COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 659 DU 16 SEPTEMBRE 2019
No RG 18/01369 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-DAT7
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Basse-Terre, décision attaquée en date du 09 octobre 2018, enregistrée sous le no 18/00104
APPELANTE :
SCI EZYDOL
[...]
Représentée par Me Chantal BEAUBOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE NON REPRÉSENTÉE :
Compagnie d'assurances GFA CARAIBES
[...]
signification de la déclaration d'appel et conclusions le 28 décembre 2018 à personne morale habilitée
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le
15 avril 2019.
Par avis du 15 avril 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
M. Serge GRAMMONT, conseiller,
Mme Joëlle SAUVAGE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 1er juillet 2019 et prorogé le 16 septembre 2019.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière.
Lors du prononcé de l'arrêt : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de
l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées.
Signé par Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Se prévalant des dommages subis le 06 septembre 2017 lors du passage de l'ouragan Irma, par le bien immobilier dont elle est propriétaire [...], la SCI Ezydol, a fait assigner la SA GFA Caraibes (la Cie GFA) auprès de laquelle elle déclare être assurée, aux fins de désignation d'un expert immobilier.
Par ordonnance contradictoire rendue le 09 octobre 2018, la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre a dit n'y avoir lieu à référé, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SCI Ezydol aux dépens de l'instance.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 22 octobre 2018, la SCI Ezydol a relevé appel de cette décision.
Par avis du 11 décembre 2018, les parties ont été informées de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 15 avril 2019 et il leur a été rappelé les dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à personne morale le 18 décembre 2018. La Cie GFA n'a pas constitué avocat.
L'affaire a été retenue à l'audience du 15 avril 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions du 16 novembre 2018, au visa des articles 145 du code de procédure civile, L. 113-3 et R 113-1 du code des assurances, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur ses moyens et prétentions, la SCI Ezydol demande de réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé prononcée le 09 octobre 2018, dire et juger qu'elle dispose d'un motif légitime tendant à ce que soit désigné un expert avec mission notamment de se rendre sur les lieux, décrire les dommages subis consécutifs au sinistre survenu le 6 septembre 2017, évaluer le coût de l'ensemble des travaux de réparation et réserver les dépens.
La SCI Ezydol expose que société civile familiale dont le siège social est sis [...] , elle a fait, courant 2000, l'acquisition du bien immobilier sis [...] pour lequel elle a souscrit, par l'intermédiaire de la société Mercure Assurance aux droits de laquelle vient le cabinet Anton, un contrat d'assurances multirisque habitation dénommé "carte" noG [...] auprès de la compagnie GFA ; suite au passage sur l'île de Saint-Martin, le 6 septembre 2017 de l'ouragan Irma, elle a déclaré son sinistre dés le 11 septembre 2017 à la Cie GFA et l'a relancé sans succès le 29 septembre 2017 ; ayant été informée téléphoniquement par le cabinet Anton de la résiliation dudit contrat pour défaut de paiement de primes sans avoir reçu de mise en demeure préalable, elle a dés le 4 septembre 2017, soit avant la survenance du sinistre, payé la prime due laquelle a été reçue sans réserve par l'assureur ; suite à la mise en demeure adressée le 11 décembre 2017 à la Cie GFA, celle-ci a refusé d'instruire le sinistre au motif que le contrat avait été résilié pour non paiement de primes ; les dommages subis étant importants et n'ayant pas reçu à son domicile la mise en demeure préalable à toute résiliation de contrat d'assurance, elle dispose incontestablement d'un motif légitime à voir ordonner une telle expertise, le juge des référés ne pouvant statuer sur les mérites de l'argumentaire de la Cie GFA ; cette dernière a parfaitement connaissance de son domicile puisqu'elle a toujours réglé ses primes d'assurance par chèque portant l'adresse de son siège social à Vallauris, qui n'est pas le lieu de la situation du risque, la Cie GFA ne rapportant pas au surplus la preuve de ce que la lettre recommandée du 5 septembre 2016 ait été reçue par la SCI Ezydol, l'accusé de réception n'étant pas produit au dossier ; elle est fondée à rechercher la garantie de la Cie GFA, le juge des référés ne pouvant rejeter sa demande d'expertise au motif que sa prétention ultérieure serait vouée à l'échec.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l'énoncé de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est admis que la mesure d'instruction sollicitée permet à celui qui la demande de réunir des éléments de fait pouvant servir de base à un procès susceptible d'opposer les parties, étant précisé que la preuve d'un motif légitime doit être établie mais que ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions à une mesure d'instruction "in futurum".
En l'espèce, il est constant et non contesté que le bien immobilier dont s'agit fait l'objet depuis plusieurs années d'une couverture d'assurance multirisque habitation auprès de la Cie GFA. Par courrier du 15 décembre 2017, la Cie GFA a informé la SCI Ezydol de la résiliation de cette garantie antérieurement au cyclone Irma, pour non paiement des primes. Les modalités de cette résiliation sont contestées par l'appelante au motif qu'elle n'a pas reçu la mise en demeure préalable à son domicile ainsi que l'exige l'article R. 113-1 du code des assurances et n'a pas donc été en mesure de régler la prime réclamée. Il est certain que le juge des référés, juge de l'évidence, n'est pas compétent pour statuer sur la validité de cette résiliation.
Il convient de rappeler que le juge saisi sur le fondement de l'article 145 n'a pas à caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction au regard du fondement juridique de l'action que le demandeur se propose d'introduire, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé. Il suffit de constater qu'un procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui.
Toute mesure d'instruction sollicitée en référé doit porter sur des faits déterminés et pertinents ce qui est le cas en l'espèce puisque la SCI Ezydol établit la réalité de son préjudice né du passage du cyclone Irma survenu le 6 septembre 2017 par la production du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 22 novembre 2017 par la SCP H....
Dés lors, il y a lieu de considérer que la contestation évoquée ne prive pas la SCI Ezydol de la possibilité de faire estimer par le biais d'une expertise judiciaire contradictoire les dommages causés au bien dont elle est propriétaire, à charge pour elle d'en avancer les frais, une telle expertise apparaissant utile dans l'optique d'un éventuel procès avec l'assureur, ce sous réserve de l'appréciation ultérieure de la validité du contrat querellé par les juges du fond.
Dés lors, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il est de juste appréciation de dire que l'appelante justifie d'un intérêt certain et légitime à voir ordonner la mesure d'instruction sollicitée.
En conséquence, infirmant la décision, il convient de faire droit à la demande et de désigner l'expert X... J... avec la mission figurant au dispositif.
En vertu de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée sera confiée au juge chargé du contrôle de ces mesures au tribunal de grande instance de Basse-Terre.
Les dépens resteront à la charge de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe ;
Infirme l'ordonnance déférée, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Ordonne une expertise et commet pour y procéder M. X... J..., expert judiciaire inscrit sur la liste de cour d'appel de Basse-Terre, demeurant [...] -
Tel : [...] - Fax : [...] - Courriel : [...]
Dit qu'après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles, convoqué utilement les parties, l'expert remplira, au contradictoire de celles-ci, la mission suivante :
-se rendre sur les lieux [...] et les visiter,
-décrire les dommages causés à l'immeuble en cause par le passage de l'ouragan Irma le 6 septembre 2017,
-les évaluer s'il y a lieu et fixer le coût de l'ensemble des travaux de remise en état consécutifs à cet événement,
-fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis ;
Dit que l'expert déposera son rapport écrit au greffe du tribunal de grande instance de Basse-Terre dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, après avoir adressé un pré-rapport aux parties et répondu à leurs dires ;
Fixe à la somme de 2 000 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par la SCI Ezydol à la régie d'avances et de recettes du tribunal de grande instance de Basse-Terre (auquel il sera confié le suivi de cette mesure d'instruction) dans les deux mois de la présente décision;
Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
Dit que l'expertise sera réalisée, sauf refus exprès des parties, sous forme dématérialisée par utilisation de la plate-forme OPALEXE ;
Dit que le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée sera confiée au juge chargé du contrôle de ces mesures au tribunal de grande instance de Basse-Terre ;
Laisse les dépens de l'instance à la charge de la SCI Ezydol ;
Et ont signé le présent arrêt.
La greffière La présidente