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21/04/2008 | FRANCE | N°06/00742

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 21 avril 2008, 06/00742


CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 133 DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE HUIT


AFFAIRE No : 06 / 00742


Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 24 janvier 2006, section commerce.


APPELANTE


S. A. ANTILLAISE DE PARTICIPATIONS AERONAUTIQUES
Aérogare Régionale-Le Raizet
97139 LES ABYMES
Représentée par Me WINTER-DURENNEL de la SCP WINTER-DURENNEL ET PREVOT (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)


INTIMÉS


Monsieur Joël X...


...

97111 MORNE A L E

AU
Représenté par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)


Maître Anne C..., mandataire liquida...

CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 133 DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE HUIT

AFFAIRE No : 06 / 00742

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 24 janvier 2006, section commerce.

APPELANTE

S. A. ANTILLAISE DE PARTICIPATIONS AERONAUTIQUES
Aérogare Régionale-Le Raizet
97139 LES ABYMES
Représentée par Me WINTER-DURENNEL de la SCP WINTER-DURENNEL ET PREVOT (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)

INTIMÉS

Monsieur Joël X...

...

97111 MORNE A L EAU
Représenté par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)

Maître Anne C..., mandataire liquidateur de la SATA AIR GUADELOUPE

...

97190 GOSIER
Représentée par Me Jean-Michel GOUT (TOQUE 9) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

A. G. S.
Imm. Eurydice-Centre d'Affaires
Dillon Valmenière
97200 FORT DE FRANCE
Représentée par Me Isabelle WERTER (TOQUE 08) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Guy POILANE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, et mise en délibéré au 11 février 2008, successivement prorogé au 31 mars 2008 et au 21 avril 2008.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Guy POILANE, Conseiller, Président,
M. Hubert LEVET, Conseiller,
M. Pierre FAGALDE, Conseiller,

GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Anne CHAIBRIANT, adjointe administrative faisant fonction de greffier, serment préalablement prêté

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Avril 2008, signé par M. Guy POILANE, conseiller, président, et par M. Michel PANTOBE, greffier du premier grade, présent lors du prononcé.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Joël X..., salarié de la société ANTILLAISE DE TRANSPORT AERIEN AIR GUADELOUPE, occupait dans cette entreprise les fonctions de délégué syndical, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise.

Cette société a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre en date du 12 février 1993 puis en liquidation judiciaire avec poursuite exceptionnelle d'activité pendant quinze jours par un jugement du 3 décembre 1993, confirmé par la cour d'appel de Basse-Terre en date du 4 juillet 1994.

Par décision du 28 juillet 1994, le juge commissaire a ordonné la cession globale de l'unité de production à la SOCIETE NOUVELLE AIR GUADELOUPE S. A. (S. N. A. G.). Cette dernière société a fusionné pour devenir la société CARIBEENNE DES TRANSPORTS AERIENS (C. T. A) à compter du 29 septembre 1998 ; elle est désormais dénommée ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE S. A.
(A. P. A.).

Joël X... a été licencié par l'administrateur judiciaire, à l'issue du délai exceptionnel de poursuite d'activité de quinze jours suivant la mise en liquidation du 3 décembre 1993.

Par jugement en date du 7 décembre 1999, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'autorisation de licencier.

Par ordonnance en date du 9 octobre 2000, la juridiction prud'homale, statuant en référé sur la demande de réintégration présentée par le salarié, a ordonné cette réintégration sous astreinte de 1 000 F. par jour de retard..

Par arrêt en date du 11 avril 2002, la cour d'appel de céans a confirmé l'ordonnance du 9 octobre 2000, assorti la réintégration d'une astreinte de 152, 45 € par jour de retard et fixé une provision.

Le 26 janvier 2001, Joël X... va saisir la juridiction prud'homale au fond pour avoir paiement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

Par jugement contradictoire et de départage en date du 24 janvier 2006, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les défendeurs,
- condamné la société A. P. A. à payer à Joël X... la somme de 148 755, 10 €, déduction faite des provisions déjà versées,
- constaté que Joël X... a refusé de réintégrer son poste de travail le 28 mai 2002,
- débouté Joël X... de ses plus amples demandes à l'égard de la société A. P. A,
- débouté Joël X... du surplus de ses demandes à l'égard de L'AGS et Me C... en qualité de mandataire liquidateur de la S. A. T. A,

- condamné la société A. P. A. à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Appel a été formé par la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A., anciennement société CARIBEENNE DES TRANSPORTS AERIENS, suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mars 2006, de ce jugement qui lui a été notifié le 8 mars 2006.

Par des conclusions d'appel récapitulatives remises le 17 décembre 2007 puis soutenues oralement à l'audience, la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A.) demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et de débouter Joël X... de l'ensemble de ses demandes ou encore réduire celles-ci à de plus justes proportions, outre l'octroi de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Par des conclusions en réplique, remises en deux documents distincts le 17 décembre 2007 (dont un est " rectificatif "), puis soutenues oralement lors de l'audience, Joël X... demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré son action recevable et fondée et lui a alloué des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de réintégration, y ajoutant, de condamner la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE à lui payer les salaires dus outre les sommes déjà allouées en référé, à compter d'avril 2000 jusqu'au mois de décembre 2007, soit la somme de 149 953, 44 € (somme objet de la rectification) ainsi que celle de 15 425 € au titre du préjudice moral, de déclarer opposable à L'AGS la décision à intervenir, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du NCPC.

Subsidiairement, si la cour ne retenait pas la demande ci-dessus, de constater que le concluant ayant fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et outre les sommes allouées par le jugement jusqu'au 22 mai 2002, de condamner L'APA à payer les sommes suivantes :
* 2 883, 72 € indemnité de préavis (deux mois),
* 5 527 € indemnité de licenciement,
* 1 441, 86 € non-respect de la procédure,
* 28 837, 20 € dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Par des conclusions remises le 17 septembre 2007 puis soutenues oralement lors de l'audience, L'AGS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause, de dire et juger qu'elle s'associe aux explications de Me C... et de la société A. P. A, de la mettre purement et simplement hors de cause, cette dernière ne prenant pas en charge les sommes destinées à sanctionner une faute de l'employeur et également en application des dispositions de l'article L. 143-11-1 et suivants du code du travail dans la mesure où le cessionnaire était in bonis au moment où le tribunal administratif a annulé le licenciement et où la demande de réintégration a été formulée ; elle rappelle les limites et modalités de sa garantie légale.

Par des conclusions remises à l'audience puis soutenues oralement lors de celle-ci, Me Anne C..., en qualité de mandataire-liquidateur de la société SNAG devenue CTA, demande à la cour de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a mise hors de cause en qualité de liquidateur de la société SATA.

Les moyens de fait et de droit soutenus par les parties dans les conclusions susvisées seront repris dans l'exposé des motifs qui va suivre.

SUR QUOI :

Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.

Sur la recevabilité de la demande :

Lorsque Joël X... a saisi la juridiction prud'homale, le 26 janvier 2001, de demandes visant ses employeurs successifs, en vertu des dispositions de l'article L. 122-1, alinéa second, du code du travail, dont certains l'avaient employé alors qu'une procédure collective les avait touchés, il a fait convoquer la société AIR GUADELOUPE, la société CARIBEENNE DE TRANSPORT devenue APA et Me C... en qualité de liquidateur d'AIR GUADELOUPE. Ce faisant, il a laissé ouverte la possibilité de faire venir le litige directement devant le bureau de jugement, sans passer par le préalable de conciliation ; ainsi, la juridiction prud'homale a-t-elle, alors que la requête initiale tendait à une première phase classique de conciliation, renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement directement en constatant l'existence, dans le décours du contrat de travail de Joël X... la présence des organes d'une procédure collective. C'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré la requête recevable en faisant une application combinée des dispositions des articles L. 621-128, L. 621-125 et L. 621-127 du code de commerce. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré la demande du salarié recevable.

Sur les effets du licenciement nul :

Il est constant que le licenciement est intervenu sous l'égide de l'administrateur judiciaire alors que la société ANTILLAISE DE TRANSPORT AERIEN voyait son redressement judiciaire être converti en liquidation avec un maintien d'activité de quinze jours. Il s'agissait d'un licenciement de salarié protégé autorisé, dans un premier temps, par l'inspection du travail puis annulé par le tribunal administratif au motif d'une discrimination syndicale le 7 décembre 1999. Contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, en vertu des dispositions de l'article L. 436-3 du code du travail, Joël X... n'est nullement forclos pour ne pas avoir demandé sa réintégration dans les deux mois de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement. En effet, ce délai de deux mois ne s'applique pas dans le cadred'un licenciement annulé sur le fondement del'article L. 122-45 du code du travail pour discrimination, motif retenu par le juge administratif de l'annulation. Ainsi, le contrat de travail de Joël X... n'est toujours pas rompu et son droit à réintégration subsiste jusqu'à ce que le cessionnaire, par hypothèse, décide de prononcer la rupture puisque l'article L. 122-12, alinéa second, du code du travail et le droit positif en font le seul débiteur de cette initiative comme il l'est du salaire maintenu. Cependant, pour tenir compte de la spécificité de ce dossier et du fait que le premier juge, dont la décision est ici confirmée, a alloué des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de réintégration jusqu'au 22 mai 2002, il y a lieu de suivre la demande subsidiaire de l'intimé en ce qu'il entend prendre acte de la rupture de son contrat de travail à cette dernière date avec les conséquences de droit qui en découle.

Sur l'indemnisation de rupture illégitime et irrégulière du contrat de travail :

Il est constant que l'employeur n'a jamais fait le nécessaire pour réintégrer Joël X... malgré les décisions de justice sans équivoque qui ont été rendues en ce sens. Ce refus persistant et passif mis en lien avec la situation juridique claire et non équivoque du salarié permet d'imputer la responsabilité de la rupture au seul employeur en raison de ces manquements, la société APA, cessionnaire en dernier lieu dans la chaîne des reprises de la société employeur originaire, étant l'unique débitrice des obligations qui en découlent. Cet employeur est in bonis, ce qui conduit la cour a mettre hors de cause Me C... et L'AGS. Dès lors, il y a lieu de considérer que la rupture est irrégulière et illégitime à la fois pour n'avoir été précédé d'aucune procédure préalable et n'avoir donné lieu à aucune lettre de licenciement motivée. En conséquence, à défaut de cumul possible ici entre les indemnités réparant ces deux manquements, il sera fait droit à la demande de Joël X... sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail et octroyé la somme de 28 837, 20 € correspondant à vingt mois de salaire pour tenir compte d'une ancienneté de 17 ans et des circonstances de la rupture. Il y a lieu de faire droit également à la demande en paiement de la somme de 2 883, 72 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à la demande d'indemnité légale de licenciement (dont le montant n'est pas contesté par l'appelante) pour une somme de 5 527 €.

Sur le préjudice moral :

Il est demandé à ce titre par le salarié une somme de 15 245 €.

L'employeur ne présente aucune argumentation sur ce point.

Bien que Joël X... ne fournisse aucun élément propre à démontrer l'existence d'un préjudice non indemnisé par la rupture ou encore le régime protecteur des salariés protégés, force est de constater que les circonstances exceptionnelles de ce dossier et les graves carences de l'employeur a exercer son pouvoir de direction en maintenant le salarié dans l'expectative pendant un temps anormalement long. Dès lors, il y a lieu d'accorder au salarié la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande qu'il soit alloué à Joël X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article susvisé ; le jugement déféré est confirmé sur ce point.

La société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE, qui succombe en son appel, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond :

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions mais y ajoutant :

Met hors de cause L'AGS et Me C... en sa qualité de liquidateur de la société S. A. T. A,

Constate que le contrat de travail liant Joël X... et la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE a été rompu le 22 mai 2002 et en conséquence :

Condamne la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE à payer à Joël X... les sommes suivantes :

-28 837, 20 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail,
-2 883, 72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-5 527 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
-3 000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
-1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Joël X... de sa demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

Ordonne le remboursement par la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE à L'ASSEDIC des sommes versées par cet organisme à Joël X..., dans le cadre du chômage, dans la limite de six mois, au titre de l'article L. 122-14-4, alinéa deux, du code du travail,

Laisse les éventuels dépens de la procédure à la charge de la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 06/00742
Date de la décision : 21/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-21;06.00742 ?
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