COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/TD
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/02374 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETHC
Jugement du 15 octobre 2019
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 17/04047
ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2024
APPELANTS :
Monsieur [Y] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]
S.A. MMA IARD
[Adresse 1]
[Localité 5]
Tous deux représentés par Me Florence VANSTEEGER, avocat plaidant au barreau du MANS et par Me Serge PEREZ, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES :
SARL CREDICO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Stéphanie SIMON de la SELARL ADEO - JURIS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Marie-Claude ALEXIS, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.C.P. [J] [G] [R] [L]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric BOUTARD de la SCP LALANNE - GODARD - BOUTARD - SIMON - GIBAUD, avocat au barreau du MANS et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant au barreau du VAL-D'OISE
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Florence VANSTEEGER, avocat plaidant au barreau du MANS et par Me Serge PEREZ, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 12 Septembre 2023 à 14 H 00, M. WOLFF, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 3 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 21 septembre 1992, la société Credico, société à responsabilité limitée, et M. [S] [W] [A] ont conclu un acte sous signature privée intitulé Reconnaissance de dette, stipulant notamment : « Le débiteur [M. [A]] reconnaît par la présente devoir au créancier [la société Credico] qui accepte, la somme de TROIS CENT QUATRE VINGT QUINZE MILLE FRANCS (395.000,00 Frcs) pour prêt de pareille somme ». Cet acte prévoyait que cette somme serait productive d'intérêts au taux de 12 % l'an, et qu'elle serait remboursée en une échéance au plus tard le 15 octobre 2007.
En garantie de ce prêt et par acte authentique reçu le même jour par Me [J] [G], notaire membre alors de la société [J] [G], [H] [V], [R] [L] et [D] [N], devenue depuis la société [J] [G] [R] [L], société civile professionnelle, M. [A] a consenti à la société Credico une hypothèque sur un ensemble immobilier situé [Adresse 9] à [Localité 10]. L'acte précisait : « l'effet de l'inscription à prendre ['] sera maintenu pendant un délai de deux années postérieurement à l'échéance de la reconnaissance de dette ».
À l'échéance du prêt, la société Credico en a confié le recouvrement à Me Philippe Grundler, avocat.
C'est ainsi que, par acte d'huissier de justice du 28 mars 2008, M. [A] a été assigné devant le tribunal de grande instance de Paris.
La procédure, qui a d'abord abouti à une condamnation de M. [A] par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013, s'est achevée avec un arrêt de la cour d'appel de Reims, rendu le 21 mars 2017 après cassation. M. [A] a ainsi été irrévocablement condamné à payer à la société Credico la somme de 169 162,94 euros, avec intérêts au taux de 12 % l'an à compter du 15 octobre 2007.
Entre-temps, l'effet de l'inscription de l'hypothèque a pris fin le 15 octobre 2009, et le bien hypothéqué a été vendu par M. [A] fin 2013.
Reprochant notamment à Me [K] d'avoir manqué à cet égard à son devoir de conseil et de diligence, et de l'avoir privée ainsi de la possibilité de recouvrer sa créance, la société Credico l'a fait assigner, ainsi que son assureur la société MMA IARD Assurances Mutuelles et que la société [J] [G] [R] [L], devant le tribunal de grande instance du Mans, par actes d'huissier de justice des 21 et 28 novembre 2017.
Par acte d'huissier du 30 juillet 2018, la société Credico a appelé à la cause la société MMA IARD.
Les instances ont été jointes par ordonnance du 6 décembre 2018, puis, par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel ;
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Credico contre Me [K] ;
Déclaré en conséquence recevable l'action de la société Credico contre Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;
Déclaré prescrite l'action en responsabilité dirigée par la société Credico contre la société [J] [G] [R] [L] ;
Condamné in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société Credico la somme de 307 437,59 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision ;
Dit que les intérêts dus pour une année entière à compter de la décision produiront eux-mêmes des intérêts ;
Condamné in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société Credico la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté les demandes faites par Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, ainsi que par la société [J] [G] [R] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens, dont distraction au profit de Me Dubreuil et de Me Ronzeau.
Par déclaration du 4 décembre 2019 intimant l'ensemble des autres parties, Me [K] et la société MMA IARD ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 31 juillet 2020, le premier président a rejeté la demande de consignation faite par Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.
Par ordonnance du 31 mars 2021, le conseiller de la mise en état a rectifié l'erreur matérielle affectant la déclaration d'appel, en constatant qu'était partie à l'instance d'appel en qualité d'intimée s'étant jointe ultérieurement aux appelants la société MMA IARD Assurances Mutuelles, et non la SA MMA Vie Assurances Mutuelles.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 juillet 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 juillet 2023, Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent à la cour :
D'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
De juger l'action de la société Credico prescrite ;
De rejeter l'intégralité des demandes de la société Credico ;
De condamner la société Credico à verser aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Florence Vansteeger.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2023, la société Credico demande à la cour :
De confirmer le jugement en ce qu'il a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action contre Me [K] ;
Reconnu que celui-ci avait commis des fautes ayant généré des préjudices en relation directe ;
Condamné in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
D'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il convenait de faire application du principe de la perte de chance et de ne lui allouer que la somme principale de 309 000 euros ;
De condamner in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui verser la somme de 525 394,41 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts de droit à compter du 21 novembre 2017 ;
Subsidiairement, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 520 000 euros, avec intérêts de droit à compter du 21 novembre 2017 ;
D'ordonner la capitalisation des intérêts ;
À titre infiniment subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à lui verser la somme de 525 394,41 euros au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de leur comportement déloyal, et ce, sur un fondement quasi délictuel ;
En tout état de cause :
De condamner Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à la somme de 6000 euros sollicitée par la société [J] [G] [R] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner in solidum Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens, qui seront recouvrés par Me Stéphanie Simon (SELARL Adeo Juris).
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2020, la société [J] [G] [R] [L] demande à la cour :
De confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement, de rejeter toute demande qui serait dirigée contre elle ;
De condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner toute partie succombante aux dépens dont distraction au profit de Me Élise Héron.
MOTIVATION
Liminairement, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune prétention ni d'aucun moyen relatifs à l'estoppel ou tendant à ce que l'action de la société Credico contre la société [J] [G] [R] [L] soit déclarée recevable. Le jugement sera donc d'ores et déjà confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de la société Credico tirée de l'estoppel et déclaré prescrite l'action de celle-ci contre la société [J] [G] [R] [L].
Sur la prescription de l'action dirigée contre Me [K]
Moyens des parties
Me [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles (les assureurs) soutiennent que :
Si Me [K] avait reçu mandat pour renouveler l'hypothèque conventionnelle, ce qui était juridiquement impossible, ou s'il avait omis de rappeler à son mandant l'expiration de l'hypothèque conventionnelle, sa faute aurait été commise au plus tard le dernier jour de validité de l'hypothèque, soit le 15 octobre 2009. La prescription était donc acquise le 15 octobre 2014.
Si l'on applique l'article 2225 du code civil, cette prescription est intervenue le 29 novembre 2016, c'est-à-dire cinq ans après le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011. La fin de la mission de l'avocat correspond en effet au jour où celui-ci a obtenu la décision de justice pour laquelle il avait été mandaté. Il convient à cet égard de s'attacher à l'instance au cours de laquelle la faute reprochée aurait été commise, et non aux instances suivantes, que l'avocat ait été ou non mandaté dans le cadre de ces dernières. Lorsqu'un avocat, qui a déjà représenté et assisté son client en première instance, se voit confier la mission de le représenter et l'assister en appel, c'est un nouveau mandat qui lui est confié et donc une nouvelle mission, l'instance d'appel n'étant pas la même que l'instance devant le tribunal. En outre, lors de la saisine de la Cour de cassation, les différents mandats ont été interrompus par la prise en charge de l'affaire par d'autres professionnels.
La société Credico soutient que :
La mission de Me [K] a pris fin le 2 mai 2017 lorsqu'il a fait signifier l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 21 mars 2017 et qu'il a cessé ainsi de l'assister et/ou de la représenter. La mission de Me [K] a été continue. La conception étroite que les appelants ont de la mission de l'avocat a été rejetée par la Cour de cassation (1re Civ., 10 mars 2021, pourvoi n° 18-23.943).
Réponse de la cour
Me [K] et ses assureurs reconnaissent eux-mêmes dans leurs conclusions que « la société CREDICO a mandaté ['] Maître [K] ['] afin qu'il engage une action judiciaire à l'encontre de Monsieur [A] afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes qu'il avait empruntées ».
La société Credico fonde ainsi son action en responsabilité dirigée contre Me [K] sur une double faute que celui-ci aurait commise dans le cadre sa ' mission de recouvrer une créance : d'une part, ne pas avoir renouvelé l'hypothèque conventionnelle ou demandé une hypothèque judiciaire, ou en tout cas ne pas l'avoir informée à cet égard et ne pas l'avoir alertée sur les risques encourus, d'autre part, ne pas avoir sollicité la capitalisation des intérêts, ce qu'il est recevable à faire en appel pour cette dernière dès lors que la demande indemnitaire correspondante est l'accessoire, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, de celle relative aux intérêts.
Il convient de distinguer ces deux fautes.
1.1. Sur la prescription de l'action en ce qu'elle est relative à la situation hypothécaire
Le devoir d'information et de conseil relatif à la garantie de la créance litigieuse, tel qu'invoqué essentiellement par la société Credico, et encore plus celui de renouveler ou de prendre une hypothèque ou son inscription sont dissociables de la mission de représentation en justice confiée à Me [K], de sorte que l'action fondée sur un manquement à ces devoirs ne relève pas de l'article 2225 du code civil, mais de l'article 2224 du même code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est d'ailleurs nécessairement à ce dernier texte que Me [K] fait implicitement référence lorsqu'il prétend que la prescription était acquise cinq ans après le dernier jour de validité de l'hypothèque conventionnelle.
Il résulte de cet article 2224 que la prescription d'une action en responsabilité ne court pas à compter de la commission de la faute, mais à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire de sa réalisation ou de sa révélation à la victime lorsque celle-ci n'en avait pas précédemment connaissance. Le dommage se révèle à la victime le jour où celle-ci prend conscience du caractère préjudiciable de sa situation, même si l'ampleur exacte des pertes subies est encore ignorée à cette date. Ainsi, la manifestation d'un dommage certain en son principe suffit à faire courir la prescription, même si le préjudice n'est pas encore chiffrable.
En l'espèce, alors que M. [A] contestait sa dette et refusait de la payer, et que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011 qui l'a condamné initialement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, expressément rejetée par la juridiction, le dommage litigieux, qui consiste pour la société Credico a avoir été privée du bénéfice de toute sûreté immobilière en garantie de sa créance, ne peut s'être manifesté qu'après le jour où celle-ci a disposé d'un titre exécutoire lui permettant d'entrer concrètement en voie de recouvrement. Or ce titre n'a été constitué qu'avec l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013, qui a confirmé la condamnation de M. [A] à payer à la société Credico la somme de 169 162,94 euros.
La société Credico n'était donc en toute hypothèse pas prescrite lorsque, moins de cinq ans plus tard le 28 novembre 2017, elle a fait assigner Me [K].
1.2. Sur la prescription de l'action en ce qu'elle est relative à l'absence de capitalisation des intérêts
Le devoir de conseil et de diligence en question est indissociable cette fois-ci de la mission de représentation en justice.
Selon l'article 2225 du code civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
Il résulte de ce texte que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date (1re Civ., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-17.520, publié).
En l'espèce, l'instance au cours de laquelle la capitalisation des intérêts aurait pu être demandée s'est terminée avec l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013.
La prescription n'était donc pas acquise lorsque, moins de cinq ans après cet arrêt et le pourvoi dont il a fait l'objet, la société Credico a fait assigner Me [K] le 28 novembre 2017.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Credico recevable.
2. Sur la responsabilité de Me [K]
Moyens des parties
Me [K] et ses assureurs soutiennent que :
La société Credico est une professionnelle de l'immobilier. Son dirigeant, M. [C] [O], était auparavant son avocat et n'est autre que le rédacteur de la reconnaissance de dette litigieuse. C'est lui qui le même jour a chargé le notaire de rédiger l'acte d'affectation hypothécaire. M. [O] était en charge de tous les aspects juridiques des activités de la société Credico, notamment le renouvellement éventuel des hypothèques. M. [O] ne pouvait donc ignorer que l'hypothèque conventionnelle en cause arriverait à expiration deux ans après la date d'exigibilité du prêt. La société Credico ne saurait ainsi soutenir sérieusement qu'elle n'a aucune part de responsabilité dans les fautes qu'elle impute à Me [K], et qui sont en réalité celles de M. [O].
Le domaine d'intervention de Me [K] était le contentieux. Il lui a été exclusivement demandé d'assigner M. [A] afin d'obtenir un titre contre lui. Il ne peut être reproché à Me [K] de ne pas avoir vérifié si le notaire chargé de mettre en place l'hypothèque et si M. [O] avaient pris des dispositions pour obtenir une nouvelle hypothèque. Si la société Credico avait souhaité obtenir une hypothèque judiciaire, elle aurait mandaté Me [K] à cet effet, ce qui aurait constitué une nouvelle mission. Les pièces qui avaient été communiquées à Me [K] dans le cadre de l'action judiciaire, notamment l'acte d'affectation hypothécaire du 21 septembre 1992, ne mentionnaient pas la date d'expiration de l'hypothèque et la société Credico ne l'en a jamais informé.
Il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011 que Me [K] a demandé la capitalisation annuelle des intérêts.
Il est évident que M. [A] n'aurait jamais consenti devant notaire au renouvellement de l'hypothèque conventionnelle. À cet égard, rien ne permet d'affirmer qu'un juge aurait nécessairement accordé une hypothèque judiciaire ni, le cas échéant, qu'il ne l'aurait pas limitée au montant de la condamnation prononcée par le jugement du 29 novembre 2011, soit à la somme de 169 060 euros, éventuellement augmentée de quelques frais. Il n'est pas davantage acquis que les intérêts sur cette somme auraient été supérieurs aux intérêts au taux légal accordés par ce jugement et confirmés par la cour d'appel de Paris. Ainsi, l'action de la société Credico repose sur une perte de chance. Or il existait à toutes les étapes de la procédure un risque sérieux de rejet ou de limitation des demandes de la société Credico. En tout état de cause, il aurait été improbable que la société Credico obtienne une hypothèque judiciaire couvrant la totalité des sommes qui lui ont été accordées plusieurs années après par la cour d'appel de renvoi. Au surplus, M. [A] n'aurait pas manqué de contester toute hypothèque judiciaire qui lui aurait été notifiée, tant dans son principe que dans son montant.
Aucun décompte détaillant les intérêts n'a jamais été produit et les chiffres retenus par le tribunal comme ceux allégués par la société Credico sont contestables. L'hypothèque conventionnelle dont la société Credico bénéficiait était limitée à 60 217 euros en principal et 12 043 euros en accessoires. On ignore si d'autres créanciers ont fait valoir leurs droits au moment de la vente du bien hypothéqué, si bien que la société Credico n'aurait pas nécessairement pu obtenir la totalité des sommes que le tribunal de grande instance de Paris lui avait accordées. Conformément à l'article 2432 du code civil, la société Credico n'aurait pu avoir d'assurance en ce qui concerne le paiement des intérêts que pour trois années seulement.
Si la société Credico avait fait valoir ses droits au moment de la vente, elle n'aurait disposé que d'un jugement qui fixait le montant de sa créance à 169 060 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2007. Elle n'aurait pas pu invoquer la décision de la cour d'appel de Reims, qui n'est intervenue que trois ans et demi plus tard. Rien ne démontre que les procédures invoquées par la société Credico auraient pu être mises en 'uvre et qu'une juridiction aurait accepté de priver le débiteur du fruit de la vente sur le fondement d'une hypothétique procédure à venir. La société Credico aurait dû saisir le tribunal de grande instance afin qu'il statue sur la désignation éventuelle d'un séquestre. Il s'agit là d'un nouvel aléa. Ces procédures auraient donné lieu à contestation de la part de M. [A].
La perte de chance, si elle existe, porte donc sur une somme de 60 217 euros en principal et sur trois années d'intérêts au taux légal, soit sur un montant très inférieur à celui que tribunal a pris en compte. L'intérêt du litige se limite donc à cette somme ou, au maximum, à la créance fixée par le tribunal de grande instance de Paris avant la vente litigieuse, soit 169 060 euros en y intégrant les intérêts courus.
La société Credico soutient que :
Lorsqu'il a reçu pour mission de recouvrer une créance, comment c'est le cas en l'espèce, l'avocat doit conseiller à son client de prendre des mesures conservatoires, d'autant plus lorsqu'il est informé des difficultés de paiement du débiteur ou de son intention de ne pas respecter ses engagements contractuels. S'il doit conseiller de prendre une garantie, notamment hypothécaire, l'avocat en charge d'une procédure de recouvrement a également l'obligation de renouveler une hypothèque. À cet égard, le devoir de curiosité de l'avocat l'oblige à vérifier la portée des inscriptions en se faisant remettre, si nécessaire, la copie des bordereaux correspondants. En l'espèce, Me [K], qui possédait les actes, ne pouvait ignorer la date d'expiration de l'hypothèque et l'obligation de la renouveler. Il lui appartenait dès lors d'attirer l'attention de la société Credico sur la péremption prochaine de l'inscription hypothécaire et de l'informer de l'importance de son renouvellement avant le 15 octobre 2019. Il devait en outre attirer son attention sur les risques qu'elle courait si elle ne bénéficiait pas d'une sûreté hypothécaire en cours de validité. À cet égard, Me [K] aurait eu tout le temps nécessaire pour préserver les intérêts de la société Credico en se chargeant soit de faire renouveler l'hypothèque conventionnelle, soit, en cas de refus probable du débiteur, de demander sur requête au juge de l'exécution une hypothèque judiciaire. Il lui appartenait d'informer sa cliente sur la distinction juridique existant entre hypothèque conventionnelle et hypothèque judiciaire et sur ses conséquences. L'article 2432, anciennement 2151, du code civil enjoignait clairement à Me [K] de prendre des hypothèques complémentaires en cours de procédure afin de garantir entièrement la créance de son client. Or Me [K] ne justifie pas de ses diligences.
M. [K] ne peut se défausser sur le représentant légal de la société Credico pour ne pas assumer les conséquences de sa faute. L'obligation de conseil s'impose peu importe la compétence professionnelle réelle ou supposée du client. Elle est absolue et insusceptible d'atténuation. Me [K] était bien le dominus litis dans cette affaire.
Pour exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité, le fait de la victime doit émaner soit d'elle-même, soit de quelqu'un dont elle est civilement responsable. En l'espèce, son comportement après la défaillance de M. [A] ne peut être considéré comme fautif, puisqu'elle avait mandaté un avocat pour défendre ses intérêts. Le fait, pour un client, de se reposer sur son conseil en lui faisant confiance ne peut en aucun cas être considéré comme fautif.
Il n'est nullement établi que Me [K] ait demandé la capitalisation des intérêts.
Si M. [K] avait respecté ses obligations contractuelles, elle lui aurait nécessairement donné l'instruction d'obtenir une hypothèque judiciaire afin de préserver ses droits. Avisée de la vente litigieuse, elle aurait pu prendre de nouvelles sûretés, puisqu'elle avait un principe de créance bien supérieur au montant, à l'époque, de son hypothèque conventionnelle. À cet égard, la jurisprudence interprète très largement les conditions de l'article L. 511-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution. Une purge des inscriptions aurait été nécessaire. La procédure se serait déroulée devant le tribunal de grande instance, qui aurait fait procéder au règlement par provision du principal et renvoyé l'affaire en attendant l'issue de la procédure relative au taux applicable. Ainsi, elle aurait été totalement indemnisée par la mise en vente du bien hypothéqué. Lorsqu'il s'agit d'une obligation de renseignement exposant le client de l'avocat à la perte d'une chance de prendre une décision de nature à éviter un dommage, les tribunaux octroient une réparation intégrale. Le préjudice, certain, consiste en la perte totale de l'enjeu, de sorte que retenir une perte de chance, comme l'a fait tribunal, revient à fausser le mécanisme normal de la responsabilité civile, selon lequel l'entier préjudice doit être réparé en l'absence d'aléa. Si elle avait fait renouveler son hypothèque, elle aurait perçu l'intégralité des sommes qui lui ont été allouées. Il n'existait pas d'aléa judiciaire. Son préjudice doit donc être intégralement indemnisé.
Réponse de la cour
2.1. Sur la faute de Me [K]
L'acte authentique d'affectation hypothécaire du 21 septembre 1992 stipulait expressément, à son paragraphe intitulé Effet de l'inscription : ' l'effet de l'inscription à prendre en vertu des présentes sera maintenu pendant un délai de deux années postérieurement à l'échéance de la reconnaissance de dette . Il ne s'agissait pas là de la durée de l'engagement de M. [A], consenti sans limitation de temps, mais de la durée de validité de l'inscription d'hypothèque telle que fixée conformément aux dispositions de l'article 2154, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction alors applicable. La société Credico avait donc la possibilité de procéder au renouvellement de cette inscription avant sa péremption le 15 octobre 2009, et ce, conformément aux dispositions de l'article 2435 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur (1re Civ., 12 janvier 2012, pourvoi n° 10-18.669, Bull. 2012, I, n° 2), ou même, la péremption de l'inscription laissant subsister le droit hypothécaire, de prendre postérieurement une nouvelle inscription produisant effet à partir de sa date, sans avoir besoin pour cela de l'accord de M. [A] (3e Civ., 25 avril 2007, pourvoi n° 06-11.524, Bull. 2007, III, n° 60).
Il est néanmoins constant que cela n'a pas été fait.
À cet égard, il ressort des débats et des pièces communiquées que Me [K] a été mandaté par la société Credico uniquement pour agir en justice contre M. [A] et obtenir un titre exécutoire. Rien ne permet d'affirmer qu'il ait également reçu la mission, même tacite, de procéder au renouvellement de l'inscription d'hypothèque litigieuse ou de demander l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire. Le fait pour Me [K] de ne pas avoir engagé de telles démarches, qui n'étaient ni comprises dans sa mission judiciaire ni l'accessoire de celle-ci, ne constitue donc pas une faute.
Cependant, cette mission judiciaire rendait l'avocat redevable d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de la société Credico, dont il n'était pas dispensé par les compétences et connaissances éventuelles de la société ou de celui qui était alors son dirigeant et non plus son conseil. Dans ce cadre, il appartenait à Me [K], alors qu'il engageait une action en justice et que selon l'article 420 du code de procédure civile, l'avocat remplit les obligations de son mandat jusqu'à l'exécution du jugement, de s'inquiéter de la possibilité concrète de cette exécution et donc des chances de recouvrement de la créance concernée. Cette obligation était d'autant plus forte que cette créance était importante et que Me [K] connaissait le risque de voir M. [A] tout entreprendre pour échapper à sa dette, puisque, d'une part, M. [O] l'avait déjà consulté plusieurs années auparavant par une lettre du 7 décembre 1993 sur la tactique à adopter et les démarches à entreprendre après notamment que M. [A] avait déposé une plainte pénale, et que, d'autre part, Me [K] avait lui-même indiqué au tribunal de grande instance de Paris, qui a repris cet élément dans son jugement, que M. [A] avait déjà cherché en 1998 à faire annuler la reconnaissance de dette litigieuse. Cela impliquait que Me [K] se préoccupe des garanties susceptibles d'assurer le recouvrement effectif de la créance une fois qu'elle serait reconnue judiciairement.
Saisi selon ce qu'il indique lui-même fin 2007, Me [K] disposait pour cela de tous les éléments nécessaires s'agissant de l'hypothèque conventionnelle consentie initialement par M. [A] et dont l'inscription se périmait le 15 octobre 2009. En effet, il connaissait nécessairement la date d'échéance du prêt concerné, à savoir le 15 octobre 2007. En outre, il était informé à tout le moins de l'inscription hypothécaire, puisque le tribunal de grande instance de Paris l'a mentionnée explicitement dans son jugement du 29 novembre 2011, reprenant là vraisemblablement une indication de Me [K] lui-même. Enfin, l'article 2154 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait expressément que cette inscription n'était susceptible de conserver l'hypothèque que jusqu'à deux années après l'échéance du prêt.
Me [K] disposait également du temps nécessaire pour apprécier la situation et conseiller utilement sa cliente, l'inscription pouvant être renouvelée jusqu'au 15 octobre 2009 à 24 heures, ou même réitérée après cette date et jusqu'à la publication le 4 décembre 2013 de la vente de l'immeuble hypothéqué, avec pour seule conséquence dans ce dernier cas de perdre son rang.
Enfin, il appartenait de la même manière à Me [K] d'informer et de conseiller sa cliente en ce qui concerne les hypothèques judiciaires qu'il pouvait être utile de prendre, ainsi que la capitalisation des intérêts qui, d'une manière générale, est de droit dès lors qu'elle est demandée.
Or, alors que cela lui incombe en vertu de l'article 1353 du code civil, Me [K] ne justifie pas s'être libéré de ce devoir de conseil à l'égard de la société Credico. Contrairement à ce qu'il indique, il ne ressort pas du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011, pas plus que de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013, et notamment de leurs exposés du litige, qu'il ait demandé la capitalisation des intérêts échus à compter du 15 octobre 2007, telle que celle-ci est invoquée aujourd'hui.
Me [K] a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
2.2. Sur le préjudice de la société Credico
Il se déduit des conclusions de la société Credico (page 6) et de l'exposé du litige du jugement déféré (page 3) que la somme de 525 394,41 euros que la société réclame aujourd'hui en réparation de son préjudice se décompose de la manière suivante :
Une première partie, 169 162,94 euros, correspond au principal que M. [A] a été définitivement condamné à payer à la société Credico par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013 (capital emprunté de 395 000 francs, soit 60 217,36 euros, et intérêts au taux contractuel de 12 % l'an arrêtés à l'échéance du prêt le 15 octobre 2007) ;
Le reste, 356 231,47 euros, représente les intérêts produits par cette somme de 169 162,94 euros et leur capitalisation, au taux de 12 % l'an entre le 15 octobre 2007 et le 15 octobre 2017 (en réalité, il apparaît le calcul a été fait sur une période de dix années de 365 jours chacune).
Il ressort de la pièce n° 1 de Me [K] et de ses assureurs que l'immeuble objet de l'hypothèque conventionnelle litigieuse a été vendu par acte du 20 novembre 2013 et que la vente a été publiée le 4 décembre 2013. Il est constant à cet égard que le prix de la vente était de 600 000 euros. Il ressort en outre des pièces versées aux débats que, sept ans aujourd'hui après l'arrêt de la cour d'appel de Reims qui a statué irrévocablement sur la créance de la société Credico, celle-ci n'a jamais été recouvrée et n'est plus recouvrable auprès de M. [A].
La survenance de cette vente, à laquelle l'existence d'une quelconque hypothèque n'aurait juridiquement pas fait obstacle, n'est pas remise en question par les parties, notamment par la société Credico, pour lesquelles elle est un fait acquis aux débats. Le préjudice de la société Credico, telle que celle-ci l'invoque, consiste donc à avoir été privée lors de cette vente du bénéfice des inscriptions hypothécaires qui auraient pu être prises si Me [K] l'avait mieux conseillée, et qui auraient pu concerner la capitalisation des intérêts.
Cette capitalisation étant de droit, elle n'aurait pu qu'être accordée si elle avait été requise, ce que la société Credico n'aurait pas manqué de demander de faire à Me [K].
Cependant, pour le reste, plusieurs observations méritent d'être faites :
Si des inscriptions hypothécaires avaient été renouvelées ou prises, elles n'auraient conféré à la société Credico qu'un droit de préférence et un droit suite, et ce, dans la limite des inscriptions existant au jour de la publication de la vente le 4 décembre 2013, et selon leur rang.
Selon la pièce n° 1 de Me [K] et de ses assureurs, l'hypothèque conventionnelle litigieuse a été inscrite initialement pour un principal de 395 000 francs (60 217,36 euros) et des intérêts au taux de 12 %. Si elle avait été renouvelée, ou même reprise, cette inscription aurait été la seule subsistant et aurait donc garanti en toute hypothèse à la société d'être colloquée pour ce principal de 60 217,36 euros et pour trois années d'intérêts (21 678,24 euros), conformément à l'article 2432 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur.
Pour le reste des intérêts contractuels produits par ce principal, une inscription particulière, prise après échéance, aurait dû être prise.
S'agissant des intérêts produits ensuite par la totalité de la dette de M. [A] échue le 15 octobre 2007 (capital emprunté et intérêts échus), le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 novembre 2011 n'était pas assorti de l'exécution provisoire et la possibilité d'inscrire, avant la publication de la vente le 4 décembre 2013, l'hypothèque légale attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 novembre 2013 (signifiée à l'époque le 20 février 2014 seulement) apparaît très incertaine. Elle n'est d'ailleurs pas alléguée par la société Credico.
Ces intérêts auraient donc dû faire l'objet de l'inscription d'une voire de plusieurs hypothèques judiciaires conservatoires, soumises à l'autorisation du juge de l'exécution qui aurait disposé à cet égard d'un pouvoir souverain d'appréciation en ce qui concerne les conditions relatives à l'existence, d'une part, d'une créance d'intérêts, au taux d'au moins 12 % invoqué aujourd'hui par la société Credico, paraissant fondée en son principe (alors que le taux d'intérêt de 15 % revendiqué à l'époque avait jusque-là été écarté par les juridictions saisies du fond, qui n'avaient appliqué que le taux légal), et, d'autre part, de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Une purge amiable des inscriptions avant la vente, qui aurait été facultative pour M. [A] et aurait nécessité son accord, aurait eu peu de chance d'aboutir compte tenu du litige en cours, sauf concessions importantes de la part de la société Credico. Il est alors très probable que l'acquéreur aurait procédé à une notification aux fins de purge dans les conditions applicables à l'époque, laquelle l'aurait finalement libéré des hypothèques par le paiement du prix à la société Credico ou par sa consignation dans la limite des inscriptions (sauf décision par la société Credico de requérir la mise de l'immeuble aux enchères et adjudications publiques, ce qu'elle aurait eu peu intérêt à faire dès lors que le prix était largement supérieur à sa créance). Les intérêts n'auraient alors plus couru et auraient été très inférieurs à ceux réclamés aujourd'hui.
Il en résulte que si la société Credico a perdu, du fait de Me [K], de manière certaine la somme de 81 895,60 euros (60 217,36 + 21 678,24), correspondant à l'inscription initiale qu'elle aurait sans aucun doute renouvelée ou reprise si elle avait été correctement informée, elle a pour le reste des intérêts, y compris ceux sur les intérêts capitalisés auxquels elle aurait pu prétendre, et compte tenu des multiples conditions auxquelles leur recouvrement était soumis, perdu uniquement une chance de recouvrement. Compte tenu des observations qui viennent d'être faites, cette chance doit être fixée à 60 % de la somme qui aurait pu être payée ou consignée à l'issue de la vente si toutes les inscriptions nécessaires avaient été prises et accordées, somme évaluée par la cour à 262 342,72 euros en retenant le 14 janvier 2014 comme première date possible, au regard des délais applicables, pour ce paiement ou cette consignation.
Le préjudice de la société Credico doit ainsi être fixé à la somme de 239 301,23 euros (81 895,60 + 262 342,72 x 60/100), inférieure à celle retenue par le jugement qui sera infirmé sur ce point.
2.3. Sur la cause d'exonération invoquée par Me [K] et ses assureurs
Seule une faute de la société Credico elle-même, qui est seule dans la cause, ayant concouru à la réalisation de son préjudice est susceptible d'exonérer partiellement Me [K] de sa responsabilité. Or il ne peut être reproché à cet égard un comportement fautif à la société, qui s'est au contraire souciée, dès l'échéance du prêt, du recouvrement de sa créance, en mandatant à cette fin Me [K] et en s'attachant ses services.
Dans ces conditions, Me [K] et ses assureurs seront condamnés in solidum à verser à la société Credico la somme de 239 301,23 euros avec, en application de l'article 1231-7 du code civil auquel il n'y a pas lieu de déroger, intérêts au taux légal à compter de la présente décision. La capitalisation des intérêts, qui est de droit dès lors qu'elle est demandée, sera accordée.
3. Sur les frais du procès
Les dispositions du jugement sur les frais du procès seront confirmées.
Me [K] et ses assureurs étant toujours condamnés au terme de l'appel, ils seront condamnés in solidum aux dépens correspondant, avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à verser à la société [J] [G] [R] [L], qu'ils ont intimée sans formuler de prétention la concernant, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'apparaît pas en revanche inéquitable que chacune des autres parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel ;
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Credico dirigée contre Me [Y] [K] et déclaré en conséquence recevable l'action de la société Credico dirigée contre Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;
Déclaré prescrite l'action en responsabilité dirigée par la société Credico contre la société [J] [G] [R] [L] ;
Condamné in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société Credico la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté les demandes faites par Me [Y] [K] et les société MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et [J] [G] [R] [L] sur le fondement de ce même article 700 ;
Condamné in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens dont distraction au profit de Me Dubreuil et de Me Ronzeau ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société Credico la somme de 307 427,59 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et dit que les intérêts dus pour une année entière produiraient eux-mêmes des intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société Credico la somme de 239 301,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
Condamne in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de la procédure d'appel ;
Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats des sociétés Credico et [J] [G] [R] [L] ;
Condamne in solidum Me [Y] [K] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à la société [J] [G] [R] [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Tony DA CUNHA Catherine MULLER