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26/11/2018 | FRANCE | N°17/000571

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 01, 26 novembre 2018, 17/000571


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 961 DU 26 NOVEMBRE 2018

No RG 17/00057 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CYS4

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 05 janvier 2017, enregistrée sous le no 16/00122

APPELANTE :

Madame Murielle D...
[...]

représentée par Me Charles-henri Z..., (toque 14) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS :

Monsieur Alain E...
[...]

représenté par Me M

ahamadou B..., (toque 36) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Compagnie d'assurances GFA CARAIBES - GROUPE GENERALI...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 961 DU 26 NOVEMBRE 2018

No RG 17/00057 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CYS4

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 05 janvier 2017, enregistrée sous le no 16/00122

APPELANTE :

Madame Murielle D...
[...]

représentée par Me Charles-henri Z..., (toque 14) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS :

Monsieur Alain E...
[...]

représenté par Me Mahamadou B..., (toque 36) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Compagnie d'assurances GFA CARAIBES - GROUPE GENERALI - SA
prise en la personne de son représentant légal.
[...]

représentée par Me Daniel C..., (toque 08) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE NON REPRÉSENTÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GUADELOUPE
Quartier de l'Hôtel de Ville - Centre d'Echanges Nithila
97110 POINTE A PITRE
signification à personne morale habilitée

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 17 septembre 2018.

Par avis du 17 septembre 2018, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Mme Laure-Aimée GRUA-SIBAN, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 novembre 2018, prorogé le 26 novembre 2018.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière
Lors du prononcé : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Mme Laure-Aimée GRUA-SIBAN, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 août 2008, [...] , Mme Murielle D..., au volant de son véhicule Citroen Xsara immatriculé [...], a été victime d'un accident de la circulation, impliquant le véhicule automobile Toyota Hilux immatriculé [...], circulant en sens inverse, conduit par M. Alain E..., assuré auprès de la compagnie d'assurances GFA Carabes (la Cie GFAC ).

Le 15 février 2013, Mme D... a obtenu du président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre la désignation du docteur Pierre J..., expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 25 novembre 2013.

Par actes d'huissier de justice délivrés les 08, 11 et 21 janvier 2016, Mme D... a fait assigner M. E..., la Cie GFAC et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Guadeloupe, en indemnisation de son préjudice.

Par jugement rendu le 05 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a dit que le véhicule conduit par M. E... assuré par la Cie GFAC est impliqué dans la survenance de l'accident du 20 août 2008 subi par Mme D..., dit que le droit à indemnisation de celle-ci est entier, condamné M. E... et la Cie GFAC in solidum à lui payer la somme totale de 192 320,72 euros en réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil, condamné la Cie GFAC à payer à Mme D... les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 19 984 euros à compter du 20 avril 2008 jusqu'au 19 juillet 2016, déclaré le jugement commun à la CGSS de Guadeloupe et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, condamné M. E... et la Cie GFAC in solidum à payer à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 000 euros s'agissant de la somme allouée en réparation du préjudice corporel et en totalité s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 12 janvier 2017, Mme D... a relevé appel de cette décision.

Par actes d'huissier de justice délivrés les 07, 08 et 14 mars 2017, Mme D... a respectivement signifié sa déclaration d'appel à la CPAM de la Guadeloupe, à la Cie GFAC à personne habilitée, et à M. E..., en l'étude de l'huissier instrumentaire.

Les parties ont conclu à l'exception de la CPAM laquelle n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2018.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Les dernières conclusions, remises les 05 avril 2018 par l'appelante, 15 avril 2018 par la Cie GFAC , 7 juin 2017 par M. E..., auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

Mme D... demande d'infirmer la décision entreprise en ce que le tribunal a d'une part retenu comme assiette des intérêts, l'offre formulée par GFAC en cours de procédure et d'autre part n'a pas évalué le poste de préjudice "frais de véhicule adapté", faute pour celui-ci d'avoir été chiffré, et en ce que le préjudice de la victime doit être actualisé au jour de la décision à intervenir en tenant compte du barème de capitalisation le plus récent à savoir le barème de capitalisation 2018 publié par la Gazette du palais le 28 novembre 2017, statuant à nouveau condamner solidairement M. E... et son assureur GFAC à régler à Mme D... la somme de 395 224,50 euros à parfaire au jour du jugement et dont devra être déduite la somme de 52 000 euros déjà versée en exécution du jugement dont appel, dire et juger que cette somme de 395 224,50 euros produira intérêts au double du taux légal, ce à compter du 20 avril 2008 jusqu'à la décision à intervenir en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, ordonner la capitalisation des intérêts, condamner les mêmes et sous la même solidarité à verser à Mme D... la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, et rendre la décision opposable à l'organisme social.

La Cie GFAC demande de la déclarer recevable en son appel incident, déclarer non fondé l'appel principal, dire que Mme D... a commis une faute en relation directe avec le préjudice corporel qu'elle a subi, limiter son droit à indemnisation à concurrence de moitié, fixer les indemnités à hauteur de la somme de 55 746 euros et dire que la somme revenant à Mme D... après limitation de son droit s'élève à 27 873 euros, rejeter les demandes formulées au titre de la tierce personne après consolidation, des frais de consignation pour expertise, des frais de véhicule adapté et du préjudice d'agrément, dire que les intérêts au double du taux légal seront dus du 25 avril 2014 au 19 juillet 2016, réduire la demande au titre des frais irrépétibles et statuer ce que de droit sur les dépens.

M. E... a conclu aux mêmes fins que son assureur tendant à l'infirmation partielle du jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Si aux termes de l'article 04 de la loi du 05 juillet 1985, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis, il est admis qu'en cas de collision, en l'absence de preuve d'une faute d'un conducteur, les causes de l'accident étant restées inconnues, le propriétaire d'un des véhicules doit indemniser entièrement le propriétaire de l'autre, étant précisé que la faute de la victime doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur.

Or, en l'espèce, des pièces produites notamment du procès-verbal de synthèse simplifiée des faits établi par la gendarmerie de Grand-Bourg le 20 août 2008 mentionnant le choc frontal des véhicules des mis en cause, en plein jour, hors agglomération, en courbe droite, sur une route en bon état, et de l'audition de Mme D... réalisée le 22 janvier 2009 au commissariat de Police de Pointe-à-Pitre précisant qu'elle se trouvait sur sa voie de circulation et était porteuse de sa ceinture de sécurité, il n'est pas rapporté que celle-ci ait commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation.

Contrairement à ce que soutient M. E... et la Cie GFAC , aucun élément du dossier n'établit que Mme D... circulait à gauche de la chaussée, fût-elle étroite- ou avait perdu la maîtrise de son véhicule, les véhicules ayant été déplacés après l'accident et aucun témoignage extérieur n'ayant été recueilli.

A ce titre, par courrier du 15 juin 2011, le procureur de la république de Pointe-à-Pitre informait le conseil de Mme D... du classement sans suite de ce dossier, "l'infraction de blessures involontaires ne paraissant pas caractérisée à l'égard de M. E..., chaque partie (ayant) imputé la responsabilité de l'accident à l'autre, il est impossible de prouver la faute de conduite commise par l'une ou l'autre des parties, les constatations faites sur place n'éclairant pas davantage la procédure".

Aussi, les circonstances précises de l'accident demeurant indéterminées, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a considéré que la faute de la victime n'étant pas établie, celle-ci a droit à la réparation intégrale de son préjudice.

Sur le montant de l'indemnisation

Selon le certificat médical du 01 septembre 2008 de M. G... K..., médecin au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre-Abymes, Mme D... a été victime, suite à l'accident du 20 août 2008 d'une fracture de la tête fémorale gauche lui occasionnant une ITT de 4 mois, sauf complications.

Il résulte du rapport d'expertise en date du 25 novembre 2013 du docteur J... que du fait de l'accident, Mme D..., née le [...] , cuisinière au chômage au moment des faits, a été hospitalisée au CHU du 21 août 2008 au 29 septembre 2008 dans le service de traumatologie pour une intervention de la hanche gauche avec pose de 2 vis, puis à la clinique de l'Espérance en rééducation où elle garde le fauteuil roulant pendant un mois environ, puis transférée en hôpital de jour jusqu'en janvier 2009. Il y est précisé qu'elle a l'usage de 2 cannes pendant environ un an puis d'une canne de janvier à mars 2009 et reprend le travail fin mars 2009 avec poste aménagé avec arrêts. Une nouvelle hospitalisation de 2 jours a eu lieu en avril 2009 pour ablation d'une vis (l'autre devant être enlevée) puis reprise de la kinésithérapie, du travail mi-juin suivi du congé annuel puis reprise du travail en septembre. La consolidation de la victime est fixée par l'expert au 20 avril 2011.

I - Les préjudices patrimoniaux
A - Les préjudices patrimoniaux temporaires

- les dépenses de santés actuelles

Il n'y a pas de demande formulée de ce chef. Les débours de la caisse générale de sécurité sociale n'ont pas été communiqués dans la présente procédure.

- les frais divers

Il s'agit des dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation. L'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

L'appelante demande la confirmation du jugement querellé sur ce poste de préjudice alors que les intimés offrent la somme de 6838 euros sur la base de 13 euros de l'heure tenant compte du Smic horaire à l'époque de l'accident.

Il est de jurisprudence courante que la rémunération de la tierce personne soit calculée sur la base d'un taux horaire moyen compris entre 16 et 25 euros, selon le besoin, la gravité du handicap, la spécialisation de la tierce personne, et le lieu de domicile de la victime, ce pour tenir compte du coût réel d'un tel service, la prise en compte du Smic horaire à l'époque de l'accident ne pouvant être retenue.

L'expert a considéré qu'une aide ménagère a été nécessaire à Mme D... 3 heures par jour de la sortie de l'hôpital du 30/10/2008 au 31/01/2009 (94 jours), puis 1 heure par jour du 01/02/2009 au 28/02/2009 (28 jours) et pour les gros travaux entre la reprise du travail et la consolidation au 20 avril 2011 (780 jours) durant 05 heures par semaine.

Vu la réduction d'autonomie de la victime pendant cette période et l'aide non spécialisée nécessaire, le tarif horaire de 16 euros justement apprécié par le premier juge sera retenu par la cour et l'indemnité de 13 885,60 euros allouée à Mme D... sera confirmée.

B - les préjudices patrimoniaux permanents

- l'incidence professionnelle

Même en l'absence de perte immédiate de revenu, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail. Cette dévalorisation peut se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d'incapacité). Cette fatigabilité fragilise la permanence de l'emploi et la concrétisation d'un nouvel emploi éventuel. Cette fatigabilité justifie une indemnisation nécessairement évaluée "in abstracto".

Pour évaluer ce poste de préjudice, il convient de prendre en compte la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire, etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), des perspectives professionnelles et de l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).

Mme D... demande la confirmation du jugement querellé de ce chef invoquant les répercussions professionnelles des séquelles subies, l'expert précisant qu'elle ne peut rester en station debout prolongée.

La Cie GFAC et M. E... proposent la somme de 9 000 euros à ce titre arguant d'une simple pénibilité accrue dans l'exécution de son travail, Mme D... ne justifiant pas de ses revenus, avant ou après l'accident.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire précité du docteur J..., l'existence d'une répercussion des séquelles de l'accident dans l'exercice des activités professionnelles de Mme D... à savoir l'impossibilité d'une station debout prolongée, en sa qualité d'ancienne cuisinière.

De plus, Mme D... justifie avoir obtenu le 06 juin 2012, certes non le statut d'invalide, mais la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la Maison départementale des personnes handicapées de Guadeloupe.

Il est donc rapporté en l'espèce, une dévalorisation sur le marché du travail se traduisant par une augmentation de la fatigabilité de la victime, celle-ci, âgée aujourd'hui de 42 ans, étant au chômage lors de l'accident mais ayant pu reprendre le travail en mars 2009.

Dés lors, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause qu'une indemnité de 35 000 euros a été allouée à Mme D... par le premier juge. Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

- l'assistance par tierce personne après consolidation

La tierce personne étant destinée à suppléer la perte d'autonomie de la victime, il est admis une indemnisation à ce titre, en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée.

Pour allouer à Mme D... la somme totale de 102 045,12 euros pour ce poste de préjudice, le premier juge a pris en compte les conclusions de l'expert J... concluant à l'assistance pour elle, après consolidation d'une tierce personne, 3 heures par semaine et le barème de capitalisation 2013.

Pour contester cette appréciation jugée sans fondement et en contradiction avec le taux de DFP fixé à 8%, les intimés arguent des conclusions de leur médecin conseil Docteur H... lequel a assisté à l'expertise et considère que du fait des séquelles de Mme D..., ce poste de préjudice n'est pas constitué car celle-ci est autonome dans les actes de la vie quotidienne et domestique.

Mme D... réclame pour ce poste de préjudice la somme totale de 127 789,20 euros et fait valoir les séquelles définitives constatées par l'expert judiciaire (marche limitée, limitation de certains mouvements complexes, impossibilité de la station debout prolongée..) constituant des atteintes fonctionnelles de nature à réduire sa capacité à accomplir seule certains actes de la vie quotidienne (gros ménage, repassage, port de charges lourdes..)

Pour chiffrer ce poste de préjudice, il convient de fixer le coût horaire, étant précisé que le tarif horaire de l'indemnisation se situe entre 16 et 25 euros de l'heure en fonction du besoin, de la gravité du handicap, de la spécialisation de la tierce personne et du lieu du domicile de la victime. L'indemnisation s'effectue selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaires.

A partir de ces éléments, il convient de déterminer le coût annuel de la tierce personne, d'allouer à la victime les arrérages échus en capital correspondant aux dépenses déjà engagées entre la consolidation et la date de la décision, et les arrérages à échoir après la décision sous forme de rente ou en capitalisant le coût annuel.

Vu les conclusions du rapport d'expertise judiciaire retenant après consolidation de la victime, un enraidissement articulaire, une instabilité, une gêne à la station debout, une boiterie, un accroupissement difficile, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que le premier juge a fait droit au principe de la réparation de ce poste de préjudice.

Si selon la règle de l'indemnisation intégrale, Mme D... est fondée de réclamer une réévaluation de son préjudice en considération du barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais - au lieu et place de celui de 2013 utilisé par le premier juge-, le calcul sera fait sur la base de 52 semaines, l'état de la victime nécessitant une telle aide 03 heures par semaine selon l'expert, non quotidiennement ou à plein temps.

Aussi, vu les éléments de la cause, la tierce personne échue après consolidation doit être arrêtée ainsi qu'il suit : du 20 avril 2011 au 28 novembre 2018 soit 2774 jours/7 = 396,28 semaines x 3h x 16€ =19 021,71 euros.

S'agissant de la tierce personne à échoir, la victime étant âgée de 42 ans et l'assistance étant prévue à vie, selon le barème de la Gazette du palais actualisé en 2018, le prix de l'EURL de rente viagère est fixé à 38,535 pour les personnes de sexe féminin. Ainsi, le coût annuel de la tierce personne doit être fixé à 2496 euros (3h x 16€ x 52 semaines) soit la somme de 96 183,36 euros en capital (2496 x 38,535).

En conséquence, au titre de la tierce personne après consolidation, en raison de l'actualisation précitée, le jugement querellé sera infirmé sur ce point et il sera alloué à Mme D... la somme totale de 115 205,07 euros.

- les frais de véhicule adapté

Ces frais correspondent aux dépenses nécessaires pour permettre l'aménagement du véhicule lorsque le déficit fonctionnel de la victime ne lui permet pas d'utiliser un véhicule ordinaire.

Pour ce poste préjudice lequel avait été réservé en première instance, Mme D... demande, sur la base d'un véhicule Citroen C4 automatique d'une valeur à neuf de 19 264 euros, la somme totale de 177 160,30 euros (soit 28 692,65 euros pour les arrérages échus au 01/10/2018 et 148 467,65 euros pour les arrérages à échoir, à parfaire).

Les intimés contestent ce poste de préjudice non constitué selon l'expert conseil de la Cie GFAC au regard de la nature des séquelles existantes tel que repris par le taux faible de DFP (8%) et la bonne mobilité de la cheville de Mme D..., seule la commission de permis de conduire permettant de trancher ce point.

Selon les conclusions du rapport d'expertise judiciaire établi le 25 novembre 2013, l'expert J... indique "voiture à boîte automatique à prévoir". Aussi, en dépit de l'avis contraire de l'assureur, il y a lieu de considérer que les séquelles médicales de Mme D... nécessitent l'adaptation en ce sens de son véhicule.

Au regard du principe de la réparation intégrale et sur la base de l'estimation raisonnable indiquée par Mme D... selon estimation du site Elite auto pour un véhicule Citroen C4 (la victime disposait d'une Citroen Xsara détruite au moment de l'accident), avec un renouvellement prévu sur 8 ans soit 19 264/8= 2408€ (la fréquence de renouvellement proposée de 05 ans étant excessive), il y a lieu de dire qu'au titre des arrérages échus du 20/04/2011 au 26/11/2018, l'appelante est fondée à obtenir la somme de 18 264,79 euros.{(07ansx 2408)+(7moisx2408/12)+(6joursx6.68)}.

Au titre des arrérages à échoir, il est de juste appréciation de faire droit à la demande à hauteur de la somme de 92 792,28 euros (2408€x38,535 prix de l'EURL de rente viagère selon le barème de capitalisation de la Gazette du palais du mois de novembre 2017 retenu supra).

Au total, il sera alloué à Mme D... pour ce poste de préjudice la somme de 111 057,07 euros.

Au total, la somme de 275 147,74 euros reviendra donc à Mme D... au titre de l'indemnisation de son préjudice patrimonial.

II - Les préjudices extra patrimoniaux

A - les préjudices extra patrimoniaux temporaires

- le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit ici d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire. C'est l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation. Cela correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation familiale pendant l'hospitalisation et privation temporaire de qualité de vie).

Le rapport d'expertise judiciaire a retenu le déficit fonctionnel temporaire de Mme D... totalement du 20/08/2018 au 31/10/2008 outre 2 jours pour l'ablation du matériel en avril 2010, au niveau de la classe 3 du 31/10/2008 au 31/01/2019, de la classe 2 du 01/02/009 au 28/02/2009, de la classe 1 du 01 mars 2009 au 20 avril 2011 (moins 2 jours correspondant à l'ablation du matériel).

La Cie GFAC et M. E... proposent de retenir les montants compris entre 20 euros et 02 euros par jour (selon la classe retenue, le niveau I correspond à 10%, le niveau II correspond à 25%, le niveau III correspond à 50%) soit au total la somme de 4108 euros à ce titre alors que Mme D... réclame la confirmation du jugement du 05 janvier 2017.

La décision qui a indemnisé Mme D... sur une base journalière de 25 euros pour ce déficit fonctionnel, sera confirmée en ce qu'elle lui a alloué une somme de 5090 euros.

- les souffrances endurées

Le premier juge a alloué à l'appelante une indemnité de 13 000 euros pour des souffrances quantifiées 4/7 par le docteur J... (pour une hospitalisation longue de plus de 2 mois, rééducation en centre, 2 interventions chirurgicales)

Cette indemnité, non contestée, apparaissant justifiée, la décision sera confirmée.

- le préjudice esthétique temporaire

La victime peut subir, pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l'hospitalisation, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

L'expert a quantifié ce préjudice à 3/7 pendant cette période (fauteuil puis canne)

L'indemnité de 1500 euros allouée à Mme D... par le premier juge, non contestée par les parties, sera confirmée par la cour.

B - les préjudices extra patrimoniaux permanents

- le déficit fonctionnel permanent

Il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel.

L'expert a fixé le déficit à 8% en raison de la marche peu limitée, de la limitation de certains mouvements complexes, de l'absence d'aide technique.

L'indemnité de 14 800 euros allouée à l'appelante et non querellée, sera confirmée.

- le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

L'appelante ne conteste pas la décision qui l'a déboutée de sa demande à ce titre.

- le préjudice esthétique permanent

L'expert a chiffré ce préjudice à 2/7 en raison des cicatrices linguinales.

La décision sera confirmée en ce qu'elle alloue à ce titre à Mme D..., une indemnité non contestée, de 2 000 euros.

- le préjudice sexuel

L'expert a retenu une diminution de la libido du fait des séquelles de cet accident.

La décision sera confirmée en ce qu'elle alloue à ce titre à Mme D..., une indemnité non contestée, de 5 000 euros.

Le préjudice extra patrimonial est donc d'un montant de 41 390 euros, de laquelle il conviendra de déduire les éventuelles provisions déjà versées.

En conséquence, la somme totale due par la Cie GFAC et son assuré à Mme D... en réparation de son préjudice corporel s'élève à la somme de 316 537,74 euros.

Sur la demande tendant au doublement du taux légal

L'article L. 211-9 du code des assurances prévoit que quelque soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de 3 mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de 8 mois à compter de l'accident (...).
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas dans les 3 mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique (...).

Aux termes de l'article L.211-13 du code des assurances, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en fonction de circonstances non imputables à l'assureur.

Pour demander la confirmation du jugement entrepris sur le doublement des intérêts au taux légal à titre de sanction pour offre tardive de l'assureur mais son infirmation sur la détermination de l'assiette des intérêts, Mme D... soutient que la Cie GFAC ne peut valablement soutenir qu'elle n'a eu connaissance de l'accident survenu en 2008, que lors de la délivrance en 2011 de l'assignation en référé et que son offre faite à hauteur de 19 984 euros dans ses écritures du 19 juillet 2006 étant incomplète et insuffisante doit être assimilée à une absence d'offre. Elle en conclut que les intérêts au taux légal doivent s'appliquer sur l'indemnisation totale fixée par la juridiction, depuis le 20 avril 2008 et ce, jusqu'à la décision à intervenir.

Au soutien des dispositions de l'article R. 211-29 du code des assurances, la Cie GFA fait valoir que n'ayant eu connaissance de cet accident qu'au mois de février 2011, Mme D..., initialement poursuivie pour défaut de port de ceinture de sécurité et circulation sur la partie gauche de la chaussée, ayant renouvelé son assignation en référé le 11 décembre 2012 et l'expert ayant déposé son rapport fixant la consolidation de la victime le 25 novembre 2013, elle a émis une offre valable dans le délai légal de 05 mois prévu par l'article susvisé à compter de la connaissance de la consolidation. Elle précise que de ce fait, les intérêts au double du taux légal ne peuvent être dus qu'à compter du 25 avril 2014 jusqu'au 19 juillet 2016.

Le procès-verbal de la gendarmerie de Grand-Bourg relatant les circonstances de l'accident en cause survenu le 20 août 2008 clôturé le 25 septembre 2008 mentionne sa transmission au comité des sociétés d'assurances. Aussi, les assurés ayant au surplus l'obligation de déclarer leur sinistre, la Cie GFA est mal fondée à soutenir qu'elle n'en a eu connaissance qu'en 2011 lors de la délivrance de la première assignation en référé.

Cependant, en l'espèce, s'il est constant que la responsabilité des 2 conducteurs a été discutée y compris par le procureur de la république de Pointe-à-Pitre lequel avait, avant d'y renoncer, intenté des poursuites envers M. E... et Mme D..., l'article L. 211-9 précité imposait à la Cie GFAC de faire à cette dernière, une offre fut-elle provisionnelle, ce dans un délai de 8 mois à compter de l'accident.

Il est constant que cette offre présentée seulement le 19 juillet 2016 n'a pas été faite dans le délai légal de sorte que Mme D... est fondée à réclamer le doublement du taux légal du montant de l'indemnité offerte.

Au regard des circonstances de l'accident, des poursuites envisagées et de la contestation du droit à indemnisation, certes non reconnue par la cour, l'offre faite en l'espèce, en son temps, par l'assureur ne sera pas considérée comme insuffisante, de sorte qu'il est de juste appréciation de dire que le doublement des intérêts portera sur la somme offerte par la Cie GFA soit celle de 19 984 euros du 20 avril 2009 -non 2008, l'accident étant survenu le 20 août 2008- au 19 juillet 2016, jour de l'offre.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef sauf à préciser que le départ du doublement de l'intérêt au taux légal est fixé au 20 avril 2009.

Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant de la capitalisation des intérêts.

Sur les autres demandes

Il est de juste appréciation de dire que le présent arrêt sera opposable à la CPAM de Guadeloupe - non au FGAO, absent de la cause, comme indiqué à tort dans le jugement querellé-.

Les circonstances de la cause justifient d'allouer à Mme D... une indemnité de procédure de 2 000 euros à hauteur de cour.

Les intimées constituées supporteront les entiers dépens de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement rendu le 05 janvier 2017, sauf en ce qui concerne le montant de la réparation du poste de préjudice relatif à la tierce personne après consolidation fixé à la somme de 102 045,12 euros, le point de départ du doublement des intérêts au taux légal fixé au 20 avril 2008 et les frais de véhicule adapté ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne in solidum M. Alain E... et la compagnie d'assurances GFA Caraibes à payer à Mme Murielle D... la somme de 115 205,07 euros en réparation du coût de la tierce personne nécessaire après consolidation ;

Condamne in solidum M. Alain E... et la compagnie d'assurances GFA Caraibes à payer à Mme Murielle D... la somme de 111 057,07 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

En conséquence, dit que l'entier préjudice de Mme D... s'élève à la somme de 316 537,74 euros et condamne in solidum, en cas de besoin, M. Alain E... et la compagnie d'assurances GFA Caraibes à payer cette somme à Mme Murielle D..., provisions non déduites ;

Condamne la compagnie d'assurances GFA Caraibes à payer à Mme Murielle D... les intérêts au double de l'intérêt légal sur la somme de 19 984 euros -hors provision- du 20 avril 2009 au 19 juillet 2016 ;

Condamne in solidum M. Alain E... et la compagnie d'assurances GFA Caraibes à payer à Mme Murielle D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare la décision opposable à la CPAM de la Guadeloupe ;

Condamne in solidum M. Alain E... et la compagnie d'assurances GFA Caraibes au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel ;

Ecarte les autres demandes plus amples ou contraires ;

Et ont signé le présent arrêt.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 17/000571
Date de la décision : 26/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2018-11-26;17.000571 ?
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