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08/10/2007 | FRANCE | N°06/00900

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 08 octobre 2007, 06/00900


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 201 DU HUIT OCTOBRE DEUX MILLE SEPT

AFFAIRE No : 06 / 00900

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 18 janvier 2006, section activités diverses.

APPELANTE

ASSOCIATION MABO CRECHE
Rue du Général De Gaulle
97180 SAINTE-ANNE
Représentée par Me FISCHER-MERLIER, substituant Me Hugues JOACHIM (TOQUE 34) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

INTIMÉE

Madame Gabrielle Lucette X... épouse Z...


...

97160 LE

MOULE
Représentée par Me BEAUVOIS, substituant Me Harry Jawad DURIMEL (TOQUE 56) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).


COMP...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 201 DU HUIT OCTOBRE DEUX MILLE SEPT

AFFAIRE No : 06 / 00900

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 18 janvier 2006, section activités diverses.

APPELANTE

ASSOCIATION MABO CRECHE
Rue du Général De Gaulle
97180 SAINTE-ANNE
Représentée par Me FISCHER-MERLIER, substituant Me Hugues JOACHIM (TOQUE 34) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

INTIMÉE

Madame Gabrielle Lucette X... épouse Z...

...

97160 LE MOULE
Représentée par Me BEAUVOIS, substituant Me Harry Jawad DURIMEL (TOQUE 56) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2007, en audience publique, mise en délibéré au 08 octobre 2007, devant la Cour composée de :

M. Guy POILANE, Conseiller, Président,
M. Pierre FAGALDE, Conseiller,
Mme Isabelle ORVAIN, Conseiller,
qui en ont délibéré.

GREFFIER lors des débats : M. Michel PANTOBE, greffier du premier grade.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2007, signé par M. Guy POILANE, conseiller, Président, et par M. Michel PANTOBE, greffier du premier grade, présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE :

Gabrielle Z... a été engagée par l'association MABO CRECHE, le 4 janvier 1999, en qualité d'animatrice, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu le 29 janvier 1999.

A partir du 1er octobre 2002, elle est affectée à un poste d'agent de cuisine.

Le 30 juin 2003, elle reçoit un avertissement disciplinaire notamment pour des faits des 6 et 25 juin 2003.

Le 10 juillet 2003, l'employeur l'informe de ce que les repas des enfants de la crèche seront désormais sous-traités et que son poste d'agent de cuisine est, en conséquence supprimé ; une transformation de son poste lui est proposée à raison de dix heures par semaine en qualité " d'agent de cuisine chargé de la réception et du service des repas livrés à la crèche ".

Le 22 juillet 2003, elle est convoquée, par acte d'huissier, à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 30 juillet 2003.

Le 4 août 2003, Gabrielle Z... refuse son changement de qualification et son nouvel horaire (40 heures par mois au lieu de 130 heures).

Suivant un courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 août 2003, Gabrielle Z... est licenciée pour des motifs ainsi énoncés :
" Nous vous rappelons les griefs retenus contre vous :
-votre comportement bafouant l'autorité de l'employeur,
-votre insubordination (refus d'exécuter un ordre),
-vos vociférations scandaleuses en date du 25 juin 2003 dans la crèche, en présence d'enfants,
-les menaces proférées envers l'éducatrice de jeunes enfants en date du 15 juillet 2003 ".

Contestant le bien-fondé de cette rupture, elle va saisir, le 9 septembre 2003, la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Par jugement contradictoire en date du 18 janvier 2006, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
-condamné l'association MABO à payer à Gabrielle Z... les sommes de :
* 8 000 € dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 614,74 € solde indemnité légale de licenciement,
* 1 168,45 € rappel de salaire,
* 600 € article 700 du NCPC,
-débouté la demanderesse pour le surplus.

Appel a été formé par l'association MABO, suivant démarche au greffe de la cour en date du 27 avril 2006, de ce jugement qui ne lui avait pas été régulièrement notifié.

Par des conclusions remises les 29 janvier 2007 et le 11 juin 2007 puis soutenues oralement à l'audience, l'association MABO demande à la cour de déclarer Gabrielle Z... irrecevable et mal fondées en ses demandes, de déclarer le licenciement motivé par des causes réelles et sérieuses et, en conséquence, d'infirmer la décision entreprise en ses dispositions déclarant le licenciement de Gabrielle Z... sans cause réelle et sérieuse et celles prononçant des condamnations à l'encontre de l'association MABO, outre l'octroi de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du NCPC.

Suivant des conclusions remises le 16 avril 2007 puis soutenues oralement à l'audience, Gabrielle X... épouse Z... demande à la cour, au visa de la Convention Collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cures et de garde à but non lucratif, des articles L. 122-14-4, L. 122-14-5, L. 122-45 et L. 412-2 du code du travail, de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel principal, de la recevoir en son appel incident, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu le caractère abusif du licenciement et condamné l'association à lui payer la somme de 1 168,45 €, d'infirmer cette même décision en ce qu'elle lui a alloué la somme de 8 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,614,74 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement et rejeté sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et, statuant à nouveau, de condamner l'association MABO à lui payer :
* 14 021,40 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 264,56 € indemnité conventionnelle de licenciement,
* 10 516,05 € au titre des conditions vexatoires ayant entouré le licenciement, outre l'octroi d'une somme de
2 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.

Les moyens de fait et de droit exposés par les parties dans les écritures susvisées seront repris expressément par la cour dans l'exposé des motifs qui va suivre.

SUR QUOI :

Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.

Sur le licenciement :

L'association MABO a licencié Gabrielle Z... pour des motifs disciplinaires énoncés dans une lettre de rupture en date du 25 août 2003. Ces griefs sont au nombre de quatre. Deux sont datés : le 25 juin 2003 " vociférations scandaleuses en présence d'enfants " et le 15 juillet 2003 " menaces à l'encontre d'une éducatrice ". Deux autres peuvent être regroupés car ils sont génériques : comportement " bafouant l'autorité de l'employeur " d'une part et " insubordination (refus d'obéir aux ordres) " d'autre part, le tout sans date ni explication lesquels sont à rechercher dans les écritures de l'employeur. Il conviendra, après le premier juge, de procéder à l'examen de ces reproches et de vérifier s'ils constituent ou non des causes réelles et sérieuses de licenciement. Plus encore, il va être nécessaire, en raison du contexte de vérifier si le licenciement est justement qualifié de disciplinaire et s'il n'est pas plutôt un licenciement économique déguisé. En effet, force est de constater que deux des motifs de licenciement ont déjà été sanctionnés par l'avertissement du 30 juillet 2003 qui, à cette date, épuise le pouvoir disciplinaire de l'association MABO ; il s'agit de l'événement du 25 juin 2003 (" vociférations scandaleuses ") et de celui du 6 juin 2003
(qui, selon les conclusions de l'appelante, correspond au comportement " bafouant l'autorité de l'employeur "). Il ne subsiste donc que deux griefs : les menaces envers une éducatrice du 25 juin 2003 et " l'insubordination ". Si ces deux reproches sont remis dans le contexte de l'époque, il est évident qu'ils s'inscrivent dans le même espace de temps que l'annonce faite à Gabrielle Z... que son poste d'agent de cuisine est vidé de son sens et en voie de suppression par le brusque choix économique de l'association d'externaliser la confection des repas du midi destinés aux jeunes enfants de la crèche MABO. Tout laisse penser que, suite à cette annonce faite par un courrier du 10 juillet 2003 qui lui impose une modification unilatérale du contrat de travail (le poste est modifié substantiellement et l'horaire mensuel passe de 130 heures à 40 heures), Gabrielle Z... ait manifesté à sa manière son mécontentement, sans pour autant que l'employeur démontre que le climat de l'entreprise en ait été modifié, les dissensions étant ponctuelles et limitées à des échanges entre salariés, l'argument de la " syndicalisation " étant écarté. Dès lors, la cour constate que c'est avec raison que le premier juge a constaté que le 10 juillet 2003, le processus de " se séparer de la demanderesse est engagé " et il faut ajouter que ce processus vise à la suppression pure et simple de son poste, l'employeur lui proposant un " reclassement " dans un poste moins qualifié consistant à réchauffer les aliments préparés par une cuisine centrale municipale et à les servir ensuite aux enfants. La preuve est rapportée que Gabrielle Z... sera remplacée par un cuisinier en CDD jusqu'au 31 août 2003, veille de la prise d'effet du contrat de fourniture des repas par la cuisine centrale de la ville du Moule. Aucun autre agent de cuisine ne sera alors recruté au vu des éléments du dossier. Au-delà de l'analyse des griefs disciplinaires qui conduit à les écarter, la cour décide de requalifier le licenciement prononcé sur cette base en un licenciement économique dont l'employeur a voulu détourner la procédure plus contraignante en terme de reclassement (Gabrielle Z... est une animatrice de crèche diplômée, voir documents de la ville de Taverny dont elle a été l'employée). Ce licenciement économique déguisé est, par essence, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est donc confirmé par substitution de motifs. Le motif syndical est, dans ce cadre, écarté.

Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :

Formant appel incident, Gabrielle Z... sollicite désormais, au lieu de la somme de 8 000 € allouée par le premier juge (sept mois de salaire), une somme majorée de 14 021,40 €, correspondant à douze mois de salaire.

L'employeur conclut au débouté dur ce point.

Il est constant que Gabrielle Z... a été licenciée dans un contexte particulièrement tendu et sur des bases volontairement détournées par l'employeur, avec convocation par huissier et mise à pied inadaptée à la base ensuite choisie d'un licenciement disciplinaire pour " cause réelle et sérieuse " (voir lettre de licenciement), alors que son poste était quasiment supprimé et ses horaires réduits de deux tiers avec une " offre de reclassement " (non conforme, évidemment aux dispositions de l'article L. 321-1 du code du travail) qu'elle refusera le 4 août 2003. Gabrielle Z... est alors âgée de 48 ans, elle présente une ancienneté de quatre ans et neuf mois. La salariée fournit à la cour des renseignements très complets sur son devenir professionnel à la suite de la rupture. Il y a lieu de retenir que, malgré ses efforts de formation, elle n'a retrouvé du travail que le 1er février 2007, après avoir subi de graves déboires économiques dont elle justifie par des éléments sérieux. Il y a lieu, en conséquence, de réformer la décision entreprise quant au montant des dommages-intérêts alloués et de condamner l'association MABO à verser à Gabrielle Z... la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Il a été alloué à Gabrielle Z..., en première instance, un complément d'indemnité conventionnelle de 614,74 €, alors qu'elle avait déjà perçu la somme de 553,71 € à ce titre. Elle sollicite désormais un solde, non plus de 614,74 € mais de 2 264,56 €, en se fondant sur les dispositions de la Convention collective applicable.

L'association MABO affirme que la Convention collective à laquelle le salarié se réfère n'est pas applicable à son activité et soutient, sans autre démonstration juridique " qu'aucune Convention collective n'est applicable ici ".

Il résulte des éléments fournis par Gabrielle Z... que la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif s'applique bien à l'activité de l'association MABO dont le code APE 853 G (figurant sur les bulletins de salaire) est répertorié au chapître de l'étendue de la Convention (article 01. 02. 2. 1.) à la mention " crèches, garderies et halte-garderies ". Dès lors, à défaut de démonstration contraire de l'employeur, cette Convention applicable aux départements d'outre-mer et étendue doit être prise en compte quant à la détermination du montant de l'indemnité de licenciement.

L'article 15. 02. 3. 1. de la Convention collective susvisée concernant l'indemnité de licenciement des salariés non-cadres, y compris à temps partiel, conformément au droit positif, prévoit son calcul à raison d'un demi-mois de salaire par année d'ancienneté avec un maximum de six mois, dès lors que le salarié licencié présente une ancienneté d'au moins deux années, comme c'est le cas en l'espèce. Sachant que Gabrielle Z... peut se prévaloir d'une ancienneté de quatre années, neuf mois et 27 jours, la cour adopte, sur la base mensuelle de 1 168,45 €, les calculs figurant dans les écritures de l'intimée et retient une somme de 2 818,27 €, dont il est déduit la somme de 553,71 € déjà payés, soit une somme de 2 264,56 € que l'association MABO est condamnée à payer à Gabrielle Z... au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur le rappel de salaire pour la mise à pied :

Il y a lieu, sur ce point, que l'association rapporte la preuve
(production des relevés bancaires) de ce qu'elle a payé l'intégralité des derniers salaires à Gabrielle Z... et que sa demande en paiement de la somme de 1 168,45 € à ce titre doit être rejetée, le jugement étant réformé sur ce point.

Sur l'indemnisation d'un préjudice moral spécifique :

L'ensemble des circonstances péjoratives de la rupture a été pris en compte par l'indemnisation légale majorée de celle-ci, telle que fixée plus haut. En l'absence d'éléments de preuve déterminants quant à l'existence d'un préjudice non indemnisé dans ce cadre, la cour rejette cette demande par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande qu'il soit alloué à Gabrielle Z... une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article susvisé ; la décision de première instance est confirmée sur le même fondement.

L'association MABO, qui succombe, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare les appels principal et incident recevables en la forme,

Au fond :

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les montants des dommages-intérêts pour licenciement illégitime, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'octroi d'un rappel de salaire,

La réforme sur ces points et statuant à nouveau :

Condamne l'association MABO à payer à Gabrielle Z... les sommes suivantes :

-10 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail,

-2 264,56 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Déboute Gabrielle Z... de sa demande en rappel de salaire correspondant à la mise à pied,

Y ajoutant :

Condamne l'association MABO à payer à Gabrielle Z... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par l'association MABO à L'ASSEDIC des sommes versées par cet organisme au titre du chômage, dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4, alinéa deux, du code du travail,

Laisse les éventuels dépens de la procédure à la charge de l'association MABO.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 06/00900
Date de la décision : 08/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-08;06.00900 ?
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