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31/03/2008 | FRANCE | N°310

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0345, 31 mars 2008, 310


1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 310 DU 31 MARS 2008
R. G : 05 / 01672
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 28 juillet 2005, enregistrée sous le no 03 / 2201

APPELANTE ET INTIMEE :

ASSOCIATION LA MARTINGALE dont le siège social est Route Nationale 1- La Jaille 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me Florence BARRE-AUJOULAT (TOQUE 1), avocat au barreau de GUADELOUPE

APPELANTS ET INTIMES :

Monsieur Roland Abraham Y...... 97122 BAIE MAHAULT Représenté par Me Harry J

awad DURIMEL (TOQUE 56), avocat au barreau de GUADELOUPE

Madame Inès Arlette Marie A... épous...

1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 310 DU 31 MARS 2008
R. G : 05 / 01672
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 28 juillet 2005, enregistrée sous le no 03 / 2201

APPELANTE ET INTIMEE :

ASSOCIATION LA MARTINGALE dont le siège social est Route Nationale 1- La Jaille 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me Florence BARRE-AUJOULAT (TOQUE 1), avocat au barreau de GUADELOUPE

APPELANTS ET INTIMES :

Monsieur Roland Abraham Y...... 97122 BAIE MAHAULT Représenté par Me Harry Jawad DURIMEL (TOQUE 56), avocat au barreau de GUADELOUPE

Madame Inès Arlette Marie A... épouse Y...... 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me Harry Jawad DURIMEL (TOQUE 56), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 janvier 2008, en audience publique, devant la cour composée de : M. Robert PARNEIX, président de chambre, président, M. Marc SALVATICO, conseiller, rapporteur, Mme Claudine PAGE, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère. qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 31 mars 2008.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC. Signé par M. Robert PARNEIX, président de chambre, président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :
Vu le jugement rendu le 28 juillet 2005 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre entre, d'une part, les époux Y... et, l'association LA MARTINGALE, d'autre part,
Vu l'appel partiel régularisé le 22 septembre 2005 par les époux Y...,
Vu l'appel régulièrement interjeté par l'association LA MARTINGALE le 6 octobre 2005,
Vu la constitution de Me DURIMEL pour les époux Y... remise au greffe de la cour le 10 novembre 2005,
Vu la constitution de Me BARRE-AUJOULAT pour l'association LA MARTINGALE remise au greffe de la cour le 14 novembre 2005,
Vu les conclusions récapitulatives et responsives de l'association LA MARTINGALE remises au greffe de la cour le 20 novembre 2007,
Vu les conclusions responsives et récapitulatives des époux Y... remises au greffe de la cour le 14 mars 2007,
Vu l'ordonnance de jonction du 13 novembre 2006,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 novembre 2007.

**********

Se plaignant de nuisances provenant du club hippique voisin les époux Y... ont fait assigner l'association LA MARTINGALE devant le juge des référés à l'effet de voir ordonner une expertise au visa des dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile.
Faisant droit à la demande le juge des référés du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre désignait l'expert D... suivant ordonnance en date du 30 novembre 2001, avec une mission précise.
Après avoir régulièrement procédé à ses opérations, M. D... déposait son rapport au greffe du tribunal et c'est en l'état de ses conclusions que le premier juge, homologuant le rapport expertal, a :
- constaté l'existence de troubles anormaux de voisinage résultant de la prolifération de mouches, de la présence de poussière de sciure et de sable, de la présence de fumées de brûlage, troubles émanant de la défenderesse au préjudice des époux Y...,
- condamné l'association LA MARTINGALE à effectuer les travaux préconisés par cet expert et permettant de mettre un terme aux troubles retenus : réalisation d'un caniveau et d'une fosse tels que décrits au rapport d'expertise pour éviter la prolifération des mouches, couverture fixe du local abritant la sciure et déplacement du manège pour empêcher le déplacement des poussières, arrêt du brûlage des sacs pour mettre un terme aux fumées, et ce dans un délai de six mois pour le caniveau et la fosse, dans un délai de trois mois pour la couverture du local et le déplacement du manège, et sans délai pour le brûlage des sacs, et sous astreinte de 150 € par jour de retard ou par fait contraire constaté, passé ces délais,
- condamné l'association LA MARTINGALE à payer à M. et Mme Y... Roland la somme de 15. 000 € en indemnisation de leur préjudice moral, ainsi que 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes,
- condamné l'association LA MARTINGALE aux dépens en ce inclus les frais d'expertise.

C'est le jugement querellé dans son intégralité par l'association LA MARTINGALE et partiellement par les époux Y....

**********
L'association LA MARTINGALE, appelante, demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle limite son appel au dispositif du jugement entrepris l'ayant condamnée à payer aux époux Y... la somme de 15. 000 € en indemnisation de leur préjudice moral,
- de constater qu'elle n'est saisie par les époux Y... que du chef de la décision entreprise ayant rejeté leur demande d'indemnisation au titre du préjudice matériel à hauteur de 129. 440 €,
- de déclarer en conséquence irrecevables les autres demandes,
- de constater qu'elle a exécuté l'ensemble des travaux prescrits par le jugement querellé ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier en date du 13 juin 2007,
- d'infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux Y... la somme de 15. 000 € au titre de leur préjudice moral,
- de débouter ces derniers de leur demande d'indemnisation de leur préjudice matériel et de les condamner à lui payer la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient :

- qu'ayant fondé leur action sur les articles 1382 et 1383 du code civil, il appartenait aux époux Y... de démontrer la faute commise par l'association dans la réalisation du préjudice moral qu'ils prétendent subir,
- que si les premiers juges ont effectivement considéré que certaines des nuisances constitueraient un trouble anormal de voisinage, d'autres ont été écartées mais le tribunal n'a aucunement tenu compte de cette atténuation de responsabilité dans le chiffrage du préjudice moral puisqu'il a alloué aux époux Y... l'intégralité de l'indemnité sollicitée,
- que l'infirmation s'impose surtout compte tenu de l'absence d'intention de nuire et de la bonne foi de l'association, étant observé que les services vétérinaires n'ont jamais relevé d'infraction ou dressé de procès-verbal à son encontre, mais bien au contraire ont relevé en août 2004 que les installations étaient bien entretenues,
- qu'en tout état de cause, l'évaluation du dommage doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision,
- qu'au cas particulier l'association a fait constater par huissier le 13 avril 2004 que dans leur majorité les travaux et remèdes prescrits dans le rapport d'expertise ont été entrepris,
- que plus récemment encore elle a fait constater le 13 juin 2007, toujours par huissier de justice, que l'ensemble des travaux prescrits dans le jugement querellé a été exécuté,
- qu'en outre les époux Y... n'ont pas fait constater de préjudice moral ou autre par l'expert judiciaire et qu'ainsi il n'a pu être procédé à son évaluation au contradictoire des parties,
- qu'enfin l'équité commande de tenir compte de la personnalité morale de l'association constituée à but non lucratif, laquelle n'a réalisé aucun bénéfice en 2006,

**********

Les époux Y..., intimés et appelants (partiellement et incidemment) demandent quant à eux à la cour aux termes de leurs dernières écritures responsives et récapitulatives :
- de déclarer recevables leurs appels et de statuer ce que droit sur celui formé par l'association,
- de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné l'association LA MARTINGALE à effectuer les travaux préconisés par l'expert et à leur payer la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- de l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de leur demande visant à voir constater les nuisances résultant de l'odeur, du bruit et de l'odeur spécifique de corne brûlée lesquelles constituant bien des troubles anormaux de voisinage,

- de condamner l'association à leur payer la somme de 5. 000 € de dommages-intérêts de ce chef de préjudice,

- de constater le préjudice matériel qu'ils subissent du fait de la diminuation de la valeur vénale de leur maison en cas de vente, ainsi que de sa valeur locative,
- de condamner l'association à leur payer la somme de 129. 440 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel, ainsi que celle de 2. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les entiers dépens.
Ils font valoir :
- que c'est à tort que l'association LA MARTINGALE conteste sa condamnation à des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des troubles de voisinage qu'ils subissent et qui ont été constatés par l'expert judiciaire,
- que l'association ne saurait prétendre que ces nuisances ne seraient pas réelles,
- que c'est justement que le jugement querellé a condamné l'association à effectuer les travaux préconisés par l'expert pour mettre fin aux troubles résultant de la présence de mouches, de poussière de sciure de bois, de poussière de sable ainsi que de fumée de brûlage de sacs de nourriture,
- que la responsabilité pour trouble de voisinage est une responsabilité sans faute prouvée et qu'au cas particulier le trouble qu'ils subissent depuis de nombreuses années excède bien les inconvénients ordinaires du voisinage et oblige son auteur à le réparer quand bien même celui-ci serait inhérent à une activité licite et qu'aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause,
- qu'en l'état le jugement querellé ne pourra qu'être encore confirmé de ce chef, les époux Y... ayant connu et connaissant toujours un préjudice moral important eu égard à leurs âges respectifs qui en font des personnes fragiles psychologiquement et physiquement,
- que la cour est saisie par les conclusions des parties et devra répondre à l'ensemble des moyens qu'ils font valoir même si leur appel initial n'était que partiel et ne portait que sur le refus de faire droit à leur demande d'indemnisation au titre de leur préjudice financier lié à la perte de la valeur vénale de leur maison en cas de vente, ainsi que de sa valeur locative et ce en vertu de l'indivisibilité de l'objet du litige,
- que les nuisances résultant de l'odeur, du bruit et de l'odeur de corne brûlée existent bel bien, sont visées par le rapport expertal et excèdent, sans contestation possible les inconvénients normaux du voisinage,
- que par ailleurs l'association ne justifie pas avoir effectué les travaux pour mettre fin à ces nuisances,
- qu'en outre les époux Y... subissent incontestablement un préjudice financier certain lequel a été évalué par un expert qu'ils ont missionné en la personne de M. E...,

- que ce dernier précise que les nuisances provoqués par le centre équestre sont sans conteste un élément de moins value, tant au niveau de la valeur locative que de la valeur vénale du bien des époux Y...,

- qu'ainsi la dépréciation de la valeur vénale du bien affecté pour les troubles de voisinage devra être indemnisée,
- qu'enfin l'association LA MARTINGALE n'apporte aucune preuve matérielle de ce qu'elle aurait véritablement réalisé les travaux préconisés par l'expert judiciaire, s'appuyant sur une simple lettre en date du 30 novembre 2005 par laquelle elle faisait, d'après elle, le point sur les travaux qui auraient été réalisés conformément au jugement entrepris.
ET SUR CE,
MOTIFS DE LA DECISION :
1- La recevabilité des appels n'est pas discutée et rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Réguliers en la forme, les appels seront déclarés recevables étant observé que l'association LA MARTINGALE a expressément limité son appel au dispositif du jugement l'ayant condamnée à payer aux époux Y... la somme de 15. 000 € en indemnisation de leur préjudice moral.
Les époux Y... ayant quant à eux régularisé un appel partiel limité à leur débouté concernant le préjudice financier qu'ils revendiquent, la cour, en vertu du principe de dévolution limitée, n'est saisie que du chef critiqué.
Il est en effet constant que lorsque la déclaration d'appel limite le recours à certains chefs, sont irrecevables les conclusions ultérieures de l'appelant contestant l'ensemble du jugement.
Partant la saisine de la cour est parfaitement limitée aux chefs critiqués du jugement entrepris.

2- Les époux Y... ayant demandé au tribunal de constater la réalité et l'importance des nuisances constituant des troubles anormaux du voisinage ce n'est pas, comme l'a fort justement retenu le premier juge, seulement au regard de l'article 1382 du code civil qu'ils visent expressément dans leurs écritures que leurs prétentions doivent être examinées, mais en considération de la jurisprudence développée en application de l'article 544 du code civil.

A ce propos il n'est pas inutile de rappeler le principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et que les juges du fond doivent rechercher si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements administratifs, n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

La cour devant apprécier souverainement en fonction des circonstances de temps et de lieu la limite de la normalité des troubles de voisinage et la mesure propre à faire cesser ce trouble anormal.

Au cas particulier, il convient de retenir la méthodologie adoptée par le tribunal consistant à reprendre chaque fait évoqué comme nuisance par les époux Y... pour déterminer au visa des conclusions du rapport d'expertise judiciaire s'il constitue un trouble anormal de voisinage avant de déterminer le bien fondé de leurs demandes.

A) Sur les nuisances invoqués :

L'expert D... retient dans ses conclusions que :
- les nuisances résultent principalement d'un non respect de la réglementation alors que depuis 1995 les services vétérinaires, la DDASS et le médiateur demandent sans succès à la MARTINGALE de s'y conformer, et d'une utilisation du site sans précaution (poussière, brûlage...),
- il est indiscutable que les riverains, et les époux Y... en particulier, subissent des nuisances qui les empêchent de jouir normalement de leur propriété ainsi qu'en attestent les pétitions déjà formulées,
- ces nuisances sont apparues après le déplacement des écuries en 1993-1994,
- certaines de ces nuisances ont diminué (odeurs et poussières).
- Il peut être aisément remédié à ces nuisances en réalisant des travaux de mise en conformité et quelques déplacements de sites résultant de règles de bon voisinage (manège, benne à fumier....).
Lesdites nuisances s'articulant comme suit :
* L'odeur :
L'expert judiciaire a retenu qu'à chacune de ses visites à l'improviste (trois) il n'a pas noté de présence d'odeurs chez les époux Y....
C'est donc à juste titre que le jugement querellé relève que l'existence même et donc le caractère anormal de ces odeurs n'étant pas démontré, ce fait n'est pas retenu comme constituant un trouble anormal de voisinage.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef alors et surtout de plus fort que la cour n'est pas saisie d'un appel dudit chef.

* Les mouches :

L'expert a constaté que la maison des époux Y... était envahie de mouches et a précisé que cette prolifération d'insectes était occasionnée par la présence du fumier ainsi que par les rejets dans la nature de purins, lisiers et eaux de lavage de l'exploitation équestre.

De ce fait les époux Y... sont contraints de tenir leurs fenêtres et volets fermés côté est et d'utiliser une quantité anormale d'insecticide.

C'est donc à juste titre, par des motifs exacts en fait et fondés en droit que le tribunal a considéré que l'existence de ce fait et sa qualification de trouble anormal de voisinage étaient ainsi établis.

* Le bruit des chevaux dans les boxes :

Ce fait n'a pas, à juste titre, été retenu par le premier juge comme constitutif d'un trouble anormal de voisinage puisque le caractère précisément " anormal " de ce bruit dépend de son importance objective, laquelle n'a pas été constatée par l'expert qui déclare ne pas avoir constaté lui-même ces nuisances nocturnes.
Il convient encore de confirmer le jugement de ce chef étant en outre relevé que la cour n'est pas saisie d'un appel dudit chef.

* La poussière de sciure de bois :

Selon l'expert la sciure stockée dans un local non clos est à l'origine d'une poussière transportée par le vent contraignant les époux Y... à maintenir leurs fenêtres fermées.

Ce fait anormalement gênant constitue à l'évidence un trouble anormal de voisinage et c'est également à juste titre que le tribunal l'a retenu comme tel.

* La poussière de sable :

Ce trouble a tout aussi justement été retenu par le premier juge comme constituant un inconvénient anormal du voisinage, les poussières émanant du manège ouest contraignant les époux Y... à maintenir leurs fenêtres fermées alors qu'il est tout à fait possible d'atténuer voire de supprimer ces nuisances.
Le jugement sera encore confirmé de ce chef.
* La fumée de brûlage des sacs de nourriture :
La présence de ces fumées est liée à une pratique dont on ne parvient pas à s'expliquer la nécessité ni l'intérêt et c'est tout aussi justement que le tribunal a considéré qu'il s'agissait également d'un trouble anormal de voisinage.
La confirmation s'impose encore.
* Les odeurs de corne brûlée :
Cette nuisance n'ayant pas été constatée par l'expert, n'a pas été retenue par le premier juge à juste titre et il convient de confirmer le jugement de ce chef étant encore relevé que la cour n'est pas saisie d'un appel dudit chef.

B) Sur les demandes :

Comme indiqué précédemment la cour n'est saisie que de l'appel partiel des époux Y... et de celui général de l'association LA MARTINGALE qui, en l'état de ses dernières écritures limite cette voie de recours au dispositif du jugement l'ayant condamnée à payer aux époux Y... la somme de 15. 000 € en indemnisation de leur préjudice moral.
Concernant les travaux préconisés par l'expert judiciaire et que l'association a été condamnée sous astreinte à réaliser, la cour observe qu'ils ont été exécutés ainsi que cela ressort d'un constat d'huissier en date du 13 juin 2007, à savoir :
- évacuation des eaux usées des écuries par des tuyaux PVC enterrés dans le sol conduisant vers une fosse fermée et enterrée,
- entreposage de la sciure côté est des écuries dans un appenti au bardage et à la couverture en tôles sur charpente métallique,
- manège près des écuries démonté et présence de végétation à cet emplacement,
- bande de terrain entre les écuries et la clôture ouest entièrement herbue et donc non utilisée pour l'entraînement des chevaux,
- entreposage du fumier dans de grandes bennes métalliques placées au nord du chemin d'accès et vidées régulièrement par des entreprises agricoles.
Les époux Y... ne contestent pas cette réalisation se bornant à soutenir que LA MARTINGALE n'apporterait aucune preuve matérielle de ce qu'elle aurait véritablement réalisé les travaux litigieux, faisant ainsi peu de cas du constat d'huissier précité.
En définitive, compte tenu de l'évolution du litige ne restent dans le débat que le quantum des dommages-intérêts alloués aux époux Y... en indemnisation de leur préjudice moral (15. 000 €) et le principe de l'indemnisation de leur préjudice matériel lié à la diminution de la valeur vénale de leur maison ainsi que de sa valeur locative.
En ce qui concerne tout d'abord le préjudice moral subi par les époux Y..., il est incontestable dans son principe du fait des nuisances occasionnées par l'association LA MARTINGALE et qui ont perduré pendant des années avant qu'il y soit remédié par les travaux effectués sur les préconisations de l'expert D....
La responsabilité pour trouble de voisinage est une responsabilité sans faute prouvée, le trouble de voisinage se définissant comme un dommage causé à un voisin qui, lorsqu'il excède les inconvénients ordinaires du voisinage est jugé anormal et oblige l'auteur du trouble à le réparer, quand bien même celui-ci serait inhérent à une activité licite et qu'aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause.
Il en est bien ainsi au cas particulier, la cour n'ayant pas à caractériser une intention de nuire ainsi que la bonne ou mauvaise foi de l'association dont il est notamment avéré au travers des rapports tant de l'inspecteur sanitaire que des services vétérinaires que " l'état d'entretien et de propreté des installations et du matériel est satisfaisant et que les installations sont bien entretenues ".
Cependant le préjudice subi pendant des années par les époux Y... est prouvé au regard des conclusions de l'expert judiciaire et c'est à bon droit que le tribunal a retenu le principe d'une indemnisation.
La cour relève toutefois que l'association a fait preuve de bonne foi en engageant et en finançant les travaux de nature à pallier les nuisances et que compte tenu de sa nature juridique (association à but non lucratif) une condamnation à des dommages-intérêts par trop importants pourrait l'exposer à la fermeture.
Pour ces raisons et en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour estime devoir ramener à la somme de 6. 000 € le montant du préjudice moral subi par les époux Y....
En ce qui concerne le préjudice matériel (financier) sa réalité n'est pas démontrée, ce préjudice n'étant en toute hypothèse que purement éventuel et n'ayant en outre pas été constaté par l'expert judiciaire.
En tout état de cause le préjudice allégué n'est ni actuel, ni liquide mais purement fictif dans la mesure ou la maison des époux Y... est et a toujours été habitée par eux et n'est pas, ni n'a jamais été louée.
C'est à bon droit que le Tribunal a retenu que ces derniers ne justifiaient pas (et ils n'en justifient pas plus en cause d'appel) avoir mis leur maison en vente ni l'avoir vendue à un prix moindre que sa valeur vénale et ce du fait de l'existence des troubles constatés. Ils ne démontrent pas non plus subir un préjudice locatif et en définitive la réalisation des travaux préconisés par l'expert est de nature à faire disparaître les troubles constatés.
Ainsi, aucun préjudice financier n'étant à ce jour établi, la décision querellée est encore en voie de confirmation de ce chef.
Les dépens suivant la succombance, l'association LA MARTINGALE devra les supporter étant par ailleurs observé qu'aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application au cas particulier en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare les appels recevables,

Confirme le jugement querellé sauf en ce qu'il a alloué aux époux Y... la somme de 15. 000 € en indemnisation de leur préjudice moral,

Constate que l'association LA MARTINGALE a exécuté l'ensemble des travaux préconisés par l'expert judiciaire,
Statuant à nouveau,
Condamne l'association LA MARTINGALE à payer aux époux Y... la somme de 6. 000 € au titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne l'association LA MARTINGALE aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et le président a signé avec la greffière.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0345
Numéro d'arrêt : 310
Date de la décision : 31/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, 28 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2008-03-31;310 ?
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