voir la demande de nullité de la cession rejetée. Elle fait valoir que les appelantes n'ont pas d'intérêt à agir puisqu'elles n'ont pas formé de recours contre l'arrêté préfectoral qui constitue la vente et que les délais sont expirés et qu'aucun autre moyen de nullité n'est soulevé. Elle soutient que les appelantes sont de mauvaise foi et cherchent uniquement à se soustraire au paiement des loyers dus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1- Sur l'intervention volontaire

Attendu que selon l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ;

Que l'intervention volontaire d'un tiers dans une instance qui met en présence deux parties est recevable dès l'instant où l'intervenant a la qualité de tiers, c'est-à-dire qu'il n'y est ni partie ni représenté, où il a capacité et pouvoir d'ester en justice, et où il se prévaut d'un intérêt légitime, personnel et suffisant, direct ou indirect, matériel ou moral, justifiant sa participation à l'audience ;

Que Mme E... N... épouse K... justifie par la production d'un acte de mariage être mariée à M. T... K... le 28 décembre 1985 sans contrat de mariage préalable, de sorte que le bien immobilier litigieux dépend de la communauté matrimoniale ;

Que cependant, d'une part il ne s'agit pas d'un droit propre pour Mme E... N... épouse K..., mais d'un droit exercé en commun avec M. T... K..., que ses prétentions sont identiques à celles de M. T... K... dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, et que d'autre part, ses intérêts, strictement identiques, étaient représentés par M. T... K... en première instance de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de la qualité de tiers ;

Que son intervention volontaire sera par conséquent déclarée irrecevable ;

2- Sur la compétence

Attendu que, selon l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ;

Que selon l'article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l'État ;

Qu'en l'espèce, la demande principale porte bien sur l'annulation d'un acte par lequel l'Etat a vendu à M. T... K... une parcelle de terrain ;

Que ce texte ne distingue pas entre le domaine public et le domaine privé, mais le domaine public étant par définition inaliénable, ce texte a, de fait, vocation à s'appliquer au domaine privé de l'État ;

Attendu que la théorie de la voie de fait est une construction jurisprudentielle du Tribunal des conflits donnant compétence au juge judiciaire en sa qualité coutumière de défenseur de la propriété privée et des libertés publiques contre les actes de l'administration qui y porteraient atteinte ;

Qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration a soit :
- procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, c'est-à-dire à sa privation définitive,
- pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;

Qu'en l'espèce, d'une part la décision de l'administration se rattache à un pouvoir qui lui appartient et, d'autre part, qu'elle ne pouvait aboutir à l'extinction d'un droit de propriété, Mme Q... M... et l'EURL La rose du Brésil n'ayant jamais été propriétaires de la parcelle litigieuse ;

Qu'ainsi, les irrégularités alléguées, à les supposer établies, ne sont pas constitutives en elles-mêmes d'une voie de fait ;

Que la preuve d'une voie de fait n'est par conséquent pas rapportée ;

Que c'est donc à juste titre que le premier juge s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction administrative, le jugement devant être confirmé sur ce point ;

3- Sur les demandes accessoires

Attendu que l'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; Que Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil qui succombent en leur appel seront tenues aux dépens ;

Attendu que selon l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; Il tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; Que Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil, tenues aux dépens, ne peuvent prétendre à l'allocation d'une somme à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de Mme E... N... épouse K...,

Confirme le jugement déféré,

Condamne Mme Q... M... et l'Eurl La rose du Brésil aux dépens,

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffier Le president


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 17/00664
Date de la décision : 30/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-30;17.00664 ?
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