COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
IG/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/01285 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWUM
jugement du 22 juillet 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 18/03916
ARRET DU 27 AOUT 2024
APPELANTES :
Madame [D] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène BRAUD de l'AARPI STOCKHAUSEN - LAURENT-LODDO - BRAUD AARPI, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2015212
INTIMES :
Monsieur [H] [O]
[Adresse 4]
[Localité 5]
S.A. MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA FLEET
[Adresse 1]
[Localité 7]
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA FLEET
[Adresse 1]
[Localité 7]
Tous trois représentés par Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20150628
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 06 mai 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Monsieur WOLFF, conseiller
Greffière lors des débats : Madame GNAKALE
Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 27 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 2 juin 1998, Mme [N] [W], alors âgée de 14 ans et passagère d'un autocar appartenant à la société Voyages [O], a été victime d'un accident de la circulation en Espagne.
La SA Covea Fleet, assureur de la société Voyages [O], a indemnisé la victime de manière amiable, lui versant la somme totale de 386.853 euros (déduction faite des provisions versées à hauteur de 45.000 euros), dans le cadre d'un protocole d'indemnisation signé le 7 novembre 2005.
Suivant ordonnance de référé du 24 juin 2015, le président du tribunal de grande instance du Mans, saisi d'une demande d'expertise médicale par la victime, devenue majeure, en vue d'évaluer les préjudices qui n'auraient pas été pris en compte dans l'indemnisation amiable de 2005, a fait droit à cette demande pour apprécier l'aggravation des préjudices, désignant à cet effet le Dr [Z] remplacé par la suite par le Dr [J].
L'expert a établi son rapport définitif le 6 mars 2017.
Parallèlement, Mme [N] [W] et sa mère Mme [D] [W] ont, suivant actes d'huissier délivrés les 9 et 10 juin 2015, fait assigner devant le tribunal de grande instance du Mans, M. [H] [O], la SA Covea Fleet, la CPAM de [Localité 8] et la société Harmonie Mutuelle aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise.
Suivant ordonnance rendue le 17 mars 2016, le juge de la mise en état, saisi d'un incident par M. [O] et la SA Covea Fleet, a fait droit à une partie de leurs demandes, ordonnant le sursis à statuer sur les demandes de Mme [D] [W] jusqu'au dépôt du rapport de l'expertise ordonnée en référé le 24 juin 2015, concernant Mme [N] [W]. Le juge de la mise en état a également constaté l'intervention volontaire des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet.
Par jugement du 22 juillet 2020, le tribunal judiciaire du Mans a :
- rejeté la demande tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 9 janvier 2020,
- déclaré irrecevable la demande d'indemnisation complémentaire formée par Mme [N] [W],
- débouté Mme [D] [W] de sa demande formée au titre du préjudice d'affection,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8] et à la société Harmonie Mutuelle,
- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [N] [W] et Mme [D] [W] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuy, avocat membre de la SCP Pavet- Benoist-Dupuy-Renou-Lecornue,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 septembre 2020, Mmes [W] ont formé appel de cette décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable Mme [N] [W] en sa demande d'indemnisation complémentaire, en ce qu'elle a débouté Mme [D] [W] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice d'affection, en ce qu'elle a débouté les parties de leurs plus amples demandes et en ce qu'elle les a condamnées aux entiers dépens, intimant M. [O], la SA Covea Fleet, la CPAM de [Localité 8] et la société Harmonie Mutuelle.
Suivant ordonnance rendue le 23 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :
- déclaré entièrement caduque la déclaration d'appel faite par Mme [N] [W] le 25 septembre 2019 et caduque uniquement à l'égard de la CPAM de [Localité 8] et d'Harmonie Mutuelle la déclaration d'appel faite par Mme [D] [W] le même jour,
- constaté le dessaisissement de la juridiction à l'égard de Mme [N] [W], de la CPAM de [Localité 8] et d'Harmonie Mutuelle, l'instance d'appel se poursuivant désormais uniquement entre Mme [D] [W], M. [H] [O] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet,
- laissé à la charge de Mme [N] [W] ses propres dépens et ceux relatifs à l'appel interjeté à l'encontre de la CPAM de [Localité 8] et d'Harmonie Mutuelle et réservé les dépens pour le surplus.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2024 et conformément à l'avis délivré par le greffe aux parties le 22 février 2024, l'affaire a été plaidée à l'audience du 6 mai 2024 au cours de laquelle elle a été retenue.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs uniques écritures déposées le 22 décembre 2020, Mme [D] [W] et Mme [N] [W] demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :
- réformer le jugement du 22 juillet 2020 du tribunal judiciaire du Mans en toutes ses dispositions,
- recevoir leurs demandes,
- reconnaître l'aggravation situationnelle et physique de Mme [N] [W],
- reconnaître en conséquence les préjudices nouveaux en aggravation suivants de Mme [N] [W] :
- la prise en charge par Covea Fleet d'une prothèse de jambe et de son renouvellement au titre des frais futurs, selon devis pour la somme de 269.539,87 euros (6 premières mises de prothèses et 31 renouvellements de prothèses),
- la prise en charge par Covea Fleet des frais de garde d'enfants à hauteur de 8.208 euros,
- la prise en charge par Covea Fleet du préjudice professionnel futur à hauteur de 135.000 euros,
- reconnaître le préjudice d'affection de Mme [D] [W] consistant en l'aggravation de sa maladie maniaco-dépressive et lui allouer à ce titre la somme de 20.000 euros,
- condamner la compagnie Covea Fleet au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 25 janvier 2023, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet et M. [O] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du Mans du 22 juillet 2020 en toutes ses dispositions,
- débouter intégralement Mme [N] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre,
- débouter intégralement Mme [D] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre,
En tout cas,
- condamner Mme [N] [W] et Mme [D] [W] à leur payer la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [N] [W] et Mme [D] [W] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuy, avocat membre de la SCP Benoist-Dupuy-Renou-Cesbron-De Pontfarcy, avocats aux offres de droit et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, la cour constate que postérieurement à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 23 juin 2021, Mme [D] [W] n'a pas régularisé de nouvelles écritures en son seul nom, pour prendre en considération la caducité de la déclaration d'appel faite par Mme [N] [W] le 25 septembre 2019.
Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet et M. [O], s'ils ont pour leur part, notifié de nouvelles écritures après l'ordonnance du 23 juin 2021, ils n'ont toutefois pas tenu compte des dispositions de ladite ordonnance puisqu'ils maintiennent des demandes à l'égard de Mme [N] [W].
Il convient de rappeler que du fait de l'ordonnance précitée du 23 juin 2021 contre laquelle il n'a pas été formé de déféré et qui a donc force de chose jugée, le jugement du 22 juillet 2020 est devenu définitif en ses dispositions déclarant irrecevable la demande d'indemnisation complémentaire formée par Mme [N] [W], déclarant le jugement commun à la CPAM de [Localité 8] et à Harmonie Mutuelle, déboutant Mme [N] [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamnant Mme [N] [W] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuy, avocat membre de la SCP Pavet-Benoist-Dupuy-Renoue-Lecornue.
Il s'ensuit que les demandes des assureurs et de M. [O] tendant à confirmer les chefs de jugement précités, à débouter intégralement Mme [N] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à la condamner à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sont irrecevables du fait de la caducité de l'appel interjeté par Mme [N] [W] et du dessaisissement corrélatif de la présente juridiction à son égard.
De même, il convient d'expurger des conclusions de l'appelante l'ensemble des demandes formées par Mme [N] [W] qui n'est plus concernée par la présente instance, sa déclaration d'appel étant entièrement caduque et la cour ayant constaté son dessaisissement à son égard mais également à l'égard des tiers payeurs.
I- Sur la demande indemnitaire de Mme [D] [W]
Le tribunal a débouté Mme [D] [W] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice d'affection en lien avec l'accident dont a été victime sa fille, en l'absence d'éléments suffisants pour déterminer ce qui peut être imputable à l'accident ou à l'état antérieur de la demanderesse.
Aux termes de ses écritures, l'appelante expose qu'elle a été fortement impactée par l'accident de sa fille et a subi une aggravation de sa maladie maniaco-dépressive ainsi que cela résulte du certificat médical établi par son psychiatre, le 30 mai 2016. Elle souligne que les termes de ce certificat sont suffisamment clairs et précis quant à l'aggravation de sa maladie, reprochant au tribunal d'avoir fait une lecture erronée de cette pièce médicale. Hormis l'aggravation de ses troubles, l'appelante soutient en tout état de cause avoir subi un préjudice d'affection certain en tant que mère de la victime.
Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés relèvent d'une part que l'expert judiciaire a conclu à l'absence d'aggravation physique de Mme [N] [W] et qu'il n'existe donc aucun préjudice nouveau pour cette dernière depuis le procès-verbal d'indemnisation du 7 novembre 2005. Ils en déduisent que la mère de la victime n'est pas fondée à solliciter la réparation de l'aggravation de son propre préjudice d'affection. D'autre part, les intimés soulignent que les pièces produites par l'appelante ne permettent pas de justifier sa demande indemnitaire. Ainsi, ils observent que le certificat médical n'établit pas ce qui peut être imputable à l'accident ou à l'état antérieur de l'appelante.
Sur ce, la cour
Le préjudice d'affection indemnise le préjudice moral éprouvé par un proche de la victime directe, à la vue des souffrances endurées par ce dernier, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
La cour observe que l'appelante ne forme pas, contrairement à ce qui est avancé par les intimés, de prétention indemnitaire en lien avec l'aggravation de son préjudice d'affection. Il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats ni des écritures respectives des parties que l'appelante aurait d'ores et déjà été indemnisée de son préjudice d'affection.
Le protocole d'indemnisation du 7 novembre 2005 a été conclu exclusivement entre Mme [N] [W], victime directe et la société Covea Fleet. Il n'est pas fait état d'une indemnisation au bénéfice de l'appelante qui, en tant que mère de l'intéressée peut recevoir la qualification de 'victime par ricochet'.
En définitive, il résulte des écritures de l'appelante que cette dernière sollicite la réparation de son préjudice d'affection sans lien avec l'aggravation alléguée par sa fille, de sorte que les développements des intimés tendant à traiter de la même manière le préjudice moral invoqué par la victime par ricochet et les préjudices en aggravation déplorés par la victime directe, sont inopérants.
Il importe, pour apprécier la réalité et l'étendue du préjudice dont se prévaut l'appelante, de revenir sur le fait générateur, à savoir l'accident survenu le 2 juin 1998 en Espagne. Mme [N] [W], alors âgée de 14 ans était en voyage scolaire, passagère d'un autocar dont le conducteur a perdu le contrôle.
Les rapports d'expertise amiable et judiciaire, établis respectivement les 24 juin 2005 par les Dr [B] et [C] et 6 mars 2017 par le Dr [J], produits aux débats, permettent de renseigner la cour selon les précisions qui suivent.
Dans les suites de l'accident, l'enfant victime, initialement transportée par ambulance au Centre Hospitalier de [Localité 11], était transférée le jour même par hélicoptère au CHU de [Localité 10]. Elle présentait alors :
- un traumatisme facial avec des plaies multiples du visage,
- une fracture ouverte de l'extrémité inférieure du radius droite avec perte de substance cutanée, tendineuse, musculaire et nerveuse,
- une fracture ouverte stade III de l'extrémité inférieure du fémur droit avec une importante perte de substance osseuse diaphyso-métaphyso-épiphysaire sur 8 à 10 cm, une perte de substance musculaire aux dépens du quadriceps et du tendon quadricipital, une perte de substance cutanée, s'étendant du tiers supérieur de la cuisse jusqu'au tiers inférieur de la jambe d'une manière circonférencielle et une ischémie du pied droit,
- des plaies superficielles, des hématomes de la cuisse et de la jambe gauche, une contusion de la cheville gauche.
L'enfant bénéficiait alors de soins dans le service d'anesthésie-réanimation du 2 au 10 juin 1998 et d'une prise en charge au bloc opératoire (pour le traitement de l'écrasement du membre supérieur droit et du membre inférieur droit), le jour de l'accident. Elle était hospitalisée en chirurgie infantile du 10 juin 1998 au 5 août 1998. [N] [W] a par la suite, durant sa minorité puis après sa majorité, bénéficié de multiples interventions chirurgicales sur les membres supérieur droit et inférieur droit, consistant en des reconstructions osseuses avec ostéosynthèse et des couvertures musculo-cutanées au niveau du membre supérieur droit et des reconstructions osseuses musculo-cutanées micro-chirurgicales au niveau du fémur et genou droit.
Il est à noter que l'enfant a repris une scolarisation à domicile entre janvier et juin 1999. Sa scolarité s'est poursuivie à domicile sur l'année scolaire 1999/2000, à raison de huit heures par semaine puis elle a repris les cours au lycée à compter de septembre 2000.
Le rapport d'expertise amiable établi le 24 juin 2005 fait état de séquelles esthétiques importantes au niveau des membres supérieur et inférieur droit ainsi que des séquelles fonctionnelles modérées au niveau du membre supérieur droit et plus importantes au niveau du membre inférieur droit. Les experts amiables concluaient alors notamment à une IPP de 55%, des souffrances endurées de 6,5/7, un préjudice esthétique permanent de 5/7, fixant la date de consolidation au 15 juin 2005.
Un bilan psychologique a été réalisé le 2 février 1999 par M. [U], psychologue et le Dr [G], psychiatre, lesquels ont mis en évidence que l'accident avait été un événement traumatique pour l'enfant dans la mesure où tant sa sécurité physique que psychique ont été en cause. Des dommages psychologiques ont été constatés : émergence cyclique d'éléments à caractère traumatique (rêves, peurs), arrêt des acquisitions scolaires, hyper susceptibilité à toute aide et offre, troubles du sommeil, souffrance narcissique. Il était alors fait état d'une enfant qui reste 'bien vulnérable et fragile'.
S'agissant des éléments médicaux concernant l'appelante, cette dernière produit comme en première instance, un certificat médical établi le 30 mai 2016, par le Dr [X], psychiatre, qui indique 'prendre en charge Mme [D] [W], née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 9], depuis novembre 1999 à ce jour, au centre médico psychologique de [Localité 8]. Mme [W] présentait une aggravation du symptôme de bipolarité depuis quelques années. L'événement aggravant est le grave accident de sa fille 1998, d'autocar scolaire. (avec des complications et séquelles) La patiente préalablement peu thymique a été en proie à une déstabilisation de l'humeur des troubles du sommeil et plusieurs épisodes dépressifs du les années qui ont suivi nécessitant une hospitalisation 2008 pour état dépressif majeur avec idéation suicidaire. Elle a toujours un traitement thymorégulateur et antidépresseur (sic)'.
Il se déduit de ce qui précède que l'accident dont a été victime Mme [N] [W], alors âgée de 14 ans, a, de manière légitime, causé une grande inquiétude à l'appelante face à la gravité objective de l'état de santé de sa fille, victime d'un traumatisme facial et d'importantes fractures. Les photographies versées par l'appelante, prises dans le mois qui suit l'accident, montrant les blessures de sa fille au niveau de ses bras et jambe droits, justifient sa crainte quant aux importantes séquelles mécaniques et esthétiques que pourrait conserver son enfant. Les interventions chirurgicales réalisées alors que Mme [N] [W] n'était pas encore majeure ont été également une source d'inquiétude et d'angoisse pour l'appelante et ce, quelque soit sa fragilité préexistante.
Il résulte encore des expertises précitées que l'enfant a été hospitalisée pendant plusieurs semaines et a été contrainte de suivre ses cours à domicile, ce qui a nécessairement bouleversé l'organisation de la vie familiale. Les soins qui ont été dispensés à la jeune victime en milieu hospitalier puis au sein du foyer familial représentent à l'évidence des événements douloureux pour le parent qui est aux côtés de son enfant lors de ces moments difficiles.
Par ailleurs, la cour ne peut retenir l'argumentation des intimés qui, pour écarter le préjudice subi par l'appelante, font valoir qu'il n'est pas possible de déterminer les troubles qui seraient imputables à l'accident et ceux qui sont liés à son état antérieur. En effet, si le certificat établi le 30 mai 2016 par le Dr [X] renseigne la cour sur un diagnostic de bipolarité antérieur à l'accident, ce psychiatre fait bien état d'une aggravation des troubles de cette maladie, causée par les faits dont a été victime sa fille en 1998. La majoration de la symptomatologie présentée par l'appelante n'est donc pas étrangère à l'accident et à ses conséquences. Toutefois, son hospitalisation en 2008, justifiée par un état dépressif important et des idées suicidaires, dont le psychiatre fait état aux termes de son certificat, ne peut être mise en lien avec l'accident. A cet égard, il convient d'une part d'observer la durée (10 années) qui sépare ces deux événements et d'autre part de relever l'imprécision du professionnel de santé qui évoque chez sa patiente des épisodes dépressifs dans les années qui précèdent cette prise en charge en milieu hospitalier sans établir un lien de causalité direct et exclusif avec les faits dont a été victime sa fille.
Au vu de ces éléments, il ne peut être contesté que l'appelante a souffert psychologiquement de la situation vécue par sa fille. Son préjudice d'affection justifie ainsi l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros qui prend en compte son état de santé antérieur à l'événement générateur.
Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.
II- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Dans la mesure où l'appelante critique, dans sa déclaration d'appel et pour la partie non déclarée caduque, les dispositions du jugement relatives aux dépens et qu'elle demande, aux termes de ses écritures, la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, il convient d'infirmer celui-ci en ce qu'il l'a condamnée aux dépens. En effet, seule la partie qui perd majoritairement en première instance, en l'occurrence Mme [N] [W], peut voir les dépens mis à sa charge, à l'exclusion de l'appelante qui voit prospérer sa demande indemnitaire.
Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet, partie perdante contre laquelle l'appelante a dirigé exclusivement des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, seront condamnées aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à l'appelante une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans la présente instance.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des intimés.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
DECLARE irrecevables les demandes des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet, de M. [H] [O], tendant à confirmer les chefs du jugement du 22 juillet 2020 concernant Mme [N] [W], à débouter intégralement cette dernière de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à la condamner à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
INFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement rendu le 22 juillet 2020 par le tribunal judiciaire du Mans,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
ALLOUE à Mme [D] [W] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice d'affection,
CONDAMNE les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet à payer à Mme [D] [W] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
DEBOUTE les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet, M. [H] [O], de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à condamner Mme [D] [W] aux dépens de première instance,
CONDAMNE les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covea Fleet aux dépens d'appel.
LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE, empêchée
T. DA CUNHA I. GANDAIS