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16/07/2024 | FRANCE | N°19/01292

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 16 juillet 2024, 19/01292


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







JC/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/01292 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQ2F



jugement du 06 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 18/03000



ARRET DU 16 JUILLET 2024



APPELANT :



Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Isabelle AMBROIS-LEMELE, avocat au barr

eau du MANS - N° du dossier 219085





INTIMEE :



CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L'ANJOU ET DU MAINE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[A...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01292 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQ2F

jugement du 06 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 18/03000

ARRET DU 16 JUILLET 2024

APPELANT :

Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle AMBROIS-LEMELE, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 219085

INTIMEE :

CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L'ANJOU ET DU MAINE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe RIHET, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Erwan LECLERCQ, avocat plaidant au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 15 Avril 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Julien CHAPPERT, conseiller, pour la présidente de chambre empêchée et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 décembre 2009, la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a consenti à M. [G] [I] un prêt personnel n° 73031224254, portant sur un capital de 50'000 euros, remboursable au taux nominal de 4,80 %, en 120 mensualités de 551,71 euros chacune (assurance comprise).

M. [I] a souscrit auprès de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine un contrat d'assurance vie de groupe 'Accordance Multisupports' (n° 96372394452).

Le 13 avril 2018, la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a mis M. [I] en demeure de régulariser des échéances de son prêt n°'073031224254, à peine de déchéance du terme.

Le 14 mai 2018, la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a notifié à M. [I] la déchéance du terme de son prêt n° 73031224254 et l'a mis en demeure de lui régler la somme de 16 573,78 euros.

M. [I] a demandé à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de pouvoir débloquer son épargne sur le contrat 'Accordance Multisupports' (n° 96372394452), ce que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a refusé de faire par une lettre en réponse du 27 juin 2018.

C'est dans ces circonstances que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a fait assigner M. [I] en paiement devant le tribunal de grande instance du Mans par un acte d'huissier du 29 août 2019.

Par un jugement du 6 mars 2019, réputé contradictoire, le tribunal de grande instance du Mans a :

- condamné M. [I] à payer à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 16'529,42 euros, avec les intérêts au taux conventionnel de 4,80 % sur la somme de 15'190,47 euros à compter du 140mai 2018 et au taux légal sur la somme de 1 188,95 euros,

- ordonné l'exécution du jugement,

- condamné M. [I] aux dépens,

- rejeté toutes autres demandes,

Par une déclaration du 26 juin 2019, M. [I] a interjeté appel de ce jugement, l'attaquant en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes, intimant la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine.

M. [I] et la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine ont conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 15'février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, M. [I] demande à la cour :

- de le dire recevable et bien fondé en son appel partiel,

- d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 16'529,42 euros avec les intérêts au taux de 4,80'% sur la somme de 15'190,47 euros à compter du 14 mai 2018 et au taux légal sur la somme de 1 188,95 euros, en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire et en ce qu'il l'a condamné aux dépens,

statuant à nouveau,

- de requalifier le prêt personnel en crédit affecté et faire application de la législation y afférente,

- de prononcer en conséquence la déchéance totale du droit aux intérêts,

- de débouter la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de sa demande de condamnation au paiement,

- de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui restituer l'ensemble des versements effectués sur le contrat 'Accordance Multisupports' (n° 96372394452), avec les intérêts au taux légal majoré de moitié pendant deux mois à compter de la date présumée du 22 juillet 2014, puis au double de l'intérêt au taux légal,

- de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui verser une somme de 10'000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'ensemble des tracasseries subies, au refus injustifié de la banque ainsi qu'à l'ensemble des vicissitudes de la procédure,

- de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

à titre subsidiaire,

- de lui accorder le report du paiement de la dette à deux années,

- d'ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées s'imputeront d'abord sur le capital,

- de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 23'décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine demande à la cour :

- de dire irrecevables et, à défaut, mal fondées les demandes de M. [I] tendant à la requalification et à la déchéance du droit aux intérêts,

- de dire irrecevables et, à défaut, mal fondées les demandes de M. [I] tendant à engager sa responsabilité concernant le contrat 'Accordance Multisupports' (n° 96372394452), dès lors qu'elles ne présentent aucun lien d'instance avec la demande en paiement,

- de débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [I] à lui payer la somme de 16'529,42 euros avec les intérêts au taux de 4,80 % à compter du 14 mai 2018,

- de condamner M. [I] à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé que les 'dire et juger', bien qu'ils figurent dans le dispositif des conclusions des parties, ne s'analysent pas comme des prétentions sur lesquelles la cour doit statuer mais comme de simples rappels des moyens développés au soutien de ces prétentions.

- sur la qualification du contrat :

M. [I] reproche à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de lui avoir fait souscrire un prêt personnel au lieu d'un crédit affecté, alors que l'objet du financement était expressément l'acquisition de son camping-car. Il soutient que, du fait de cette mauvaise qualification, il a été privé des dispositions protectrices inhérentes aux contrats affectés ainsi que du bénéfice d'un taux d'intérêts plus favorable. Il demande donc la requalification du contrat ainsi que la déchéance pour la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de son entier droit aux intérêts.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine répond que le contrat est bien un prêt personnel, dans la mesure où ne sont désignés ni le bien dont l'acquisition était prétendument envisagée ni l'identité du vendeur. Elle ajoute que M. [I] ne précise pas le fondement juridique de sa demande de déchéance du droit aux intérêts et que, s'agissant d'un prêt de 50 000 euros dépassant le plafond alors applicable de 21 500 euros, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables. Elle oppose enfin la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts, présentée plus de cinq années après la signature de l'offre.

Sur ce,

La Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine soulève la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts en opposant l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elle ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Toutefois, la déchéance du droit aux intérêts sollicitée par M. [I], qui n'entend ainsi obtenir que le rejet partiel de la demande adverse, s'analyse non pas comme une demande reconventionnelle mais comme une défense au fond, non soumise à la prescription. De ce fait, la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à l'encontre de cette déchéance du droit aux intérêts sera rejetée.

Le contrat de prêt litigieux, d'un montant de 50 000 euros en capital, indique expressément qu'il a pour objet l'acquisition d'un camping-car de marque Dethleffs et ayant été immatriculé pour la première fois le 1er novembre 2008.

Compte tenu de la date de l'acceptation de l'offre de prêt au 10 décembre 2009, les dispositions du code de la consommation sont celles antérieures à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010. L'article L. 311-13 du code de la consommation exigeait alors que l'offre préalable de crédit soit établie d'après l'un des six modèles-types détaillés par l'arrêté du 14 mai 2007, dont l'un était propre au prêt personnel (n° 2) et un autre au crédit accessoire à une vente (n° 1). L'article L. 311-33 du code de la consommation sanctionnait par la déchéance du droit aux intérêts le fait pour le prêteur de faire souscrire à l'emprunteur une offre préalable qui ne satisfaisait pas les conditions fixées à l'article L. 311-13 précité notamment. C'est manifestement au regard de ces dispositions que M. [I] poursuit la déchéance pour la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de son droit aux intérêts pour lui avoir fait souscrire une offre de prêt personnel plutôt qu'une offre de crédit accessoire à la vente d'un véhicule.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine oppose toutefois que le prêt du 10 décembre 2009 ne relève pas des dispositions protectrices sur les crédits à la consommation, alors prévues aux articles L. 311-1 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, en raison de son montant supérieur à 25 000 euros. Et de fait, l'article L.'311-3 (2°) excluait du champ d'application du chapitre consacré aux crédits à la consommation les contrats dont le montant était supérieur à la somme de 21'500 euros, fixée à l'article D. 311-1 du même code, comme en l'espèce.

Il n'est pas soutenu, de part ni d'autre, que les parties ont entendu se soumettre volontairement au régime des crédits à la consommation.

Il en résulte que les dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ne sont pas applicables au contrat conclu le 10 décembre 2009 et que, de ce fait, M. [I] sera débouté de ses demandes de requalification en crédit accessoire à une vente et de déchéance du droit aux intérêts.

- sur la responsabilité de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine :

M. [I] explique avoir souscrit le contrat 'Accordance Multisupports' pour disposer d'une réserve de trésorerie disponible en cas de difficultés financières. Tel a bien été le cas après l'arrêt de son activité de consultant indépendant mais la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine lui a refusé le rachat de ce contrat, qui lui aurait permis de rembourser le prêt n° 73031224254. Il'recherche donc la responsabilité contractuelle de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, en premier lieu, pour un manquement à son obligation d'information sur le mécanisme exact du contrat 'Accordance Multisupports' et à son devoir de conseil quant à l'adéquation de ce contrat à sa situation ; en deuxième lieu, pour ne pas avoir daté le contrat, de telle sorte qu'il a été privé de la faculté de renonciation réservée par l'article L. 132-5-3 du code des assurances ; et en troisième lieu, pour lui avoir refusé le rachat de ce contrat alors qu'il justifiait d'une attestation de refus de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Il demande en conséquence, d'une part, que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine soit déboutée de ses demandes de condamnation au paiement du prêt n° 73031224254 et, d'autre part, qu'elle soit condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine répond que ces demandes reconventionnelles sont irrecevables au sens de l'article 70 du code de procédure civile, en ce qu'elles n'ont aucun lien avec la demande principale. Elle exclut par ailleurs toute responsabilité pour procédure abusive en reprochant au contraire à M. [I] de ne pas avoir fait valoir ses demandes en première instance et d'utiliser désormais la procédure d'appel pour présenter des demandes reconventionnelles nouvelles au mépris du double degré de juridiction.

Sur ce,

L'article 70 du code de procédure civile impose que, pour être recevable, la demande reconventionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant. 

Le fait pour M. [I] de solliciter que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine soit déboutée de sa demande en paiement ne s'analyse pas comme une demande reconventionnelle mais comme une défense au fond, en'ce qu'il n'entend pas obtenir d'autre avantage que le simple rejet au fond de la demande adverse. Seule la demande de dommages-intérêts constitue une demande reconventionnelle. Cette demande reconventionnelle présente bien un lien suffisant avec les prétentions originaires en ce que M. [I], poursuivi en paiement par la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine en exécution d'un prêt, recherche la responsabilité de cette même banque pour lui avoir fait souscrire un contrat d'assurance vie dont elle lui a refusé le rachat alors que celui-ci aurait permis de rembourser les sommes dues au titre du prêt litigieux, raison pour laquelle l'appelant demande, outre le rejet de la prétention de l'intimée, sa condamnation à l'indemniser des préjudices découlant du refus qu'il estime injustifié. La fin de non-recevoir soulevée par la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à l'encontre de cette demande reconventionnelle sera donc rejetée.

Le contrat d'assurance vie 'Accordance Multisupports' a été souscrit par M. [I] auprès de la SA Prédica, par l'intermédiaire de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine.

Le contrat est signé mais la date de la signature du contrat n'a pas été renseignée par les parties. M. [I] prétend en tirer la conséquence que le délai de renonciation n'a jamais commencé à courir et que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine doit lui restituer l'ensemble des sommes investies avec les intérêts au taux légal majoré de moitié pendant deux mois à compter du 22 juillet 2014, correspondant à la date d'une simulation de projet qu'il verse aux débats, puis au double de l'intérêt au taux légal.

Ce faisant, M. [I] entend obtenir la prorogation du délai de renonciation. Mais celle-ci n'est prévue à l'article L. 132-5-2 du code des assurances qu'en cas de défaut de remise de la notice d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de la renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Or,'l'appelant ne conteste pas avoir reçu cette notice, qu'il produit d'ailleurs lui-même et qui contient bien notamment le détail de l'existence, du délai et des modalités du droit de renonciation (Article 7.3). Par ailleurs, l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa version alors applicable antérieure à l'ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017, dispose plus exactement que :

'Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie ou de capitalisation a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu. Ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. S'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n'est pas prorogé.

La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance ou de capitalisation de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires révolus à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal (...)'

et il en résulte, en premier lieu, que le point de départ du délai de renonciation n'est pas la date de la signature du contrat, comme l'affirme l'appelant, mais celle à laquelle l'assuré a été informé de la conclusion du contrat, qui n'est pas connue ni débattue en l'espèce. En deuxième lieu, le droit de renonciation est soumis au formalisme d'une demande par lettre recommandée avec avis de réception, que M. [I] ne démontre pas avoir respecté et qui ne peut pas être suppléé par une demande en justice. En troisième lieu, la demande de M. [I] correspond à la sanction légalement prévue à l'encontre de l'assureur mais qu'il dirige contre la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, simple intermédiaire et qui n'a pas perçu les sommes dont la restitution lui est pourtant réclamée.

L'ensemble de ces éléments amène à considérer que M. [I] n'est pas fondé à demander à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la restitution des sommes investies sur le contrat 'Accordance Multisupports' et il sera donc débouté de cette demande.

En tant qu'intermédiaire dans la conclusion du contrat d'assurance vie 'Accordance Multisupports', la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine était soumise aux dispositions de l'article L. 132-27-1 du code des assurances, auxquelles renvoie l'article L. 520-1 III du même code pour les intermédiaires d'assurance. Aux termes de cet article, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, il appartient à l'entreprise d'assurance ou de capitalisation, avant la conclusion d'un contrat d'assurance individuel comportant des valeurs de rachat, d'un contrat de capitalisation, ou avant l'adhésion à un contrat mentionné à l'article L. 132-5-3 ou à l'article L.'441-1, de préciser les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur ou l'adhérent ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un contrat déterminé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur ou l'adhérent concernant sa situation financière et ses objectifs de souscription, sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance ou de capitalisation proposé. Or, l'appelant produit lui-même une simulation établie par l'intimée en date du 22 juillet 2014, qui détaille notamment l'objectif poursuivi par M. [I] d'un placement lui offrant un complément de retraite mensuel à l'âge de 65 ans et sous forme d'une rente à vie, le montant des versements envisagés, une estimation du montant du capital constitué et de la rente obtenue. Ce document permet donc de se convaincre suffisamment que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'est renseignée sur les besoins particuliers de M. [I] et qu'elle y a répondu par une proposition détaillée, adaptée à sa situation et à son projet consistant alors uniquement en la constitution d'un complément de retraite à son 65ème anniversaire et non pas, comme il le prétend, à se constituer une réserve de trésorerie facilement mobilisable en cas de difficultés. Ce même document permet également de démentir l'affirmation de M. [I] que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'est contentée de lui faire la promotion d'un produit de défiscalisation puisque le dernier des tableaux (page 3) fait au contraire clairement ressortir l'absence de tout cumul de déduction d'impôt pendant toute la durée de la constitution du capital.

M. [I] produit par ailleurs lui-même la notice d'information qui lui a été remise, en application de l'article L. 132-5-3 du code de la consommation, lors de son adhésion. Cette notice décrit très précisément les conditions de la valorisation du contrat d'épargne-retraite en fonction du type de support choisi (articles 4.4 et 7.1), les modalités de versement du capital en cas de vie (article 6) ou en cas de décès (article 4.6), les conditions d'un rachat pour cause de force majeure en détaillant les différentes hypothèses couvertes par cette notion (article 4.8) ou encore l'existence, le délai et les modalités de l'exercice du droit de renonciation (article 7.3). L'appelant ne fait par ailleurs qu'évoquer très succinctement la possibilité d'une transformation de son assurance vie 'Accordance Multisupports' conclue dans le cadre d'un dispositif Madelin, ouvert spécifiquement aux travailleurs non salariés (article 1), en un Plan d'Epargne Retraite Populaire (PERP) pour reprocher à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de ne pas lui avoir proposé une telle possibilité, mais sans toutefois apporter aucun élément de nature à établir la réalité ni l'intérêt d'une telle alternative.

Les éléments ainsi produits suffisent en définitive à retenir que la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine a satisfait à son obligation d'information et à son devoir de conseil, sa responsabilité ne pouvant donc pas être engagée à ce titre.

M. [I] reproche enfin à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de lui avoir refusé le rachat anticipé de son contrat d'assurance vie 'Accordance Multisupports'. Il ressort de l'article L. 132-23, alinéa 2, du codes des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable aux contrats en cours à la date de sa publication, que les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle ne comportent pas de possibilité de rachat mais qu'ils doivent toutefois prévoir une faculté de rachat exceptionnelle en cas de survenance de l'un des événements limitativement énumérés, au nombre desquels figurent l'expiration des droits de l'assuré aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ou la situation de surendettement de l'assuré, la demande de rachat devant alors être adressée à l'assureur par le président de la commission de surendettement des particuliers ou par le juge. C'est ainsi qu'une clause de 'rachat pour cas de force majeure' est bien stipulée en l'espèce dans le contrat (article 4.8), reprenant les dispositions législatives mais dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 précitée.

Il appartient à M. [I] de rapporter la preuve que les conditions du rachat étaient réunies afin de caractériser la faute qu'il reproche à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine d'avoir commise.

Les correspondances versées aux débats démontrent que M. [I] a envisagé le bénéfice d'une procédure de surendettement à deux reprises, des démarches en ce sens étant évoquées dans un courriel de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine du 19 août 2017 puis dans une lettre du 27 juin 2018. Un courriel du secrétariat de la commission de surendettement de la Sarthe du 15 février 2018 révèle toutefois qu'il s'est heurté à un problème d'éligibilité à cette procédure et il n'est en tout état de cause fait allusion à aucune demande de rachat adressée à l'assureur par le président de la commission de surendettement ou par le juge.

L'appelant concentre en réalité ses reproches à l'encontre du refus par la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine, exprimé dans sa lettre du 27 juin 2018, d'un rachat du contrat 'Accordance Multisupports' au motif que 'l'attestation de refus ARE spécifie 'sans ouverture de droits', cette attestation doit impérativement donner suite à ouverture de droit'. L'attestation de Pôle Emploi produite par M. [I], datée du 19 juin 2018, ne comporte pas la mention 'sans ouverture de droits' mais elle motive le refus du versement de l'allocation de retour à l'emploi par le fait que celui-ci n'a pas travaillé un nombre d'heures suffisant sur les 28 mois ayant précédé la fin de son dernier contrat de travail (soit sur une période du 17 décembre 2015 au 16 avril 2018) pour prétendre aux allocations de chômage. Mais de fait, il est ainsi établi et il n'est pas contesté que M. [I] n'a jamais été indemnisé au titre du chômage à la suite de la perte de son emploi, en raison de l'insuffisance de sa durée de cotisation. Il ne peut donc pas être considéré qu'il était arrivé à l'expiration de ses droits aux allocations de chômage au sens de l'article L. 132-23 précité puisqu'une telle notion, qui doit être interprétée strictement du fait de son caractère dérogatoire, implique que des droits aient préalablement été ouverts et que l'assuré soit arrivé au bout de sa période d'indemnisation.

M. [I] ne rapporte donc pas la preuve d'un manquement quelconque de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine. Il sera par conséquent débouté de sa demande de dommages-intérêts et condamné au paiement dans les mêmes termes qu'en première instance, la somme de 16 529,42 euros, telle qu'elle ressort du décompte arrêté au 5 juillet 2018 n'étant par ailleurs pas discutée.

- sur les délais de paiement :

M. [I] sollicite un report du paiement de la dette pendant une durée de deux années et avec l'imputation des paiements en priorité sur le capital, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, en faisant valoir que son salaire est bien moindre qu'autrefois puisqu'après avoir été intérimaire (1 078 euros par mois en moyenne), il a dû accompagner son père malade jusqu'à sa fin de vie, période pendant laquelle il a perçu une rémunération en chèques emploi service universel (214 euros par mois). Il rappelle qu'il était fondé à obtenir le rachat de son contrat 'Accordance Mutlisupports' au moment où il en a fait la demande et il explique qu'il n'a eu connaissance de la procédure qu'après que le jugement lui a été signifié puisque l'assignation a été remise à son père, alors gravement malade, qui ne la lui a pas transmise.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine s'oppose au report du paiement en faisant valoir que M. [I] a déjà bénéficié de très larges délais de paiement et qiu'il ne justifie pas être en capacité de régler sa dette prochainement. Elle reproche à M. [I] de ne pas avoir cherché une issue amiable au litige et d'avoir préféré s'abstenir de constituer avocat en première instance puis de soulever en appel des moyens éparpillés et vindicatifs.

Sur ce,

L'article 1244-1 du code civil, devenu l'article 1343-5 du même code, prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues et qu'il peut, par une décision spéciale et motivée, ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il apparaît, en premier lieu, que les demandes de M. [I] ne sont pas compatibles entre elles, un report de paiement ne pouvant logiquement pas être assorti dans le même temps d'une imputation des paiements en priorité sur le capital.

En deuxième lieu, M. [I] justifie certes de ses revenus sur la période du 1er juin 2019 au 31 décembre 2019 (en tant qu'intérimaire) puis sur celle du 26'janvier 2021 au 31 décembre 2021 (comme employé familial rémunéré en chèque emploi service universel) mais aucun justificatif plus actualisé de ses revenus ni, plus globalement, de sa situation n'est versé aux débats.

Enfin, M. [I] explique certes les circonstances de la délivrance de l'assignation et il démontre avoir repris contact avec la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine 31 janvier 2023 pour envisager une issue amiable au litige. Pour autant, la déchéance du terme est intervenue depuis plus de six ans et il n'a été procédé à aucun règlement depuis lors, serait-ce même simplement dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.

Un report de paiement n'est donc pas opportun et M. [I] sera débouté de sa demande en ce sens, ainsi que de celle d'une imputation des paiements en priorité sur le capital qui n'a pas d'objet compte tenu de ce qui précède.

- sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

M. [I], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel. Il sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il sera, à l'inverse, condamné à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à l'encontre, d'une part, de la déchéance du droit aux intérêts sollicitée par M. [I] et, d'autre part, de la demande reconventionnelle formée par M. [I] ;

Déboute M. [I] de ses demandes de requalification du contrat en crédit accessoire à une vente et de déchéance pour la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de son droit aux intérêts ;

Déboute M. [I] de ses demandes de condamnation de la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui restituer les sommes versées sur le contrat 'Accordance Multisupports' et de dommages-intérêts ;

Déboute M [I] de ses demandes de report du paiement de la dette et d'imputation des paiements en priorité sur le capital ;

Déboute M. [I] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne M. [I] aux dépens d'appel ;

LA GREFFIERE, P/LA PRESIDENTE empêchée,

S. TAILLEBOIS J. CHAPPERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 19/01292
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;19.01292 ?
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