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05/11/2007 | FRANCE | N°945

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0252, 05 novembre 2007, 945


1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 945 DU 05 NOVEMBRE 2007
R.G : 04/00575
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 01 Avril 2004, enregistrée sous le no 02/00564

APPELANTES :
SARL QUICKDREAM Dont le siège social est Oyster Pond, Lot 2897150 ST MARTINReprésentée par Me Michaël SARDA (TOQUE 1),avocat postulant au barreau de GUADELOUPE et par Me OLSZAKOWSKI, avocat plaidant au barreau de METZ.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER SANTA MARIALot 29 Oyster Pond97150 ST MARTINR

eprésenté par Me Michaël SARDA (TOQUE 1),avocat postulant au barreau de GUADELOUPE...

1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 945 DU 05 NOVEMBRE 2007
R.G : 04/00575
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 01 Avril 2004, enregistrée sous le no 02/00564

APPELANTES :
SARL QUICKDREAM Dont le siège social est Oyster Pond, Lot 2897150 ST MARTINReprésentée par Me Michaël SARDA (TOQUE 1),avocat postulant au barreau de GUADELOUPE et par Me OLSZAKOWSKI, avocat plaidant au barreau de METZ.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER SANTA MARIALot 29 Oyster Pond97150 ST MARTINReprésenté par Me Michaël SARDA (TOQUE 1),avocat postulant au barreau de GUADELOUPE et par Me OLSZAKOWSKI, avocat plaidant au barreau de METZ.

INTIMEE :
SARL AJUSARAdont le siège social est Oyster Pond, no 4897150 ST MARTINReprésentée par la SCP PAYEN-PRADINES (T74), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président, rapporteur,Mme Isabelle ORVAIN, Conseillère,Madame Marie-Hélène CABANNES, Conseillère.qui en ont délibéré.Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 05 novembre 2007.

GREFFIER :
Lors des débats: Mme Nicole FRANCILLETTE, greffière.

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.Signé par M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président et par Mme Juliette Y..., Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au motif que la construction d'un immeuble entreprise par la société Ajusara ne respectait pas la hauteur maximale autorisée par les règles d'urbanisme et les privait de vue sur la mer, la société Quickdream, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Santa Maria (le syndicat) et la société Caribera, après le dépôt des conclusions d'une expertise ordonnée par le juge des référés, ont assigné la société Ajusara pour obtenir la démolition partielle de l'immeuble ou, à défaut, des dommages et intérêts.
Par jugement du 1er avril 2004, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :
-constaté le désistement de la société Caribera et son acceptation par la société Ajusara ;
-déclaré l'action de la société Quickdream et du syndicat irrecevable par application des dispositions de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme ;
-condamné in solidum la société Quickdream et le syndicat à payer à la société Ajusara la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 20 avril 2004, la société Quickdream et le syndicat ont relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 22 juin 2006, le conseiller de la mise en état a débouté les appelants de leur demande tendant à obtenir sous astreinte la liste des entreprises intervenues dans la construction de l'immeuble et l'organisation d'une expertise complémentaire afin notamment d'effectuer des travaux de terrassement, de vérifier l'existence d'ouvertures obstruées et d'un vide sanitaire et de prendre de nouvelles mesures de hauteur.
Dans ses conclusions récapitulatives, déposées le 14 mai 2007, la société Quickdream et le syndicat exposent que :
-le rapport d'expertise définitif ne leur a pas été communiqué au mépris des règles relatives à la contradiction des débats ;
-la société Ajusara a arrêté elle-même le chantier faisant l'aveu des irrégularités qui lui sont reprochées ;

-l'expert a mis en évidence le dépassement de la hauteur maximale des bâtiments fixée par les règles d'urbanisme mais a laissé sans réponse ses observations relatives à l'existence d'un second niveau de construction, prohibé par les mêmes règles et constaté par huissier de justice mais masqué, avant l'expertise, par des travaux d'obturation et de remblaiement ;
-que le permis de construire qui limitait la hauteur de la construction à 4,40 mètres n'étant pas respecté, l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est sans application de sorte que le tribunal ne pouvait écarter leur demande comme irrecevable ;
-que l'obstruction de la vue sur la mer, par suite de l'illégalité de la construction entreprise et l'état d'abandon du chantier depuis 1999 constituent un trouble anormal de voisinage dont la société Ajusara leur doit réparation ;
-que l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état est entachée de nullité en ce qu'elle ne mentionne pas le nom du magistrat qui l'a rendue et ne répond pas aux moyens développés devant celui-ci ;
-que les dernières pièces communiquées par la société Ajusara le 30 janvier 2007 doivent être écartées des débats, dès lors qu'elles sont illisibles et que la société Ajusara n'a pas déféré à la sommation qui lui a été faite de les communiquer en original ;
-que la demande reconventionnelle de la société Ajusara, qui est à l'origine de son propre préjudice, n'est pas justifiée et doit être rejetée.
Ils demandent en conséquence à la cour :
-d'annuler ou réformer l'ordonnance rendue le 22 juin 2006 par le conseiller de la mise en état ;
Avant dire droit sur le fond :
-d'ordonner sous astreinte à la société Ajusara de communiquer "tous éléments de détermination des entreprises intervenues dans la construction, tous éléments relatifs au creusement du terrain pour atteindre le sol dur permettant une assise solide ainsi que tous éléments relatifs au maquillage et remblaiement par elle du premier niveau" ;
-d'ordonner une nouvelle expertise, aux frais de la société Ajusara, avec la mission définie dans ses conclusions consistant notamment à vérifier l'existence de deux niveaux de construction et le dépassement de la hauteur réglementaire ;
Sur le fond :
-d'écarter des débats les pièces 28 à 31 communiquées par la société Ajusara le 30 janvier 2007 en raison de leur caractère illisible ;
-d'annuler le jugement en ce qu'il se fonde sur un rapport définitif non communiqué par la société Ajusara ;

-à défaut d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
-d'ordonner sous astreinte la démolition des constructions irrégulières ;
- à défaut de condamner la société Ajusara à payer à chacun des appelants la somme de 105 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er février 2007, la société Ajusara réplique que :
-l'expertise s'est déroulée contradictoirement et que les appelants ont été destinataires du rapport de l'expert ;
-les premiers juges ont justement retenu que la construction est conforme au permis de construire qui n'a pas été contesté, ce qui rend irrecevable la présente demande ;
-que les appelants n'ayant pas saisi la juridiction administrative d'un recours contre le permis de construire, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;
-que la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée ;
-que la décision du conseiller de la mise en état qui a rejeté la demande de complément d'expertise mérite entière confirmation ;
-que le caractère abusif de l'action entreprise justifie l'élévation de la demande de dommages et intérêts.
Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner in solidum la société Quickdream et le syndicat à lui payer la somme de 162 500 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le rapport d'expertise
Attendu qu'il est constant que l'expertise s'est déroulée contradictoirement ; qu'un pré-rapport a été remis aux parties le 23 mars 2001 ; que les appelants ont adressé un dire à l'expert le 10 avril 2001 ; que celui-ci y a répondu lors du dépôt de son rapport définitif le 23 mai 2001 ; qu'un exemplaire de ce rapport a été expédié au conseil des appelants le 29 mai 2001 ; que l'expert n'était pas tenu de répondre aux nouvelles observations adressées par les appelants le 2 juin 2001, après l'achèvement de sa mission ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la prétendue violation du caractère contradictoire de l'expertise doit être rejeté ; qu'il en est de même de la demande d'annulation du jugement auquel il est reproché de s'être fondé sur ce rapport d'expertise ;

Attendu que l'expert, répondant aux observations des appelants, s'est clairement prononcé sur l'existence d'un seul niveau de construction en rez-de-chaussée et a indiqué n'avoir pas constaté "de niveau inférieur maquillé" mais un vide sanitaire sous le rez-de-chaussée ;
Attendu qu'il appartenait aux appelants de solliciter les mesures de vérification utiles sur ce point au cours de l'expertise ; que le complément d'expertise qu'ils sollicitent en cause d'appel, six ans après le dépôt du rapport, apparaît tardif et inutile, compte tenu des conclusions de l'expert qui ne sont contredites par aucun élément probant ;
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter les demandes des appelants sollicitant des mesures d'instruction complémentaires ;
2) Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 22 juin 2006
Attendu qu'il est exact que ladite ordonnance ne mentionne pas le nom du magistrat qui l'a rendue et encourt de ce fait la nullité, en application de l'article 454 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il sera fait droit à la demande sur ce point, étant observé que cette sanction est sans conséquence, dès lors que la décision annulée est dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, en application des articles 775 et 910 du nouveau Code de procédure civile, et que les appelants reprennent intégralement devant la cour leur demande de nouvelles investigations ;
3) Sur la demande de démolition de la construction litigieuse et, subsidiairement, de dommages et intérêts
Attendu qu'aux termes de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme : "Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux." ;
Attendu que les appelants font grief à la construction entreprise de comporter deux niveaux et, par voie de conséquence, de dépasser la hauteur maximale autorisée par le plan d'occupation des sols et de les priver de la vue dégagée sur la mer dont ils bénéficiaient auparavant ;
Attendu que l'expert, après avoir relevé que la construction, implantée en secteur UGa à moins de 80 mètres de la mer, ne devait comprendre qu'un rez-de-chaussée et ne pas dépasser une hauteur de 4 mètres, et après avoir examiné le permis de construire et mesuré les différentes parties de l'immeuble, est parvenu aux conclusions suivantes :

-"le nombre de niveaux est en conformité avec les règles d'urbanisme puisque nous avons constaté que tous les bâtiments ne possèdent qu'un niveau de rez-de-chaussée ;
-concernant les hauteurs des bâtiments, nous devons faire état de plusieurs anomalies de différentes grandeurs qui s'échelonnent entre 0,20 m et 3,96 m de dépassement par rapport aux dispositions prévues par le POS et en particulier dans son article UG 10-2, même s'il est vrai que ces dispositions sont en contradiction avec le permis de construire accordé à la société Ajusara" ;
Attendu que le permis de construire n'étant délivré que sous réserve des droits des tiers, ces derniers sont fondés à se prévaloir de la violation d'une règle d'urbanisme lorsque la construction a été édifiée, comme en l'espèce, conformément au permis accordé, dès lors qu'ils établissent que cette violation leur cause un préjudice personnel et direct ;
Attendu que le dépassement de la hauteur maximale autorisée cause un préjudice aux appelants en ce qu'il les prive de la vue entièrement dégagée sur la mer dont ils disposaient avant la construction, et ce, même si cette perte de vue n'est, par endroits, que partielle ; que ce préjudice, établi par les photographies versées aux débats, est en relation de causalité avec le manquement constaté ; que cette violation du plan d'occupation des sols est admise par la société Ajusara elle-même dans ses écritures ; que les appelants sont en conséquence fondés à en demander la réparation ;
Attendu, toutefois, que le juge judiciaire n'est pas compétent pour se prononcer sur la légalité du permis de construire délivré à la société Ajusara et qu'il lui appartient, conformément à l'article L. 480-13 précité, de surseoir à statuer en l'attente de la décision du juge administratif ; que cette obligation s'impose même en cause d'appel et même lorsque l'exception préjudicielle n'est pas soulevée expressément, dès lors que le moyen tiré de la transgression d'une règle d'urbanisme apparaît fondé et que la solution du litige dépend de l'appréciation de la légalité du permis ; que tel est le cas en l'espèce ;
Attendu qu'il s'ensuit que la décision des premiers juges, qui a déclaré irrecevable la demande de la société Quickdream et du syndicat, doit être réformée ; qu'il y a lieu de déclarer recevable cette demande mais, sur le fond, tous les moyens et prétentions non examinés demeurant réservés, de surseoir à statuer en l'attente de la décision de la juridiction administrative sur la légalité du permis de construire ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Prononce l'annulation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 22 juin 2006 ;

Déboute la société Quickdream et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Santa Maria de leur demande d'annulation du rapport d'expertise et du jugement rendu le 1er avril 2004 par le tribunal de grande instance de Basse-Terre ;
Les déboute de leur demande de mesures d'instruction complémentaires ;
Réforme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a constaté le désistement de la société Caribera ;
Sursoit à statuer sur le surplus des demandes des parties en l'attente de la décision de la juridiction administrative sur la validité du permis de construire accordé à la société Ajusara au regard des dispositions de l'article UG 10 2 du plan d'occupation des sols de la zone UGa d'Oyster Pond, commune de Saint-Martin ;
Invite la société Quickdream et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Santa Maria à saisir la juridiction administrative pour l'examen de cette question préjudicielle ;
Réserve tous autres moyens et prétentions des parties ainsi que les dépens ;
Renvoie le dossier à l'audience de mise en état du 14 avril 2008 ;
Et le président a signé avec la greffière.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0252
Numéro d'arrêt : 945
Date de la décision : 05/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Basse-Terre, 01 avril 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2007-11-05;945 ?
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