CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 131 DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE HUIT
AFFAIRE No : 06 / 00738
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 24 janvier 2006, section commerce.
APPELANTE
S. A. ANTILLAISE DE PARTICIPATIONS AERONAUTIQUES
Aérogare Régionale-Le Raizet
97139 LES ABYMES
Représentée par Me WINTER-DURENNEL de la SCP WINTER-DURENNEL ET PREVOT (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉS
Monsieur Fred X...
...
97112 GRAND BOURG MARIE-GALANTE
Représentés par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
Maître Anne Z..., mandataire liquidateur de la SATA AIR GUADELOUPE
...
97190 GOSIER
Représentée par Me Jean-Michel GOUT (TOQUE 9) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
A. G. S.
Imm. Eurydice-Centre d'Affaires
Dillon Valmenière
97200 FORT DE FRANCE
Représentée par Me Isabelle WERTER (TOQUE 08) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été à l'audience publique du 17 Décembre 2007, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Guy POILANE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, mise en délibéré au 11 Février 2008, successivement prorogé au 31 mars 2008 et au 21 Avril 2008.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Guy POILANE, Conseiller, Président,
M. Hubert LEVET, Conseiller,
M. Pierre FAGALDE, Conseiller,
GREFFIER Lors des débats : Mme Marie-Anne CHAIBRIANT, Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé en audience publique le 21 Avril 2008, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par M. Michel PANTOBE, Greffier du premier grade, présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Fred X..., salarié de la société ANTILLAISE DE TRANSPORT AERIEN AIR GUADELOUPE, occupait dans cette entreprise les fonctions de délégué syndical, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise.
Cette société a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre en date du 12 février 1993 puis en liquidation judiciaire avec poursuite exceptionnelle d'activité pendant quinze jours par un jugement du 3 décembre 1993, confirmé par la cour d'appel de Basse-Terre en date du 4 juillet 1994.
Par décision du 28 juillet 1994, le juge commissaire a ordonné la cession globale de l'unité de production à la SOCIETE NOUVELLE AIR GUADELOUPE S. A. (S. N. A. G.). Cette dernière société a fusionné pour devenir la société CARIBEENNE DES TRANSPORTS AERIENS (C. T. A.) à compter du 29 septembre 1998 ; elle est désormais dénommée ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE S. A. (A. P. A.).
Fred X... a été licencié par l'administrateur judiciaire, à l'issue du délai exceptionnel de poursuite d'activité de quinze jours suivant la mise en liquidation du 3 décembre 1993.
Par jugement en date du 7 décembre 1999, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'autorisation de licencier.
Par ordonnance en date du 9 octobre 2000, la juridiction prud'homale, statuant en référé sur la demande de réintégration présentée par le salarié, a ordonné cette réintégration sous astreinte de 1 000 F par jour de retard.
Par arrêt en date du 11 avril 2002, la cour d'appel de céans a confirmé l'ordonnance du 9 octobre 2000, assorti la réintégration d'une astreinte de 152, 45 € par jour de retard et fixé une provision.
Le 26 janvier 2001, Fred X... va saisir la juridiction prud'homale au fond pour avoir paiement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Par jugement contradictoire et de départage en date du 24 janvier 2006, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les défendeurs,
- condamné la société A. P. A. à payer à Fred X... la somme de
147 997, 35 €, déduction faite des provisions déjà versées,
- débouté Fred X... de ses plus amples demandes à l'égard de la société A. P. A.,
- débouté Fred X... du surplus de ses demandes à l'égard de l'AGS et Me Z... en qualité de mandataire liquidateur de la S. A. T. A.,
- condamné la société A. P. A. à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Appel a été formé par la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A.), anciennement société CARIBEENNE DES TRANSPORTS AERIENS, suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mars 2006, de ce jugement qui lui a été notifié le 8 mars 2006.
Par des conclusions d'appel récapitulatives remises le 17 décembre 2007 puis soutenues oralement à l'audience, la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A.) demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et de débouter Fred X... de l'ensemble de ses demandes ou encore réduire celles-ci à de plus justes proportions, outre l'octroi de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
Par des conclusions en réplique, remises le 7 décembre 2007 puis soutenues oralement lors de l'audience, Fred X... demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré son action recevable et fondée et lui a alloué des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de réintégration, y ajoutant, de condamner la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE à lui payer les salaires dus outre les sommes déjà allouées en référé, à compter d'avril 2000 jusqu'au mois de décembre 2000, soit la somme de
13 082, 41 € ainsi que celle de 15 425 € au titre du préjudice moral, de déclarer opposable à l'AGS la décision à intervenir, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du NCPC.
Par des conclusions remises le 17 septembre 2007 puis soutenues oralement lors de l'audience, l'AGS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause, de dire et juger qu'elle s'associe aux explications de Me Z... et de la société A. P. A., de la mettre purement et simplement hors de cause, cette dernière ne prenant pas en charge les sommes destinées à sanctionner une faute de l'employeur et également en application des dispositions de l'article L. 143-11-1 et suivants du code du travail dans la mesure où le cessionnaire était in bonis au moment où le tribunal administratif a annulé le licenciement et où la demande de réintégration a été formulée ; elle rappelle les limites et modalités de sa garantie légale.
Par des conclusions remises à l'audience puis soutenues oralement lors de celle-ci, Me Anne Z..., en qualité de mandataire-liquidateur de la société SNAG devenue CTA, demande à la cour de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a mise hors de cause en qualité de liquidateur de la société SATA.
Les moyens de fait et de droit soutenus par les parties dans les conclusions susvisées seront repris dans l'exposé des motifs qui va suivre.
SUR QUOI :
Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.
Sur la recevabilité de la demande :
Lorsque Fred X... a saisi la juridiction prud'homale, le 26 janvier 2001, de demandes visant ses employeurs successifs, en vertu des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa second, du code du travail, dont certains l'avaient employé alors qu'une procédure collective les avait touchés, il a fait convoquer la société AIR GUADELOUPE, la société CARIBEENNE DE TRANSPORT devenue APA et Me Z... en qualité de liquidateur d'AIR GUADELOUPE. Ce faisant, il a laissé ouverte la possibilité de faire venir le litige directement devant le bureau de jugement, sans passer par le préalable de conciliation ; ainsi, la juridiction prud'homale a-t-elle, alors que la requête initiale tendait à une première phase classique de conciliation, renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement directement en constatant l'existence, dans le décours du contrat de travail de Fred X... la présence des organes d'une procédure collective. C'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré la requête recevable en faisant une application combinée des dispositions des articles L. 621-128, L. 621-125 et L. 621-127 du code de commerce. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré la demande du salarié recevable.
Sur les effets du licenciement nul :
Il est constant que le licenciement est intervenu sous l'égide de l'administrateur judiciaire alors que la société ANTILLAISE DE TRANSPORT AERIEN voyait son redressement judiciaire être converti en liquidation avec un maintien d'activité de quinze jours. Il s'agissait d'un licenciement de salarié protégé autorisé, dans un premier temps, par l'inspection du travail puis annulé par le tribunal administratif au motif d'une discrimination syndicale le 7 décembre 1999. Contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, en vertu des dispositions de l'article L. 436-3 du code du travail, Fred X... n'est nullement forclos pour ne pas avoir demandé sa réintégration dans les deux mois de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement. En effet, ce délai de deux mois ne s'applique pas dans le cadre d'un licenciement annulé sur le fondement de l'article L. 122-45 du code du travail pour discrimination, motif retenu par le juge administratif de l'annulation. Ainsi, le contrat de travail de Fred X... n'a pu, comme celui des autres salariés protégés licenciés dans les mêmes conditions, être poursuivi et n'a pas, non plus, été rompu par l'employeur. C'est ici le salarié lui-même qui a repris le travail en mai 2002. Cependant, il forme une demande de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2000 au 31 décembre 2000 d'un montant de 13 082, 41 €, demande sur laquelle l'employeur ne formule aucune observation subsidiaire. Cette somme est accordée à Fred X....
Sur le préjudice moral :
Il est demandé à ce titre par le salarié une somme de
15 245 €.
L'employeur ne présente aucune argumentation sur ce point.
Bien que Fred X... ne fournisse aucun élément propre à démontrer l'existence d'un préjudice non indemnisé par la rupture ou encore le régime protecteur des salariés protégés, force est de constater que les circonstances exceptionnelles de ce dossier et les graves carences de l'employeur a exercer son pouvoir de direction en maintenant le salarié dans l'expectative pendant un temps anormalement long. Dès lors, il y a lieu d'accorder au salarié la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande qu'il soit alloué à Fred X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article susvisé ; le jugement déféré est confirmé sur ce point.
La société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE, qui succombe en son appel, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Au fond :
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions mais y ajoutant :
Condamne la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A.) à payer à Fred X... la somme de 13 082, 41 € au titre des salaires du 1er avril 2000 au 31 décembre 2000,
Condamne la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE (A. P. A.) à payer à Fred X... la somme de 1 500 € au titre du préjudice moral,
Met hors de cause l'AGS et Me Z... en sa qualité de liquidateur de la société S. A. T. A.,
Laisse les éventuels dépens de la procédure à la charge de la société ANTILLAISE DE PARTICIPATION AERONAUTIQUE.
ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.