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09/06/2008 | FRANCE | N°06/02027

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 09 juin 2008, 06/02027


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRÊT No 551 DU 09 JUIN 2008


R.G : 06/02027


Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 7 septembre 2006, enregistrée sous le no 03/00826


APPELANT :


Monsieur Jean-Pierre X...


...

12002 GENEVE (SUISSE)
Représenté par la SCP CHEVRY-VALERIUS (TOQUE 97), avocat au barreau de GUADELOUPE


INTIMES :


Madame Gisela Y...


...

94340 JOINVILLE LE PONT


LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRE

S DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER LES RESIDENCES "D'OYSTER POND", représenté par son syndic l'agence immobilière SPRIMBART
12 Coin de la Mairie - Rue Victor Maurasse BP 64...

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 551 DU 09 JUIN 2008

R.G : 06/02027

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 7 septembre 2006, enregistrée sous le no 03/00826

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X...

...

12002 GENEVE (SUISSE)
Représenté par la SCP CHEVRY-VALERIUS (TOQUE 97), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMES :

Madame Gisela Y...

...

94340 JOINVILLE LE PONT

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER LES RESIDENCES "D'OYSTER POND", représenté par son syndic l'agence immobilière SPRIMBART
12 Coin de la Mairie - Rue Victor Maurasse BP 649
97150 SAINT-MARTIN

Représentés par Me Françoise BRUNET (T.72) , avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 avril 2008, en audience publique devant la cour composée de :
M. Robert PARNEIX, président de chambre, président, rapporteur,
Mme Isabelle ORVAIN, conseillère,
Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 2 juin puis le délibéré a été prorogé au 9 juin 2008.

GREFFIER :

Lors des débats: Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.
Signé par M. Robert PARNEIX, président de chambre, président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 1995 la copropriété "Les résidences d'Oyster Pond", au sein de laquelle M. X... était propriétaire d'un bungalow, qu'il a revendu le 14 mai 1998, a été gravement endommagée par un cyclone. La compagnie Groupama Samda a versé à Mme Y..., syndic bénévole, une indemnité de 1 306 710 francs.

Contestant les travaux entrepris et les modalités de répartition de l'indemnité, M. X..., après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise, a assigné Mme Y... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier "Les résidences d'Oyster Pond" (le syndicat) en responsabilité et en paiement de la somme de 48 021,44 euros, montant du préjudice résultant de la réparation incomplète de son bungalow, outre une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les défendeurs ont soulevé le défaut de qualité pour agir de M. X... et ont contesté leur responsabilité.

Par jugement du 7 septembre 2006, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a déclaré recevable l'action de M. X..., mais estimant que la preuve d'une faute de Mme Y... n'était pas établie, l'ont débouté de sa demande et l'ont condamné à verser à chacun des défendeurs une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée le 20 octobre 2006, M. X... a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 18 octobre 2007, il demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de condamner in solidum Mme Y... et le syndicat à lui payer la somme de 48 201,44 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient pour l'essentiel que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de la carence de Mme Y... dans la production des pièces sollicitées par l'expert ; qu'il est néanmoins établi que Mme Y... n'a pas réparti l'indemnité d'assurance à proportion des dommages subis, qu'il a ainsi été privé de la réparation complète de son bungalow qu'il a dû assumer à ses frais et a subi, en outre, une perte de loyers ainsi qu'une moins-value lors de la vente de son bien ;

Par conclusions déposées le 13 juin 2007, Mme A... et le syndicat sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de M. X... à leur payer à chacun une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils font valoir principalement que la preuve des fautes alléguées par l'appelant n'est pas rapportée ; que l'assemblée générale extraordinaire du 19 décembre 1995 a autorisé Mme Y... à accepter l'indemnité d'assurance qui ne couvrait que la moitié des sommes nécessaires à la reconstruction des bungalows ; que M. X... a donné un avis sur le choix de l'entreprise générale qui s'est

révélé désastreux ; que les travaux ont subi un retard et une majoration de coût non imputables à Mme Y... ; que l'expert n'a pas retenu la responsabilité du syndic. Ils ajoutent que M. X... ne justifie pas de son préjudice et que les travaux de reconstruction ont au contraire apporté une plus-value à son bien.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'en application de l'article 11 du nouveau code de procédure civile : "Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus" ; que selon l'article 275 du même code, "la juridiction de jugement peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert" ;

Attendu, en l'espèce, que les experts (un comptable et un ingénieur) devaient pour l'essentiel se faire communiquer la comptabilité de la copropriété, déterminer l'affectation de l'indemnité d'assurance et vérifier les travaux réalisés ; que Mme Y..., malgré les demandes de l'un des experts, n'a jamais produit la comptabilité, ni la police d'assurance couvrant la copropriété, ni l'expertise de l'assureur ayant servi de base au règlement du sinistre, ni les contrats de louage d'ouvrage pour la reconstruction des bungalows, ni les comptes rendus de chantier, ni le procès-verbal de réception des travaux ; que le nouveau syndic nommé en 1997 n'a pu fournir ces documents qui ne lui ont pas été remis par Mme Y... ; que, dans ces conditions, seul l'expert en bâtiment a pu déposer en l'état un rapport incomplet ; que Mme Y... a encore laissé sans réponse une sommation de communiquer ces pièces délivrée par M. X... en cause d'appel ;

Attendu que le tribunal, pour débouter M. X..., retient "qu'aucune des parties n'a été en mesure de donner à l'expert les informations sur les affectations des sommes calculées lors de l'expertise diligentée par la compagnie d'assurances préalablement à l'indemnisation ; que l'expert n'a pu déterminer avec précision l'affectation des indemnités d'assurance, ni la conformité des travaux aux prévisions originelles ; que la ventilation initiale n'ayant pas été communiquée à l'expert, celui-ci n'a pas été en mesure d'évaluer la part d'indemnité ayant bénéficié au bungalow de M. X... ainsi que la part à laquelle il aurait pu prétendre" ; qu'il ajoute que "force est de constater qu'aucune faute imputable à Mme Y... n'a été relevée par l'expert et que M. X..., qui procède par affirmations, ne produit aucun élément de preuve des fautes alléguées" ;

Mais attendu que le tribunal n'a pas tiré les conséquences juridiques de la carence de Mme Y... à produire les pièces qu'elle était seule à détenir en sa qualité de syndic ; qu'il résulte en effet du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 19 décembre 1995 qu'elle a été chargée par la copropriété d'accepter l'indemnité d'assurance et de choisir les entreprises chargées des travaux de reconstruction ; qu'elle devait en conséquence justifier précisément de l'emploi de cette somme ;

Attendu que le fait de ne pas être en mesure de produire la comptabilité de la copropriété ni de justifier des modalités de répartition de l'indemnité d'assurance entre les copropriétaires constitue un manquement aux devoirs du syndic, qui est notamment tenu, en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, d'établir le budget prévisionnel, les comptes du syndicat et de leurs annexes et de les soumettre au vote de l'assemblée générale ;

Attendu qu'il résulte, en outre, de l'expertise que pour une indemnité globale de 1 306 710 francs les factures justifiées ne s'élèvent qu'à la somme de 698 080,75 francs ; que M. X..., dont le bungalow était l'un des plus gravement dégradés, n'a reçu qu'une somme de 6 935 francs alors que d'autres copropriétaires, dont le bien était peu ou moyennement endommagé, ont perçu entre 20 000 et 150 000 francs sans que cette différence de répartition ait pu recevoir une explication ; que certains bungalows, dont celui de Mme Y..., ont bénéficié de travaux d'amélioration consistant en un rehaussement de la toiture permettant la création d'une mezzanine ; qu'une telle affectation inégalitaire et arbitraire de l'indemnité d'assurance est également constitutive d'une faute de la part du syndic ;

Attendu que les circonstances invoquées par Mme Y... (mésentente avec le conseil syndical et avec le gardien, retards et difficultés diverses dans le déroulement du chantier, présence de squatters, insuffisance de l'indemnité pour assurer une reconstruction complète des bungalows) ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; qu'il lui appartenait en effet, d'une part, de déterminer l'indemnité revenant à chaque lot, d'autre part, de délivrer aux entreprises des ordres de réparation pour le montant correspondant ; qu'aucun des événements qu'elle allègue ne constitue un cas de force majeure ayant pu l'empêcher de satisfaire à cette obligation ;

Attendu que Mme Y... ne rapporte pas non plus la preuve d'une immixtion fautive de M. X... susceptible de réduire ou d'exclure sa responsabilité ; qu'en effet, d'une part, il n'est pas établi que M. X... soit intervenu dans la répartition de l'indemnité entre les copropriétaires, d'autre part, le fait qu'il ait donné un avis sur les devis ou le choix de l'entreprise générale n'exonère pas Mme Y... de sa responsabilité de syndic dans la conduite des opérations de reconstruction ;

Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence réformé en ce qu'il a écarté la responsabilité de Mme Y... ;

Attendu, sur le préjudice, que M. X... prétend que les fautes commises par le syndic ont réduit la plus-value à laquelle il pouvait prétendre lors la revente de son bien ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. X... a acheté son bungalow le 30 juin 1995 pour la somme de 225 000 francs soit 34 301 euros et l'a revendu le 14 mai 1998 pour le prix de 39 636 euros ; qu'il affirme, sans produire aucun élément de comparaison, qu'il aurait pu le négocier pour une somme équivalente au double ; qu'il est établi cependant par une expertise réalisée en 1997 dans le cadre d'une autre procédure que les réparations étaient achevées à cette date sans qu'il soit possible de savoir au moyen de quel financement ; que, faute de toute démonstration sérieuse, ce chef de préjudice sera écarté ;

Attendu que M. X... soutient encore que les retards du chantier l'ont empêché de louer son bungalow de février 1997 à avril 1998 sur la base d'un loyer de 2 500 à 3 000 euros par semaine, ce qui représente une perte locative qu'il évalue à 115 000 francs soit 17 531,64 euros ;

Mais attendu que l'expert n'impute pas à Mme Y... une responsabilité directe dans les retards subis par le chantier dont la ni la durée prévisionnelle ni la date d'achèvement ne sont au demeurant précisées ; que ce chef de dommage n'est pas davantage établi et sera rejeté ;

Attendu, en définitive, que le seul préjudice caractérisé résulte de l'absence de perception par M. X... d'une partie de l'indemnité à laquelle il était en droit de prétendre pour la réparation de son bungalow ; qu'à défaut d'information sur le montant de l'indemnité évaluée à son profit par la compagnie d'assurance, il y a lieu de lui allouer une somme de 50 000 francs (7 622 euros) en sus de celle de 6 935 francs (1 057 euros) déjà perçue, afin de lui procurer une indemnité globale supérieure à l'indemnité moyenne obtenue par les autres copropriétaires, soit environ 29 000 francs (4 421 euros), et ce, pour tenir compte du fait que son bungalow était l'un des plus touchés par le cyclone ;

Attendu qu'il est justifié, en outre, de lui accorder une somme de 3 000 euros au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens ; que la même demande formée par les intimés sera rejetée ;

Attendu que les intimés qui succombent en cause d'appel seront condamnés aux dépens, qui comprendront les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise, et seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Condamne in solidum Mme Y... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier "Les résidences d'Oyster Pond" à payer à M. X... une somme de 7 622 euros à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Déboute Mme Y... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier "Les résidences d'Oyster Pond" de leur demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne Mme Y... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier "Les résidences d'Oyster Pond" aux dépens,

qui comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise, et seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile avec distraction au profit de la SCP Chevry-Valérius ;

Et le président a signé avec la greffière.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 06/02027
Date de la décision : 09/06/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Basse-Terre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-09;06.02027 ?
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