COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 220 DU QUATRE JUIN DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 01179
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 juin 2010.
APPELANT
Monsieur Philippe X...
...
97110 POINTE-A-PITRE
Représenté par Me Elisabeth CALONNE (TOQUE 25) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
L'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DE L'ENFANCE
23 chemin des Petites Abymes
97110 POINTE-A-PITRE
Représentée par Me MATRONE substituant la SELARL DERAINE Jean-Marc (TOQUE 23) avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,
M. Jacques FOUASSE, conseiller,
Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juin 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée du 8 février 1999, M. Philippe X..., médecin de formation, a été recruté par l'Association pour la Protection de l ‘ Enfance, la formation intellectuelle de la jeunesse, l'aide aux malades et aux vieillards, dite ci-après l'A. P. E., en qualité de directeur général salarié.
Il bénéficiait d'un salaire net mensuel de 20 000 FF, soit 3 048, 98 €.
Aux termes de ce contrat, il avait notamment pour mission de " pré-traiter, au profit des organes décisionnels de l'Association, l'ensemble des dossiers et documents devant émaner de celle-ci, ou qui lui seront soumis " avec délégation de pouvoirs.
Le 19 février 2001, M. Philippe X... faisait parvenir par lettre recommandée avec avis de réception et par télécopie une lettre de démission au Père Y..., président de l'Association A. P. E..
Le 8 mars 2001, ce dernier a adressé à M. Philippe X... une convocation pour un entretien préalable à son licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception.
Le 28 mars 2001, M. Philippe X... est licencié pour faute lourde.
Par demande enregistrée le 24 mars 2006, M. Philippe X... saisit le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, en sa formation de jugement, aux fins d'obtenir :
- la condamnation de son employeur, l'A. P. E., au paiement des sommes suivantes :
* 7 622, 45 € au titre des salaires de février et mars 2001 et des 6/ 12ème du 13ème mois de janvier à juin 2001,
* 3 861, 99 € au titre de l'indemnité congés payés correspondant à la période allant du 1er juin 2000 au 31 mai 2001 ainsi qu'à 3 jours en juin 2001,
* 9 146, 94 € au titre de l'indemnité de préavis correspondant à 3 mois de salaire, soit du 1er avril 2001 au 30 juin 2001,
* 12 485, 57 € au titre de l'indemnité légale de licenciement correspondant au 3/ 12ème du salaire annuel brut,
* 91 469, 41 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure et d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse,
- la remise par l'A. P. E., :
* d'un certificat de travail, sous astreinte de 152, 45 € par jour de retard,
* des bulletins de paie de février et mars 2001, et du justificatif du paiement du préavis, sous astreinte de 152, 45 € par jour de retard,
* d'une attestation Assedic, sous astreinte de 152, 45 € par jour de retard,
* de la preuve que les cotisations retenues ont bien été versées à la caisse des retraites des cadres.
Par jugement du 7 novembre 2010, le conseil de prud'hommes a déclaré caduque la demande du 24 mars 2006 en application de l'article 468 du nouveau code de procédure de civile.
Cette décision était notifiée à l'A. P. E., le 27 mars 2007.
M. Philippe X... saisissait une nouvelle fois le conseil de prud'hommes, en sa formation de jugement, le 17 novembre 2006 enregistrée le 20 novembre 2006.
Par jugement du 8 juin 2010, le conseil de prud'hommes a débouté M. Philippe X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée le 14 juin 2010, M. Philippe X... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions remises le 28 février 2011 et soutenues oralement à l'audience du 5 mars 2012, M. Philippe X..., représenté, demande à la cour d'annuler le jugement sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile et de statuer sur le tout.
A défaut d'annulation, il demande de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que son appel est bien fondé et que sa démission est équivoque,
- dire que la lettre de licenciement du 28 mars 2001 est la cause de la rupture du contrat de travail et qu'en conséquence, ce licenciement, non motivé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse et prend effet au début du mois d'avril 2001, (première présentation de la lettre recommandée de licenciement),
- dire que le préavis correspondant est de trois mois et qu'à l'expiration de celui-ci, la prescription quinquennale commence à courir,
- constater que la prescription a été interrompue tant par la déclaration de créance que par la saisine du conseil de prud'hommes le 24 mars 2006,
- dire qu'il est donc fondé en ses demandes de paiement des salaires de février et mars 2001,
- dire que si la lettre du 19 février 2001 est le point de départ de la rupture, constater qu'il s'agit d'une prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, ce qui induit un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'A. P. E. à lui payer les sommes suivantes :
* 6 097, 96 € au titre des salaires impayés,
* 9 146, 94 € au titre de l'indemnité de préavis, d'avril à juin inclus,
* 1 524, 49 € au titre du 6/ 12ème net du 13ème mois contractuel,
* 3 861, 99 € au titre de l'indemnité de congés payés,
* 12 485, 57 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 55 000 € à titre d'indemnité réparatrice de la perte définitive de son indemnisation chômage du fait de la carence fautive de l'employeur qui ne lui a pas délivré l'attestation Assedic,
* 36 469, 41 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,
* 2 500 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la même à la remise des documents légaux sous astreinte de 200 € par jour de retard, y compris les bulletins de paie pour la période concernée.
Il fait d'abord observer à la cour, in limine litis, que le jugement du 8 juin 2010 encourt l'annulation parce qu'il a été rendu en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; que les moyens défendus devant le conseil de prud'hommes n'ont fait l'objet d'aucun examen de la part de ce dernier et que le jugement rendu est dépourvu de motivation tant sur les circonstances de sa démission que sur l'opposabilité à son égard de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre de 2004 mettant à néant l'ouverture de la procédure collective concernant l'A. P. E..
Il soutient ensuite que la lettre du 19 févier 2001, intitulée certes lettre de démission, ne comporte aucune volonté libre et non équivoque de sa part de démissionner au regard de la définition de la démission retenue par la cour de cassation ; que la démission doit être donnée en dehors de toute forme de contrainte de la part de l'employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'est vu interdire du jour au lendemain tout accès à son lieu de travail, les serrures furent changées deux fois sans qu'il en ait été informé par sa hiérarchie ; que plus grave, la présidence de l'A. P. E. a entendu lui signifier sa mise à l'écart brutale par la présence d'un vigile accompagné d'un chien lui interdisant tout accès au local de l'association ; que ces circonstances de fait, particulièrement intimidantes et attentatoires à sa dignité, n'ont à aucun moment été contestées par son employeur, avant et au cours de la procédure ; que le conseil de prud'hommes soulève même les conditions de l'équivoque en ces termes " Après une vive altercation avec le président de l'A. P. E., M. X... Philippe décide de lui envoyer la lettre (de démission) rédigée le 19 février par fax ", mais n'en tire aucune conséquence de droit.
Il expose également que curieusement, son employeur lui a notifié une lettre de licenciement en date du 28 mars 2001 pour faute lourde ; qu'au regard des faits, il n'est fait état ni de l'exécution d'un préavis en cours, ni de faits fautifs imputables justifiant la sanction d'un licenciement pour faute lourde et la fin de l'exécution du préavis ; que cette lettre démontre qu'au mois de mars 2001, pour l'A. P. E., le contrat de travail n'est pas rompu, qu'il n'y a pas davantage de préavis en cours et que l'employeur entend bien mettre un terme au contrat de travail le 26 mars 2001 par une procédure de licenciement ; que de surcroît, l'employeur ne peut naviguer entre un licenciement pour motif disciplinaire et un licenciement pour motif personnel ; qu'aucun grief n'est porté à sa connaissance au mépris des textes légaux alors qu'une mise à pied est d'ores et déjà prononcée à son encontre.
Il se prévaut, à titre subsidiaire, d'une prise d'acte de la rupture du contrat du fait de son employeur qui l'a poussé à prendre une solution extrême résultant des tensions et pressions exercées par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions, lequel ira jusqu'à changer les serrures de son lieu de travail.
Il fait enfin valoir que ses demandes de salaires ne sont pas prescrites car si le point de départ de la prescription quinquennale se situe à la date de la rupture du fait de la lettre de licenciement émise le 28 mars 2001, le contrat ayant été rompu à l'issue du préavis de 3 mois prévu dans son cas, ce point doit être en réalité fixé au mois de juin 2001 et la prescription devait expirer le 30 juin 2006 ; qu'en outre, cette prescription a été interrompue par deux actes, d'une part la déclaration de créance faite entre les mains de Maître Z... le 30 juin 2004, étant observé qu'à la date où il saisit le bureau de jugement le 24 mars 2006, la procédure de redressement judiciaire est encore effective et l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre annulant celle-ci n'étant pas encore intervenu, et d'autre part la saisine le 24 mars 2006 de la juridiction prud'homale sans qu'il soit possible d'opposer la décision de caducité du 7 novembre 2006 puisque les parties ont été ultérieurement convoquées à l'audience du 13 mars 2007 ; qu'en plus, les demandes formulées ne portent pas sur des sommes de nature salariale mais bien indemnitaires ; que privé de ses droits depuis 2001, il est également fondé à demander des sommes autres celles qu'impose la rupture du contrat, correspondant à 11 années de procédure, à la réparation du préjudice résultant du défaut de délivrance des pièces utiles en cas de rupture et aux frais nécessairement engagés pour défendre ses intérêts en justice.
Par conclusions remises le 3 octobre 2011 et soutenues oralement à l'audience, l'A. P. E., représentée, demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- constater que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a, par jugement du 7 novembre 2006, prononcé la caducité de l'instance (RG : 06/ 00190) introduite en date du 24 mars 2006 par M. X... et ce conformément aux dispositions de l'article R 516-16-1 du code du travail (article R 1454-21 nouveau),
- dire et juger que l'instance (RG : 06/ 001190) introduite le 24 mars 2006 n'a pu interrompre la prescription,
- constater que ce n'est que le 20 novembre 2006 que M. X... a saisi pour la seconde fois le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en introduisant une nouvelle instance (RG : 06/ 00687),
- constater que M. X... allègue des créances salariales relatives à la période de janvier 2001 à juin 2001, soit 6 097, 96 € à titre de salaire des mois de février et mars 2001, 9 146, 94 € à titre de préavis d'avril 2001 à juin 2001, 1 524, 49 € à titre de 13ème mois et 3 861, 99 € à titre de congés payés,
- dire et juger en conséquence que l'ensemble de ces créances salariales sont frappées par la prescription quinquennale,
- constater que M. X... a démissionné de son poste de directeur général de L'A. P. E. oralement le 19 février 2001, par télécopie datée du 19 février 2001 expédiée le 20 février 2001 à 14 h 39 puis devant huissier de justice le 7 mars 2001 et enfin par lettre recommandée avec avis de réception du 19 mars 2001,
- constater que cette démission a été formalisée à 4 reprises sur une durée d'un mois par l'intéressé, et qu'en conséquence, celle-ci était claire et non équivoque,
- débouter M. X... de ses demandes au titre d'une prétendue indemnité de licenciement d'un montant de 12 485, 57 €, d'un dommage pour perte définitive en indemnisation chômage d'un montant de 55 000 € et d'une indemnité pour circonstance aggravante liée à l'âge à hauteur de 36 469, 41 €,
- confirmer le jugement rendu le 08 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions,
- constater la mauvaise foi du demandeur relativement à sa demande de remise de bulletins de paie et d'une attestation Assedic,
- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le même à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle fait d'abord remarquer à la cour qu'au début de l'année 2001, M. X... se signalait par un comportement anormal sur son lieu de travail, comportement que son employeur mettait en rapport avec de multiples anomalies dans sa gestion détectées par le président de l'association ; que le 19 février 2001, M. X... faisait parvenir par lettre recommandée et télécopie une lettre de démission au Père Y..., président de l'association ; que le 20 février 2001, il organisait sciemment un scandale dans les locaux de l'A. P. E., adoptant une attitude d'insubordination tout en menaçant en des termes explicites son supérieur hiérarchique le Père Y... ; que devant un tel comportement, et malgré le préavis de démission en cours, celui-ci n'avait d'autre choix que de mettre à pied à titre conservatoire l'intéressé et de le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement aux fins d'interrompre le préavis de démission ; que le contrat de travail de ce dernier était définitivement rompu par l'interruption du préavis de démission pour faute lourde à compter du 26 mars 2001 et que c'est en l'état que le 24 mars 2006, soit plus de 5 années après ces faits, M. X... décidait d'attraire son ancien employeur devant le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre.
Elle explique ensuite qu'au mépris des dispositions de l'article L. 511-1 du code du travail (article L. 1411-1 du code nouveau), M. X... saisissait directement le bureau de jugement de la section encadrement, uniquement dans le but de frauder les droits de son ancien employeur, et affirmait faussement qu'elle était en situation de redressement judiciaire ; que se désintéressant de l'instance initiée, celui-ci ne se présentait pas à l'audience en date du 7 novembre 2006 du conseil de prud'hommes qui constatait alors par jugement du même jour la caducité de l'instance introduite le 24 mars 2006 en application des dispositions de l'article R. 516-26-1 du code du travail ; que M. X... introduisait une nouvelle instance par saisine du 20 novembre 2006 ; que les parties étaient alors convoquées à l'audience du 13 mars 2007, date à laquelle il faisait savoir à la barre qu'il entendait se désister de ses prétentions, le préliminaire de conciliation n'ayant pas été respecté du fait d'une saisine directe abusive du bureau de jugement ; que changeant encore de stratégie, il sollicitait que la tentative de conciliation légale intervienne postérieurement au premier appel devant le bureau de jugement aux fins de tenter de régulariser la procédure ; que l'audience de conciliation intervenait le 18 septembre 2007 et l'instance RG no 06/ 00687 faisait alors l'objet d'un nouveau renvoi devant le bureau de jugement du 4 décembre 2007 ; que par jugement en date du 8 juin 2010, la section encadrement du conseil de prud'hommes déboutait le requérant de l'ensemble de ses demandes constant tant sa démission réitérée à de multiples reprises que la prescription de ses demandes salariales.
Elle soutient par ailleurs que la procédure prud'homale initiée par M. X... est frappée par la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, car la saisine du 24 mars 2006 qui n'est en aucun cas interruptive de prescription au regard de la jurisprudence de la cour de cassation (cass. soc. du 21 mai 1996 no92-44. 347), a été déclarée caduque le 7 novembre 2006 ; que la prescription doit être appréciée à la date de la seconde saisine soit le 20 novembre 2006 et que l'ensemble des créances salariales sont irrecevables en application de l'article L. 3245-1 du code du travail ; qu'en plus, M. X... n'a jamais obtenu le relevé de la caducité intervenue le 7 novembre 2006, aucun jugement de relevé de caducité au sein du dossier prud'homal n'a été rendu en vertu de la jurisprudence constante de la cour de cassation qui exige un jugement en la matière (cass. soc. du 18 février 1998- cass. soc. du 23 mai 2007 no06-40. 146) ; qu'à cet égard, il importe de relever que la première saisine avait un numéro au rôle général de 06/ 00190 alors que l'instance actuelle est enregistrée au numéro le 06/ 00687.
Elle fait également valoir qu'elle n'était pas en redressement judiciaire à la date de la saisine du demandeur ; qu'en effet, si elle a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 8 janvier 2004 ; qu'elle a immédiatement interjeté appel de cette décision le 16 janvier 2004 et a obtenu parallèlement, par ordonnance du premier président du 31 mars 2004, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 8 janvier ; qu'ainsi, elle n'était plus considérée comme étant en période d'observation à compter de cette date et que de surcroît, il lui est rappelé que c'est le mandataire judiciaire qui établit un relevé des créances conformément aux dispositions de l'article L. 3253-19 nouveau du code du travail à ce stade de la procédure collective, et non le salarié comme prétend l'avoir fait M. X... par une pseudo-déclaration du 20 mars 2004 qui n'a aucune valeur légale.
Elle affirme que les sommes réclamées par M. X... pour la période du 19 février 2001 au 19 mai 2001 ont indiscutablement une
nature salariale aux termes d'une jurisprudence constante (cass. soc. du 24 octobre 1997- cass. soc. Du 18 juin 1997- cass. soc du 23 juin 1999- cass. soc du 18 juillet 2000- cass. soc du 12 novembre 2002 no00-45. 676) et sont frappées par la prescription quinquennale (cass. soc du 26 janvier 2005 no02-45. 655 no244 FS) ; que celles sollicitées à titre d'indemnité de licenciement, de perte définitive d'indemnisation chômage et à titre de circonstances aggravantes liées à l'âge ne sauraient prospérer car l'intéressé a démissionné de son poste le 19 février 2001, la procédure de licenciement intervenue le 28 mars 2001 n'ayant d'autre but que d'interrompre le préavis consécutif à sa démission compte tenu du comportement scandaleux de l'appelant dans les locaux de l'évêché ; qu'il est par ailleurs admis que tout licenciement intervenant postérieurement à une démission est sans effet (cass. soc. du 28 mars 2006 no04-41. 938) ; qu'enfin, il n'y a aucune cohérence à invoquer une prise d'acte de la rupture à titre subsidiaire sans qu'il soit rapporté la preuve que l'employeur est l'auteur de manquements graves à l'égard de son salarié, M. X... ne formulant strictement aucun grief à son encontre.
Elle dit enfin que la demande relative aux bulletins de paie de février et de mars 2001 et de l'attestation Assedic n'a pas pu être satisfaite car M. X... était le seul rédacteur de l'ensemble de ces documents et des déclarations sociales et qu'il a fallu faire procéder le 7 mars 2001 à une sommation interpellative pour récupérer les documents comptables et bilans des années 1997, 1998, 1999 et 2000, les dossiers du personnel et les livres obligatoires de l'association, sans résultats puisque l'intéressé répondait à cette demande dans les termes suivantes : " J'ai fait savoir par écrit recommandé les conditions dans lesquelles je remettrai les données en ma possession.. ".
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'ANNULATION DU JUGEMENT :
Attendu qu'aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date, le jugement doit également être motivé et énoncer la décision sous forme de dispositif ;
Attendu que l'appelant fait grief aux premiers juges de ne pas avoir répondu aux moyens exposés ;
Attendu qu'il ressort du jugement querellé que le conseil de prud'hommes a satisfait à l'exigence de motivation sur les différents chefs de demandes présentées par le requérant en considérant d'une part que la volonté de démissionner du salarié résulte de sa lettre du 19 février 2001, que celle-ci a été renouvelée oralement et qu'elle est sans conteste claire et non équivoque, et d'autre part que les sommes réclamées, de nature salariale, sont prescrites depuis le mois de juin 2006 pour avoir été réclamées le 20 novembre 2006 ;
Attendu que la cour relève en outre que le moyen tiré de l'inopposabilité à l'égard du requérant de l'arrêt de la cour d'appel de 2004 mettant à néant la procédure collective entamée contre l'A. P. E. n'a nullement été soumis aux débats de première instance et que dans ces conditions, les juges consulaires ne pouvaient matériellement pas se prononcer sur ce point ;
qu'au vu de ces éléments, il convient de rejeter la demande formulée de ce chef.
SUR LA DÉMISSION :
Attendu que la démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
qu'ainsi définie, la démission doit procéder d'une volonté libre et réfléchie ; elle ne se présume pas ;
Attendu qu'en l'espèce, la cour constate que les premiers juges ont fait une parfaite analyse de la volonté de M. Philippe X... de démissionner, exprimée clairement et sans équivoque dans une première lettre du 19 février 2001, dans les termes suivants ; " J'ai le regret de vous faire part de ma décision définitive de démissionner de mes fonctions de Directeur Général de l'Association pour la Protection de l'enfance. Cette décision aboutira donc à mon départ effectif dans les délais de préavis prévus par le droit commun, ainsi que l'indique mon contrat ; j'envisage de mettre à profit ces délais autant que faire se peut, pour préparer les documents relatifs à la situation de l'Association et rédiger un rapport à ce sujet. Je vous contacterai ultérieurement pour que soient établies les conditions et dates précises ayant trait à mon départ. Veuillez agréer, Monsieur le président, mes salutations distinguées. " ;
que cette démission a été adressée à son employeur par télécopie le 20 mars 2001 et par lettre recommandée ;
que M. Philippe X... l'a réitérée dans un second courrier du 19 mars 2001, soit un mois plus tard, comme il suit : " je vous avais annoncé le 19 février 2001 (oralement et par fax) de ma décision définitive de démissionner de mes fonctions de Directeur Général de l'Association pour la Protection de l'Enfance. Cette décision que j'ai confirmée et explicitée par voie recommandée, aboutit à mon départ effectif dans les délais de préavis prévus par le droit commun, ainsi que l'indique précisément mon contrat, c'est à dire trois mois, après vérification auprès des instances du travail (départ effectif le 19 mai 2001, sauf si vous contestez avoir eu connaissance de cette décision le 19 février 2001, hypothèse qui repousserait mon départ au 5 juin 2001). Je vous avais prévenu que je mettrais à profit ces délais pour préparer les documents relatifs à la situation de l'Association et rédiger un rapport à ce sujet, dans le souci de ne compromettre aucun des enjeux pour lesquels j'ai tant lutté depuis 10 ans (...) " ;
que la cour relève, au regard de l'indication dans ce dernier courrier de prétendues pressions exercées par l'employeur, que l'appelant ne rapporte pas la preuve de l'interdiction d'accès à son lieu de travail avant ou au cours de la journée du 19 février 2001 ; qu'au contraire, ce jour-là, celui-ci, accompagné de son épouse et deux autres hommes, ne semblait pas se rendre à l'Association A. P. E. pour y travailler mais uniquement pour récupérer certains documents qu'il reconnaîtra d'ailleurs détenir en l'indiquant dans sa lettre à Maître Agnès Z... du 30 juin 2004 (pièce no38 de l'appelant) ;
qu'il se trouve qu'après l'événement du 19 février 2001, M. Philippe X... ne fait parvenir aucune lettre de rétractation sur sa démission et ne s'en explique pas le 7 mars suivant, alors qu'il lui est fait sommation, par acte d'huissier de justice, de procéder à la remise des documents qu'il s'était engagé à rendre à l'A. P. E. ;
Attendu qu'il est établi au vu de ces éléments que le contrat de travail a été rompu par démission de l'appelant, tout licenciement postérieur à cette démission devant être considéré comme non avenu comme il a pu être jugé par la chambre sociale de la cour de cassation par arrêt du 20 février 2008 (no06-44. 184) ;
que dès lors, il convient de confirmer, par motifs propres et adoptés, le jugement rendu de ce chef.
SUR LA PRESCRIPTION :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, la prescription quinquennale des salaires est applicable à toute créance de nature salariale, indépendamment de sa périodicité ; sont donc soumises à la même prescription l'indemnité de congés payés et l'indemnité de préavis ;
Attendu que la prescription de l'action en paiement du salaire court à compter de la date à laquelle ce dernier devient exigible ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2243 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription mais cette interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée ;
Attendu cependant qu'en cas de redressement judiciaire de l'employeur, la production d'une créance en rappel de salaire auprès du représentant des créanciers vaut interruption de la prescription à l'instar d'une demande en justice ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée de toute décision rendue ne s'attache qu'au dispositif de celle-ci au regard des dispositions de l'article 480 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en l'espèce, il est établi que la démission de M. Philippe X... a été portée à la connaissance de l'employeur le 19 février 2001 par télécopie ; qu'en cas de démission, le préavis de démission des cadres est de trois mois comme l'a rappelé la chambre sociale dans son arrêt du 17 décembre 1987, no85-42. 089 ;
qu'ainsi, le préavis intervenant au présent cas est de trois mois au cours desquels M. Philippe X... devait percevoir ses salaires de mars, avril et des 19 premiers jours de mai 2001 jusqu'à l'expiration de cette période constituant la fin du contrat, soit le 19 mai 2001 ; que ce préavis n'ayant pas été exécuté du fait de la mise à pied du salarié ordonnée le 26 février 2001 par l'employeur, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés, de nature salariale, lui restaient dues à ce titre et pour cette période ; que les sommes étaient exigibles à la fin de chaque mois du préavis ;
Attendu également que le salaire de février 2001 était exigible au 28 février 2001 ;
Attendu qu'il ressort de la photocopie du bulletin de paie de février 2001, qu'il restait au profit du salarié 12 jours de congés ;
Attendu par ailleurs que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'une convention ou d'un usage autorisant le paiement de la gratification du treizième mois prorata temporis ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour constate que la déclaration de créance (relative à ses créances litigieuses) effectuée le 29 juin 2004 auprès de Maître Marie-Agnès Z... par l'appelant a valablement interrompu la prescription courant à partir du 28 février 2001 dans la mesure où l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 03 avril 2006 n'est pas une décision de rejet portant sur la déclaration de créances de M. Philippe X..., au sens des dispositions de l'article 480 précité et eu égard au principe affirmé par la chambre sociale de la cour de cassation dans son arrêt du 13 juillet 2006- pourvoi no : M 05-10. 380 ;
qu'il convient, dans ces conditions, d'infirmer le jugement querellé, de déclarer recevable les demandes salariales de M. Philippe X... et de condamner l'A. P. E., prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. Philippe X..., à ce titre les sommes comme il suit :
* 2 604, 63 € (3 838, 40 € x 19jours/ 28 jours) au titre du salaire brut de février 2001 apparaissant sur la photocopie du bulletin de salaire de ce mois, contenue dans le dossier de l'intimée.
*9 146, 94 € au titre de l'indemnité du préavis de trois mois, dans la limite de ce qui est demandé,
* 1 279, 86 € résultant de la totalisation de la somme de 153, 54 € due à titre d'indemnité de congés payés pour 12 jours de congés apparaissant sur le bulletin de paie de février 2001 et de celle de 1 126, 32 € correspondant à l'indemnité de congés payés pour la période de préavis courant du 19 février 2001 au 19 mai 2001.
SUR LE DÉFAUT DE REMISE DE L'ATTESTATION PÔLE EMPLOI ET LE PRÉJUDICE CONSÉCUTIF :
Attendu que l'employeur doit délivrer au salarié, lorsqu'il quitte l'entreprise une attestation destinée à permettre au salarié de faire valoir ses droits à l'assurance chômage, quel que soit le motif du départ, y compris en cas de démission ;
Attendu que la non-remise de l'attestation Pôle Emploi (attestation Assedic) entraîne pour le salarié un préjudice lui ouvrant droit à réparation sans que celui-ci n'ait à rapporter la preuve du préjudice ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas justifié que ce document ait été délivré ;
qu'il y a lieu en conséquence de condamner l'A. P. E. à payer à M. Philippe X... la somme de 500 € en réparation de son préjudice résultant du défaut de remise de l'attestation Pôle Emploi et d'ordonner à l'A. P. E. la délivrance de ce document à M. Philippe X....
SUR LE DÉFAUT DE REMISE DES BULLETINS DE SALAIRE DE FÉVRIER A JUIN 2001 ET LE PRÉJUDICE CONSÉCUTIF :
Attendu qu'il est établi que M. Philippe X... n'a travaillé durant l'année 2001qu'en février ; qu'une copie du bulletin de salaire correspondant à ce mois de travail fait partie des pièces du dossier de l'intimée ;
Attendu que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'un préjudice à ce titre ;
qu'il convient alors de rejeter sa demande de dommages et intérêts et d'ordonner uniquement à l'A. P. E. la remise de ce bulletin de paie à M. Philippe X..., rendu conforme au présent arrêt.
SUR LE DÉFAUT DE REMISE DU CERTIFICAT DE TRAVAIL ET LE PRÉJUDICE CONSÉCUTIF :
Attendu que la non-remise au salarié d'un certificat de travail au salarié n'ouvre droit à des dommages et intérêts que dans la mesure où celui-ci justifie d'un préjudice en lien avec cette circonstance ;
Attendu qu'en l'espèce, M. Philippe X... ne fait la démonstration d'aucun préjudice ;
Attendu que cependant, l'A. P. E. ne rapporte pas la preuve de la délivrance de ce document ;
qu'il convient alors de rejeter sa demande de dommages et intérêts et d'ordonner uniquement à l'A. P. E. la remise de ce certificat à M. Philippe X....
SUR L'ASTREINTE :
Attendu que la cour considère qu'il y a lieu d'assortir la délivrance des documents précités d'une astreinte de 20 € par jour de retard prenant effet à l'expiration du mois suivant la notification de l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. Philippe X... ;
Confirme le jugement du 8 juin 2010 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. Philippe X... relatives :
- au paiement du salaire de février 2001, d'une d'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés pour la période de mars, avril et mai 2001,
- à la remise des documents sollicités et aux dommages et intérêts résultant du défaut de délivrance de l'attestation Pôle Emploi (Attestation Assédic) ;
Statuant à nouveau,
Dit que les demandes de M. Philippe X..., de nature salariale, sont recevables ;
Condamne l'Association pour la Protection de l ‘ Enfance, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. Philippe X... les sommes suivantes :
* 2 604, 63 € au titre du salaire brut dû jusqu'au 19 février 2001.
* 9 146, 94 € au titre de l'indemnité de préavis de trois mois, dans la limite de ce qui est demandé,
* 1 279, 86 € à titre d'indemnité de congés payés,
* 500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise de l'attestation Pôle Emploi,
Ordonne à l'Association pour la Protection de l ‘ Enfance la délivrance des documents suivants à M. Philippe X... :
* l'attestation Pôle Emploi,
* le bulletin de paie de février 2001, rendu conforme au présent arrêt,
* le certificat de travail,
Le tout sous astreinte de 20 € par jour de retard prenant effet à l'expiration du mois suivant la notification de la présente décision ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne l'Association pour la Protection de l ‘ Enfance à payer à M. Philippe X... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'Association pour la Protection de l ‘ Enfance aux éventuels dépens ;
La greffièreLe président