COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 485 DU 19 MAI 2008
R. G : 05 / 01576
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 02 juin 2005, enregistrée sous le no 02 / 368
APPELANTES :
SCPA ARCATURE
dont le siège social est sis 21, rue Voltaire
55000 BAR LE DUC
Représentée par Me Gwendalina MAKDISSI (TOQUE 16), avocat au barreau de GUADELOUPE
LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)
dont le siège social est 9, rue Hamelin
75783 PARIS CEDEX 16
Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (T 104), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMEE :
SOCIETE CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE anciennement société INVESTISSEMENT ET DEVELOPPEMENT (ID)
dont le siège social est sis 16 rue Christophe Colomb
75008 PARIS
Représentée par Me Alberte ALBINA COLLIDOR (TOQUE 4), avocat postulant au barreau de GUADELOUPE et plaidant par Me BOBONE, avocat à PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 mars 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Robert PARNEIX, président de chambre, président,
M. Marc SALVATICO, conseiller,
Mme Claudine PAGE, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère, rapporteure.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 mai 2008 puis le délibéré a été prorogé au 19 mai 2008.
GREFFIER :
Lors des débats : Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.
Signé par M. Robert PARNEIX, président de chambre, président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE,
Suivant acte sous seing privé du 3 juillet 2000, la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE a confié à la SCPA ARCATURE et à l'architecte X... en particulier une mission complète de maîtrise d'oeuvre destinée à la réalisation d'un ensemble immobilier d'une surface shon de 4200 m2 sur un terrain situé petite plage Grand Case à Saint Martin pour un montant total de travaux de 1 800 000 francs HT.
Par jugement rendu le 2 juin 2005, le tribunal de grande instance de Basse Terre a homologué dans son intégralité le rapport d'expertise déposé par Monsieur Y..., a condamné in solidum la MAF et la SCPA ARCATURE à payer à la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE la somme de 1 575 388, 56 € en réparation du préjudice subi avec les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2002, celle de 20 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise avec distraction au profit de Maître Albina Collidor par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et il a ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Le tribunal, pour retenir la responsabilité contractuelle de la SCPA ARCATURE, a considéré qu'elle s'était engagée à faire toutes les démarches administratives dans l'intérêt de l'opération, demande de permis de construire, appels d'offres, assistance du marché de travaux, direction de la construction des bâtiments, à livrer une première tranche de 20 logements pour le 31 décembre 2000 et à obtenir pour cette date les permis pour les deux tranches restantes, que les engagements contractuels n'avaient pas été tenus car non seulement à cette date, les 20 logements n'avaient pas été livrés mais le permis de construire pour la première tranche n'avait même pas été obtenu.
Pour retenir la garantie de la MAF, le tribunal a considéré que cette dernière n'avait jamais contesté sa garantie, qu'en prenant la direction du procès, en assistant aux opérations d'expertise et en adressant des notes particulièrement argumentées et techniques à l'expert, elle a renoncé a soulever l'exception de non garantie. Qu'il ne s'agit pas de la responsabilité définie aux article 1792 et suivants du code civil puisqu'aucune construction n'a été réalisée et que donc le
défaut de déclaration d'ouverture de chantier n'avait pas d'incidence, mais des autres responsabilité professionnelles stipulées à l'article 3-22 des conditions générales du contrat d'assurances ; Que les multiples contestations élevées à l'encontre du chiffrage du préjudice ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert qui reposent sur des analyses sérieuses et précises des pièces comptables et financières produites aux débats.
Par acte remis au greffe de la cour d'appel de Basse Terre le 13 septembre 2005, enrôlé le même jour, la SCPA ARCATURE a fait appel de cette décision.
Par acte remis au greffe de la cour d'appel de Basse Terre le 13 juin 2005, enrôlé le même jour, la MAF a fait appel de cette même décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées au greffe le 24 mai 2007, la MAF demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter l'intimée de toutes ses demandes et de la condamner à payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Subsidiairement ordonner une contre expertise comptable, financière et fiscale.
La MAF fait valoir qu'elle ne doit pas sa garantie en raison de l'absence de déclaration d'ouverture de chantier et de l'absence d'assurances faute de paiement des cotisations, de l'absence d'aléas permettant la mise en oeuvre du contrat d'assurances au regard des agissements de l'architecte qui s'apparentent à une véritable escroquerie, que les diligences menées n'avaient pas d'autre but que d'évincer l'atelier CARA, de percevoir des honoraires, et qu'il savait pertinemment que l'opération n'était pas réalisable. Elle critique le préjudice financier tel que calculé par l'expert.
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Par conclusions déposées au greffe le 27 octobre 2007, la société CONSEIL NEGOCE ET MATRIMOINE demande à la cour de confirmer le jugement du 2 juin 2005 et de condamner in solidum la SCPA ARCATURE et la MAF à payer la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Albina Collidor par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE fait valoir qu'aucun travail n'ayant été réalisé, il était normal qu'aucune déclaration de chantier n'ait été faite, qu'il convient de distinguer la garantie contractuelle qui n'est subordonnée à aucune déclaration de chantier de la garantie décennale qui n'est pas ici en cause, que les fautes commises par l'architecte en relation avec le préjudice ne sont pas contestables ni contestées, qu'elles sont détaillées au rapport d'expertise ; que le préjudice financier résultant de l'échec de l'opération a été parfaitement évalué.
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La SCPA ARCATURE n'a pas conclu et son conseil a fait savoir qu'il n'avait plus de nouvelles de sa cliente et avait en conséquence dégagé sa responsabilité.
La cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur responsabilité contractuelle de la SCPA ARCATURE,
Elle ressort très clairement des opérations d'expertise. Le tribunal a justement retenu au vu du contrat de maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution avec mission complète que la SCPA ARCATURE s'était engagée à faire toutes les démarches administratives dans l'intérêt de l'opération, demande de permis de construire, appels d'offres, assistance du marché de travaux, direction de la construction des bâtiments, à livrer une première tranche de 20 logements pour le 31 décembre 2000 et à obtenir pour cette date les permis pour les deux tranches restantes, que les engagements contractuels n'avaient pas été tenus car non seulement à cette date, les 20 logements n'avaient pas été livrés mais le permis de construire pour la première tranche n'avait même pas été obtenu, aucune construction n'avait été réalisée, même si la discussion reste ouverte sur l'existence d'un accord portant sur la réalisation de 9 logements au lieu des 20 prévus au départ.
Le jugement sur ce point sera confirmé.
2) Sur la garantie de la MAAF
L'absence de déclaration d'ouverture de chantier
La MAF dénie devoir sa garantie « faute par l'architecte
d'avoir déclaré le chantier dans ses déclarations d'activité professionnelles 2000 pour l'établissement de la cotisation à régler avant le 31 mars 2001 et 2001 pour pour l'établissement de la cotisation à régler avant le 31 mars 2002. »
La MAF fait donc valoir que son contrat fait l'obligation à l'assuré de lui déclarer chaque année avant le 31 mars l'intégralité des missions qu'il a exécutées au cours de l'année précédente et de payer les cotisations correspondantes sans qu'il y ait lieu de distinguer les missions relevant de la garantie contractuelle de celles relevant de la garantie décennale.
Le défaut de déclaration n'est pas contesté et la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE le justifie par l'absence de début de construction qui ne permettait pas de faire une déclaration de début d'ouverture de chantier puisque le permis n'avait pas été délivré.
En application de l'article L 113-9 du code des assurances et de l'article 5-222 du contrat d'assurances, l'absence de déclaration de la mission ouvrait à l'assureur le droit de contester sa garantie sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes responsabilités encourues que ce soit dans le cadre de l'assurance contractuelle non obligatoire ou dans le cadre de l'assurance décennale obligatoire et cette contestation est opposable aux tiers dans le cadre de la responsabilité contractuelle non obligatoire.
L'absence d'aléas
La MAF prétend que les agissements de l'architecte s'apparentent à une véritable escroquerie, que les diligences menées n'avaient pas d'autre but que d'évincer l'atelier CARA, de percevoir des honoraires alors qu'il savait pertinemment que l'opération n'était pas réalisable et qu'il n'y avait donc pas d'aléa.
Si la MAF invoque une faute de l'architecte équipollente au dol, elle ne rapporte pas la preuve de l'intention frauduleuse de l'architecte qui certes s'est montré négligent dans l'obtention du permis, mais qui a finalement obtenu avec retard un permis de construire pour 9 logements et si le contrat de maîtrise d'oeuvre porte sur 20 logements livrables le 31 décembre 2000, il y a lieu de remarquer que le contrat exclusif de vente signé entre le promoteur et la SARL HISTORIA PRESTIGE le 1er juillet 2000 pour 6 mois porte sur la commercialisation d'un immeuble composé de 9 appartements, 2 de deux pièces, 6 de quatre pièces et un duplex de 6 pièces, que cette modification a été signifiée au notaire, que par jugement rendu le 30 mai 2005 à la demande d'un des entrepreneurs ayant signé un marché
de travaux avec le promoteur le tribunal de commerce de Paris a retenu que le permis refusé le 20 octobre 2000 et celui accordé le 7 mars 2001 portaient sur le même projet de 9 logements. Il faut ajouter que la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE n'a jamais adressé une quelconque lettre de protestation sur la modification du projet initial qu'elle ne peut donc prétendre ignorer.
L'absence d'aléa ne peut être retenu car rien n'empêchait le 7 mars 2001 la continuation du programme même si celui si avait pris du retard et la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE qui est un professionnel de l'immobilier ne pouvait se méprendre sur la faisabilité de la livraison d'un immeuble au 31 décembre 2000 alors que le contrat n'avait été signé que le 1er juillet précédent.
La question est de savoir si la MAF était recevable à opposer le défaut le garantie au regard de la maîtrise qu'elle a pu avoir du procès en application de l'article L113-17 du code des assurances.
Le tribunal a retenu que la MAF a fait parvenir à l'expert plusieurs dires comportant des notes particulièrement argumentées établies par un expert comptable mandaté, que ces notes caractérisent la prise de direction du procès au sens des dispositions de l'article L 113-17 du code des assurances, que la MAF ne saurait donc valablement soulever une exception de non garantie.
Or, devant le juge des préférés la MAF a fait les réserves d'usage, elle n'est jamais intervenue pour le compte de sa cliente et ne l'a pas représentée, elle avait son propre avocat, elle est intervenue aux opérations d'expertise en précisant lors de la réunion d'expertise du 4 mars 2002 ce qui est noté en page 8 et 9 du rapport d'expertise « nous émettons toutes réserves sur la prise en garantie de la SCPA ARCATURE et de Monsieur Serge X... en particulier, je n'interviens que pour la MAF sous réserve de déclaration du chantier de l'assuré... » alors même que la SCPA ARCATURE était encore dans le délai de déclaration de chantier, déclaration qu'elle n'a pas réalisée.
Le fait de participer et de défendre à une mesure d'instruction ordonnée en référé n'est pas de nature à caractériser à lui seul la maîtrise d'un procès.
En conséquence, le refus de garantie opposé par la MAF dès l'engagement de l'instance au fond est justifié.
Le jugement sera infirmé.
Sur les demandes accessoires,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la MAF les frais exposés en appel non compris dans les dépens, il lui sera alloué la somme de 2000 €.
La société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE qui succombe en ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, après en avoir délibéré,
Confirme le jugement à l'encontre de la SCPA ARCATURE,
L'infirme pour le surplus,
Dit que la MAF ne doit pas sa garantie contractuelle.
Y ajoutant,
Condamne la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE à payer à la MAF la somme de 2000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la société CONSEIL NEGOCE ET PATRIMOINE aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Morton par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et le président a signé avec la greffière.