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27/08/2024 | FRANCE | N°20/01078

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 27 août 2024, 20/01078


COUR D'APPEL

D'[Localité 25]

CHAMBRE A - CIVILE







IG/CG

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 20/01078 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWGI

jugement du 29 Juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 18/00429







ARRET DU 27 AOUT 2024





APPELANTS :



Monsieur [P] [Z]

né le 05 Juillet 1948 à [Localité 26] (53)

[Adresse 34]

[Localité 26]



Madame [A] [M] épouse [Z]
>née le 21 Septembre 1949 à [Localité 32] (53)

[Adresse 34]

[Localité 26]



Représentés par Me Romain BOULIOU de la SCP DESBOIS-BOULIOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 180331





INTIMES :



...

COUR D'APPEL

D'[Localité 25]

CHAMBRE A - CIVILE

IG/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/01078 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWGI

jugement du 29 Juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 18/00429

ARRET DU 27 AOUT 2024

APPELANTS :

Monsieur [P] [Z]

né le 05 Juillet 1948 à [Localité 26] (53)

[Adresse 34]

[Localité 26]

Madame [A] [M] épouse [Z]

née le 21 Septembre 1949 à [Localité 32] (53)

[Adresse 34]

[Localité 26]

Représentés par Me Romain BOULIOU de la SCP DESBOIS-BOULIOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 180331

INTIMES :

Monsieur [N] [W]

né le 31 Janvier 1967 à [Localité 33] (72)

[Adresse 29]

[Localité 26]

Madame [U] [I] épouse [W]

née le 08 Novembre 1968 à [Localité 31] (53)

[Adresse 29]

[Localité 26]

Représentés par Me Claire PENARD de la SCP PENARD CLAIRE, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 09 Avril 2024 à 14 H 00, Mme GANDAIS, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport,

devant la Cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Madame GANDAIS, conseillère

Monsieur WOLFF, conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Madame GNAKALE

Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 27 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique en date du 9 juin 2006, M. [N] [W] et son épouse, Mme [Y] [I] ont acquis un bien immobilier situé au lieu-dit [Adresse 29] à [Localité 26] (53), cadastré section A n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 10], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], lequel bénéficie d'une servitude de passage sur le fonds appartenant à M. [P] [Z] et à son épouse, Mme [A] [M].

Ces derniers sont propriétaires depuis février 1981 d'un ancien corps de ferme "[Adresse 34]" situé sur la même commune.

Faisant valoir que les époux [Z] ont délibérément procédé à la fermeture du chemin initialement prévu dans leur titre de propriété et que le nouveau passage qu'ils leur ont imposé en 2011 n'est pas adapté à la circulation des véhicules, les époux [W] les ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Laval, suivant acte en date du 10 septembre 2018, aux fins de voir restaurer l'assiette de la servitude de passage telle que prévue dans leur acte authentique et obtenir des dommages et intérêts pour trouble de jouissance. Subsidiairement, les époux [W] demandaient à bénéficier de la servitude de passage sur la parcelle A [Cadastre 24], comme cela se faisait jusqu'en 2011.

Par jugement du 29 juin 2020, le tribunal judiciaire de Laval a :

- fixé l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fonds enclavé appartenant aux époux [W] situé au lieu-dit [Adresse 29] à [Localité 26] sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A numéro [Cadastre 3] appartenant aux époux [Z], sans passer par la cour de la ferme de la '[Adresse 34]' qu'elle contournera comme cela se pratiquait avant 2011;

- dit que la servitude de passage devra être tous usages et permettre le passage de tous types de véhicules ;

- débouté les époux [W] de leur demande de dommages-intérêts ;

- condamné M. et Mme [Z] à payer aux époux [W] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les époux [Z] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 août 2020, les époux [Z] ont formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant dit que la servitude de passage devra être tous usages et permettre le passage de tous types de véhicule et débouté les époux [W] de leur demande de dommages et intérêts ; intimant les époux [W].

Suivant conclusions signifiées le 18 janvier 2021, les époux [W] ont formé appel incident s'agissant des dispositions du jugement les ayant déboutés de leur demande indemnitaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2024 et conformément à l'avis délivré par le greffe aux parties le 13 décembre 2023, l'affaire a été retenue à l'audience du 9 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 27 février 2024, les époux [Z] demandent à la cour, au visa des articles 682, 683, 685 et 701 du code civil, de :

- à titre principal :

- les recevoir en leur appel, les y déclarer fondés et y faire droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur portant grief ;

statuant à nouveau,

- constater que le fonds appartenant aux époux [W] est enclavé et que l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fond enclavé situé au lieu-dit '[Localité 28]' traversant la cour de la ferme de la '[Adresse 34]' propriété leur appartenant, est éteinte ;

- dire et juger que le trajet le plus court du fonds enclavé à la voie publique est celui passant par le chemin [Cadastre 23] puis le chemin [Cadastre 22] ;

- dire et juger que le passage passant par le chemin [Cadastre 23] est l'endroit le moins dommageable pour celui sur le fonds duquel il est accordé ;

- fixer l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fonds enclavé appartenant aux époux [W] situé au lieu-dit '[Adresse 29]' sur leur propriété par le chemin 661 puis le chemin 643 étant précisé qu'ils sont propriétaires des immeubles ci-dessus désignés :

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 23] provenant de la division des parcelles anciennement cadastrées section A n° [Cadastre 16], A n° [Cadastre 17], A n° [Cadastre 18], A n° [Cadastre 19], A n° [Cadastre 20] et A n° [Cadastre 21] (PV de cadastre du 31 janvier 2011, publié au Service de la Publicité Foncière le 1er février 2011 volume 5304P02 2011P n° 252);
* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 16] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 9] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [R], notaire à [Localité 35] en date du 21 janvier 1988, publié au Service de la Publicité Foncière de [Localité 27] le 4 février 1988 volume 2903 n° 9 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 17] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 13] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5 décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 53 04P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 18]

provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 12] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5 décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 5304P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 19] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 7] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 5304P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 20] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 8] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5 décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 5304P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 21] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° A n° [Cadastre 6] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5 décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 5304P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A n° [Cadastre 22] provenant de la division de la parcelle anciennement cadastrée section A n° [Cadastre 11] (PV de cadastre du 16 juin 2009, publié au Service de la Publicité Foncière le 18 juin 2009 volume 5304P02 2009P n° 1214), appartenant aux époux [Z] selon acte d'acquisition de Me [H], notaire à [Localité 35] en date du 5 décembre 2008, publié au Service de la Publicité Foncière le 19 décembre 2008, volume 5304P02, volume 2008 P n° 2746 ;

* Les époux [W] étant propriétaires des parcelles cadastrées commune de [Localité 26], section A n° [Cadastre 1], A n° [Cadastre 2], A n° [Cadastre 3], A n° [Cadastre 10], A n° [Cadastre 14] (ex [Cadastre 4]) A n° [Cadastre 15] (ex [Cadastre 5]), en vertu d'un acte d'acquisition de Me [E], administrateur de l'étude de Me [V], notaire à [Localité 36] en date du 9 juin 2006, publié au Service de la Publicité Foncière de [Localité 27] le 28 juillet 2006 volume 2006 P n° 1835, formalité reprise pour ordre le 25 août 2006 volume 2006 P n° 3170 ;

- à titre subsidiaire :

- les recevoir en leur appel, les y déclarer fondés et y faire droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur portant grief ;

statuant à nouveau,

- constater que le chemin [Cadastre 23] offre aux époux [W] propriétaires d'un bien enclavé lieu-dit '[Localité 28]' un endroit aussi commode pour l'exercice du droit de passage ;

- fixer l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fond enclavé appartenant aux époux [W] situé lieu-dit '[Localité 28]' sur leur propriété par le chemin [Cadastre 23] puis le chemin [Cadastre 22], les précisions ci-dessus nécessaires au Service de la Publicité Foncière pour la publication des présentes conclusions et de l'arrêt à intervenir laquelle sera ordonnée étant ici intégralement reprises ;

- en tout état de cause :

- débouter les époux [W] de leur demande de condamnation d'une somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;

- débouter les époux [W] de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner solidairement les époux [W] à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au Service de la Publicité Foncière ;

- condamner solidairement les époux [W] aux entiers dépens lesquels comprendront les frais du constat d'huissier de Me [T] en date du 31 juillet 2020 ainsi que les frais de publication au fichier immobilier des conclusions et de l'arrêt à intervenir.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 12 mars 2024, les époux [W] demandent à la cour, au visa des articles 682 et suivants, 701 et 1241 du code civil ainsi que l'article 462 du code de procédure civile, de :

- à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* fixé l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie le fonds enclavé appartenant aux époux [W] situés au lieu-dit '[Adresse 29]' à [Localité 26] sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A numéro [Cadastre 24] (sic) appartenant aux époux [Z], sans passer par la cour de la ferme de la '[Adresse 34]' qu'elle contournera comme cela se pratiquait avant 2011 ;

* dit que la servitude de passage devra être tous usages et permettre le passage de tous types de véhicules

et en conséquence, condamner les époux [Z] à remettre en état le passage sous astreinte de 150 euros par jour de retard (sic), étant rappelé qu'ils sont propriétaires des immeubles ci-dessus désignés :

Commune de [Localité 26] section A :

' N°[Cadastre 1], [Adresse 30], pré pour 0ha 75a 2ca

' N°[Cadastre 2], la Pièce de Derrière, terre pour 1ha 33a 00ca

' N°[Cadastre 3], [Adresse 29], sol pour : 0ha 22a 60ca

' N°[Cadastre 10], [Adresse 29], jardin pour 0ha 6a 82ca

' N°[Cadastre 14] (ex [Cadastre 4]) 0ha 5a 2ca

' N°[Cadastre 15] (ex [Cadastre 5]), [Adresse 29] pour 0ha 5a 16ca

pour une contenance totale de 2ha 47a 62ca en vertu d'un acte d'acquisition du 9 juin 2006, de Me [E], administrateur de l'étude de Me [V], notaire à [Localité 36], publié au service de publicité foncière de [Localité 27] le 28 juillet 2006 volume 2006 P n°1835, formalité reprise pour ordre le 25 août 2006 volume 2006 P n°3170,

les époux [Z] sont propriétaires, entre autres, des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 23] et n°[Cadastre 24] sur la commune de [Localité 26] ;

- à titre subsidiaire, si la cour, par impossible venait à considérer que le passage par l'arrière des anciennes porcheries s'avérait impraticable, dire que l'assiette de la servitude sera fixée conformément à leur acte de vente par la cour de 'la [Adresse 34]' ;

- en tout état de cause, recevoir leur appel incident et infirmer la décision du tribunal judiciaire de Laval en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;

- en conséquence, condamner solidairement les époux [Z] à leur verser la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice occasionné pour trouble de jouissance ;

- y ajoutant, rectifier l'erreur matérielle du jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'assiette de la servitude de passage 'sur la parcelle [Cadastre 3] propriété des époux [Z]' au lieu de 'la parcelle [Cadastre 24] propriété des époux [Z]' et ordonner qu'il sera fait mention en marge de la minute et des expéditions qui en seront délivrées ;

- condamner solidairement les époux [Z] à leur verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les époux [Z] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Claire Penard avocat aux offres et affirmations de droit.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les 'dire et juger' ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.

Par ailleurs, la cour constate que les intimés sollicitent la confirmation des dispositions du jugement en ce qu'il a dit que la servitude de passage devra être tous usages et permettre le passage de tout type de véhicule. Dans la mesure où ces dispositions ne font l'objet d'aucune critique de la part des parties, au titre des appels principal ou incident, la cour n'en est pas saisie et n'a donc pas à les confirmer.

I- Sur la servitude de passage

Le tribunal a retenu que l'assiette du droit de passage prévu à l'acte d'acquisition des époux [W] (par la cour de la ferme de la '[Adresse 34]') est éteinte par son non-usage, en application de l'article 685 du code civil, dès lors que ses bénéficiaires, qui n'en ont pas la possession actuelle, ne justifient pas avoir exercé la servitude par cette assiette depuis moins de 30 ans. S'agissant de l'assiette du droit de passage passant derrière la porcherie, le tribunal, constatant que celle-ci a été utilisée de 1987 à 2011, a considéré que ce passage était devenu l'assiette primitive au sens de l'article 701 du code civil. Ensuite, le premier juge, relevant que, depuis 2011, le nouveau passage constitué par le chemin cadastré numéro [Cadastre 23] et puis le chemin cadastré numéro [Cadastre 22] ne donne pas satisfaction aux époux [W], au regard de son mauvais état établi par constat d'huissier du 27 mars 2018, a jugé qu'il était moins commode que celui proposé jusqu'en 2011, s'exerçant sur la parcelle numéro [Cadastre 24]. Il a dès lors fixé l'assiette de la servitude sur cette parcelle ainsi qu'elle s'exerçait avant 2011.

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants exposent qu'en raison de l'état d'enclavement de la propriété des intimés, ces derniers bénéficient d'une servitude de passage sur leurs parcelles dont l'assiette était fixée en son temps par 'la cour de la ferme de la [Adresse 34]', ce qui a été repris dans l'acte de vente des intimés du 9 juin 2006. Toutefois, ils soulignent que l'assiette de cette servitude était inutilisée depuis plus de 30 ans par les propriétaires du fonds dominant et qu'elle se trouve dès lors éteinte conformément aux dispositions de l'article 685 du code civil. Les appelants reprochent au tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences de ses constatations relativement à l'extinction de cette assiette du passage par non-usage, rappelant que l'assiette de la servitude légale de passage est déterminée soit par une convention, soit par prescription suivant les dispositions de l'article 685 du code civil, soit judiciairement suivant les dispositions de l'article 683 du même code. Or, ils relèvent que les intimés ne justifient d'aucune convention, ni d'usage continu pendant plus de 30 ans permettant de fixer l'assiette primitive de la servitude légale de passage sur le chemin passant derrière l'ancienne porcherie. Ils en déduisent qu'à défaut de convention des parties ou d'usage continu pendant 30 ans, il appartient, en cas d'enclave, au juge de fixer l'assiette de droit de passage conformément aux dispositions de l'article 683 du code civil. À cet égard, les appelants considèrent que le trajet retenu par le tribunal n'est absolument pas le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Ils soutiennent qu'à la lecture de l'extrait cadastral et des cartes IGN, il est incontestable que le trajet le plus court pour se rendre au lieu-dit [Localité 28] depuis la voie publique est le chemin cadastré A [Cadastre 23] qui présente une ligne droite et permet ainsi un accès direct depuis la voie publique à la propriété des intimés. Ils ajoutent que ce chemin est également l'endroit le moins dommageable pour eux, en tant que propriétaires du fonds servant, puisqu'il est éloigné de leur habitation et des anciens bâtiments d'exploitation, limitant ainsi les nuisances. Par ailleurs, les appelants font valoir qu'il n'y a plus aucun passage praticable longeant l'ancienne porcherie, des matériaux étant stockés à l'extérieur pour les besoins de l'activité de leur fils qui exerce son activité de métallier-serrurier dans un atelier qu'il loue sur leur fonds. Enfin, ils rappellent que le chemin numéro 661, créé en 2011 avec l'accord et la participation des intimés, est celui emprunté quotidiennement par ces derniers depuis plus de 9 ans, contestant le mauvais état allégué de celui-ci par leurs contradicteurs et leur faisant grief de produire un constat d'huissier dressé après plusieurs jours de pluie et des photographies prises le jour du passage d'une tempête avec de fortes précipitations.

A titre subsidiaire, les appelants soutiennent que le tribunal a considéré à tort que le nouveau passage proposé depuis 2011 est moins commode compte tenu de son état alors même qu'il est régulièrement entretenu, facile d'accès et parfaitement signalé depuis la départementale. Ils se fondent à cet égard sur le constat d'huissier du 31 juillet 2020 ainsi que sur une photographie du chemin prise en septembre 2018. Ils indiquent que le chemin est en réalité entretenu par l'ensemble des personnes qui l'utilisent, à l'exception des intimés. Ils ajoutent que ce passage est quotidiennement emprunté par ces derniers depuis plus de neuf ans, qu'il permet un parfait accès des secours à leur fonds, contrairement à ce qui est allégué. Les appelants affirment que le chemin 661 est en définitive plus commode que celui passant derrière l'ancienne porcherie de sorte que conformément aux dispositions de l'article 701 du code civil, les intimés ne peuvent refuser la nouvelle assiette du droit de passage.

Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés font valoir que le chemin numéro 661 qu'ils empruntent depuis 2011 est en très mauvais état, affirmant que le constat d'huissier du 31 juillet 2020 a été réalisé, à la demande des appelants, après une tentative de rebouchage des trous et nids de poule et alors qu'en plein été, le chemin était sec et fraîchement gravillonné. Ils soulignent que postérieurement et notamment durant l'hiver 2021, les nids-de-poule sont réapparus dès lors qu'aucun travaux de décaissement et de remblayage suffisants n'ont été réalisés. Ils ajoutent que la sortie sur la route nationale est périlleuse, en l'absence de balises de position ou de sortie. Ils produisent un constat d'huissier établi durant l'hiver 2021 ainsi que plusieurs photographies prises en décembre 2021, janvier 2022, janvier 2023 et mars 2024. S'agissant de l'encombrement du passage derrière la porcherie, les intimés indiquent que celui-ci a été créé pour les besoins de la cause, observant que l'atelier occupé par le fils des appelants se trouvait à l'origine dans un autre bâtiment et non sur le passage. Ils ajoutent que les cyprès dont il est fait état par la partie adverse, ont été plantés postérieurement à la suppression du passage en 2011 et que la présence d'arbustes et de ronces résulte uniquement du défaut d'entretien des appelants. Ils relèvent encore que la citerne ainsi que les véhicules stationnés sur l'emplacement de l'ancien passage ont été mis uniquement pour les besoins et qu'il suffit de les déplacer.

Les intimés exposent que le passage proposé depuis 2011 par les appelants s'avérant compliqué, incommode voire impossible à certains moments, il y a lieu de retenir le chemin situé derrière la porcherie qui est le plus praticable pour se rendre à leur domicile, relevant que l'encombrement délibéré créé par les appelants ne saurait leur être opposé pour ne pas avoir à restaurer cet ancien passage.

A titre subsidiaire, ils sollicitent que soit rétablie l'assiette de la servitude primitive, à savoir le passage par la cour de la [Adresse 34]. Ils remarquent que cette ancienne assiette demeure l'accès le plus facile à leur propriété.

Sur ce, la cour

Il résulte des dispositions de l'article 682 du code civil que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

L'article 683 du même code précise qu'en cas d'enclave, le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.

L'article 685 dispose que l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

Par ailleurs, l'article 706 prévoit que la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.

En l'espèce, il importe avant tout de relever que l'état d'enclave de la propriété des intimés ne fait l'objet d'aucune discussion et que les appelants ne contestent pas devoir, en tant que propriétaires du fonds servant, un passage permettant la desserte des parcelles enclavées à la voie publique.

L'acte d'acquisition par les intimés des parcelles cadastrées section A [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 10], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] rappelle l'existence d'une servitude depuis une date non déterminée, en ces termes : 'une servitude active de passage par la cour de la Ferme de la [Adresse 34] commune de [Localité 26] a été instituée compte tenu de la situation géographique des immeubles et leur état d'enclavement'.

La 'cour de la Ferme de la [Adresse 34]' est située sur la parcelle A [Cadastre 24] dont il n'est pas discuté qu'elle appartient aux appelants et qui longe sur une grande partie la voie publique, en l'occurrence la route départementale 21. Les plans cadastraux produits par chacune des parties permettent de constater que cette parcelle [Cadastre 24] n'est pas contigüe à celles acquises par les intimés mais jouxte un chemin cadastré [Cadastre 22], propriété des appelants qui permet de conduire au fonds des époux [W].

Le passage mentionné au titre de la servitude conventionnelle précitée suivait donc un tracé allant de la voie publique en passant par la cour de la ferme.

S'agissant du passage sur la parcelle [Cadastre 22], la cour relève que l'assiette de la servitude, en ce qu'elle porte sur cette portion, n'est pas contestée.

Il résulte des écritures respectives des parties que le passage 'par la cour de la Ferme' n'a en réalité jamais été utilisé par les intimés, ces derniers indiquant que dès leur acquisition en 2006, ils ont emprunté, pour accéder à leur maison d'habitation et à leurs bâtiments de dépendance, depuis la route départementale 21, un chemin situé sur la parcelle A [Cadastre 24] menant à la ferme de [Adresse 34], remontant après ladite ferme côté Nord-Ouest, à savoir derrière un bâtiment qui servait anciennement de porcherie, pour rejoindre le chemin cadastré A [Cadastre 22] conduisant à leur propriété.

Il est constant que ce chemin de desserte à la voie publique a été emprunté par les intimés par tous temps et par tous moyens entre 2006 et 2011 à l'exclusion de tout autre passage. La cour en déduit que les intimés ont ainsi accepté que l'assiette de leur droit de passage sur le fonds servant soit différente de celle prévue à leur titre de propriété.

Les appelants affirment, sans être contredits, que l'assiette de la servitude telle que déterminée à l'acte d'acquisition des intimés n'était plus utilisée par ses bénéficiaires depuis 1987 au profit de celle s'exerçant sur leurs chemins cadastrés numéros [Cadastre 24] (derrière la porcherie) et [Cadastre 22].

Le non-usage pendant 30 ans du droit de passage sur l'assiette rappelée aux termes du titre de propriété des intimés a donc, comme relevé à juste titre par le tribunal, entraîné l'extinction de l'assiette conventionnelle de la servitude, en application des dispositions des articles 685 et 706 du code civil.

Cette assiette conventionnelle étant éteinte, ce qui n'est pas contesté par les intimés, ces derniers sont bien fondés à se prévaloir de l'état d'enclave de leur fonds, qui n'a dès lors aucune issue directe sur la voie publique.

La cour constate que le passage s'exerçant sur les chemins cadastrés numéros [Cadastre 24] (derrière l'ancienne porcherie) et [Cadastre 22], emprunté par les intimés dès lors qu'ils sont devenus propriétaires en 2006 et par d'autres propriétaires riverains, bien avant cette date, a cessé d'être utilisé en 2011, les propriétaires du fonds servant ayant décidé de créer un nouveau chemin qui sera cadastré numéro [Cadastre 23] et de le mettre à disposition des bénéficiaires de la servitude, dont notamment les intimés. Ce nouveau tracé ne suivait plus l'arrière de l'ancienne porcherie de la parcelle [Cadastre 24] mais le nouveau chemin numéro [Cadastre 23] pour se prolonger ensuite, comme avant, sur le chemin numéro [Cadastre 22].

Les circonstances entourant la création de ce nouveau chemin demeurent incertaines, chacune des parties livrant une version différente sur ce point. Si les appelants exposent avoir obtenu en 2011 l'accord des intimés pour modifier le tracé permettant la desserte de leur fonds, ils n'en justifient aucunement et cette acceptation est formellement contestée par les intéressés.

En tout état de cause et peu importe le fait que les intimés aient emprunté pendant six ans ce nouveau chemin avant de déplorer cette situation, il s'avère que ces derniers et avant eux leurs auteurs avaient, depuis 1987, accepté le nouveau tracé passant derrière l'ancienne porcherie proposé par les propriétaires du fonds servant afin de désenclaver leur fonds.

Cet accord entre les propriétaires des fonds servant et dominant a ainsi permis de déterminer conventionnellement une nouvelle assiette de la servitude, sans nécessité d'une prescription trentenaire pour ce faire.

Aussi, comme jugé par le tribunal, en transportant unilatéralement l'assiette de cette servitude dans un endroit différent de celui primitivement assigné, les propriétaires du fonds servant ont modifié l'état des lieux, en méconnaissance de l'article 701 du code civil qui prévoit que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode, qu'il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Le texte précité prévoit toutefois que le propriétaire du fonds servant peut proposer aux propriétaires des fonds dominants une modification de l'assiette de la servitude de passage à la double condition que l'assiette primitive soit devenue plus onéreuse ou l'empêche de faire sur le fonds des réparations avantageuses et que la nouvelle assiette proposée soit aussi commode.

Il appartient aux appelants de rapporter la preuve de l'existence de cette double condition.

D'une part, ils font état de ce que leur fils, métallier-serrurier, exerce son activité depuis 2013 dans l'ancienne porcherie se situant à côté de l'ancien droit de passage et qu'il stocke son matériel et stationne ses véhicules à proximité à l'extérieur, soit sur une partie de l'assiette de l'ancienne servitude. Cette situation a été constatée par l'huissier de justice mandaté par les appelants, le 31 juillet 2020.

D'autre part, ils réfutent le caractère moins commode que présenterait le nouveau chemin passant par la parcelle D [Cadastre 23], se rapportant notamment :

- aux constatations de l'huissier de juillet 2020, mentionnant que 'le chemin d'accès de la D21 au lieu-dit [Localité 28] est dans un bon état d'entretien',

- aux déclarations de M. [G] qui indique aux termes d'une attestation du 4 décembre 2018 : 'j'emprunte le chemin [[Cadastre 23]] qui va à [Localité 28] et qui débouche sur la route [Localité 35]-[Localité 26] pour accéder à mes parcelles d'herbage (14ha). Ce chemin en ligne droite, évitant maison et voisinage me convient tout à fait ; facilité de sortie sur la grande route et arrivée dans mes parcelles par une zone plate et saine.'

Pour leur part, les intimés produisent aux débats :

- un constat d'huissier du 27 mars 2018 réalisé à leur demande indiquant : 'poursuivant mon cheminement vers la route départementale, le chemin continu, après la parcelle numéro [Cadastre 22] sur la parcelle [Cadastre 23]. J'observe qu'il s'agit là d'une portion nouvelle permettant l'accès à la propriété de mes requérants en contournant la ferme voisine de la [Adresse 34]. Je constate que cette portion de chemin est en très mauvais état : outre la présence de sillons creusés par le ruissellement des eaux, j'observe de très nombreux nids-de-poule, ornières et trous. Il s'est également formé par endroits et sur des dizaines de mètres, une couche de boue de un à deux centimètres (le temps est à la pluie depuis 24 heures). Le long de cette portion de chemin, je retrouve des morceaux de blocs de béton et des tiges métalliques qui ressortent des talus. À l'entrée de ce chemin, sur la route départementale 21, j'observe qu'il n'y a aucune signalisation : ni balise d'intersection, ni panneau de lieu-dit. En revanche, à l'entrée du chemin menant à la ferme de la [Adresse 34], il est bien implanté une balise d'intersection et un panneau de lieu-dit.'

- plusieurs attestations émanant de leur entourage (M. [L] du 6 mars 2019, Mme [O] du 22 février 2019, Mme [J] du 24 février 2019, Mme [X] du 20 février 2019, M. [S] du 5 mars 2019) faisant état de ce que le nouveau chemin est plus dangereux, dégradé voire 'défoncé' avec de nombreux nids-de-poule et des ronces sur les côtés qui rayent les véhicules, quelles que soient les périodes de l'année,

- des photographies horodatées du 27 décembre 2020, du 11 janvier 2022 du 5 mars 2024 du chemin 661, montrant d'importantes ornières, trous d'eau et couches de boue,

- un constat d'huissier du 16 février 2021 qui mentionne : 'je constate que l'ancienne assiette du droit de passage, passant au Sud des bâtiments de la ferme [Z], est très largement en contre haut de celle utilisée actuellement par la parcelle [Cadastre 23] et n'accuse pas de pentes et côtes importantes. Je ne vois pas de dénivelé notable entre le chemin [Cadastre 22] et les bâtiments de la ferme [Z]. Côté chemin actuellement utilisé, sur la parcelle numéro [Cadastre 23], je note une pente assez importante à partir du chemin [Cadastre 22] vers la route départementale ; le chemin forme une 'cuvette' pour remonter en sortie sur la route départementale. (...) Sur la partie haute du chemin [parcelle [Cadastre 23]], je note des sillons de ravinement affectant les deux côtés du chemin. Sur la partie basse du chemin, jusqu'à la route départementale, j'observe l'existence de nombreux nids-de-poule : j'en dénombre soixante-trois sur la portion entre la patte d'oie vers la ferme [Z] et la route départementale. 3- Constatations effectuées au niveau de l'entrée des chemins : 3.1 - Chemin de l'ancienne assiette du droit de passage (parcelle [Cadastre 24]) : je constate que l'entrée du chemin de [Adresse 34], en parcelle [Cadastre 24] et à partir de la route départementale 21, est parfaitement signalée : avec une balise d'intersection, un marquage de stop au sol et un panneau stop. L'entrée de chemin est revêtue d'un enrobé. J'ai ensuite mesuré la largeur de cette entrée du chemin : elle est de 5,40 mètres entre les deux piliers de l'entrée. Je note enfin que la visibilité vers [Localité 35] est meilleure qu'au niveau de l'entrée du chemin [Cadastre 23] car en recul de plus de quarante mètres supplémentaires. 3-2 - chemin de l'actuelle assiette du droit de passage (parcelle [Cadastre 23]) : je constate que l'entrée de ce chemin en parcelle [Cadastre 23] est dépourvue de signalisation routière et de sécurité. Il n'existe qu'un panonceau mentionnant les lieux-dits '[Adresse 34]' et '[Adresse 29]'. J'ai ensuite mesuré la largeur du chemin à l'entrée : elle est de 3,20 mètres au niveau de la borne'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en sus d'un défaut d'entretien patent du chemin litigieux, non utilement démenti par les deux pièces précitées produites par les appelants que ledit chemin, par sa situation, est en pente et n'a manifestement pas fait l'objet, lors de sa création, de travaux de décaissement et empierrement suffisants ni des aménagements nécessaires tels que des fossés pour l'évacuation de l'eau. Du fait de ces ruissellements d'eau, le chemin reste gorgé d'eau, ce qui contribue à sa dégradation, laquelle est aggravée par le passage des engins agricoles des autres propriétaires riverains qui empruntent ce même chemin. L'ancienne assiette du droit de passage qui portait pour partie sur la parcelle [Cadastre 24], bien qu'elle bénéficiait de la même manière aux agriculteurs riverains, ne présentait pas ces difficultés puisque, comme précisé par l'huissier le 16 février 2021, elle se situait en contre haut, n'accusant pas de pentes et côtes importantes, ce qui permettait la circulation des eaux pluviales sans stagnation de celles-ci. Le passage d'engins agricoles sur un chemin sec entraînait ainsi une bien moindre érosion du revêtement.

Par ailleurs, si les appelants justifient de ce que les services d'incendie et de secours peuvent accéder sans difficulté à la propriété des intimés en empruntant le chemin 661, il convient de relever à la lecture du constat d'huissier du 16 février 2021 que l'examen comparatif des deux entrées, chemins 661 et 662, conduit à privilégier, en termes de commodité, l'ancien passage, parfaitement signalé (balise d'intersection, marquage de stop au sol et panneau stop), lequel dessert pour une portion la propriété des appelants.

Enfin, les appelants ne sauraient comparer la situation des intimés avec celle des autres bénéficiaires de la servitude de passage qui seraient pour leur part satisfaits de la modification de l'assiette. En effet, il s'agit d'agriculteurs qui empruntent le nouveau chemin 661 à des fins exclusives d'exploitation de leurs parcelles agricoles et qui n'utilisent que des engins agricoles de sorte que l'usage est bien différent de celui des intimés.

De l'ensemble, il résulte que le premier juge a, à bon droit, retenu que le passage par le chemin [Cadastre 23] actuellement proposé par les propriétaires du fonds servant est moins commode que celui qui desservait le fonds des intimés de 2006 à 2011.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'assiette de la servitude de passage au profit des intimés selon le tracé qui existait avant 2011, sauf à rectifier l'erreur matérielle portant sur le numéro de parcelle du fonds servant, qui n'est pas A [Cadastre 3] mais A [Cadastre 24]. Il sera rappelé à toutes fins utiles que la servitude s'exerce également pour une portion sur la parcelle [Cadastre 22] des appelants, ce qui ne fait l'objet d'aucune discussion.

Il n'est pas nécessaire de dire que cette servitude devra être tous usages et permettre ainsi le passage de tous types de véhicules puisque cette disposition prévue par le premier juge et non frappée d'appel, est devenue définitive.

S'agissant de la demande complémentaire des intimés tendant à 'condamner les époux [Z] à remettre en état le passage sous astreinte de 150 euros par jour de retard', il convient de constater, au regard des indications données par l'huissier le 16 février 2021, que l'assiette de la servitude déterminée ci-avant par la cour, s'agissant de la parcelle [Cadastre 24], se trouve encombrée : 'je constate que l'ancienne assiette du droit de passage sur la parcelle [Cadastre 24] n'est pas rétablie : le passage est toujours bouché par un gros roncier. Sur la partie située juste avant le roncier, je constate que le sol est stabilisé, constitué d'agrégats tout-venant. L'herbe les adventices développent néanmoins sur ce sol.' L'huissier de justice mandaté le 31 juillet 2020 par les appelants avait également mis en évidence la présence, derrière l'ancienne porcherie servant désormais d'atelier de travail, de matériaux et de véhicules (une camionnette une remorque).

Il convient au vu de ces éléments de faire droit à la demande des intimés et de condamner les appelants à exécuter les travaux de remise en état de l'assiette de la servitude dont ils sont débiteurs sur la parcelle [Cadastre 24].

Pour assurer l'exécution du présent arrêt dans les meilleurs délais tout en tenant compte du délai nécessaire pour faire réaliser les travaux de remise en état de l'ancien passage par la parcelle [Cadastre 24], il y a lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant 4 mois, qui commencera à courir dans un délai de 5 mois à compter de la signification du présent arrêt.

II- Sur la demande indemnitaire

Le tribunal a débouté les intimés de leur demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, retenant qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'une faute commise par les appelants qui avaient compris qu'ils étaient d'accord avec la modification de l'assiette du droit de passage permettant un accès direct à leur propriété. Le tribunal a également souligné que le préjudice de jouissance n'est pas caractérisé dans la mesure où les époux [W] ont toujours bénéficié d'un droit de passage.

Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés réitèrent leur demande indemnitaire de 10.000 euros pour trouble de jouissance, sur la base de 1.000 euros par année. Ils font valoir que l'accès mis en place à leur parcelle par les appelants dévalorise leur propriété, qu'il rebute les visiteurs, leurs proches espaçant leur venue, ne souhaitant pas traverser un 'bourbier' pour arriver jusqu'à chez eux. Ils indiquent que pour leur part, l'utilisation quotidienne du chemin est compliquée, leur fils ne pouvant pas utiliser sa moto. Les intimés signalent également que les différents sites d'itinéraires tels que Mappy, Michelin, Google Map font toujours apparaître l'ancienne route, tout comme les cartes papiers des pompiers dont ils se servent pour leurs interventions. Ils font donc état de leur crainte si un drame devait arriver sur leur propriété, les secours auraient du mal non seulement à parvenir chez eux mais également à trouver leur domicile. Par ailleurs, les intimés déplorent que le chemin qu'on leur force à prendre est utilisé quasi quotidiennement par des engins agricoles qui contribuent à sa dégradation. Ils rapportent avoir dû investir dans un tracteur et une épareuse pour tailler des haies qui ne leur appartiennent pas car ils ne pouvaient pas passer. Ils estiment aussi que la sortie sur la départementale est périlleuse et source de stress chaque fois qu'ils sortent de leur propriété compte tenu de l'absence de signalisation surtout de nuit ou par temps de brouillard ou de pluie. Les intimés considèrent que cette situation, générée par la modification unilatérale de l'assiette de la servitude, est subie et contribue à les isoler de plus en plus.

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants répondent que le chemin numéroté 661 facilite l'accès des intimés à leur propriété en créant une voie directe et que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces derniers étaient favorables en 2010, 2011 à la création de ce nouveau chemin et ne sauraient prétendre que cet accès leur aurait été imposé. Ils ajoutent que le préjudice de jouissance n'est absolument pas caractérisé dans la mesure où les intimés ont toujours bénéficié d'un droit de passage. Face à l'argumentation adverse, ils rappellent qu'il appartient aux intimés, propriétaires du fonds dominant, d'entretenir les ouvrages nécessaires à l'usage et à la conservation de la servitude, ce qu'ils n'ont jamais fait alors même qu'ils l'empruntent quotidiennement depuis 2011. Les appelants contestent la description adverse du chemin 661, indiquant que celui-ci est régulièrement entretenu par l'ensemble des personnes qui l'utilisent à l'exception des intimés. S'agissant de l'accès de la propriété des intimés, les appelants soulignent que le chemin 661 est régulièrement emprunté par l'ensemble des personnes souhaitant se rendre au lieu-dit [Adresse 29], étant ainsi utilisé régulièrement par des camionnettes de livraison et quotidiennement par le facteur puisque la boîte aux lettres des intimés se situe après le chemin 661 et le chemin 643. Ils stigmatisent la mauvaise foi de leurs contradicteurs qui auraient découvert que le chemin 661 est introuvable et impraticable après avoir pourtant réalisé d'importants travaux pour leur propriété qui ont impliqué l'utilisation dudit chemin par de nombreux camions de livraison de matériaux et autres toupies à béton. S'agissant de l'accès à leur fonds par les services de secours et l'identification par les différents sites d'itinéraires du chemin 661 pour y accéder, les appelants développent les mêmes moyens que précédemment. Enfin, ils signalent que les éventuels manquements dans la signalisation invoqués par leurs contradicteurs ne peuvent leur être imputés puisqu'ils n'ont pas en charge la gestion de la voirie départementale.

Sur ce, la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, les intimés ont toujours bénéficié d'un droit de passage et donc d'un accès direct à la voie publique, permettant d'assurer le désenclavement de leur fonds.

Néanmoins, force est de constater que ce passage dont il vient d'être démontré le caractère moins commode que celui précédemment emprunté, occasionne pour les appelants, depuis plusieurs années et à tout le moins depuis février 2017, date de leur premier courrier revendiquant le rétablissement de l'ancienne assiette de servitude, des désagréments notables pour l'accès à leur propriété. Ils sont contraints, ainsi que les personnes se rendant chez eux, d'adapter leur conduite au chemin en évitant les ornières, nids-de-poule ainsi que les ronces bordant ledit chemin et leurs véhicules légers (voiture et moto) sont régulièrement salis et empoussiérés.

Les appelants ne peuvent valablement opposer aux intimés une carence de leur part dans leur obligation d'entretien du chemin 661 alors qu'au bénéfice de ce qui précède, la création de celui-ci résulte d'une modification unilatérale de l'assiette de la servitude réalisée en méconnaissance des dispositions de l'article 701 du code civil.

En tout état de cause, l'usage partagé dudit chemin avec des agriculteurs riverains conduisant des engins agricoles ne permet pas d'imposer aux propriétaires du fonds dominant une charge d'entretien équivalente, étant observé que les intimés sont actuellement les seuls à emprunter, en véhicules légers, ce tracé pour rejoindre leur maison d'habitation, ne partageant plus comme avant une partie du même chemin avec les appelants.

Au regard de ce qui précède, les intimés justifient de la réalité d'un préjudice de jouissance et il leur sera alloué à ce titre une somme de 4.000 euros. Le jugement sera réformé en ce sens.

III- Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants qui succombent en leurs demandes seront condamnés aux dépens d'appel, dont distraction au profit du conseil des intimés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient également de condamner solidairement les appelants à payer aux intimés une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel exposés par eux, sans qu'il y ait lieu d'accueillir leur demande formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal judiciaire de Laval du 29 juin 2020 sauf en ses dispositions ayant débouté les époux [W] de leur demande de dommages et intérêts et sauf à rectifier l'erreur matérielle commise dans le dispositif sur la numérotation de la parcelle appartenant aux époux [Z] et partie de l'assiette de la servitude dont bénéficient les époux [W],

RECTIFIE l'erreur matérielle figurant dans le dispositif du jugement entrepris en ce qu'il y a lieu de lire, en lieu et place de 'parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A numéro [Cadastre 3] appartenant aux époux [Z]' :

'parcelle cadastrée commune de [Localité 26] section A numéro [Cadastre 24] appartenant aux époux [Z]'

Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] à exécuter les travaux de remise en état de l'assiette de la servitude dont ils sont débiteurs sur la parcelle cadastrée section A [Cadastre 24] située sur la commune de [Localité 26], sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant 4 mois, qui commencera à courir dans un délai de 5 mois à compter de la signification du présent arrêt,

RAPPELLE que la servitude dont bénéficient M. [N] [W] et Mme [Y] [W] s'exerce également pour une portion sur la parcelle cadastrée section A [Cadastre 22] appartenant à M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] et située sur la commune de [Localité 26],

CONDAMNE solidairement M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] à payer à M. [N] [W] et Mme [Y] [W] la somme de 4.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

CONDAMNE solidairement M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] à payer à M. [N] [W] et Mme [Y] [W] la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. [P] [Z] et Mme [A] [Z] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

T. DA CUNHA C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 20/01078
Date de la décision : 27/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-27;20.01078 ?
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