COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 626 DU 18 JUIN 2007
R.G : 07 / 00310
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 13 Février 2007, enregistrée sous le n 07 / 32
APPELANTE :
SOCIETE DES CARRIERES DE GRAND CASE
dont le siège social est Grand case
97150 ST MARTIN
Représentée par Me Jean-Marc FOY (TOQUE 82), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMES :
Monsieur François Laurent X...
...,
ILE D'ANGUILLA
Représenté par Me Pierre BELAYE, avocat au barreau de GUADELOUPE
Monsieur Michel André Lucien X...
...
SINT-MAARTEN N.A.
Représenté par Me Pierre BELAYE, avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président, rapporteur,
M. Jean-Luc MARTIN, Conseiller,
M. Marc SALVATICO, Conseiller.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 18 juin 2007.
GREFFIER :
Lors des débats : Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.
Signé par M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Société des Carrières de Grand Case, filiale du Groupe Devcon, exploite à Saint-Martin une carrière de roches en vertu de plusieurs actes consentis par MM Fernand, Michel et François X... (les consorts X...) dans le cadre d'un accord transactionnel mettant fin à un précédent litige :
-un acte de vente du 17 février 2005 portant sur la parcelle BD 627 ;
-une promesse unilatérale de vente du 3 février 2005 dite " Option 1 " portant sur la parcelle BD 626, l'option devant être levée par le bénéficiaire " trois mois avant le 31 décembre 2006 " et la signature de l'acte authentique devant intervenir trente jours après la réalisation de la plus tardive des conditions suspensives et au plus tard le 31 décembre 2006 ;
-un bail du 17 février 2005 portant sur les parcelles BD 350p, BD 58, AR 190, BD 260, BD 348p et partie de la parcelle AR 214, courant du 1er février 2005 au 31 décembre 2006 ;
-une promesse de bail du 17 février 2005 accordant à la Société des Carrières de Grand Case une prorogation du précédent bail jusqu'au 30 septembre 2010 au cas où elle lèverait l'option d'acquisition de la parcelle BD 626 ;
-un accord non formalisé et contesté par les consorts X... lui laissant la disposition de parcelles limitrophes nécessaires pour l'exploitation de la carrière.
Par lettre du 26 septembre 2006, la Société des Carrières de Grand Case a informé les consorts X... qu'elle levait l'option de la promesse du 3 février 2005 et a versé à leur notaire un acompte de
1 million de dollars US.
Constatant l'absence de la Société des Carrières de Grand Case lors de la signature de l'acte authentique, les consorts X... ont fait dresser un procès-verbal de carence le 7 novembre 2006 et, se prévalant de la caducité de la promesse de vente et de l'expiration du contrat de bail, ont assigné la Société des Carrières de Grand Case en expulsion et en remise des lieux en l'état.
Estimant au contraire que la levée de l'option avait rendu la vente parfaite et régulièrement prorogé le bail du 17 février 2006, la Société des Carrières de Grand Case a assigné les consorts X... afin qu'il leur soit fait interdiction sous astreinte de pénétrer sur les lieux loués et d'entraver leur exploitation.
Joignant les procédures, le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre, par ordonnance du 13 février 2007, sur le fondement de l'article 809 du nouveau code de procédure civile, a :
-condamné la Société des Carrières de Grand Case à se retirer des parcelles cadastrées sections AR 398, AR 397, BD 261, BD 675, et à remettre les lieux en état et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
-condamné, sous la même astreinte, la Société des Carrières de Grand Case à se retirer de la parcelle cadastrée BD 626 ;
-enjoint aux consorts X..., sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée, et ce, dès la signification de la présente ordonnance (de s'abstenir) :
de s'introduire sur les parcelles cadastrées sections BD 627, BD 350p, BD 58, AR 190, BD 260 et BD 348p et une parcelle d'environ 6 000 m ² constituant partie de la parcelle cadastrée AR 214 ;
d'y faire obstacle à l'activité de la Société des Carrières de Grand Case ;
-rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 1er mars 2007, la Société des Carrières de Grand Case a interjeté appel de cette ordonnance uniquement en ce qu'elle l'a condamnée sous astreinte à se retirer de la parcelle BD 626 et, en vertu d'une autorisation du 7 mars 2007, a assigné les consorts X... à jour fixe pour l'audience du 21 mai 2007 à laquelle l'affaire a été retenue.
Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance sur le point contesté, de dire n'y avoir lieu à référé et de condamner les consorts X... au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les consorts X... répliquent que le juge des référés s'est déclaré à juste titre compétent, en application de l'article 771 du nouveau code de procédure civile et en l'absence de désignation d'un juge de la mise en état, pour mettre un terme à la voie de fait caractérisée par l'occupation illicite de la parcelle BD 626 par la Société des Carrières de Grand Case qui ne bénéficie que d'une promesse de vente, par ailleurs contestée au fond. Ils ajoutent que le bail du 27 octobre 1999 qui autorisait l'exploitation de cette parcelle a été dénoncé le 3 juin 2004 et est échu depuis le 26 octobre 2004.
Ils demandent à la cour de confirmer purement et simplement l'ordonnance entreprise et de condamner la Société des Carrières de Grand Case à leur payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la Société des Carrières de Grand Case reproche au premier juge d'avoir, en violation de l'article 5 du nouveau code de procédure civile, statué au-delà de la demande des consorts X..., qui ne visait pas expressément la parcelle BD 626, et d'avoir préjudicié au principal en se prononçant sur les modalités de la réitération de la vente ;
Attendu, sur le premier point, que la demande des consorts X... porte sur l'expulsion des parcelles occupées sans droit ni titre par la Société des Carrières de Grand Case ; qu'en estimant que cette société
était dépourvue de titre sur la parcelle BD 626 et en ordonnant son expulsion le juge des référés n'a pas méconnu les dispositions de l'article 5 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, sur le second point, qu'en relevant que " la réitération par acte authentique constituait une des conditions essentielles de la vente " et que la levée de l'option ne suffisait pas à rendre la Société des Carrières de Grand Case propriétaire de la parcelle en cause, le premier juge a abordé le fond du droit et a excédé sa compétence ;
Et attendu, qu'indépendamment de la question de la perfection de la vente, il résulte des pièces versées aux débats que la Société des Carrières de Grand Case exploite cette parcelle en vertu d'une autorisation préfectorale du 10 avril 2001 et que le congé du 3 juin 2004 n'a pas été mis à exécution ;
Attendu, par ailleurs, que la promesse de vente de la parcelle BD 626 a été consentie, parmi d'autres actes, dans le cadre d'un accord transactionnel destiné à mettre un terme à un litige ancien opposant les consorts X... et la Société des Carrières de Grand Case pour l'exploitation du site ; qu'en effet, selon un document intitulé " Accord " signé le17 février 2005 entre les consorts X... et le Groupe Devcon, il est prévu, notamment, qu'en cas de levée de l'option par la Société des Carrières de Grand Case, les consorts X... renonceront à toute action ou poursuite contre le Groupe Devcon et que le " présent accord constituera une transaction entre les parties " ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'occupation par la Société des Carrières de Grand Case de la parcelle ne constitue pas un trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu à référé sur la demande d'expulsion formée par les consorts X... et que l'ordonnance entreprise, qui a fait droit à cette demande, sera réformée ;
Attendu qu'il est justifié d'allouer à la Société des Carrières de Grand Case et à la charge des consorts X... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la même demande formée par les consorts X..., qui succombent dans leurs prétentions, sera rejetée ;
Attendu que les consorts X... seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expulsion sous astreinte de la Société des Carrières de Grand Case de la parcelle BD 626 située à Saint-Martin, Grand Case, lieudit Careta ;
Statuant de nouveau sur ce point ;
Dit n'y avoir lieu à référé ;
Condamne MM François et Michel X... à payer à la Société des Carrières de Grand Case une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Déboute MM François et Michel X... de leur demande sur le même fondement ;
Condamne MM François et Michel X... aux dépens ;
Et le président a signé avec la greffière.