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30/09/2019 | FRANCE | N°15/018351

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 01, 30 septembre 2019, 15/018351


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 688 DU 30 SEPTEMBRE 2019

R.G : No RG 15/01835 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B67-CTGD

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 01 octobre 2015, enregistrée sous le no 10/00670

APPELANTS :

Monsieur S... I...
[...]

Madame Q... M...
[...]

Représentés tous deux par Me Yves LEPELTIER de la SELAS YVES LEPELTIER AVOCAT S.E.L.A.S., (toque 06) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN

/ST BART

INTIMÉES :

SA DIGICEL ANTILLES FRANCAISES GUYANE
[...]
[...] (MARTINIQUE)

Représentée par Me Brigitte WIN...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 688 DU 30 SEPTEMBRE 2019

R.G : No RG 15/01835 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B67-CTGD

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 01 octobre 2015, enregistrée sous le no 10/00670

APPELANTS :

Monsieur S... I...
[...]

Madame Q... M...
[...]

Représentés tous deux par Me Yves LEPELTIER de la SELAS YVES LEPELTIER AVOCAT S.E.L.A.S., (toque 06) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉES :

SA DIGICEL ANTILLES FRANCAISES GUYANE
[...]
[...] (MARTINIQUE)

Représentée par Me Brigitte WINTER-DURENNEL de la
SCP WINTER-DURENNEL - BALADDA etamp; GOURANTON, (toque 83) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Syndicat des copropriétaires DE LA TOUR [...]
représenté par FRANCE GUADELOUPE DE COPROPRIETE
[...]

Représentée par Me Franciane SILO-LAVITAL de la SELARL SILO-LAVITAL AVOCATS, (toque 39) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SAS ANTILLAISE DE GESTION IMMOBILIERE ET TRANSACTION A GIT
[...]

SA COMPAGNIE ALLIANZ
[...]

Représentées toutes deux par Me Christophe SAMPER de la SCP CAMENEN- SAMPER - PANZANI, (toque 09) avocat postulant au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART et assistées de Me Marcel PORCHER, avocat plaidant au barreau de PARIS

SA ORANGE ORANGE
Société anonyme au capital de 10.595.541.532 Euros
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 380 129 866
Dont le siège social est [...]
Représentée par le Président de son Conseil d'administration
[...]

Représentée par Me Gwendalina MAKDISSI, (toque 53) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE NON REPRÉSENTÉE :

Société CABINET ACTION IMMOBILIERE
[...]
signification par dépôt en l'étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère, présidente
M. Serge GRAMMONT, conseiller,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 février 2019, prorogé le 18 mars 2019, le 15 avril 2019, le 3 juin 2019, le 8 juillet 2018 et le 30 septembre 2019.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière
Lors du prononcé de l'arrêt : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.Signé par Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCEDURE

Par acte notarié du 22 février 1989, M. S... I... et Mme Q... M... ont acquis les lots 76, 95 et 155 de la résidence [...] sis aux [...] sur le toit de laquelle ont été installées par les sociétés Bouygues Télécom (devenue Digicel Antilles Françaises Guyane, la société Digicel) et Orange Caraibes (la société Orange) des antennes radio téléphoniques autorisées suite aux délibérations des assemblées générales de la copropriété en date des 10 juillet 2000, 10 mai et 11 septembre 2006 et aux contrats de location des 01 août 2000 et 23 novembre 2006.

Prétendant que ses droits de copropriétaires n'ont pas été respectés et qu'il subit un préjudice, par assignations des 10 février et 9 mars 2010, M. I... a saisi le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre aux fins de voir notamment annuler l'assemblée générale du 10 juillet 2000, condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la dite résidence, la société antillaise de gestion immobilière et de transaction (AGIT) syndic, les sociétés Digicel et Orange à réparer son préjudice moral et financier en raison de la dangerosité liée à ces installations réalisées sans son autorisation et le privant de l'occupation de son logement.

La compagnie d'assurance Allianz (la société Allianz), assureur de la société AGIT et Mme M..., ex-épouse de M. I... sont intervenues volontairement à l'instance devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre.

Par jugement rendu le 1er octobre 2015, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, a, donné acte à Mme M... de son intervention volontaire au soutien des prétentions du demandeur, donné acte à la société Allianz de son intervention volontaire aux côtés de son assuré AGIT, déclaré M. I... recevable à agir seul en contestation d'assemblée générale de la copropriété résidence [...] tenue le 10 juillet 2000, rejeté le moyen de nullité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 pour non-respect du formalisme quant à la résolution 10, déclaré M. I... et Mme M... recevables à agir en indemnisation des préjudices nés avant la cession du 3 octobre 2013, débouté M. I... et Mme M... de leurs demandes indemnitaires, dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire, condamné ensemble M. I... et Mme M... aux dépens distraits au profit des avocats constitués et au paiement d'une indemnité de 1 000 euros à chacun des défendeurs et rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 18 novembre 2015, M. S... I... et Mme M... ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 25 juillet 2016, le conseiller de la mise en état a débouté la société Digicel de sa demande d'incident tendant à la caducité de l'appel, l'a débouté ainsi que le syndicat de copropriétaires de la Tour [...] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Digicel aux dépens de l'incident.

Par ordonnance du 22 mai 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'appel soulevée par la société Orange, débouté M. I... et Mme M... de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 16 mars 2018, en application de l'article 16 du code de procédure civile, notre cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 1er février 2018 et renvoyé l'affaire à la mise en état.

Les parties ont conclu à l'exception du cabinet Action Immobilière auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 12 janvier 2016 à personne habilitée. L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 novembre 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS

Les dernières conclusions remises au greffe les 23 janvier 2018 pour M. I... et Mme M..., 18 octobre 2018 pour le syndicat des copropriétaires de la Tour [...] représenté par son Syndic France Guadeloupe de copropriété (le syndicat des copropriétaires de la tour [...]), 11 janvier 2018 pour la société Orange, le 2 février 2018 pour les sociétés Allianz et AGIT, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit :

M. S... I... et Mme M... demandent à la cour, de:
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la recevabilité de l'action,
-réformer le jugement en toutes ses autres dispositions et en conséquence, constater la nullité des résolutions portant sur les antennes prises en assemblées générales en date des 10 juillet 2000, 10 mai 2006 et 11 septembre 2006, constater que l'assemblée générale en date des 10 juillet 2000 ne contient aucune autorisation d'implanter des antennes relais sur le toit de l'immeuble, constater que la société Digicel n'apporte pas la preuve de l'autorisation donnée par la copropriété pour obtenir le droit au bail donné à la société Bouygues,
-à titre subsidiaire, constater que le droit de propriété de M. I... et Mme M... n'a pas été respecté depuis l'an 2000, constater la dangerosité des installations faites par les sociétés Bouygues et Orange pour les occupants de l'appartement sis au 16ème et dernier étage, constater qu'ils ont été victimes de troubles anormaux du voisinage en raison de l'implantation des installations téléphoniques par les sociétés Digicel venant aux droits de Bouygues Telecom et Orange, tant sur le plan de la dangerosité que sur celui de la perte de valeur de l'appartement,
-en tout état de cause, débouter le syndicat des copropriétaires de la tour [...], les sociétés Allianz et AGIT de l'ensemble de leurs demandes,
-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Tour [...], la société AGIT, syndic de copropriété jusqu'à septembre 2008, et les sociétés Digicel et Orange à leur payer une somme de 10 000 euros au titre du dommage moral,
-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Tour [...], la société AGIT syndic de copropriété jusqu'à septembre 2008, et les sociétés Digicel et Orange à payer à M. I... et Mme M... une somme de 632 000 euros au titre de la perte des loyers d'août 2000 à octobre 2013,
-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Tour [...], la société AGIT, syndic de copropriété jusqu'à septembre 2008, et les sociétés Digicel et Orange à leur payer une somme de 636 076 euros au titre de leur préjudice financier
-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Tour [...], la société AGIT et les sociétés Digicel et Orange à payer à M. I... et Mme M..., la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de la Tour [...], la société AGIT, syndic de copropriété jusqu'à septembre 2008, et les sociétés Digicel et Orange en tous les dépens.

Le syndicat des copropriétaires de la tour [...], demande à la cour :
-in limine litis, de constater que M. I... et Mme M... sont forclos à contester les décisions des assemblées générales des 10 juillet 2000, 10 mai et 11 septembre 2006,
-sur le fond, constater que les demandes d'annulations des décisions des assemblées générales des 10 mai et 11 septembre 2006 sont nouvelles en cause d'appel et donc irrecevables,
-constater que les assemblées générales des 10 juillet 2000, 10 mai et 11 septembre 2006 sont parfaitement régulières eu égard aux lois et règlements applicables,
-constater que les conditions de mise en œuvre du trouble anormal de voisinage ne sont pas réunies,
-constater que les désordres et dommages affectant l'appartement de M. I... et de Mme M... résultent de leur propre fait puisqu'ils l'ont abandonné pendant de nombreuses années,
-en conséquence, confirmer purement et simplement le jugement querellé en toutes ses dispositions,
-statuant de nouveau, débouter purement et simplement M. I... et Mme M... de toutes les demandes formulées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la Tour [...],
-dire que M. I... et Mme M... ont parfaitement identifié les désordres et dommages affectant leur appartement bien avant la pose des antennes litigieuses,
-condamner solidairement M. I... et Mme M... à verser au syndicat des copropriétaires de la tour [...] une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Silo Lavital.

La société Orange demande à la cour, de :
-déclarer irrecevable la demande de nullité des résolutions portant sur les antennes des assemblées des 10 mai 2006 et 11 septembre 2006 pour être nouvelle en cause d'appel et dénuée d'intérêt pour les demandeurs,
-confirmer le jugement du TGI de Pointe-à-Pitre du 1er octobre 2015 en toutes ses dispositions,
-condamner M. I... et Mme M... à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner M. I... et Mme M... aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Gwendalina Makdissi.

La société Digicel demande à la cour, de :
-dire et juger que la nullité ou la validité de la résolution du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [...] concernant l'installation d'antennes-relais par la société Digicel est sans effet sur l'autorisation contractuellement accordée aux termes d'un bail,
-subsidiairement dire et juger n'y avoir trouble anormal du voisinage,
-confirmer par conséquent le jugement querellé et débouter M. I... et Mme M... de l'ensemble de leurs demandes,
-condamner in solidum M. I... et Mme M... à payer à la société Digicel la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Les sociétés Allianz et AGIT demandent à la cour :
-à titre principal, de confirmer le jugement rendu le 1er octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 pour non-respect du formalisme quant à la résolution 10, et débouté M. I... et Mme M... de leurs demandes indemnitaires,
-débouter plus généralement M. I... et Mme M... et toute autre partie de leurs prétentions en ce qu'elles sont dirigées contre les sociétés AGIT et Allianz,

-à titre incident, infirmer le jugement rendu le 1er octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par la société ALLIANZ, déclaré M. I... recevable à agir seul en contestation de l'assemblée générale de la copropriété [...] tenue le 10 juillet 2000 et déclaré M. I... et Mme M... recevables à agir en indemnisation des préjudices nés avant la cession du 3 octobre 2013,
-condamner in solidum M. I... et Mme M... à verser à la société Allianz et à la société AGIT une somme de 15 000 euros chacune au titre du caractère abusif de leur procédure, au visa de l'article 1382 du Code civil,
-à titre subsidiaire, dire et juger que la société Allianz ne peut être tenue de garantir son assuré que dans les limites prévues au contrat (plafond et franchise),
-en tout état de cause, condamner in solidum M. I... et Mme M... à verser aux sociétés Allianz et AGIT une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum M. I... et Mme M... au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Panzani- Fresse qui affirme en avoir fait la plus grande avance dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de M. I... et de Mme M...

Les sociétés Agit et Allianz soutiennent que les appelants sont irrecevables en leur demande de nullité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 aux motifs d'une part qu'en sa qualité d'indivisaire du bien dont il était propriétaire au sein de la copropriété [...], M. I... ne pouvait introduire seul cette action, l'intervention volontaire de son ex-épouse Mme M... réalisée le 12 mai 2012 soit postérieurement au délai de prescription de 10 ans prévu pour contester une assemblée générale ne pouvant régulariser cette action, d'autre part que ces derniers ayant cédé leur appartement en cours de procédure, ils ne sont plus copropriétaires de la résidence, la clause ambigüe figurant dans la promesse de vente, tendant à dire qu'ils n'ont pas cédé leurs droits nés de la présente procédure, ne concernant pas les intimées.

M. I... et Mme M... répliquent que le premier avait qualité à agir seul puisque son action tend à la conservation d'un bien indivis dont il avait en charge la gestion, avec l'accord de son ex-épouse et sans opposition du syndicat des copropriétaires, seul son patronyme apparaissant d'ailleurs sur les procès-verbaux d'assemblée générale de sorte que la représentation de celle-ci, laquelle est intervenue volontairement à la présente procédure, est ancienne et tacite. Ils soutiennent que l'intérêt à agir doit s'apprécier au jour de l'introduction de la demande en justice, ayant convenu dans tous les cas avec l'acquéreur de leur appartement, conserver le bénéfice de cette procédure en cours lors de la vente.

En introduisant les 10 février et 09 mars 2010 la présente action aux fins notamment de voir annuler l'assemblée générale tenue par le syndicat des copropriétaires le 10 juillet 2000, M. I..., co-indivisaire, avait parfaitement qualité à agir, puisqu'il ressort des pièces du dossier y compris des procès-verbaux produits où il apparaît comme seul propriétaire, que ce dernier disposait d'un mandat tacite, admis et connu de tous, pour représenter son ex-épouse également co-indivisaire du bien en cause dans la copropriété y compris pour cette action, s'agissant d'un acte d'administration.

Dans tous les cas, Mme M... est intervenue volontairement à la présente procédure pour soutenir les moyens de M. I..., co-indivisaire.

Par ailleurs, en application de l'article 31 du code de procédure civile, il est constant qu'au jour de l'acte introductif d'instance, M. I... et Mme M... étaient encore propriétaires de leur appartement cédé le 03 octobre 2013 de sorte qu'ils avaient la qualité de copropriétaires de la résidence [...] et sont donc recevables en leurs demandes, peu important les termes de la clause de subrogation figurant dans le projet d'acte de cession.

Aussi, c'est à bon droit et par des motifs sérieux que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que ces moyens d'irrecevabilité devaient être rejetés.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur la forclusion

En application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires de la tour [...] soutient que M. I... et Mme M... sont forclos en leur demande d'annulation des assemblées générales des 10 juillet 2000, 10 mai et 11 septembre 2006, puisqu'ils disposaient d'un délai de 02 mois pour les contester.

M. I... et Mme M... expliquent qu'en l'absence de preuve de la notification des procès-verbaux des assemblées générales en cause, ils disposaient d'un délai de 10 ans, soit jusqu'au 10 juillet 2010, pour les contester, de sorte de l'acte introductif d'instance délivré les 10 février et 09 mars 2010 a interrompu ce délai.

Il est clair que le délai de 2 mois précité court à compter de la date de la notification des procès-verbaux des assemblées générales, laquelle n'est pas établie dans ce dossier.

Aussi, c'est à raison que les premiers juges ont retenu qu'en l'espèce, l'action introduite en nullité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 n'était pas forclose pour avoir été introduite avant l'expiration du délai légal de 10 ans.

Sur la recevabilité des demandes relatives aux assemblées générales des 10 mai 2006 et 11 septembre 2006

Dans leurs ultimes conclusions, M. I... et Mme M... demandent de constater la nullité des résolutions portant sur les antennes relais prises en assemblées générales les 10 juillet 2010, 10 mai et 11 septembre 2006.

Le syndicat des copropriétaires et la société Orange demandent, en application de l'article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables les prétentions concernant les assemblées générales des 10 mai et 11 septembre 2006, lesquelles n'avaient pas été formulées en première instance.

M. I... et Mme M... rétorquent que ces demandes sont recevables car elles ont une finalité identique au sens de l'article 565 du même code à savoir celle d'engager la responsabilité des intimés.

Il n'est pas contestable que les prétentions, tendant à la nullité des assemblées générales des 10 mai et 11 septembre 2006 présentées par M. I... et Mme M... pour la première fois en cause d'appel, constituent des demandes nouvelles puisque devant le tribunal, seule l'annulation de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 a été sollicitée. Par ce biais, il ne s'agit pas en l'espèce, de proposer un fondement juridique différent ou d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, de sorte que c'est à tort que les appelants soutiennent que ces prétentions tendent aux mêmes fins.

Dés lors, les demandes aux fins de nullité des assemblées générales des 10 mai et 11 septembre 2006 formulées à hauteur de cour, par M. I... et Mme M... seront déclarées irrecevables.

Sur le bien fondé de l'appel

Sur la validité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000

M. I... et Mme M... font valoir l'irrégularité de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 aux motifs que le projet d'installation des antennes a été examinée sous la formule "point no15 questions diverses" alors qu'aucune résolution ne peut être adoptée à ce titre et que la jurisprudence exige que chaque question ait un objet unique et fasse l'objet d'un vote distinct. Ils ajoutent que le vote relatif à l'installation d'une station-relais sur un toit-terrasse ne peut être soumis à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 et ne saurait concerner les appelants, exposés aux ondes, d'autant plus que pour accéder à leurs antennes, les sociétés de téléphonie mobile portent atteinte à la jouissance de leurs parties privatives.

Les sociétés AGIT et Allianz répliquent que l'action en nullité d'une assemblée générale doit être dirigée contre le syndicat des copropriétaires et non contre le syndic ; aucune faute ne peut être relevée dans le vote ayant abouti à l‘installation des antennes litigieuses sur le toit de l'immeuble qui est une partie commune, les appelants dûment convoqués à l'assemblée générale du 10 juillet 2000, n'étant ni présents, ni représentés. Elles ajoutent que le procès-verbal de cette assemblée générale contient les mentions substantielles suffisantes, notamment les quotes-parts de chaque copropriétaire et le nom de ceux s'opposant à la résolution à l'ordre du jour.

Le syndicat des copropriétaires indique que pour ce type de décision, un vote à la majorité relative suffit.

La société Orange soutient que contrairement à ce qui est soutenu, la décision donnant mandat au syndic de signer le bail à elle accordé a fait l'objet d'une résolution spécifique, les antennes étant accessibles par le palier extérieur du 16eme étage de l'immeuble donc par les parties communes de ce dernier.

La société Digicel fait observer que l'autorisation de procéder aux installations et à leur exploitation n'a fait l'objet d'aucune violation contractuelle.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du 10 juillet 2000 de la copropriété de la tour [...] animée par M. G... L..., administrateur provisoire, que l'unanimité des copropriétaires présents et représentés a adopté le "projet d'installation ETDE" et a mandaté le syndic Agit pour rechercher les meilleures conditions financières qui devront être entérinées par le conseil syndical.

Suivant procès-verbal à l'enseigne de la société AGIT du 19 septembre 2000 du conseil syndical de cette résidence, il est établi que compte rendu des démarches entreprises avec ETDE pour l'antenne sur le toit de l'immeuble a été fait et que les conditions du contrat à signer avec ETDE ont été exposées (montant de la location 68 000 francs par an - durée du bail 12 ans - autorisation pour une éventuelle sous-location à d'autres opérateurs à demander au syndic).

Aussi, si la résolution susvisée a effectivement été placée dans la rubrique "15o) questions diverses", contrairement à ce qui est soutenu, elle a fait l'objet d'un vote spécifique "15-1" et a été adoptée à l'unanimité des copropriétaires présents ou représentés, dont les noms et le nombre de tantièmes correspondant à chacun sont précisés.

De plus, vu les pièces du dossier (actes notariés, règlement de copropriété, croquis, photographies des lieux), il n'est pas établi que pour accéder à cette station radioélectrique, les sociétés de téléphonie mobile soient tenues d'emprunter les parties privatives du lot no76 appartenant antérieurement à M. I... et Mme M... de sorte que l'autorisation spéciale de ces derniers n'était pas requise.

Dés lors, par des motifs sérieux que la cour adopte, cette résolution adoptée par l'assemblée générale du 10 juillet 2000 sera considérée comme régulière.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur le trouble anormal du voisinage et la violation du droit de propriété

M. I... et Mme M... arguent de la dangerosité de ces antennes sur la santé humaine notamment les personnes résidant à proximité et de la violation de leur droit de propriété puisque pour accéder au toit constituant le dessus de leur appartement, il est nécessaire de passer sur la "galerie circulaire" faisant le tour de ce dernier, le syndicat n'ayant pas hésité à accorder aux sociétés de téléphonie une servitude de passage sur sa propriété.

En réponse, les intimés ont contesté l'existence de cet argumentaire, non établi.

Il est de jurisprudence assurée que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et que la preuve de l'existence d'un dommage suffit pour caractériser ce trouble et entraîner la mise en jeu de la responsabilité de son auteur, un tel trouble devant présenter des caractères de permanence ou de répétitivité outre d'anormalité, quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu'aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause.

En l'espèce, en dehors des articles de presse ou de scientifiques, discutés par ceux d'avis contraires versés également par les sociétés de téléphonie, M. I... et Mme M..., quand bien même le fait qu'il ne résident pas dans l'appartement dont s'agit depuis de nombreuses années ne peut leur être opposé, ne justifient aucunement d'un tel trouble.

A ce titre, il est produit les résultats dans la limite inférieure des normes fixées, des mesures de champ électromagnétique établis le 27 juillet 2012 par l'APAVE sur l'immeuble de la résidence [...] outre plusieurs documents certifiant que l'exposition aux ondes des antennes, opérant de façon horizontale et non verticale, n'est pas plus grave que celle des téléphones portables que l'on utilise. Aussi, c'est à raison que la société Digicel fait valoir que le trouble anormal du voisinage ne peut être constitué par un risque ou la crainte d'un risque.

Dans tous les cas, aucun trouble de cette nature n'est justifié par M. I... et Mme M... du fait de l'implantation de ces antennes sur le toit de l'immeuble en cause.

Les appelants ne démontrent pas davantage que cette installation et son entretien porte atteinte à son droit de propriété, l'accès au toit empruntant les parties communes (palier, coursive), le fait que leur appartement a dû être protégé des squatters par le syndic, du fait de son inoccupation, n'étant pas sérieusement contesté.

Dés lors, c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation faite sur ce fondement.

Sur les demandes relatives à la perte de valeur de l'appartement et au préjudice moral

M. I... et Mme M... excipent de la dépréciation de leur appartement situé au 16éme étage de la résidence dans lequel ils ont fait des travaux importants après son acquisition, n'ayant pu le relouer après le départ de leur dernier locataire. Ils indiquent que la vétusté du dit bien est dû au défaut d'étanchéité du toit dont la réfection relève de la copropriété, n'ayant pu le vendre qu'à hauteur de la somme de 58 500 euros alors qu'au regard de sa superficie (434,11m² y compris la cave et le garage), de ses atouts, et du baromètre immobilier des notaires, sa valeur est de 694 576 euros. Il estime le loyer mensuel perdu du mois d'août 2000, date d'installation de la première antenne jusqu'au 03 octobre 2013, date de cession de l'immeuble, à la somme de 632 000 euros soit 158 mois x 4 000 euros sur la base de 10€ le m² locatif.

Les intimés concluent à l'absence de preuve de ces préjudices, l'appartement de M. I... et Mme M... étant inoccupé et à l'abandon depuis très longtemps.

Au soutien de cet argumentaire, les appelants ne versent au dossier aucun justificatif dirimant et ne rapportent pas la preuve de la perte de locataires ou d'une dépréciation de leur appartement situé au 16éme étage, du fait de la pose de ces antennes alors qu'il est établi que M. I... et Mme M..., vivant à l'étranger, ce bien resté inhabité a été l'objet d'occupations illicites, plusieurs expertises (cabinets Eurexo 13/10/2008 - Halley) relevant son "état d'abandon".

De plus, il n'est pas contestable que la superficie privative du lot 76 est de 251,45m² ainsi que cela ressort du certificat de mesurage établi le 23 novembre 2012 et de l'acte de cession du 03 octobre 2013 de sorte que l'estimation opérée par les appelants est faussée et dans tous les cas, non étayée et injustifiée.

M. I... et Mme M... ne rapportent pas davantage la preuve du préjudice moral allégué.

Aussi, en l'absence d'un lien de causalité direct et certain établi entre ces installations autorisées et les dommages allégués, c'est à raison que les premiers juges ont rejeté ces demandes indemnitaires. Le jugement querellé sera confirmé de ces chefs.

Sur la mise en cause de la responsabilité du syndicat et du syndic

M. I... et Mme M... soutiennent que la responsabilité du syndicat AGIT et du syndicat des copropriétaires doit être recherchée du fait des fautes exposées supra et commises dans leur mandat.

Les intimés ont combattu cet argumentaire.

L' assemblée générale du 10 juillet 2000 ayant été déclarée régulière tout comme l'implantation des antennes relais sur le toit de la résidence et aucune faute n'ayant été retenue à l'endroit du syndicat de copropriétaires de la tour [...], du syndic AGIT et des sociétés de téléphonie mobile, ces prétentions seront purement et simplement rejetées.

Il s'ensuit que le jugement sera également confirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les sociétés AGIT et Allianz demandent la somme de 15 000 euros chacune au titre du caractère abusif de cette procédure, ce à quoi M. I... et Mme M... se sont opposés.

L'exercice d'une action en justice constitue un droit fondamental qui ne peut engager la responsabilité de celui qui l'intente qu'en cas d'abus. Il est admis que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ou la saisine de la juridiction du second degré, pour qu'il soit statué en fait et en droit sur la chose jugée en première instance ne sont pas en soi constitutives d'une faute.

En l'espèce, il n'est pas démontré de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice exercé par M. I... et Mme M... de sorte que la demande sera rejetée. En conséquence, le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Il n'est pas inéquitable en l'espèce que chacune des parties supporte les frais irrépétibles engagés par elle dans la présente instance. L'ensemble de ces demandes sera donc rejetée.

Succombant, M. I... et Mme M... supporteront les entiers dépens de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les demandes aux fins de nullité des assemblées générales des 10 mai et 11 septembre 2006 présentées en cause d'appel par M. I... et Mme M... ;

Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de M. I... et Mme M... dont distraction chacun pour sa part, au profit de Maîtres Franciane Silo-Lavital, Samper- Panzani et Gwendalina Makdissi, avocats au barreau de Guadeloupe ;

Rejette les demandes faites au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 15/018351
Date de la décision : 30/09/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2019-09-30;15.018351 ?
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