COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 361 DU 23 AVRIL 2007
R.G : 04/01162
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 08 Juillet 2004, enregistrée sous le n 01/01452
APPELANTE :
LA SCI MARIE
dont le siège social est 5 Village de Saint-Martin
Concordia
97150 ST MARTIN
Représentée par Me Marc VAYRAC (TOQUE 72), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMEE :
LA SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
dont le siège social est 87 rue de Richelieu
75002 PARIS
Représentée par la SCP WINTER DURENNEL, avocat postulant au barreau de GUADELOUPE et la SCP Evelyne NABA et Associés avocat postulant.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Novembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président,
M. Jean-Luc MARTIN, Conseiller, Rapporteur,
M. Marc SALVATICO, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 29 janvier 2007 puis le délibéré a été successivement prorogé jusqu'au 23 avril 2007.
GREFFIER :
Lors des débats: Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.
Signé par M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
La SCI Marie a souscrit le 9/11/1999, après le passage du cyclone « José », deux contrats d'assurance auprès de la compagnie AGF pour garantir deux immeubles dont elle est propriétaire à Saint Martin, immeubles dans lesquels sont installés le lycée privé « Victor Schoelcher » et l'école privée « Saint John Perse » ;
Ces immeubles ont subi des dommages lors du passage de l'ouragan Lenny, du 17 au 19/11/1999 ;
La SCI Marie et les AGF ont respectivement désigné comme experts amiables M. Z... et le cabinet OTEX Antilles pour effectuer l'expertise des dommages en résultant ;
En raison du désaccord entre les experts, la SCI Marie a assigné en référé les AGF par acte en date du 24/3/2000 ;
Le 13/4/2000, le juge des référés a ordonné une expertise et condamné à titre provisionnel les AGF à payer 750 000F, ordonnance confirmée par la cour d'appel le 28/4/2003 ;
Les deux parties ont saisi la juridiction du fond, la SCI Marie le 3/12/2001, et les AGF le 8/4/2002 ; les procédures ont été jointes par ordonnance du 10/10/2002 ;
Devant les premiers juges, la SCI Marie a demandé notamment que le rapport d'expertise soit déclaré nul pour non respect du contradictoire et le débouté des demandes des AGF, et a sollicité la somme de 192 580 euros en exécution des polices d'assurance et à titre de dommages intérêts ;
Par décision contradictoire du 8/7/2004, le tribunal de grande instance de Basse Terre a statué ainsi :
« Fixe à 32 645,52 euros les sommes revenant à la SCI MARIE au titre du contrat d'assurance
Condamne la SCI MARIE à restituer à AGF les sommes perçues au titre de l'ordonnance de référé déduction faite de la somme de 32 645,52 euros revenant à l'assuré, outre les intérêts au taux légal sur la somme remboursée à compter de l'assignation ;
Condamne la SCI MARIE à payer aux AGF 4000 euros au titre de l'article 700 du NCPC
Déboute les parties de leurs autres demandes
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
Condamne la SCI MARIE aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise et de référé dont distraction au profit de la SCP WINTER DURENNEL. »
La SCI MARIE a interjeté appel de ce jugement par acte en date du 11/8/2004 ;
La SCI MARIE, par conclusions remises au greffe de la cour le 4/10/2006 demande :
-de déclarer nulle la nomination de l'expert et de déclarer nul le rapport d'expertise pour non respect du principe du contradictoire ;
-de débouter les AGF de toutes contestations et réclamations ;
-de les condamner à lui verser la somme de 192 580 euros en exécution des polices d'assurance et à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et indemnisation tardive, sous déduction de la provision allouée en référé et des franchises avec intérêt au taux légal à compter du 4/3/2000, en précisant que les intérêts dus pour une année entière seront eux-mêmes productifs d'intérêts ;
-d'assortir la décision de l'exécution provisoire ;
-de condamner les AGF à payer 15 000 euros au tire de l'article 700 du NCPC et aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
AGF, appelante incidente, par conclusions remises au greffe de la cour le 31/10/2006 demande à la cour de:
-réformer le jugement entrepris uniquement sur le montant de la restitution due, et sur les conséquences du comportement de la SCI MARIE ;
-dire et juger que l'indemnité d'assurance due doit être limitée à 31 278,06 euros ;
-condamner la SCI MARIE à restituer la somme de 83 516,05 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation au fond introduite par la compagnie, avec capitalisation des intérêts ;
-débouter l'appelante de toutes ses demandes à l'encontre d'AGF ;
-dire et juger que, si une condamnation devait par impossible intervenir contre AGF, cela serait nécessairement en deniers ou quittances compte tenu des sommes déjà perçues par la SCI MARIE ;
-vu l'article 1382 du code civil, condamner la SCI MARIE à payer 30 000 euros à titre de dommages intérêts ;
-condamner la SCI MARIE à payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
- de manière générale, dire que les AGF ne sauraient être tenues au-delà des limites contractuelles selon les polices versées aux débats ;
- condamner la SCI MARIE aux dépens y compris ceux d'expertise et de référé et de première instance au fond, avec distraction au profit de la SCP WINTER DURENNEL, avocats ;
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6/11/2006.
Motifs de la décision :
Au soutien de l'appel il est allégué par la SCI MARIE que :
- la mission de l'expert doit être annulée sur le fondement des articles 12 et 16 du code de procédure civile ;
- les Agf ont fait preuve de déloyauté et de manquement au devoir de conseil dans le traitement du dossier d'indemnisation, s'agissant des volets TOC et catastrophes naturelles et du non respect des délais pour répondre ;
-il résulte de ces manquements que le paiement de l'indemnité et l'abandon des exclusions de garantie sont dus ainsi que le paiement de dommages intérêts pour indemnisation tardive ;
Sur la mission de l'expert et l'expertise :
Concernant l'application des dispositions de l'article 12 du NCPC, la mission confiée par le juge des référés n'a pas modifié l'objet du litige en prescrivant à l'expert de distinguer les dégâts dus au cyclone Lenny, de ceux dus au cyclone José, puisque les polices d'assurance ont été souscrites postérieurement au premier cyclone (José) et que les dégâts qui lui étaient imputables devaient donc être exclus de l'indemnisation des AGF, seulement concernées par l'indemnisation des conséquences du deuxième cyclone ; ce moyen est donc mal fondé, et il n'y a pas lieu à nullité de l'expertise sur ce fondement ;
S'agissant de l'article 16 de ce même code et du défaut du respect du contradictoire, ce moyen a déjà été soulevé devant les premiers juges qui ont exactement apprécié que ce principe n'avait pas été violé :
- au vu de l'étude technique analysée par l'expert,
- au vu du fait que la lettre d'information de OTEX Antilles concernant les malversations de M A... et du cabinet Z... a bien été versée aux débats,
- et au vu du fait que le cabinet Z... était présent aux opérations d'expertise,
Enfin, le constat d'huissier du 29/11/1999 a été annexé au rapport de l'expert judiciaire qui en a eu connaissance lors de ses opérations ;
Il en résulte que les moyens relatifs aux articles 12 et 16 du NCPC sont mal fondés, et qu'en conséquence la décision entreprise doit être confirmée par adoption de motifs à cet égard ;
Sur la déloyauté et le manquement au devoir de conseil des Agf :
Le manquement au devoir de conseil n'est pas explicité par l'appelante qui n'y fait plus référence dans le corps de ses conclusions ; le moyen est donc mal fondé, aucune critique formelle n'étant développée à ce titre ;
L'appelante, qui rappelle que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, ne démontre nullement à l'appui de ses affirmations en quoi les AGF ne se seraient pas soumises à ce principe ; si elle fait justement valoir que le volet "catastrophes naturelles" s'appliquait en l'espèce aux inondations et aux coulées de boue, et que ce volet doit être pris en compte au même titre que la garantie « TOC », l'indemnisation devant respecter ces deux garanties, elle ne démontre pas en quoi les AGF auraient méconnu leurs obligations sur ce point ;
En effet, c'est le quantum de l'indemnisation qui est à l'origine du litige et donc son chiffrage, et c'est la raison pour laquelle un expert judiciaire a été commis en référé ;
Il a été précisément effectué dans le cours de l'expertise l'examen de l'ensemble des dégâts au vu de ces deux volets du contrat, dont l'application est par ailleurs très habituelle dans la région, et la distinction étant connue des experts nommés par les juridictions du ressort ;
L'appelante reproche encore le non respect par les AGF des délais pour répondre ; toutefois il est incontestable que les experts amiables ne s'étant pas entendus, la procédure d'indemnisation se trouvait bloquée ; dès lors les Agf n'ont pas eu un comportement fautif en retardant l'indemnisation, et seul le juge des référés pouvait ordonner une expertise judiciaire pour trancher le différend existant entre les parties;
La demande en dommages intérêts de l'appelante ne saurait en conséquence prospérer, aucune faute n'étant imputable aux AGF relativement à ce grief;
Les moyens de l'appelante sont mal fondés et il résulte nécessairement de ce qui précède que les conséquences que la SCI MARIE souhaite en tirer ne sont pas davantage fondées ; rien dans le comportement des AGF ne permet d'affirmer, comme le fait l'appelante, que l'assureur aurait abandonné le droit d'opposer à son assuré les exclusions de garantie ;
Les postes examinés par l'expert ont été chiffrés au vu des éléments objectifs qui lui ont été produits contradictoirement et dont il s'explique clairement dans son rapport ;
Les premiers juges se sont expressément référé à ce rapport pour le chiffrage de l'indemnisation, en relevant à juste titre que la SCI MARIE ne procédait que par voie d'affirmation, ce qui est toujours le cas en cause d'appel, et ils ont exactement relevé que les postes « déblaiement et honoraires d'architecte et d'expert d'assuré » n'étaient pas couverts par l'assurance « tempête ouragan cyclone » ;
Enfin, la garantie « catastrophes naturelles » ne couvre pour sa part que les coulées de boue ;
La décision entreprise doit être en conséquence confirmée, les moyens d'appel de la SCI MARIE étant mal fondés ;
Sur la révision et les travaux des circuits électriques et les dommages intérêts sollicités par les AGF:
La question relative au poste électricité fait l'objet de l'appel incident, devant tendre à une réduction de l'indemnisation ; les Agf soutiennent que cette révision de l'installation est liée à un dommage indirect au passage du cyclone et que, de ce fait, cette indemnisation, qui fait l'objet d'une exclusion de garantie, n'est pas due ;
Toutefois, et en se fondant sur les travaux de l'expert, les premiers juges ont à juste titre, par des motifs que la cour adopte, apprécié que le contrôle du réseau électrique était lié à des dommages directs sur les bâtiments litigieux et que l'exclusion de garantie ne pouvait être retenue en l'espèce ; en effet, dissocier les conséquences d'un événement naturel par catégorie de dommages reviendrait à priver l'assuré d'une indemnisation due relativement aux conséquences directes de l'événement sur les bâtiments considérés, alors même que les désordres électriques sont une cause fréquente d'accident après le passage d'un cyclone;
L'appel incident est donc mal fondé à cet égard, et ne saurait prospérer ; la décision de première instance doit être confirmée sur ce point ;
Il en résulte que le montant à restituer aux AGF a été correctement déterminé par les premiers juges et qu'il doit être confirmé ;
La demande en dommages intérêts des AGF ne saurait quant à elle être admise, en l'absence de toute preuve d'un dommage démontré et certain ;
Sur l'article 700 du NCPC et les dépens :
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elle exposés et non compris dans les dépens ; les parties seront déboutées de leurs demandes sur ce fondement ;
La SCI MARIE qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens ;
Par ces motifs :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, en matière civile,
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant :
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne la SCI MARIE aux dépens avec distraction au profit de la SCP WINTER DURENNEL, avocats ;
Et ont signé le Président et la Greffière.