COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 246 DU SIX OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
AFFAIRE No : 08 / 00252
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 25 janvier 2007, section Commerce.
APPELANTE
Madame Monique X...
...
...
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Représentée par Me GILLES (Avocat au barreau de PARIS) substituant Me Maurice DAMPIED (TOQUE 44) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
GUADELOUPE MOBILIER SAS CONFORAMA ABYMES / BAIE-MAHAULT
ZI Oetit Pérou
Route Natinale No 5
97139 LES ABYMES
Représentée par Me Philippe MATRONE (avocat au barreau de la GUADELOUPE) substituant Me Jean MACCHI (avocat au barreau de FORT DE FRANCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2008 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pierre FAGALDE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, mise en délibéré au 23 Juin 2008, successivement prorogé au 15 septembre 2008 et 06 Octobre 2008.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Guy POILANE, Conseiller, Président,
M. Hubert LEVET, Conseiller,
M. Pierre FAGALDE, Conseiller,
GREFFIER lors des débats, Mme Marie-Anne CHAIBRIANT, Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire prononcé en audience publique le 06 Octobre 2008 par M. Pierre FAGALDE, Conseiller, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par Melle Claudie SOLIGNAC, Greffier Placé, présent lors du prononcé.
Par contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 1991, Madame Monique X... a été embauchée par la SAS CONFORAMA Guadeloupe MOBILIER, en qualité de caissière. Par la suite, elle est devenue responsable de caisse.
Des malversations comptables ayant été constatées par son employeur, elle a été convoquée à un entretien préalable par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 décembre 2003 et par même courrier, a été mise à pied à titre conservatoire.
La SAS CONFORAMA a licencié pour faute grave Madame X... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 janvier 2004.
Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de POINTE A PITRE le 10 juin 2004 en réclamant diverses sommes, soutenant qu'elle avait été licenciée abusivement.
Par jugement en date du 25 janvier 2007, le conseil de prud'hommes de POINTE A PITRE a dit et jugé que le licenciement de Madame X... était justifié par une faute grave. La salariée a été déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par remise au secrétariat-greffe de la Cour d'appel d'une déclaration d'appel le 30 mars 2007, Madame X... a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 8 mars 2007.
Par arrêt en date du 21 janvier 2008, l'affaire a été radiée du rôle.
Par écritures remises au secrétariat-greffe de la Cour d'appel le 15 février 2008, Madame X... a saisi la cour d'une demande de rétablissement de son affaire au rôle. L'affaire a de nouveau été enrôlée.
Par écritures remises au secrétariat-greffe de la Cour d'appel le 16 mai 2008, Madame X... demande à la cour de réformer la décision entreprise. Elle soutient qu'aucun avertissement ne lui avait été adressé avant son licenciement et que son travail aurait du être supervisé par le chef comptable.
Elle fait valoir également que les faits constatés ont pu avoir un lien avec les malversations commises par un nommé Tony C..., chef comptable, découvertes par l'employeur fin 2003.
Il est réclamé :
1o) pour l'indemnité de préavis, la somme de 9. 295, 93 euros ;
2o) pour l'indemnité légale de licenciement la somme de 4. 647, 90 euros ;
3o) pour l'indemnité sans cause réelle et sérieuse, la somme de 10. 785 euros ;
4o) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, la somme de 11. 567, 97 euros.
Par écritures remises au secrétariat-greffe de la Cour d'appel le 26 mai 2008, la SAS CONFORAMA GUADELOUPE IMMOBILIER conclut à la confirmation de la décision entreprise, et au paiement par Madame X... de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il est notamment soutenu :
- que la faute grave de la salariée est parfaitement établie ;
- que cette dernière avait comptabilisé des chèques qui n'existaient pas physiquement et les avait reportés de mois en mois, voire d'année en année ;
- que la seule pratique de la société était d'accorder des versement différés par paiement de trois mensualités ; que le montant des chèques différés atteint la somme de 13. 322, 35 euros ; que ces faits ont été confirmés par l'expert comptable de la société ;
Il est fait observer que les demandes de Madame X... doivent être écartées du fait de l'existence de la faute grave.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement en date du 5 janvier 2004 est rédigée comme suit :
" En dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous licencier pour faute grave. En effet, à l'occasion de contrôles effectués en novembre et décembre 2003, sur les comptes de2001 et 2002 de la société suite aux malversations opérées par notre ancien chef comptable, Monsieur Tony C..., nous avons découvert des faits qui sont incompatibles avec votre maintien dans notre effectif. Plusieurs faits d'une extrême gravité vous sont en effet reprochés. En qualité de responsable de caisse de notre magasin CONFORAMA Baie-Mahault, vous étiez en charge du contrôle des caisses de ce magasin et de la vérification des avoirs et des chèques différés. Concernant les chèques différés, nous avons constaté une procédure des plus curieuses. En effet, lors de vos inventaires de chèques différés, non seulement, vous comptabilisiez des chèques inexistants, mais en plus, vous les repoussiez de mois en mois, pire, d'année en année. Nos contrôles ont révélé un montant de 13. 322, 35 euros de chèques différés inexistants, dont 5. 975, 36 euros remontant à l'année 2001, 6. 206, 46 euros remontrant à l'année 2002 et 1. 140, 57 euros sur l'année2003. Par ces actions, vous faussiez ainsi le montant réel du portefeuille chèques différés, reportés de l'entreprise ".
Il ressort des explications fournies par les parties que la société CONFORAMA accordait à ses clients des paiement différés par trois mensualités. L'employée Madame X..., qui était caissière, a, dans le cas d'espèce, procédé, selon son employeur, à des reports de chèques sur des périodes pouvant atteindre plusieurs années. Toujours aux dires de la société intimée, certains de ces chèques n'existaient pas physiquement dans le dossier correspondant.
L'employeur fonde ses allégations sur le versement aux débats des listings pour les années 2001, 2002 et 2003, listings vérifiés par le nouveau expert comptable de la société.
Madame X..., qui ne conteste pas les chiffres répertoriés, soutient, par son conseil, que des malversations avaient été commises à la même époque par un ancien chef comptable de la société, Monsieur Tony C....
Il apparaît en effet, à la lecture de la lettre de licenciement, que ce sont des contrôles effectués en novembre et décembre 2003 sur les comptes 2001 et 2002, à la suite de malversations commises par l'ancien chef comptable Monsieur Tony C..., qui auraient permis la découverte des faits reprochés à Madame X....
Il est en fait reproché à cette dernière d'avoir comptabilisé des chèques, selon l'employeur, " inexistants ", chèques qui étaient repoussés de mois en mois et d'année en année.
L'employeur rappelle dans sa lettre de licenciement que sa salariée était " en charge des caisses du magasin de Baie Mahault et de la vérification des avoirs et des chèques différés ".
La société SAS CONFORAMA ne justifie pas pour autant que des fautes spécifiques et clairement identifiées au plan comptable sont directement imputables à la salariée appelante, d'autant que cette dernière soutient que ce genre de pratique (chèques différés à long terme) était accepté par l'employeur. Elle tient à faire remarquer que l'ex-chef comptable, Tony C..., a lui-même commis à la même époque des malversations.
La cour ignore la nature des malversations commises par Monsieur
C...
. Or ces malversations, si elles sont avérées, ont pu avoir un lien direct et causal avec les faits reprochés à Madame X.... En l'état, la preuve n'est pas rapportée par l'employeur, du fait même des activités du chef comptable à la même époque, de fautes graves qui ont pu fonder une décision de licenciement de cette salariée, qui travaillait depuis 13 années dans l'entreprise et qui n'avait pas connu de difficultés particulières dans son travail.
Il convient dès lors, d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de dire et juger que le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Madame X..., qui avait au moment de son licenciement une ancienneté de 13 années, réclame une somme de 9. 295, 93 euros qui correspond à quatre mois de salaires.
Il lui sera accordé une indemnité de 2. 241, 43 euros X 2, soit la somme de 4. 482, 86 euros.
Sur l'indemnité légale de licenciement :
L'appelante réclame sur ce chef de demande la somme de 4. 647, 90 euros, soit l'équivalent de deux mois de salaires. Il convient de calculer comme suit cette indemnité, en tenant compte de l'ancienneté de plus de 10 ans dans l'entreprise et des 3 années au dessus du seuil de 10 ans :
2. 241, 43 : 10 X 10 = 2. 241, 43 euros
2. 241, 43 : 15 X 3 = 448, 29 euros :
2. 241, 43 + 448, 29 = 2. 689, 72 euros.
Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En tenant compte de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, il convient de faire droit à la demande sur ce point et de fixer à la somme de 10. 785 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail.
Sur l'indemnité pour rupture abusive :
La Cour, requalifiant cette demande en l'indemnisation d'un préjudice distinct de celui qui vient d'être réparé par application de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, accorde à Madame X... la somme de 10. 000 euros de dommages-intérêts en raison des circonstances du licenciement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable,
Au fond,
Infirme la décision entreprise.
Statuant à nouveau :
Condamne la SAS CONFORAMA GUADELOUPE MOBILIER à payer à Madame Monique X... :
1o) pour l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 4. 482, 86 euros ;
2o) pour l'indemnité légale de licenciement la somme de 2. 689, 72 euros ;
3o) à titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 10. 785 euros.
4o) à titre de dommages et intérêts pour un préjudice distinct de celui réparé par l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, la somme de 10. 000 euros ;
Ordonne le remboursement par la SAS CONFORAMA GUADELOUPE MOBILIER à l'ASSEDIC des sommes versées par cet organisme à Monique X... au titre du chômage, dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du Travail.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la SAS CONFORAMA GUADELOUPE MOBILIER aux dépens éventuels.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.