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16/07/2024 | FRANCE | N°23/00132

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 16 juillet 2024, 23/00132


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







JC/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 23/00132 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FDNS



jugement du 30 Décembre 2022

Juge des contentieux de la protection du Mans

n° d'inscription au RG de première instance 1122000285



ARRET DU 16 JUILLET 2024



APPELANTE :



Madame [T] [V] épouse [E]

née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 5] (72)

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridicti

onnelle Totale numéro 49007-2023-000665 du 07/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)



Représentée par Me Alain PIGEAU de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 23/00132 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FDNS

jugement du 30 Décembre 2022

Juge des contentieux de la protection du Mans

n° d'inscription au RG de première instance 1122000285

ARRET DU 16 JUILLET 2024

APPELANTE :

Madame [T] [V] épouse [E]

née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 5] (72)

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 49007-2023-000665 du 07/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représentée par Me Alain PIGEAU de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat au barreau du MANS substitué par Me Jean-Baptiste VIGIN

INTIMEE :

Madame [S] [P]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5] (72)

[Adresse 2]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-49007-2023-00811 du 07/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représentée par Me François ROUXEL, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 15 Avril 2024 à 14'H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Julien CHAPPERT, conseiller, pour la présidente de chambre empêchée et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 6 mars 2009, Mme [T] [V] épouse [E] a procédé à un échange de son véhicule Renault Laguna avec le véhicule Mercédès Classe A 170 de M.'[C] [O].

Le 24 mars 2009, Mme [S] [P] a fait l'acquisition auprès de Mme'[V] de ce véhicule Mercédès Classe A 170, moyennant le prix de 5 500 euros.

Par un jugement du 15 septembre 2010, le tribunal de grande instance du Mans a prononcé la résolution de cette vente du 24 mars 2009 et a notamment':

"- condamné Mme [V] à rembourser à Mme [P] le prix de 5 500 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement et dit que le véhicule Mercédès devra être restitué à Mme [V] contre remboursement du prix de vente, (...)

- prononcé la résolution de l'échange intervenu le 6 mars 2009 entre M. [O] et Mme [V] et dit que M. [O] devra restituer à Mme [V] le véhicule Renault Laguna que celle-ci lui a remis contre remise par celle-ci du véhicule Mercédès A 170,

- dit qu'au cas où M. [O] ne pourrait restituer le véhicule Renault, il sera condamné à verser à Mme [V] une somme de 5 500 euros,

- condamné encore M. [O] à garantir Mme [V] de toutes condamnations financières prononcées à son encontre'

La cour d'appel d'Angers a confirmé le jugement en ces dispositions, par un arrêt du 7 février 2012, en précisant néanmoins que "(...) M. [O] sera condamné à payer la somme de 5 500 euros à Mme [T] [V] à défaut de restitution du véhicule Renault Laguna dans un délai de 15 jours suivant une sommation".

En exécution de cet arrêt, Mme [P] a mis en oeuvre une procédure de saisie-vente, à laquelle il a toutefois été sursis par un procès-verbal du 12 mars 2013. Le 29 mars 2013, elle a fait procéder à l'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Mercédès, le procès-verbal ayant été dénoncé à Mme [V] par un acte du 3 avril 2013. Le 2 juillet 2013, il a été procédé à la vente aux enchères du véhicule Mercédès au prix de 400 euros, une somme de 352,16 euros étant revenue à Mme [P].

Le 24 mars 2021, Mme [P] a fait signifier à Mme [V] un nouveau commandement de payer aux fins de saisie-vente, en exécution de l'arrêt du 7'février 2012 et pour une somme totale de 15'294,43 euros.

Le 1er décembre 2021, cette dernière a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire du Mans d'une requête en vue de la saisie des rémunérations de Mme'[V], en exécution du jugement du 15 septembre 2010 confirmé par l'arrêt du 7 février 2012, et pour une somme totale de 15'829,51 euros.

Aucune conciliation n'a pu avoir lieu et, à la suite d'une contestation soulevée par Mme [V], le juge de l'exécution du tribunal judiciaire du Mans a, par un jugement du 30 décembre 2022 :

- ordonné la saisie des rémunérations de Mme [V] au profit de Mme'[P] pour la somme de 16 163,80 euros en principal, intérêts et frais,

- débouté Mme [P] de sa demande à titre de dommages et intérêts,

- condamné Mme [V] aux entiers dépens, ainsi qu'à payer à Mme'[P] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision,

Par une déclaration du 25 janvier 2023, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement, l'attaquant en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande à titre de dommages-intérêts et intimant Mme [P].

Mme [V] et Mme [P] ont conclu, cette dernière formant appel incident.

Par un jugement du 17 janvier 2024, le juge du contentieux la protection du tribunal judiciaire du Mans a déclaré Mme [V] irrecevable au bénéfice du surendettement des particuliers, en raison de sa mauvaise foi.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2024.

En cours de délibéré et par une note envoyée aux parties par la voie électronique le 16 avril 2024, il a été demandé de produire les pièces afférentes à la saisie-vente du véhicule Mercédès ainsi qu'à la première procédure de surendettement dont Mme [V] aurait bénéficié. Maître François Rouxel, conseil de Mme [P], et Maître Alain Pigeau, conseil de Mme [V], ont fait parvenir des observations et des pièces le 16 avril 2024 et le 23 avril 2024 respectivement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 21'novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, Mme'[V] demande à la cour :

- de la dire et juger recevable et fondée en son appel à l'encontre du jugement du 30 décembre 2022,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la saisie de ses rémunérations, qu'il l'a condamnée aux dépens et à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- de dire et juger qu'en l'absence de restitution par Mme [P] du véhicule Mercedes, celle-ci n'a plus qualité et titre pour la poursuivre,

- de dire et juger qu'en procédant à la vente de ce véhicule Mercédès, Mme [P] a généré pour Mme [V] un préjudice d'un montant initial en principal de 5 500 euros,

- de dire et juger que la demande de saisie des rémunérations telle que formée par Mme [P] est autant abusive que frustratoire,

en conséquence,

- de dire et juger Mme [P] mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- pour le moins, condamner Mme [P] à lui verser des dommages-intérêts correspondant à la totalité des sommes qu'elle réclame à ce jour,

- d'ordonner la compensation entre les créances de Mme [P] et la créance indemnitaire de Mme [V],

- de condamner Mme [P] en tous les dépens,

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 25'janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, Mme [P] demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a :

* ordonné la saisie des rémunérations de Mme [V] à son profit pour la somme de 16 163,80 euros en principal, intérêts et frais,

* condamné Mme [V] à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts,

y ajoutant,

- de condamner Mme [V] à lui régler la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- de la condamner à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur la saisie des rémunérations :

Le jugement du 15 septembre 2010, confirmé sur ces points par l'arrêt du 7'février 2012, a ordonné, d'une part, la résolution de l'échange intervenu entre M. [O] et Mme [V], en imposant au premier de restituer le véhicule Renault Laguna ou, à défaut une somme de 5 500 euros, contre la remise par la seconde du véhicule Renault Laguna. D'autre part, il a résolu la vente intervenue entre Mme [V] et Mme [P], en imposant la restitution du véhicule Mercédès contre le remboursement du prix de la vente.

Le premier juge a retenu qu'il appartenait à Mme [V] de se rapprocher de Mme [P] afin de récupérer le véhicule Mercédès, qu'elle devait ensuite remettre à M. [O] contre la restitution du véhicule Renault Laguna. Il'a'considéré que Mme [V], qui ne justifiait d'aucune démarche entreprise auprès de Mme [P] ni auprès de M. [O], ne pouvait pas reprocher à Mme [P] de ne pas avoir exécuté son obligation de restitution, puisque celle-ci a vendu le véhicule Mercédès plus d'un an après que l'arrêt de la cour d'appel était devenu définitif, pour échapper à sa propre obligation de restitution.

Mme [V] soutient que les deux obligations de restitution du véhicule et de remboursement de la somme de 5 500 euros étaient indivisibles, de telle sorte que son obligation au paiement était conditionnée et devait être concomitante à la restitution du véhicule Mercédès. Elle estime dès lors qu'en vendant ce véhicule, Mme [P] s'est privée de la possibilité d'exécuter le jugement confirmé par la cour d'appel et qu'elle s'est par là même interdite la restitution du prix.

Au contraire, Mme [P] affirme que la restitution du véhicule n'était que la conséquence de la résolution de la vente et qu'il appartenait à Mme [V] de prendre contact avec elle pour reprendre le véhicule, ce qu'elle n'a jamais fait. Elle'a donc été contrainte de procéder à la saisie de ce véhicule et à sa vente aux enchères, afin de pouvoir régler les frais de gardiennage réclamés par la concession où le véhicule est demeuré entreposé depuis plusieurs années. Elle'ajoute que Mme [V] ne justifie pas plus avoir accompli des démarches auprès de M. [O] pour obtenir le remboursement de la somme de 5 500 euros, qui lui aurait permis de solder sa propre dette.

Sur ce,

Pour Mme [V], l'impossibilité pour Mme [P] de lui restituer le véhicule Mercédès, du fait de sa vente, la prive de la possibilité de lui réclamer le remboursement de la somme de 5 500 euros. Conformément à l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, c'est au regard du dispositif du jugement du 15 septembre 2010, confirmé par l'arrêt du 7 février 2012 et qui lie la cour saisie des pouvoirs du juge de l'exécution, que doit être tranchée la contestation soulevée par l'appelante. Ledit dispositif est très exactement libellé comme suit : 'condamne Mlle [V] à rembourser à Mlle [P] le prix de 5'500 euros (...) et dit que le véhicule Mercédès devra être restitué à Mlle [V], contre remboursement du prix de vente'. 

Contrairement à ce que soutient Mme [V], il ne résulte de cette rédaction aucune indivisibilité des obligations de restitution mises à la charge de chacune des parties, en ce que l'absence d'exécution de l'une ne rendait pas l'exécution de l'autre absolument impossible. De fait, la résolution de la vente entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat et, de plein droit, la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, sans que l'exécution d'une des restitutions puisse être subordonnée à l'exécution préalable de l'autre. Il n'en ressort pas plus d'exigence de concomitance des restitutions, la formule voulant que le véhicule soit restitué '(...) contre remboursement du prix de la vente' constituant un simple rappel de la réciprocité des restitutions respectives. Il appartenait donc tout autant à Mme [V] de réclamer la restitution de son véhicule Mercédès auprès de Mme [P], qu'à cette dernière de réclamer le remboursement du prix de vente.

Comme l'a relevé le premier juge, Mme [V] ne justifie d'aucune démarche entreprise envers Mme [P], pas plus d'ailleurs qu'elle ne justifie d'aucune démarche envers M. [O] pour obtenir la restitution de son véhicule Renault ou, à défaut, pour recouvrer la somme de 5 500 euros mise à la charge de celui-ci. De son côté, Mme [P] a fait procéder à la vente aux enchères du véhicule Mercédès, le 2 juillet 2013, et celui-ci ne peut donc plus être restitué à Mme [V]. Mais pour autant, il n'en résulte pas, comme le soutient l'appelante, que Mme [P] ne puisse pas réclamer le remboursement du prix de la vente.

En effet, Mme [P] justifie que la vente aux enchères du véhicule Mercédès est l'aboutissement d'une procédure de saisie-vente qu'elle a fait pratiquer après avoir laissé le bien, non roulant, dans une concession automobile pendant plusieurs années. C'est donc en réalité dans le cadre d'une mesure d'exécution forcée, faisant suite au retour de la propriété du bien dans le patrimoine de Mme [V] par l'effet de la résolution judiciaire de la vente, que le véhicule Mercédès a été vendu, non sans avoir été laissé à la disposition de l'appelante pendant plusieurs années et sans que la vente ait été précédée d'un commandement de payer préalable, non produit mais nécessairement délivré comme le rappelle d'ailleurs l'acte du 12 mars 2013, sans plus de réaction de la part de Mme [V]. La vente du véhicule Mercédès, qui rend aujourd'hui sa restitution à Mme [V] matériellement impossible, n'est en définitive que la conséquence de l'exercice par Mme [P] de son droit à l'exécution forcée de la décision et, dans ce contexte, la cour approuve le premier juge d'avoir conclu que Mme [V] ne peut pas, sans mauvaise foi, tirer argument de l'impossibilté de récupérer le véhicule Mercédès pour tenter d'échapper à sa propre obligation de restitution.

- sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme [V] :

Mme [V] estime, d'une part, qu'en procédant à la vente du véhicule, à l'encontre de ce qu'avait décidé le jugement du 15 septembre 2010 confirmé par l'arrêt du 7 février 2012, Mme [P] l'a privée de la propriété de ce véhicule et qu'elle lui a causé un préjudice d'un montant initial en principal de 5 500 euros. D'autre part, elle reproche à Mme [P] un abus de droit, dès lors qu'elle agit en parfaite connaissance de ce que sa situation ne lui permet pas de faire face au paiement réclamé et qu'elle ne dispose que d'une pension d'invalidité de 533,61 euros, non saisissable. Elle demande donc une indemnisation à hauteur de la totalité des sommes réclamées, avec compensation.

Mme [P] répond que cette demande de dommages-intérêts est une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, comme telle irrecevable. Elle ajoute que Mme [V] ne fait pas pleinement état de sa situation financière puisqu'ayant été en congé parental jusqu'au 28 septembre 2022, elle doit nécessairement bénéficier d'un contrat de travail.

Sur ce,

Mme [V] ne précise pas le fondement juridique de son action, qui doit donc être recherché dans l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que l'appelante invoque le caractère abusif et frustratoire de la saisie. Cet'article prévoit en effet que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Le principe d'interdiction des demandes nouvelles en appel, qui résulte de l'article 564 du code de procédure civile, connaît des dérogations, qu'il appartient à la cour d'examiner même d'office. Or, l'article 567 du même code prévoit que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel. Bien que Mme'[V], défenderesse en première instance, n'ait pas saisi le premier juge d'une demande de dommages-intérêts, cette demande formée pour la première fois à hauteur d'appel et qui présente un lien avec la demande de saisie de ses rémunérations, est donc recevable.

Sur le fond toutefois et comme précédemment retenu, il n'est pas démontré que Mme [P] ait commis une faute, ni aucun abus, dans le fait d'avoir fait pratiquer une saisie du véhicule Mercédès, après l'avoir laissé en dépôt pendant plusieurs années et sans manifestation de la part de Mme [V], pour aboutir à la vente aux enchères du bien au prix de 400 euros (352,16 euros net).

Mme [V] ne peut pas non plus reprocher à Mme [P] d'avoir fait valoir ses droits dans les différentes procédures de surendettement dont elle a bénéficié. La cour observe à cet égard, d'une part, que Mme [V] n'a pas déclaré sa dette auprès de Mme [P] dans le dossier ayant conduit à l'homologation de mesures recommandées par l'ordonnance du 5 mai 2017, de telle sorte que l'intimée n'a pas pu participer aux remboursements organisés à compter du 10 juillet 2017. D'autre part, les deux recours de Mme [P] ont prospéré devant le juge d'instance puis le juge des contentieux de la protection, que ce soit contre le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission (jugement du 8 avril 2014) ou,en dernier lieu, contre la décision de recevabilité (jugement du 17 janvier 2024).

Enfin, Mme [V] justifie certes qu'elle est bénéficiaire d'une pension d'invalidité depuis le 2 octobre 2022 et elle verse des attestations de paiement sur la période du 1er mai 2023 au 30 octobre 2023, qui révèlent des versements mensuels de 587,03 euros inférieurs à la fraction légalement saisissable. Ces seuls éléments ne permettent toutefois pas de se convaincre que la pension d'invalidité constitue la seule et unique ressource de Mme [V], alors que le premier juge avait déjà pertinemment déduit de l'existence d'un congé parental d'éducation que Mme [V] était nécessairement titulaire d'un contrat de travail. L'état descriptif de situation établi par la commission de surendettement de la Sarthe en date du 28 avril 2023, à l'occasion de l'instruction du dernier dossier déposé par Mme [V], révèle d'ailleurs que celle-ci est également bénéficiaire de prestations familiales pour 182 euros par mois, ce qui permet, à s'en tenir à ces seuls éléments et même en tenant compte de l'enfant à charge, de dégager une quotité saisissable.

Il n'est donc démontré aucune faute ni, à plus forte raison, aucun abus de saisie commis par Mme [P], de telle sorte que Mme [V] sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et de compensation. De même, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations de Mme'[V] pour la somme de 16 163,80 euros sur la foi du décompte du 1er juin 2022, non discuté par l'appelante dans ses différents montants.

- sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

Le premier juge a débouté Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts en retenant que la dette produit des intérêts au taux légal depuis le 15'septembre 2010, soit une somme de 6 836,70 euros au 1er juin 2022, et qu'il n'était donc pas justifié d'un préjudice sérieux.

Mme [P] reproche à Mme [V] de résister abusivement à l'exécution de la décision de justice depuis douze ans et, notamment, de s'être mise en congé parental dès que la saisie des rémunérations a été initiée puis d'avoir saisi la commission de surendettement dès après le jugement du 30 décembre 2022. Elle joute que les intérêts au taux légal n'ont pas vocation à indemniser les conséquences de la résistance abusive du débiteur.

Sur ce,

L'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Mme [V] a été condamnée au paiement depuis le jugement du 15'septembre 2010, confirmé par l'arrêt du 7 février 2012, et elle n'a pourtant réglé aucune somme depuis lors, seule la vente forcée du véhicule Mercédès ayant permis à Mme [P] de percevoir une somme au demeurant modeste de 352,16 euros sur les 5 500 euros dus. De même, il est recensé cinq procédures de surendettement, qui ont retardé d'autant le règlement de la dette. Mme [V], qui n'avait pas initialement déclaré sa dette envers Mme [P] lors du dépôt de son premier dossier de surendettement, ne l'a pas non plus déclarée dans son quatrième dossier déposé le 26 août 2016, conduisant à ce que Mme [P] ne bénéficie pas des remboursements organisés dans le cadre des mesures recommandées homologuées. C'est pour cette raison essentiellement que, dans son jugement du 17 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Mans a considéré que Mme'[V] était de mauvaise foi à l'occasion de son cinquième dossier, déposé (2'mars 2023) quelques semaines après le jugement ayant ordonné la saisie de ses rémunérations (30 décembre 2022), et qu'il l'a déclarée irrecevable au bénéfice du surendettement. En ce sens, la résistance durable et injustifiée de Mme [V] à l'exécution de sa condamnation doit être considérée comme abusive.

Mais pour autant, il revient à Mme [P] de rapporter la preuve d'un préjudice découlant de cette résistance abusive, qui soit distinct du simple retard du paiement déjà compensé par les intérêts de retard qui courent au taux légal entre particuliers majoré, et des frais de justice qu'elle a exposés. Or,'Mme'[P] ne propose pas de rapporter une telle preuve et ne précise d'ailleurs même pas la nature ni la consistance du dommage dont elle poursuit la réparation. De ce fait, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

- sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Mme [V], partie perdante en appel, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [P] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages-intérêts formée par Mme [V]';

Déboute Mme [V] de ses demandes de dommages-intérêts et de compensation ;

Condamne Mme [V] à verser à Mme [P] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne Mme [V] aux dépens d'appel ;

LA GREFFIERE, P/LA PRESIDENTE empêchée,

S. TAILLEBOIS J. CHAPPERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00132
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;23.00132 ?
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