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20/08/2024 | FRANCE | N°20/01480

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 20 août 2024, 20/01480


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE





LE/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 20/01480 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXBS



jugement du 08 Septembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 19/02240



ARRET DU 20 AOUT 2024



APPELANTE :



S.A.S. A2O PERFORMANCE, anciennement dénommée SAS NEOVITA représentée par son Président M. [M] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Peggy MA

HAIS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20010107



INTIMEES :



Madame [J] [L], assistée de sa curatrice Madame [Y] [L] épouse [N]

née le 28 Mars 1956 à [Localité 8] (49)

[Adresse...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

LE/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 20/01480 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXBS

jugement du 08 Septembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 19/02240

ARRET DU 20 AOUT 2024

APPELANTE :

S.A.S. A2O PERFORMANCE, anciennement dénommée SAS NEOVITA représentée par son Président M. [M] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Peggy MAHAIS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20010107

INTIMEES :

Madame [J] [L], assistée de sa curatrice Madame [Y] [L] épouse [N]

née le 28 Mars 1956 à [Localité 8] (49)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [Y] [L] épouse [N], agissant ès-qualité de curatrice de Mme [J] [L]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentées par Me Rémi HUBERT, substituant Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD - GUILLOU, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier 200358

INTIMEE EN INTERVENTION FORCEE :

S.E.L.A.R.L. [V] [H] prise en la personne de Me [V] [H] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS A20 PERFORMANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 18 Mars 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Monsieur WOLFF, conseiller

Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Madame GNAKALE

Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 20 août 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Leila ELYAHYIOUI, vice-présidente placée, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant décision du 8 septembre 1994, le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Angers a ouvert au bénéfice de Mme [J] [L] une mesure de curatelle confiée à sa s'ur, Mme [Y] [L] épouse [N]. La protection a cessé le 31 décembre 2013.

Une nouvelle mesure a été prononcée par le juge des tutelles le 12 juin 2018.

La société Neovita a, dans le cadre d'un démarchage au domicile de Mme [J] [L] régularisé avec cette dernière, le 7 juillet 2017, un bon de commande portant sur des travaux de changement de couverture complète en ardoise naturelle et d'isolation sous toiture d'un montant de 19.700 euros financé au moyen d'un crédit affecté remboursable en 176 mensualités de 173,78 euros.

Le 16 octobre 2017, la société Neovita a adressé une facture de 19.300 euros à Mme [J] [L] pour changement d'ardoises, isolation sous toiture et changement des liteaux.

Par exploit du 9 octobre 2019, Mme [J] [L], assistée de sa curatrice Mme [Y] [L] épouse [N], a saisi le tribunal de grande instance d'Angers d'une demande contre la SAS Neovita aux fins de voir annuler pour vice du consentement voire pour non-conformité aux règles du Code de la consommation, le marché de travaux ayant fait l'objet du bon de commande du 7 juillet 2017.

Suivant jugement du 8 septembre 2020, le tribunal judiciaire d'Angers a :

- prononcé la nullité du contrat du 7 juillet 2017 de travaux de changement de couverture complète en ardoise naturelle et d'isolation sous toiture entre les parties,

- condamné la SAS Neovita à payer à Mme [J] [L], assistée de sa curatrice Mme [Y] [L], épouse [N], la somme de 19.300 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 octobre 2019,

- condamné la SAS Neovita à payer à Mme [J] [L], assistée de sa curatrice Mme [Y] [L], épouse [N], la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS Neovita aux dépens conformément à de l'article 699 du Code de procédure civile (sic).

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 novembre 2020, la SAS A2O Performance anciennement dénommée SAS Neovita a interjeté appel de cette décision en son entier dispositif intimant dans ce cadre Mme [J] [L] et sa curatrice es qualités.

Suivant conclusions déposées le 15 avril 2021, l'intimée assistée, a formé appel incident de ce jugement.

Par jugement du 26 mai 2021, le tribunal de commerce de céans a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS A2O Performance et a désigné la SELARL [V] [H], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur.

Dans ces conditions et par acte d'huissier délivré à personne habilitée le 24 mars 2022, Mme [L] et sa curatrice ont fait assigner le liquidateur en lui signifiant la déclaration d'appel, les conclusions de l'appelante ainsi que les leurs.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2024 et l'audience de plaidoiries fixée au 18 mars de la même année conformément aux prévisions d'un avis du 21 décembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses uniques écritures déposées le 29 janvier 2021, la SAS A2O Performance anciennement Neovita demande à la présente juridiction de :

Vu le Code civil et notamment les articles 414-1 et 464,

Vu le Code de la consommation et notamment les articles L221-5 et R221-3,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 en ce qu'il prononce la nullité du contrat conclu le 7 juillet 2017 entre Mme [J] [L] et elle,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 en ce qu'il la condamne à payer à Mme [J] [L] la somme de 19.300 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 9 octobre 2019,

- infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 en ce qu'il la condamne à payer à Mme [J] [L] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure [civile'],

- confirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 en ce qu'il rejette la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts,

- condamner Mme [J] [L] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 8 juillet 2021, Mme [L] et sa curatrice demandent à la présente juridiction de :

- confirmer le jugement rendu le 8 septembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Angers, sous la réserve qui va suivre,

- prononcer la nullité du contrat du 7 juillet 2017 de travaux de changement de couverture complète en ardoise et d'isolation sous toiture entre les parties,

- vu la liquidation judiciaire de la SAS A2O Performance suivant jugement du tribunal de commerce d'Angers du 26 mai 2021 ayant désigné la SELARL [V] [H] en qualité de liquidateur judiciaire, fixer au passif de ladite procédure collective sa créance à la somme de 19.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée [de sa demande tendant à l'obtention d'une condamnation'] à lui payer 10.000 euros à titre de dommage et intérêts,

- fixer au passif de ladite procédure collective la somme de 10.000 euros le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués,

Subsidiairement :

- fixer au passif de ladite procédure collective un montant de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Dans tous les cas :

- condamner la SELARL [V] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS A2O Performance à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel après avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Angers qui lui avait alloué une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du contrat :

En droit, les articles L 221-5, L 221-9 et L 242-1 du Code de la consommation en leurs versions applicables disposent notamment que : 'Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat',

'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

(...)

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5",

'Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement'.

Le premier juge reprenant la chronologie tant des mesures de protection que des faits objet de la présente procédure ; rappelant que des travaux d'isolation avaient déjà été entrepris en 2005 et 2016 ; observant que le médecin traitant de la majeure protégée attestait du fait que l'état de sa patiente n'avait pas évolué entre 2014 et 2018, a retenu que la défenderesse en tant que professionnelle ne pouvait ignorer l'inutilité totale du contrat qu'elle proposait au regard des travaux d'ores et déjà réalisés. Il a donc été considéré que l'entreprise avait manqué à son devoir de conseil et méconnu l'inaptitude de la cliente à défendre ses intérêts (absence de possibilité de procéder au paiement de travaux sans intérêt sans souscription d'un prêt). Par ailleurs, il a été souligné que le contrat ne respectait pas les prévisions du Code de la consommation s'agissant des mentions obligatoires quant au droit de rétractation. Dans ces conditions l'annulation du contrat a été prononcée 'aux torts exclusifs de la SAS Neovita' qui a été condamnée à rembourser le prix.

Aux termes de ses uniques écritures, l'appelante observe qu'au jour du contrat sa cliente disposait d'une pleine capacité depuis près de quatre ans, le juge des tutelles ayant considéré que son état ne justifiait plus d'une mesure de curatelle en 2013. Dans ces conditions, il est contesté que les 'déficiences de Mme [L] seraient continues'. S'agissant de l'insanité d'esprit, elle rappelle qu'il appartient à celui qui l'invoque de prouver son existence au moment où l'acte a été passé. Or en l'espèce, les pièces produites font état d'une déficience intellectuelle légère de Mme [L] et en tout état de cause datent de 2018 et 2019, et sont donc bien postérieures au contrat alors même que le juge des tutelles avait, antérieurement, considéré que l'état de la majeure ne justifiait plus d'une mesure de protection. S'agissant de l'article 464 du Code civil, l'appelante indique qu'il 'n'a vocation à s'appliquer que dans des hypothèses où l'inaptitude de la personne à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue de son cocontractant à l'époque de la conclusion du contrat', ce qui n'est pas le cas en l'espèce. A ce titre, elle observe que 'le jugement, qui semble avoir retenu les dispositions de l'article 464 (...) est grandement critiquable sur ce point. En effet les juges de première instance semblent avoir considéré que l'inaptitude de Mme (...) à défendre ses intérêts était connue de la société dans la mesure où, celle-ci aurait accepté un devis d'un montant très élevé pour une prestation inutile sans en avoir le financement hors emprunt'. Or elle rappelle que nombre de ses clients font financer le changement de leur toiture, qu'au surplus le crédit a été accordé ce qui établit la solvabilité de la cliente et qu'enfin les travaux antérieurement réalisés ne correspondent pas à ceux objet de la présente procédure (isolation contre changement de toiture). Enfin, s'agissant du droit de rétractation, elle souligne que ses conditions générales exposent l'intégralité des modalités d'exercice de ce droit et que le contrat comporte le formulaire détachable idoine. Elle en déduit que la convention est valable.

Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée assistée de sa curatrice indique que si le contrat a été conclu à une période au cours de laquelle elle ne bénéficiait d'aucune mesure de protection, il n'en demeurait pas moins que son état est constant, les difficultés liées à la déficience intellectuelle qu'elle présente existant depuis l'enfance. Ainsi, qu'une mesure de protection existe ou non, elle se trouvait 'dans l'incapacité d'apprécier les engagements qu'elle prenait au sens de l'article L 121-8 du Code de la consommation'. Or au regard d'un contrat conclu en juillet 2017 et d'une mesure de protection reprise en juin suivant (outre les certificats médicaux produits), l'absence de capacité intellectuelle suffisante de Mme [L] pour souscrire l'acte litigieux est établie. A ce titre elle souligne que 'la jurisprudence a également rappelé en pareille matière que (...) celui qui revendique la validité d'un acte doit démontrer l'existence d'un instant de lucidité' ce qui ne peut être le cas en l'espèce, l'ensemble des attestations produites établissant notamment le caractère très apparent et continu des difficultés qu'elle rencontre. Au demeurant, elle souligne que sa faiblesse était tellement apparente que quatre démarcheurs se sont successivement rendus à son domicile. Par ailleurs, elle précise que le bon de commande litigieux, souscrit dans le cadre d'un démarchage à son domicile ne respecte par les prévisions de l'article L. 221-5 du Code de la consommation dès lors qu'il 'n'est pas conforme à l'annexe de l'article R. 221-3" de ce même code et que 'le délai de rétractation de 14 jours n'est pas mentionné et ne figurent pas non plus les conséquences et les effets de la rétractation que le Code de la consommation impose à peine de nullité'.

Sur ce :

En l'espèce le modèle type relatif au droit de rétractation et présenté par l'annexe à l'article R 221-3 du Code de la consommation, en sa version applicable, précisait notamment :

'Droit de rétractation

Vous avez le droit de vous rétracter du présent contrat sans donner de motif dans un délai de quatorze jours.

Le délai de rétractation expire quatorze jours après le jour de la conclusion du contrat.

Pour exercer le droit de rétractation, vous devez nous notifier ['] votre décision de rétractation du présent contrat au moyen d'une déclaration dénuée d'ambiguïté (par exemple, lettre envoyée par la poste, télécopie ou courrier électronique). Vous pouvez utiliser le modèle de formulaire de rétractation mais ce n'est pas obligatoire.

Pour que le délai de rétractation soit respecté, il suffit que vous transmettiez votre communication relative à l'exercice du droit de rétractation avant l'expiration du délai de rétractation.

Effets de rétractation

En cas de rétractation de votre part du présent contrat, nous vous rembourserons tous les paiements reçus de vous, y compris les frais de livraison (à l'exception des frais supplémentaires découlant du fait que vous avez choisi, le cas échéant, un mode de livraison autre que le mode moins coûteux de livraison standard proposé par nous) sans retard excessif et, en tout état de cause, au plus tard quatorze jours à compter du jour où nous sommes informés de votre décision de rétractation du présent contrat. Nous procéderons au remboursement en utilisant le même moyen de paiement que celui que vous aurez utilisé pour la transaction initiale, sauf si vous convenez expressément d'un moyen différent ; en tout état de cause, ce remboursement n'occasionnera pas de frais pour vous'.

['] - le modèle type précisant à ce niveau : '(2) Insérez votre nom, votre adresse géographique et, lorsqu'ils sont disponibles, votre numéro de téléphone, votre numéro de télécopieur et votre adresse électronique'.

Or les conditions générales du contrat litigieux sont ainsi rédigées : '13. Délais de rétractation

Vous avez le droit de vous rétracter du présent contrat sans donner de motif dans un délai de quatorze jours. Toutefois, bien que le droit de rétractation soit en principe général, dans certaines situations particulières (voir au verso), vous ne pouvez pas exercer votre de droit de rétractation. Le délai de rétractation expire quatorze jours après le jour de la conclusion du contrat. Pour exercer le droit de rétractation, vous devez nous notifier : votre nom, votre adresse géographique et, lorsqu'ils sont possibles, votre numéro de téléphone, votre numéro de télécopieur et votre adresse électronique, ainsi que votre décision de rétractation du présent contrat au moyen d'une déclaration dénuée d'ambiguïté (par exemple, lettre envoyée par la poste, télécopie ou courrier électronique dès lors que les coordonnées sont disponibles et de ce fait apparaissent sur le bordereau de rétractation). Vous pouvez utiliser le modèle de formulaire de rétractation mais ce n'est pas obligatoire. Pour que le délai soit respecté, il suffit que vous transmettiez votre communication relative à l'exercice du droit de rétractation avant l'expiration de ce délai.

Dans tous les cas, la charge de la preuve de cet exercice repose sur le client.

En cas de rétractation de votre part du présent contrat, nous vous remboursons tous les paiements reçus de vous sans retard excessif et, en tout état de cause, au plus tard quatorze jours à compter du jour où nous sommes informés de votre décision de rétractation du présent contrat.

Nous procéderons au remboursement en utilisant le même moyen de paiement utilisé pour la transaction initiale. Avec votre accord exprès, un autre moyen peut être utilisé. En tout état de cause, ce remboursement n'occasionnera pas de frais pour vous'.

De plus le recto de ce contrat précise notamment 'Si le client souhaite expressément que l'exécution du contrat commence avant la fin du délai de rétractation mentionné à l'article L 121-21 du Code de la consommation (...), il mentionne ci-dessous son accord (...). Si le client décide néanmoins de se rétracter durant le délai, il est informé qu'il devra verser à l'entreprise un montant correspondant au service qui aura été fourni jusqu'à la communication de sa décision de se rétracter. Ce montant sera proportionnel à la part du contrat effectivement réalisée, en comparaison du prix de l'ensemble de la prestation convenu dans le contrat.

En application du Code de la consommation, le client ne peut pas se rétracter si le contrat a été pleinement exécuté avant la communication de sa décision de se rétracter, ou encore si le délai de rétractation est expiré'.

Il résulte de ce qui précède que la mention présentée aux conditions générales d'une part ajoute une restriction au droit de rétractation que le modèle-type et partant le Code de la consommation ne prévoient pas, savoir l'exécution complète de la prestation commandée et d'autre part ajoute au modèle-type des considérations de preuve qui n'y figurent pas.

De plus, s'agissant des conséquences de l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation, le contrat précise que si la prestation est partiellement réalisée, elle demeure facturable à proportion de ce qui a d'ores et déjà été entrepris au regard du coût de l'ensemble de la commande. Or le modèle type ne prévoit aucunement une telle possibilité, l'annexe au Code de la consommation, présentant uniquement l'incise suivante : 'Si vous avez demandé de commencer la prestation de services ou la fourniture d'eau/de gaz/d'électricité/de chauffage urbain [supprimer les mentions inutiles] pendant le délai de rétractation, vous devrez nous payer un montant proportionnel à ce qui vous a été fourni jusqu'au moment où vous nous avez informé de votre rétractation du présent contrat, par rapport à l'ensemble des prestations prévues par le contrat'. Or cette adjonction ne vise que certains cas qui sont expressément énumérés (prestation de service, eau, gaz...) et non pas les changements de toiture voire les travaux d'isolation qui ne peuvent s'analyser en un contrat de prestation de service dès lors qu'il est constant que la convention 'ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilée à un contrat de vente' (cf. notamment 1re Civ., 12 juillet 2023, pourvoi n°21-25.671).

Il résulte de l'ensemble que le contrat produit ne respecte pas les prévisions du Code de la consommation relatives au droit de rétractation dans le cadre de contrat conclu en suite d'un démarchage à domicile, rendant ainsi plus difficile voire même fermant la possibilité pour le consommateur d'exercer un droit qui lui est par ailleurs légalement accordé.

Dans ces conditions le contrat litigieux ne respecte pas le formalisme consumériste de sorte qu'il encourt l'annulation, la décision de première instance doit donc être confirmée par substitution de motifs, sauf à préciser que la restitution du prix correspond à une fixation au passif de la procédure collective (la créance ayant été déclarée).

Sur la demande en réparation :

Le premier juge considérant qu'aucun préjudice n'était établi, en raison de l'annulation du contrat, a rejeté la demande en réparation.

Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée assistée de sa curatrice soutient qu'il 'est question d'un démarcheur professionnel ayant abusé de la crédulité d'une personne notoirement fragile sur le plan intellectuel, et ce dans l'unique dessein de la déterminer à s'engager dans des travaux que le professionnel savait notoirement inutiles et excessivement coûteux' au regard d'un prêt impliquant des remboursements de plus de 29.500 euros. Elle en déduit que l'annulation du contrat est insuffisante à réparer son préjudice dès lors qu'elle demeure redevable des intérêts et frais de l'emprunt. Elle souligne par ailleurs subir un préjudice moral 'correspondant aux désagréments occasionnés par la découverte de l'abus de faiblesse et le refus injustifié [de sa contradictrice] de trouver une issue amiable', ce qui n'a pas été le cas des autres sociétés l'ayant démarchée.

Aux termes de ses écritures, l'appelante souligne que s'il lui est reproché un 'abus de confiance sur personne vulnérable', elle a d'ores et déjà pu établir qu'elle 'n'avait aucune raison de ne pas contracter' avec Mme [L] 'qui était saine d'esprit'. Au surplus, elle souligne avoir exécuté sa prestation en mettant en oeuvre une toiture en ardoises naturelles.

Sur ce :

En l'espèce, il doit être souligné que le contrat de prêt étant accessoire au bon de commande litigieux, l'annulation de celui-ci influe nécessairement sur la validité du premier. Dans ces conditions, il ne peut aucunement être considéré que le préjudice lié au paiement d'intérêts et autres frais liés à l'emprunt soit en lien avec le comportement de l'appelante. Les demandes formées à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

Cependant s'agissant des plus amples dommages il est fait grief à l'appelante, en connaissance de sa situation de fragilité, d'avoir incité l'intimée désormais protégée à contracter à son détriment des engagements aussi onéreux qu'inutiles, ce qui lui cause un préjudice moral.

A ce titre, s'il est constant qu'au jour du contrat litigieux Mme [J] [D] ne bénéficiait d'aucun régime de protection, il n'en demeure pas moins qu'en dehors de cette période comprise entre 2014 et le mois de juin 2018 et à compter du mois de septembre 1994, elle a bénéficié de manière continue du soutien apporté par une mesure de curatelle qui a même pu être renforcée.

A ce titre, le médecin généraliste la suivant a pu attester courant 2019 de la stabilité de l'état psychique de sa patiente qui n'a pas connu 'd'amélioration' au cours de la période d'interruption de la protection. S'agissant de la description de son état le médecin psychiatre ayant procédé, courant janvier 2018, à l'examen médical rendu nécessaire aux fins de réouverture d'une mesure de curatelle a pu indiquer que : 'Mme [L] [J] présente une déficience intellectuelle légère. Ses acquis scolaires sont extrêmement modestes. Elle présente une altération de ses facultés mentales.

Sur le plan de sa scolarité, elle a interrompu sa scolarité fin primaire, puis a intégré une maison familiale. Ses acquis scolaires sont très réduits. Elle présente une difficulté à comprendre les textes un peu complexes. Ses capacités de compréhension et de raisonnement sont modestes. Elle n'est pas capable de réaliser une soustraction.

Elle vit seule. Elle est aidée par ses frères et s'urs.

Elle est divorcée. Elle a 3 enfants. Elle a travaillé comme femme d'entretien à la mairie de [Localité 8].

Elle a déjà été sous curatelle. Elle avait été levée en 2014.

Depuis elle est en grande difficulté financière en raison de dépenses inconsidérées en frais de rénovations de son logement.

Elle est vulnérable et influençable. Elle a besoin d'aide dans la gestion de ses biens et dans ses démarches administratives'.

Ce constat est au demeurant confirmé par le contrat d'insertion conclu courant 1992 par l'intimée qui précisait que les moyens mis en oeuvre aux fins d'envisager 'une réinsertion améliorant durablement [sa] condition sociale' comportaient une 'participation à des cours individuels d'alphabétisation'.

Il résulte de ce qui précède que la particulière vulnérabilité de Mme [J] [L] est établie, son influençabilité étant relevée par le médecin psychiatre ainsi que son incapacité à pourvoir seule à ses intérêts patrimoniaux et personnels, praticien qui souligne d'ailleurs que 'sa déficience intellectuelle et sa vulnérabilité sont de nature à réduire l'expression de sa volonté'.

S'agissant du caractère apparent voire manifeste de cet état de vulnérabilité, l'intimée assistée communique aux débats diverses attestations émanant de :

- Mme [O], adjointe à la mairie au sein de laquelle la majeure a pu être employée qui précise : 'elle rencontre des difficultés de compréhension et n'est pas capable de prendre des responsabilités',

- son frère qui indique : 'elle a de grosses difficultés de langage et de compréhension raison pour lesquelles on se rend compte tout de suite d'une personne vulnérable' (sic),

- Mme [K] présidente d'une association (lieu de rencontres et d'activités) de seniors à [Localité 8] qui expose : 'je me rends compte que c'est difficile d'engager une conversation même sur un sujet simple, elle ne répond que par oui. Pour la belote elle n'est pas capable de compter les points ; il est donc facile de l'influencer et de constater rapidement ses capacités intellectuelles limitées',

- Mme [S] qui indique : 'connaître Mme [L] [J] et percevoir très vite que lorsqu'on discute avec elle, on se rend vite compte que c'est difficile d'échanger et qu'elle a des difficultés de langage et de compréhension'.

Il résulte de ce qui précède que si le témoignage du frère de l'intimée pourrait le cas échéant être considéré comme subissant une forme d'influence liée à l'affection résultant des liens familiaux, les deux dernières attestations ci-avant mentionnées qui viennent confirmer les affirmations du premier permettent d'exclure une telle considération.

Il s'en déduit que les fragilités de l'intimée sont non seulement manifestes mais également très rapidement constatables.

Ainsi et alors même que l'appelante ne pouvait donc ignorer cette vulnérabilité, dès lors que les difficultés de compréhension et de langage de Mme [L] étaient manifestes, la professionnelle, au surplus dans le cadre d'un démarchage au domicile de sa cliente (mode de commercialisation plaçant le consommateur dans une plus grande vulnérabilité justifiant ainsi d'un régime légal de protection particulier) lui a fait souscrire des prestations dont la nécessité n'apparaît pas établie. En effet si elle a vendu courant 2017 une isolation sous toiture par thermoreflexion, l'intimée démontre que courant 2005 elle avait déjà fait procéder à l'isolation des plafonds de l'étage de son immeuble.

Il résulte de ce qui précède que l'appelante a profité de la vulnérabilité manifeste de l'intimée pour lui vendre des prestations inutiles ce qui est de nature à causer un préjudice moral à la personne dont il a ainsi été tiré profit de la faiblesse.

Dans ces conditions, la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande en réparation d'un préjudice moral et la créance de réparation de l'intimée fixée au passif de l'appelante à hauteur de 5.000 euros.

Sur les demandes accessoires :

L'appelante qui succombe doit supporter les dépens ainsi qu'une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME, par substitution de motifs et dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal judiciaire d'Angers du 8 septembre 2020, sauf d'une part en celle de ses dispositions ayant rejeté la demande en réparation d'un préjudice moral et d'autre part à préciser que la condamnation de la société Noevita devenue SAS A2O Performance correspond désormais à une fixation au passif de sa procédure collective ;

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

FIXE au passif de la procédure collective de la SAS A2O Performance la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au profit de Mme [J] [L] en réparation du préjudice moral subi par cette dernière ;

FIXE au passif de la procédure collective de la SAS A2O Performance la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au profit de Mme [J] [L] en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

FIXE au passif de la procédure collective de la SAS A2O Performance les dépens liés à l'appel qu'elle a interjeté ;

LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE, empêchée

T. DA CUNHA L. ELYAHYIOUI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 20/01480
Date de la décision : 20/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-20;20.01480 ?
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