La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2007 | FRANCE | N°06/00243

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 19 mars 2007, 06/00243


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRÊT No267 DU 19 MARS 2007


R.G : 06 / 00243


Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 01 Décembre 2005, enregistrée sous le n 04 / 500


APPELANTES :


Madame Vanessa Laurence Y... veuve Z..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de l'enfant Cassandra Z....

...

97139 LES ABYMES
Représentée par Me Jacques FLORO (TOQUE 29), avocat au bar

reau de GUADELOUPE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 97105 / 02 / 2006 / 0649 du 22 / 06 / 2006 accordée par...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No267 DU 19 MARS 2007

R.G : 06 / 00243

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 01 Décembre 2005, enregistrée sous le n 04 / 500

APPELANTES :

Madame Vanessa Laurence Y... veuve Z..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de l'enfant Cassandra Z....

...

97139 LES ABYMES
Représentée par Me Jacques FLORO (TOQUE 29), avocat au barreau de GUADELOUPE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 97105 / 02 / 2006 / 0649 du 22 / 06 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

Madame Brigitte Eugénie A..., agissant en qualité d'administratrice légale, sous contrôle judiciaire, de l'enfant mineure Djemilla A...

...

97139 LES ABYMES
Représentée par Me Jacques FLORO (TOQUE 29), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMES :

Monsieur Achille C...

...

97190 LE GOSIER
Représenté par Me Hubert JABOT (TOQUE 43), avocat au barreau de GUADELOUPE

AGPM ASSURANCE ASSOCIATION DE PREVOYANCE MILITAIRE
dont le siège social est Rue Nicolas Appert
83086 TOULON
Représentée par Me Hubert JABOT (TOQUE 43), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président,
M. Jean-Luc MARTIN, Conseiller,
M. Marc SALVATICO, Conseiller, Rapporteur,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 19 mars 2007.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC.
Signé par M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre le 1er décembre 2005 entre, Mme Vanessa Y... Veuve Z... agissant tant en son nom qu'ès qualités d'administratrice légale de sa fille Cassandra Z... et Mme Brigitte A... agissant ès-qualités d'administratrice légale de l'enfant mineur Djemilla A... d'une part et, M. Achille C... et la société AGPM ASSURANCE d'autre part,

Vu l'appel régulièrement interjeté par Mesdames Y... et A... tant en son nom qu'ès qualités le 13 février 2006,

Vu les conclusions déposées par les appelantes le 13 septembre 2006,

Vu les conclusions déposées par les intimés le 24 octobre 2006,

Vu l'ordonnance de clôture du 4 décembre 2006.

* * * * *

Par actes des 30 janvier et 3 février 2004, les appelantes ont fait assigner M. Achille C... et la société AGPM ASSURANCES aux fins de les voir condamnés " in solidum " à les indemniser de leurs préjudices économiques en suite du décès de M. Rudy Z... survenu accidentellement le 8 août 1999 ; ce dernier étant l'époux de Mme ANZALA, le père de sa fille Cassandra et le père naturel de Djemilla A...

Le jugement querellé les a déboutées de toutes leurs prétentions motif pris de ce que rien ne permettait de retenir que M.Z... ait eu une quelconque activité professionnelle depuis 1997 et que les " jobs " allégués qui lui auraient permis de subvenir aux besoins de son épouse ainsi que de ses enfants, n'étaient aucunement justifiés.

Cette même décision retenant que les appelantes ne pouvaient sérieusement se prévaloir, pour alléguer d'un préjudice économique, de revenus par nature occultes-à les supposer existants-de M.Z... ; lequel ne démontrant pas qu'il ait contribué personnellement en quoi que ce soit aux besoins de son épouse et de ses deux enfants.

Partant le préjudice économique n'est en aucune façon justifié.

* * * * *

Mesdames Y... Veuve Z... et A..., appelantes, demandent à la Cour :

-d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

-de condamner " in solidum " M. Achille C... et la société AGPM Assurances à payer à Mme Vanessa Y... Veuve Z... pour elle-même la somme de 112. 614,20 €, et pour sa fille mineure Z... Cassandra celle de 52. 628,59 € pour le préjudice économique subi du fait du décès de leur époux et père,

-de condamner " in solidum " M. Achille C... et la société AGPM Assurances à payer à Melle Brigitte A... ès-qualités de représentante légale de sa fille mineure Djemilla A... la somme de 40. 199,17 € en réparation du préjudice économique subi du fait du décès du père de cette dernière,

-de dire et juger que les sommes ainsi fixées produiront intérêt au double taux de l'intérêt légal à compter de l'arrêt devenu définitif,

-de condamner " in solidum " M. Achille C... et la société AGPM Assurances à payer à Mme Vanessa Y... Veuve Z... et Melle Brigitte A... ès-qualités, la somme de 1. 400 € chacune au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-de condamner " in solidum " les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel en allouant à Me Jacques FLORO, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Elles soutiennent :

-que l'absence de revenus de la victime au moment de son décès, n'exclut pas l'existence d'un préjudice économique pour la famille,

-que la contribution de M.Z... aux besoins de son épouse et de ses enfants est parfaitement établie puisqu'en ce qui concerne sa femme et sa fille légitime une telle contribution constitue une obligation légale résultant du seul fait du mariage (articles 203,213 et 214 du Code Civil) et est présumée avoir été exécutée ; et qu'en ce qui concerne sa fille naturelle Djemilla A... il est établi que jusqu'à son décès M.Z... versait à la mère une contribution pour son éducation et son entretien de 500 F par mois (ce fait ayant d'ailleurs été reconnu par M.C... et son assureur dans leurs écritures de première instance et confirmé dans les conclusions devant la Cour),

-que le calcul du préjudice peut être effectué par le juge en utilisant le barème de capitalisation qui lui semble le plus adéquat pour réparer le dommage ; le barème issu du décret du 8 août 1986 étant aujourd'hui obsolète ainsi que cela ressort d'un rapport déposé entre les mains du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice par Mme le Professeur D....

-que tenant ledit barème et compte tenu de l'âge de la victime (31 ans au moment du décès) ainsi que de l'âge des ses ayants droit il revient à :

1-Mme Y... la somme de 112. 614,20 €
2-Melle Cassandra Z... représentée par sa mère, la somme de 52. 628,59 €
3-Melle Djemilla A... représentée par sa mère, la somme de 40. 199,17 €,
en réparation de leurs préjudices économiques,

-que les sommes ainsi fixées doivent produire intérêt au double taux de l'intérêt légal à compter de l'arrêt à intervenir devenu définitif puisque la Compagnie d'assurances AGPM qui avait en main, depuis une lettre du Conseil des appelantes en date du 27 avril 2000, tous les éléments lui permettant de faire l'offre exigée par l'article L. 211-9 du Code des assurances, ne l'a pas fait et doit en conséquence encourir la sanction prévue par l'article L. 211-13 du même code,

-qu'enfin les intimés doivent être condamnés à une somme de 1. 200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

* * * * *

La société AGPM ASSURANCES et M. Achille C..., intimés, demandent quant à eux à la Cour :

A titre principal :

-de constater que les appelantes ne produisent pas les justificatifs prouvant les revenus de M.Z..., notamment les déclarations d'impositions 1997,1998 et 1999,

-de dire en conséquence que l'assureur a parfaitement indemnisé les ayants droit de M.Z...,

-de rejeter la demande de majoration des intérêts, le non respect des délais n'étant pas de son fait,

Subsidiairement et si par impossible la Cour estimait le préjudice économique établi :

-de déclarer leurs offres satisfactoires, savoir :

1-62. 718,36 € pour Mme Y... Vve Z...,
2-25. 585,29 € pour Melle Cassandra Z... représentée par sa mère,
3-9. 003,72 € pour Melle Djemilla A... représentée par sa mère.

ET SUR CE,

MOTIFS DE LA DECISION :

Liminairement, il convient de noter que la reconnaissance d'un préjudice économique subi par les ayants droit d'une victime ne saurait être soumise à l'existence de revenus de cette victime au moment de son décès.

C'est à tort que le premier juge a estimé que dans la mesure où rien ne permettait de retenir que le défunt ait eu réellement un quelconque revenu, il n'était à l'évidence pas démontré qu'il ait contribué personnellement en quoi que ce soit aux besoins de son épouse et de ses deux enfants.

En effet, il est constant qu'on ne saurait tirer de la situation de chômeur de la victime à son décès, l'absence de préjudice économique pour sa famille.

L'appréciation de ce préjudice doit inclure tant l'ensemble du parcours professionnel antérieur que les potentialités pour le futur.

Les emplois à temps partiel occupés précédemment par M.Z... et son âge, laissaient normalement augurer d'un retour au monde du travail (cf. Les pièces justificatives des emplois antérieurs et du suivi d'une formation professionnelle).

Partant c'est à tort que le tribunal a conclu à l'inexistence d'un préjudice économique des ayants droit de la victime alors et surtout, de plus fort, qu'il est établi qu'au moment de son décès M.Z... disposait du revenu minimum d'insertion (RMI) au bénéfice duquel il avait été admis à compter du 1er janvier 1998.

En conséquence il ne pouvait être retenu que la victime ne contribuait pas personnellement aux besoins de son époux et de ses deux enfants sans inverser la charge de la preuve quant à l'exigence de cette justification, étant encore observé qu'une telle contribution constitue une obligation légale, présumée avoir été exécutée, sauf preuve contraire

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice allégué par les appelants, il convient encore de préciser que l'indemnisation du préjudice économique du conjoint survivant et des enfants du défunt est servie sous forme de capital et fixée sur un montant de ressources annuelles, sans le montant d'imposition, après application d'un pourcentage correspondant à la part de revenus pour l'épouse et pour chacun des enfants, après application de la valeur de l'euro de rente.

Le Juge, saisi d'une demande d'indemnisation, a toute latitude pour utiliser le barème de capitalisation qui lui semble le plus adéquat pour réparer le dommage subi par la victime.

Le principe est celui de la liberté du juge dans le choix du barème de capitalisation ; le barème issu du décret du 8 août 1986 étant " obsolète " et " non obligatoire " son emploi engendrant un " appauvrissement sans cause de la victime ".

Au cas particulier la Cour entend utiliser le barème proposé par les appelantes, préconisé par le rapport D... et publié dans la revue Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004.

Pour apprécier les revenus de la victime il convient en l'état de retenir le SMIC comme de base de calcul, ainsi que le préconisent aussi les intimés dans le subsidiaire de leurs écritures devant la Cour.

C'est la valeur actuelle du SMIC qui sera prise en considération et non celle à l'époque du décès, compte tenu de l'érosion monétaire devant entraîner la réactualisation de la base de référence (salaire ou autre) et du fait que le préjudice doit être évalué par les juges à la date où ils statuent (réparation intégrale).

Compte tenu de ce qui précède, de la part de consommation de la victime qui peut être évaluée à 20 % et de son âge au moment de son décès, la Cour est en mesure d'évaluer le préjudice des appelantes comme suit :

1-Pour Mme Y... Vanessa (40 % du revenu).......... 112. 614,20 €
(1. 254,28 € mensuel x 40 % x 12 = 6. 020,54 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 60 ans, âge de la retraite légale qu'aurait prise M.Z... et sur la base du barème de capitalisation à 3,20 %-âge au décès 31 ans soit : 6. 020,54 x 18,705 = 112. 614,20 €.

2-Pour Cassandra Z... (20 % du revenu)...... 52. 628,59 €
(1. 254,28 € mensuel x 20 %) x 12 = 3. 010,27 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 25 ans, sur la base du barème de capitalisation à 3,20 % (femme)-âge 0 an au décès soit : 3. 010,27 € X 17,483 = 52. 628,59 €.

3-Pour Djemilla A... (20 % du revenu.................. 40. 199,17 €
(1. 254,28 € mensuel x 20 %) x 12 = 3. 010,27 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 25 ans, sur la base du barème de capitalisation à 3,20 % (femme-âge 8 ans au décès soit : 3. 010,27 € x 13,354 = 40. 199,17 €.

* * * * *

En ce qui concerne la demande de majoration fondée sur les dispositions de l'article L. 211-13 du Code des assurances, cette demande sera rejetée.

En effet la société AGPM ASSURANCES n'a pas pu présenter l'offre exigée par l'article L. 211-9 du Code des assurances puisqu'aucun justificatif du préjudice allégué ne lui a été adressé en dépit de ses demandes.

La lettre du 27 avril 2000 adressée par l'avocat des appelantes, à l'époque, outre le fait qu'elle semble incomplète, ne saurait être considérée comme apportant tout justificatif utile à l'assureur pour lui permettre de faire une offre, conformément à la loi.

Partant la sanction prévue par l'article L. 211-13 du Code des assurances ne peut être retenue et les appelantes seront déboutées de ce chef de demande.

Enfin les dépens suivant la succombance, M. Achille C... et la société AGPM ASSURANCES seront condamnés " in solidum " à les supporter et à payer à chacune des appelantes une indemnité que l'équité commande de fixer à 1. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme et bien fondé,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne " in solidum " M. Achille C... et la société AGPM ASSURANCE à payer à :
1-Mme Y... Vanessa (40 % du revenu).......... 112. 614,20 €
(1. 254,28 € mensuel x 40 % x 12 = 6. 020,54 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 60 ans, âge de la retraite légale qu'aurait prise M.Z... et sur la base du barème de capitalisation à 3,20 %-âge au décès 31 ans soit : 6. 020,54 x 18,705 = 112. 614,20 €.

2-Cassandra Z... (20 % du revenu)...... 52. 628,59 €
(1. 254,28 € mensuel x 20 %) x 12 = 3. 010,27 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 25 ans, sur la base du barème de capitalisation à 3,20 % (femme)-âge 0 an au décès soit : 3. 010,27 € X 17,483 = 52. 628,59 €.

3-Djemilla A... (20 % du revenu.................. 40. 199,17 €
(1. 254,28 € mensuel x 20 %) x 12 = 3. 010,27 €

A multiplier par le prix de l'euro de rente temporaire arrêté à 25 ans, sur la base du barème de capitalisation à 3,20 % (femme-âge 8 ans au décès soit : 3. 010,27 € x 13,354 = 40. 199,17 €.

Rejette la demande de doublement des intérêts,

Condamne " in solidum " M. Achille C... et la société AGPM ASSURANCES à payer à Mesdames Y... Veuve Z... et A... ès-qualités, la somme de 1. 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne les mêmes " in solidum " aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que pour ces derniers ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le Président et la Greffière.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 06/00243
Date de la décision : 19/03/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-03-19;06.00243 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award