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16/07/2024 | FRANCE | N°19/00951

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 16 juillet 2024, 19/00951


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







JC/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00951 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQA5



jugement du 29 Avril 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 16/02647







ARRET DU 16 JUILLET 2024





APPELANTE :



CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'[Localité 6] SUD, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7] >
[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée par Me Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS





INTIMES :



Monsieur [X] [G]

né le [Date ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00951 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQA5

jugement du 29 Avril 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 16/02647

ARRET DU 16 JUILLET 2024

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'[Localité 6] SUD, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Monsieur [X] [G]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8] (85)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [P] [E]

née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] (49)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Levan KHATIFYIAN, substituant Me Marc ROUXEL, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier 160129

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 15 Avril 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Julien CHAPPERT, conseiller, pour la présidente empêchée et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 1er juin 2006, M. [X] [G] et Mme [P] [E], sa concubine, ont accepté une offre de prêt adressée par la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud pour l'achat d'un bien immobilier à titre de résidence principale, portant sur un capital de 155 595 euros, remboursable au taux nominal de 3,75 % en 240 mensualités de 1 025,19 euros chacune.

Cette offre de prêt a mentionné un taux effectif global de 5,01 %.

M. [G] et Mme [E] ont adhéré à l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) et ont décidé de lui confier l'analyse de leur crédit immobilier. Cette association a rédigé un rapport du 22 septembre 2015, qui a conclu à l'existence d'une erreur quant au calcul du taux effectif global dans le contrat de prêt.

Le 2 septembre 2016, M. [G] et Mme [E] ont fait assigner la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud devant le tribunal de grande instance d'Angers afin d'obtenir la rectification de cette erreur et la condamnation à la restitution des intérêts indus.

Le 21 novembre 2016, ils ont procédé au remboursement anticipé intégral de leur prêt.

Par un jugement du 29 avril 2019, le Tribunal de grande instance d'Angers a:

- déclaré recevables les demandes de M. [G] et Mme [E],

- prononcé la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels,

- condamné la SA Caisse de crédit mutuel à recalculer les intérêts et à produire un tableau d'amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour du 1er juin 2006, faisant apparaître le montant des intérêts trop-perçus dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement,

- débouté M. [G] et Mme [E] de leur demande d'astreinte de 150 euros par jour de retard,

- condamné la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud à restituer à M. [G] et Mme [E] les intérêts indus correspondant à la différence entre les intérêts perçus et ceux calculés au taux légal, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil,

- débouté la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud au paiement de la somme de 3 000 euros à M. [G] et Mme [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud de sa demande en paiement de frais irrépétibles,

- condamné la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

Par une déclaration du 14 mai 2019, la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud a interjeté appel de ce jugement, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, en ce qu'il l'a condamnée à recalculer les intérêts et à produire un tableau de ravissement rectificatif, en ce qu'il a condamné à restituer les intérêts indus, en ce qu'il a débouté de ses demande des dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, intimant M. [G] et Mme [E].

La SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud, d'une part, M. [G] et Mme [E], d'autre part, ont conclu.

M. [G] et Mme [E] ont fait réaliser une analyse financière par le Cabinet [W] [B], qui a rédigé un rapport du 18 novembre 2019 concluant également au caractère erroné du taux effectif global mentionné au contrat.

Le 30 juin 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a déclaré irrecevable la demande de radiation présentée par M. [G] et Mme [E].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions n° 2 remises au greffe par la voie électronique le 11 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud demande à la cour :

- de la dire et juger recevable et fondée en son appel,

- en conséquence, d'infirmer le jugement du 29 avril 2019 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- de déclarer les demandes de M. [G] et Mme [E] irrecevables comme étant prescrites et, pour le surplus, l'ensemble de leurs demandes mal fondées,

- en conséquence, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

au fond,

- de constater que tous les frais liés au coût total du crédit ont bien été intégrés dans le calcul du taux effectif global,

- de dire et juger que le taux effectif global figurant dans l'offre de prêt est parfaitement exact,

- en conséquence, de débouter M. [G] et Mme [E] de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, déclarés non fondés,

- de les condamner à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, dont distraction,

Par des dernières conclusions n° 1 remises au greffe par la voie électronique le 11 novembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, M. [G] et Mme [E] demandent à la cour :

à titre principal,

- de confirmer la décision entreprise,

- de prononcer la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels,

à titre subsidiaire,

- de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts,

en tout état de cause,

- de constater que le taux effectif global figurant au contrat de prêt du 20 mai 2006 est erroné,

- de condamner la SA Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud à produire un tableau d'amortissement rectificatif faisant apparaître, pour chaque mensualité, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard : le capital restant dû, les intérêts au taux conventionnel, les intérêts au taux légal avec variabilité d'année en année, la différence entre ces deux taux, la différence cumulée entre ces deux taux,

- de la condamner à leur restituer les intérêts indus avec application du taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil,

- de la condamner à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction,

En cours de délibéré et par un message électronique du 16 avril 2024, il a été demandé aux parties de faire valoir leurs observations éventuelles, au regard de l'article 562 du code de procédure civile, quant au fait que la déclaration d'appel de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud ne porte pas sur le chef du jugement ayant déclaré recevables les demandes de M. [G] et de Mme [E], alors que la banque appelante demande, dans ses dernières conclusions, de déclarer ces mêmes demandes irrecevables comme prescrites. Maître Etienne de Mascureau - conseil de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud - et Maître Marc Rouxel - conseil de M. [G] et de Mme [E], ont fait parvenir des observations par des messages électroniques du 4 juin 2024 et du 7 mai 2024 respectivement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la prescription :

Les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud, tirée de la tardiveté de l'introduction de l'instance en nullité de stipulation d'intérêts conventionnels ou de déchéance du droit aux intérêts, et ont déclaré recevables les demandes de M. [G] et de Mme [E] par une disposition expresse du dispositif de leur décision.

La Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] reprend l'argumentation qu'elle avait développée en première instance et demande, dans le dispositif de ses dernières conclusions remises à la cour, de déclarer les demandes de M. [G] et de Mme [E] irrecevables comme prescrites. La déclaration d'appel du 14 mai 2019 ne portant pas sur ce chef du jugement, la question de l'absence d'effet dévolutif a été soulevée d'office et les observations des parties ont été provoquées en cours de délibéré.

Dans leur réponse du 7 mai 2024, M. [G] et Mme [E] concluent que la cour n'est pas valablement saisie du chef du jugement ayant déclaré leurs demandes recevables, faute pour celui-ci de figurer dans la déclaration d'appel et sans que les conclusions remises ultérieurement par la banque appelante aient pu y suppléer.

Dans sa réponse du 4 juin 2024, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud soutient au contraire que ce chef du jugement, bien que non visé dans la déclaration d'appel, est néanmoins dévolu à la cour comme dépendant des chefs expressément critiqués, au sens de l'article 562 du code de procédure civile, et plus particulièrement de celui ayant prononcé la nullité de la clause d'intérêts conventionnels.

Sur ce,

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La rédaction de cet article, issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, a mis fin à la possibilité d'une critique implicite du jugement et impose désormais à l'appelant de formuler expressément, dans l'acte d'appel et aussi précisément que possible, chacun des chefs du dispositif du jugement qu'il entend à nouveau discuter devant la cour.

La Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] ne conteste pas qu'elle n'a pas expressément critiqué, dans sa déclaration d'appel du 14 mai 2019, le chef du jugement du 29 avril 2019 qui a déclaré recevables les demandes de M. [G] et de Mme [E]. Elle ne soutient pas que son appel tend à l'annulation du jugement ni même que l'objet du litige est indivisible. En revanche, elle prétend que le chef du jugement ayant déclaré recevables les demandes de M. [G] et de Mme [E] dépend de ceux qui ont prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et qui l'ont condamnée au paiement, qu'elle a expressément critiqués.

Les chefs du jugement qui dépendent de ceux expressément critiqués s'entendent de ceux qui sont la conséquence des chefs expressément critiqués. Or, le chef du jugement qui a déclaré l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels recevable, non visé par la déclaration d'appel, n'est en l'espèce pas dépendant de ceux qui ont fait droit au fond à cette nullité et qui ont condamné la banque à la restitution des intérêts recalculés, à telle enseigne que l'infirmation des seconds n'est pas de nature à remettre nécessairement en cause le premier.

Faute de preuve d'un tel lien de dépendance avec les chefs de jugement avancés par la banque comme avec tout autre chef du jugement expressément critiqué, l'effet dévolutif n'a pas joué et la cour n'est pas valablement saisie de la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [G] et de Mme [E], telle qu'elle est formulée dans les dernières conclusions de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud.

- sur l'erreur affectant le calcul du taux effectif global :

Pour prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et lui substituer le taux légal depuis la formation du contrat, les premiers juges ont retenu, d'une part, que l'analyse réalisée par l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) révélait que le taux effectif global ne prend pas en compte les frais de privilège de prêteur de deniers et, d'autre part, que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud ne fournissait aucun élément de nature à s'assurer de l'intégration des frais de garantie et du coût de l'assurance dans le calcul du taux effectif global ni même aucun élément de nature à établir l'exactitude du taux de 5,01 % mentionné au contrat. Ils ont conclu, toujours en s'en rapportant à l'analyse de l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE), à l'existence d'un différentiel de 0,125 points, supérieur à la décimale et en défaveur des emprunteurs.

La Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud affirme, en premier lieu, que le coût de l'assurance obligatoire souscrite par M. [G] a bien été pris en considération pour une somme totale d'ailleurs trop élevée de 24 645,60 euros correspondant à une cotisation mensuelle constante de 102,69 euros alors que la cotisation réelle a été dégressive en deux paliers et n'a en réalité représenté qu'une somme totale de 20 850,51 euros. En deuxième lieu, elle affirme qu'il il n'y avait pas lieu de tenir compte des frais de notaire puisque ceux-ci n'étaient pas déterminables au moment de la signature de l'offre et qu'il n'est pas établi qu'ils étaient liés à l'octroi du prêt plutôt qu'à l'acquisition de l'immeuble. Elle ajoute, en troisième lieu, que les frais d'inscription du privilège de prêteur de deniers n'ont pu qu'être évalués à la somme de 1 610 euros au moment de l'émission de l'offre et que ce n'est qu'à la faveur d'une surévaluation du coût total de l'assurance que l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) a pu conclure que les frais de garantie n'avaient pas été pris en compte dans le calcul du taux effectif global. Elle en conclut que le taux effectif global mentionné à 5,01 % dans le contrat de prêt est exact, voire même que le taux effectif global réel a été plus favorable aux emprunteurs. Enfin, elle oppose qu'il résulte d'une jurisprudence constante consacrée à l'article L. 341-1 du code de la consommation par l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 que la sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de stipulation d'intérêts conventionnels mais exclusivement la déchéance du droit aux intérêts, laquelle ne pourrait en l'espèce qu'être écartée puisque les intimés ne justifient d'aucun préjudice découlant de l'écart insignifiant entre le taux effectif global affiché et le taux effectif global réel.

M. [G] et Mme [E] indiquent que leur action est uniquement motivée par le défaut d'intégration des frais d'inscription du privilège de prêteur de deniers dans le calcul du taux effectif global. Ils affirment que ces frais, qui étaient déterminables lors de la conclusion du contrat, devaient être pris en compte dans le calcul du taux effectif global et que l'audit mathématique réalisée réalisé par l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) prouve que tel n'a pas été le cas. A partir de ce même audit, ils affirment que le taux effectif global était en réalité de 5,135 %, soit une différence de 0,125 points, supérieure à la décimale et en leur défaveur. Ils demandent donc, à titre principal, l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels sur le fondement de l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ainsi que la substitution du taux légal au taux conventionnel, en estimant que les dispositions de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 ne peuvent pas être appliquées rétroactivement. À titre subsidiaire seulement, ils demandent que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud soit déchue de la totalité de son droit aux intérêts, cette sanction étant selon eux la seule qui soit efficace, proportionnée et dissuasive.

Sur ce,

Le prêt litigieux est un prêt immobilier non professionnel, souscrit par M.[G] et Mme [E], dont la qualité de consommateurs n'est pas discutée, suivant une offre acceptée le 1er juin 2006, de telle sorte que les dispositions applicables sont celles antérieures à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et au décret n° 2011-135 du 1er février 2011.

L'article L. 313-1 du code de la consommation prévoit que, pour déterminer le taux effectif global du prêt, doivent être ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Toutefois, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global ainsi défini, lorsque leur montant ne peut pas être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

Contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, il n'appartient pas à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud d'établir l'exactitude du taux effectif global mais bien à M. [G] et à Mme [E] de rapporter la preuve de l'erreur de calcul ou de l'absence de prise en compte de frais normalement inclus dans le taux effectif global.

A cet égard, M. [G] et Mme [E] indiquent qu'ils ne contestent pas le montant des intérêts conventionnels ni l'intégration du coût des assurances qu'ils ont été obligés de souscrire pour l'obtention du prêt. Ils soutiennent en revanche que les frais de garantie, s'ils ont été estimés à la somme de 1 610 euros, n'ont toutefois pas été intégrés dans le calcul du taux effectif global.

La Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud oppose, en premier lieu, que ces frais n'avaient pas à être pris en considération puisqu'ils correspondent aux frais de notaire, dont il n'est pas démontré qu'ils étaient déterminables au moment de la signature de l'acte ni qu'ils se rattachent à la constitution de la garantie conditionnant l'octroi du prêt plutôt qu'à l'acquisition du bien immobilier. Il ressort toutefois de l'offre de crédit, sans ambiguïté possible, que les 'frais de garantie indicatif' de 1 610 euros n'envisagent aucunement les honoraires, les émoluments ou les débours du notaire rédacteur de l'acte de vente mais bien uniquement les frais afférents à la constitution du privilège de prêteur de deniers expressément prévu à l'article 'garanties prises par actes notariés' dans les conditions particulières. L'hypothèse évoquée par l'appelante suppose en réalité un acte authentique portant à la fois sur la vente immobilière et sur le prêt amortissable destiné à le financer. Or en l'espère, il n'est fourni qu'un acte sous seing privé de l'offre acceptée le 1er juin 2006 et l'acte authentique de vente reçu le 9 juin 2006 n'a pas fait intervenir la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud pour constater le prêt dans le même acte notarié. Enfin, il convient de relever que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud indique elle-même, à plusieurs reprises dans ses conclusions, que cette somme de 1 610 euros représente l'évaluation du coût de l'inscription du privilège de prêteur de deniers.

En second lieu, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud affirme qu'elle n'a pu procéder qu'à une évaluation des frais de garantie dans son calcul du taux effectif global, sans pouvoir en donner un montant précis lors de l'émission de l'offre de prêt, conformément à ce que prévoient l'article L. 313-1 du code de la consommation et l'article V des conditions générales du contrat. Ce faisant, l'appelante reconnaît que les frais de constitution de la garantie étaient bien déterminables lors de la souscription de l'offre et que leur coût, telle qu'elle estime l'avoir correctement évalué, devait intégrer le calcul du taux effectif global. Or, les intimés ne contestent pas que le coût de la constitution de la garantie, même simplement déterminable, devait intégrer le calcul du taux effectif global et ils ne discutent pas plus l'évaluation arrêtée par la banque à la somme de 1 610 euros mais ils soutiennent en revanche qu'il n'en a pas été tenu compte dans le calcul du taux effectif global. C'est précisément en ce sens que concluent les rapports d'analyse de l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) et de M. [B], qu'ils versent aux débats. L'un comme l'autre font en effet ressortir que le taux de 5,01 % n'inclut que les intérêts au taux conventionnel, les frais de dossier (385 euros) et le coût de l'assurance (24 645 euros) mais pas celui de la constitution de la garantie (1 610 euros) qui aurait pour effet de porter le taux effectif global à 5,135 %.

Néanmoins, les deux rapports sont établis à partir du montant total des assurances de 24 645,60 euros, qui figure dans les conditions particulières de l'offre et qui est calculé sur la base d'une cotisation mensuelle de 102,69 euros (amenant à une mensualité totale de 1 025,19 euros) pendant toute la durée du remboursement du prêt (240 mois). Or, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud démontre, à partir du tableau d'amortissement prévisionnel édité lors de l'émission de l'offre et confirmé par le tableau d'amortissement édité lors du dernier déblocage des fonds, que ce montant est inexact puisque le montant de la cotisation d'assurance a été dégressif et a été réduit à 79,35 euros à compter de la 104ème mensualité (amenant à une mensualité de 1 001,85 euros) puis à 48,23 euros à compter de la 224ème mensualité (amenant à une mensualité de 970,73 euros). Le coût total de l'assurance n'était donc pas de 24 645,60 euros comme mentionné par erreur dans les conditions particulières mais de 20 850,51 euros, soit une différence de (24 645,60 - 20 850,51) 3 795,09 euros en faveur des emprunteurs. Les calculs réalisés par l'Association Information Défense Emprunteurs (AIDE) et par M. [B] s'en trouvent faussés et il ne peut pas être considéré que les intimés rapportent la preuve d'une erreur du taux effectif global afférent au prêt qu'ils ont accepté le 1er juin 2009 ni, à plus forte raison, celle d'un différentiel de taux dépassant la décimale en leur défaveur. Au contraire d'ailleurs, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] produit un tableur Excel, duquel ressort que le taux effectif global calculé sur la base des éléments non discutés mais d'un coût total d'assurance de 20 850,51 euros ressort à 5,00168027 %, soit un taux au final plus avantageux pour les intimés.

Dans ces circonstances et sans même qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le bien-fondé de la sanction retenue par les premiers juges, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels, en ce qu'il a condamné la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud à recalculer les intérêts et à produire un tableau d'amortissement rectificatif et en ce qu'il l'a condamnée à restituer à M. [G] et à Mme [E] les intérêts indus, les intimés devant être déboutés de leurs différentes demandes en ce sens, qu'elles tendent à la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ou à la déchéance du droit aux intérêts.

- sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :

Bien que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud ait fait appel du chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, elle ne formule aucune prétention à ce titre à hauteur d'appel, ni ne développe aucun argumentaire pour remettre en cause en droit ou en fait la décision des premiers juges.

En conséquence de quoi, le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] de cette demande.

- sur les demandes accessoires :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. [G] et Mme [E], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ils seront à l'inverse condamnés sur ce même fondement à verser à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud une somme totale de 4 000 euros couvrant les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

statuant à nouveau,

Déboute M. [G] et Mme [E] de leur demande d'annulation de la stipulation d'intérêts contractuels, de déchéance du droit aux intérêts, de condamnation de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud à produire un tableau d'amortissement rectificatif sous astreinte et à leur restituer les intérêts indus au taux légal avec capitalisation ;

Déboute M. [G] et Mme [E] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] et Mme [E] à verser à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 6] sud une somme totale de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne M. [G] et Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIERE, P/LA PRESIDENTE, empêchée,

S. TAILLEBOIS J. CHAPPERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00951
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;19.00951 ?
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