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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00210

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 09 juillet 2024, 24/00210


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







CM/CG

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 24/00210 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FIRZ



jugement du 08 Janvier 2024

Juge de l'exécution de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 23/00008





ARRET DU 09 JUILLET 2024



APPELANT :



Monsieur [K] [T] [L] [H] [M]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 16] (75)

[Adresse 3]

[Localité 9]



Représenté par Me Inès RUBINEL, substit

uant Me Corentin CRIQUET de la SCP ANDCO, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier E0003ZTN



INTIMEE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'ANJOU ET DU MAINE prise en la personne de son repré...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

CM/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 24/00210 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FIRZ

jugement du 08 Janvier 2024

Juge de l'exécution de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 23/00008

ARRET DU 09 JUILLET 2024

APPELANT :

Monsieur [K] [T] [L] [H] [M]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 16] (75)

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me Inès RUBINEL, substituant Me Corentin CRIQUET de la SCP ANDCO, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier E0003ZTN

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'ANJOU ET DU MAINE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71240028

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 14 Mai 2024 à 14 H 00, Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme GNAKALE

Greffière lors du prononcé : Mme LIVAJA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 09 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Sylvie LIVAJA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Exposé du litige

En vertu de la copie exécutoire d'un jugement réputé contradictoire rendu le 22 février 2016 par le tribunal de grande instance de Laval, signifié le 28 avril 2016 et devenu définitif selon certificat de non-appel en date du 28 juillet 2016, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel dite CRCAM de l'Anjou et du Maine (ci-après la banque) a fait délivrer le 17 avril 2023 à M. [H] [M] (ci-après le débiteur) un commandement de payer valant saisie immobilière de divers immeubles situés au lieudit «[Adresse 14]» à [Localité 18] (Mayenne), cadastrés section E n°[Cadastre 4] (maison d'habitation avec garage, ancienne étable, autre corps de bâtiment anciennement à usage agricole et terrain) et n°[Cadastre 5] (terre) pour une contenance totale de 48a 55ca ; ce commandement de payer portant sur la somme de 71 211,28 euros en principal, intérêts et frais arrêtée au 13 janvier 2023 a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 11] 1 le 24 mai 2023, sous les références d'archivages provisoire 5304 P 01 volume S n°7.

Le procès-verbal de description du bien saisi a été dressé le 15 mai 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 juin 2023, la banque a fait assigner le débiteur devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval à l'audience d'orientation du 4 septembre 2023.

Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 3 juillet 2023.

Après plusieurs renvois, l'affaire a été retenue à l'audience d'orientation du 4 décembre 2023.

La banque a demandé de constater qu'elle est titulaire d'une créance liquide et exigible et agit en vertu d'un titre exécutoire comme prévu à l'article 2191 du code civil et que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article 2193 du même code, de fixer le montant de sa créance à la somme de 71 211,28 euros arrêtée au 13 janvier 2023, outre intérêts postérieurs, de décider que la publicité de la vente forcée interviendra dans les conditions prévues par l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution et de prévoir qu'en sus, une visite des lieux sera organisée sous la direction de la SCP Ouest Offices, commissaires de justice, la date de la visite étant indiquée dans la publicité légale, de débouter le débiteur de toutes ses contestations telles que figurant dans ses conclusions du 2 septembre 2023, sauf la dernière, de lui décerner acte de ce qu'elle ne serait pas opposée à la vente amiable sous réserve que le débiteur justifie de ses démarches en vue de la vente et de condamner le débiteur au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le débiteur a soulevé, en premier lieu, la nullité du commandement de payer valant saisie au motif que l'huissier n'a pas justifié du titre exécutoire lors de sa délivrance, en deuxième lieu, sa caducité au motif qu'il n'a pas été dénoncé aux créanciers inscrits dans le délai de l'article R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, en troisième lieu, la nullité de la saisie au motif qu'elle est fondée sur un titre exécutoire qui n'est pas valable, le jugement du 22 février 2016 ne lui ayant pas été régulièrement signifié à sa résidence aux Etats-Unis, et, en quatrième lieu, la prescription de la créance de la banque dont il a aussi contesté le montant ; il a sollicité subsidiairement l'autorisation de vendre à l'amiable et en tout état de cause la condamnation de la banque à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 8 janvier 2024, le juge de l'exécution a :

- débouté M. [H] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- fixé la créance de la CRCAM de l'Anjou et du Maine à la somme de 71 211,28 euros en principal, intérêts et frais arrêtée au 13 janvier 2023, outre les intérêts au taux contractuel de 1,54 % l'an ou au taux légal tels que prévus par le jugement en date du 22 février 2016, à compter du 14 janvier 2023,

- ordonné la vente forcée des biens figurant au commandement en date du 17 avril 2023,

- fixé l'adjudication du bien sur la mise à prix de 15 000 euros à l'audience du 6 mai 2024 à 9h15,

- renvoyé la taxation des frais à ladite audience,

- dit que les visites de l'immeuble litigieux seront organisées sous la direction de la SCP Ouest Offices, commissaires de justice associés à [Localité 13] et [Localité 10], aux jours et heures déterminés par elle et qu'au cas où l'immeuble serait fermé, le commissaire de justice pourra se faire assister par deux témoins et un serrurier, avec le concours éventuel de la force publique,

- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

- le commandement de payer valant saisie immobilière est conforme à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'il indique la date et la nature du titre exécutoire en vertu duquel il est délivré,

- la banque étant le seul créancier inscrit, aucune dénonciation n'était à faire à d'autres créanciers inscrits, de sorte que le commandement n'est pas caduc au sens de l'article R. 311-11 du même code,

- le jugement du tribunal de grande instance de Laval en date du 22 février 2016 constitue un titre exécutoire conformément à l'article 503 du code de procédure civile dès lors qu'il a été régulièrement signifié par acte du 28 avril 2016 à l'adresse du débiteur à [Localité 12] où celui-ci ne démontre pas qu'il n'avait plus son domicile à cette date même s'il vivait aux Etats-Unis et qui était, en tout état de cause, sa dernière adresse connue de la banque qui, malgré ses recherches, n'est pas parvenue à en trouver une autre,

- le débiteur ayant exécuté ce jugement en opérant divers paiements postérieurs jusqu'au 23 mai 2019 et plusieurs actes d'exécution ayant été effectués par la suite, aucune prescription n'est encourue, étant rappelé qu'elle est de 10 ans pour l'exécution d'un jugement,

- conformément à ce jugement qui retient un principal de 67 355,08 euros avec intérêts au taux de 1,54 % sur la somme de 62 735,76 euros et au taux légal à compter du 22 septembre 2015 sur le surplus, la banque a calculé sa créance, déduit les acomptes postérieurs et mis les dépens du jugement et les frais d'exécution à la charge du débiteur, de sorte qu'il y a lieu de fixer sa créance au montant demandé,

- la saisie porte sur des droits saisissables au sens de l'article L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- dans la mesure où le débiteur ne produit aucun compromis de vente ou autre pièce permettant d'apprécier les démarches effectuées pour aboutir à une vente amiable, il convient d'ordonner la vente forcée.

Suivant déclaration en date du 30 janvier 2024, le débiteur a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, listées dans l'acte d'appel, intimant la banque.

Il a déposé le 5 février 2024 une requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance rendue le 8 février 2024 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel pour l'audience du 14 mai 2024.

L'intimée, qui avait déjà constitué avocat, a été assignée à comparaître à cette audience par acte de commissaire de justice en date du 8 avril 2024, déposé au greffe le 17 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions d'appelant en date du 10 mai 2024, M. [H] [M], réitérant les prétentions énoncées dans sa requête et dans l'assignation à jour fixe, demande à la cour, au visa des articles 1343-5 du code civil, L. 111-2, L. 311-2 et suivants, R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, L. 312-8, L. 312-33 et suivants, L. 313-1 et suivants, R. 313-1 et suivants du code de la consommation en vigueur à la date de conclusion du prêt litigieux, de :

- le déclarer bien fondé en son appel et en ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris du juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Laval du 8 janvier 2024 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- le juger recevable et bien fondé en ses demandes,

- débouter la CRCAM de l'Anjou et du Maine de toutes ses demandes,

- rejeter les justificatifs de décompte erronés,

- prononcer la nullité du commandement afin de saisie immobilière,

- prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement du tribunal judiciaire de Laval, et par conséquence la nullité et la prescription de la créance,

- condamner la CRCAM de l'Anjou et du Maine à procéder à la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière à ses frais,

- subsidiairement, lui accorder des délais de paiement de deux ans,

- très subsidiairement, autoriser la vente amiable des biens dont s'agit et lui accorder pour ce faire un délai de 4 mois,

- en tout état de cause, condamner la CRCAM de l'Anjou et du Maine à lui payer la somme de 3 500 euros d'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que :

- l'huissier instrumentaire n'ayant pas justifié du titre exécutoire lors de la délivrance du commandement de payer, le commandement est nul en application de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution,

- la banque ne justifiant pas avoir dénoncé le commandement de payer valant saisie au créancier inscrit dans les 5 jours ouvrables suivant la délivrance de l'assignation comme le prescrit l'article R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution puisque la dénonce a été délivrée antérieurement à l'assignation, le commandement est caduc en application de l'article R. 311-11 du même code sans qu'il ait à démontrer un grief,

- s'il prend bonne note de la communication en cours de procédure du jugement du tribunal de grande instance de Laval en date du 22 février 2016 et de sa signification en date du 28 avril 2016, il maintient sa contestation relative au caractère exécutoire du titre, laquelle relève de la compétence du juge de l'exécution en application de l'article L. 213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire ; en effet, ce jugement ne lui a pas été régulièrement signifié comme l'exige l'article 503 du code de procédure civile pour qu'il ait force exécutoire et puisse faire l'objet d'une exécution forcée, le principe étant que la signification doit être faite à personne selon l'article 654 du même code, car il n'a jamais eu connaissance du jugement qui a été signifié à [Localité 12] alors qu'il résidait aux Etats-Unis, que la banque savait dès l'octroi du prêt que son adresse était située aux Etats-Unis et non à [Localité 12], l'adresse de [Localité 12] ayant été mentionnée par sa conseillère sur l'offre de prêt uniquement 'pour faciliter l'obtention du prêt', que Me [D] qui a été son conseil et qui était celui de la banque lors du jugement le savait lui aussi, que les pièces produites par la banque, notamment l'enquête [Z] [U] du 22 juin 2015, confirment qu'il n'habitait plus [Localité 12] et se trouvait aux Etats-Unis où il dispose d'une attache familiale certaine, qu'il n'a jamais menti sur son adresse ni déclaré habiter en Inde mais seulement y séjourner dans le cadre d'une mission du 1er au 7 avril 2015 et que la banque connaissait son lieu de travail aux Etats-Unis où elle aurait pu signifier le jugement, de sorte que la saisie fondée sur un titre exécutoire qui n'est pas valable est nulle,

- l'obligation prévue à l'article R. 321-3 3° du code des procédures civiles d'exécution de faire figurer au commandement de payer valant saisie le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus et le taux des intérêts moratoires n'a pas été respectée par la banque, soit en portant des indications erronées, soit en ne portant pas certaines indications requises, dès lors que le commandement de payer ne vise pas correctement le décompte des sommes réclamées ni le taux des intérêts, que le fondement des sommes réclamées est juridiquement et factuellement erroné en l'absence de créance liquide et exigible et que la banque a volontairement calculé des intérêts conventionnels du prêt erronés et partiellement atteints par la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation applicable en raison de la nature de la créance, étant rappelé qu'il lui appartient d'établir la réalité des paiements qu'elle invoque à compter de 2016 et qui ne proviennent pas de lui ; ces inexactitudes excédant de simples erreurs de décompte l'empêchent de procéder à la vérification du décompte et d'apprécier s'il est, ou non, débiteur de la banque et justifient l'annulation du commandement de payer et de toute la procédure de saisie pratiquée en vue d'obtenir le paiement d'une créance qui n'est pas certaine et/ou a été augmentée artificiellement,

- subsidiairement, il sollicite des délais pour régler la créance sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil,

- plus subsidiairement, il sollicite l'autorisation de vendre ses biens à l'amiable comme le permet l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution.

Dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 7 mai 2024, la CRCAM de l'Anjou et du Maine demande à la cour de :

- juger M. [H] [M] non fondé en son appel, en tout cas non recevable et non fondé en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner M. [H] [M] à lui verser la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejetant toutes prétentions contraires, le condamner aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Soulignant que l'assignation à jour fixe valant conclusions constitue une simple reprise des conclusions de première instance du débiteur et ne comporte aucune critique de la décision dont il poursuit l'infirmation, elle soutient que :

- le tribunal a justement relevé que le commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré en vertu de la grosse en forme exécutoire d'un jugement du 22 février 2016 devenu définitif pour en déduire qu'il est conforme à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'il indique la date et la nature du titre exécutoire en vertu duquel il est délivré, motivation qui n'est aucunement critiquée par l'appelant,

- il a aussi justement relevé qu'elle est le seul créancier inscrit, de sorte qu'aucune dénonciation n'était à faire à d'autres créanciers inscrits et que le commandement n'est pas caduc au sens de l'article R. 311-11 du même code, ce moyen spécieux maintenu par le débiteur ne pouvant qu'être rejeté,

- il a encore justement relevé que le jugement susvisé a été régulièrement signifié par acte du 28 avril 2016 à la dernière adresse connue du débiteur à [Localité 12], où celui-ci ne démontre pas qu'il n'avait plus son domicile à cette date, et constitue un titre exécutoire conformément à l'article 503 du code de procédure civile, que, de surcroît, le débiteur l'a exécuté en effectuant des paiements postérieurs jusqu'au 23 mai 2019, que des actes d'exécution ont été diligentés par la suite et qu'elle agit donc en application d'un titre exécutoire, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'annuler la procédure de saisie immobilière ; si le débiteur maintient, sans craindre la contradiction, que l'acte de signification produit, dont il continue à solliciter la communication, est irrégulier dès lors qu'il ne résidait plus à [Localité 12] mais aux Etats-Unis et qu'elle le savait, cette thèse qui repose sur les mêmes documents que ceux jugés insuffisants par le premier juge est mensongère car, véritable pigeon voyageur, il a multiplié les changements d'adresse dans le seul but d'échapper à ses créanciers et sans jamais lui communiquer l'adresse new-yorkaise dont il se prévaut,

- sa créance qui s'élève, après déduction des règlements reçus, à la somme de 71 211,28 euros au 13 janvier 2023 est incontestable en son principe et son quantum puisque constatée par un titre exécutoire devenu définitif qui a tranché la question du taux d'intérêt et, en outre, le débiteur se prévaut à tort de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation alors qu'il y a eu des actes interruptifs depuis 2016 consistant en les paiements opérés par lui et les saisies pratiquées,

- elle s'oppose à la demande de délais de paiement formulée pour la première fois en appel par le débiteur qui fait montre d'une attitude dilatoire et de mauvaise foi, a déjà bénéficié de larges délais, ayant cessé tout règlement depuis 2019, et ne formule aucune proposition d'apurement de la dette,

- la demande d'autorisation de vente amiable doit être rejetée dès lors que le débiteur ne justifie d'aucune démarche entreprise en vue de vendre son bien.

Sur l'audience de plaidoirie, les parties ont été invitées à présenter leurs observations, le cas échéant en délibéré sous trois semaines, sur l'irrecevabilité, susceptible d'être relevée d'office par la cour en application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, de la demande subsidiaire de délais de paiement formulée par le débiteur pour la première fois en appel ; aucune n'a fait usage de cette faculté.

Sur ce,

Sur la caducité du commandement de payer valant saisie

L'article R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que, au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant la délivrance de l'assignation au débiteur, le commandement de payer valant saisie est dénoncé aux créanciers inscrits au jour de la publication du commandement et que la dénonciation vaut assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

En vertu de l'article R. 311-11 du même code, le délai prévu par l'article R. 322-6 est prescrit à peine de caducité du commandement de payer valant saisie.

En l'espèce, il ressort du certificat du service de la publicité foncière de [Localité 11] 1 figurant au dossier de première instance qu'au 24 mai 2023, il n'existe pas d'autre formalité publiée que celles relatives à l'hypothèque légale au profit de la banque et au commandement de payer valant saisie.

Le premier juge a donc, à bon droit, considéré que la banque, seul créancier inscrit au jour de la publication du commandement, n'avait pas à dénoncer l'assignation à d'autres créanciers et n'encourt pas la caducité du commandement de payer en application de l'article R. 322-6, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la nullité du commandement de payer et de la procédure de saisie immobilière subséquente

L'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution réserve la possibilité de procéder à une saisie immobilière aux créanciers munis d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Conformément à l'article R. 321-3 du même code, le commandement de payer valant saisie doit comporter, à peine de nullité :

- 2° l'indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel il est délivré

- 3° le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires.

Il ne résulte aucunement de ce texte, exclusivement applicable à la signification d'un commandement de payer valant saisie immobilière, l'obligation pour le commissaire de justice qui procède à cette signification de remettre au débiteur saisi ou de joindre à l'acte une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise.

En outre, l'article R. 311-10 du même code précisant que la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière est régie par la section IV du chapitre II du titre V du livre Ier du code de procédure civile, il doit être fait application de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile selon lequel la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, le commandement de payer valant saisie immobilière du 17 avril 2023 indique qu'il est délivré en vertu de 'la GROSSE dûment en forme exécutoire d'un jugement réputé contradictoire et en premier ressort rendu par le Tribunal de Grande Instance de LAVAL en date du 22 FEVRIER 2016, et devenu définitif (signification du 28 avril 2016 et certificat de non-appel délivré par la Cour d'Appel d'ANGERS le 28 juillet 2016)'.

Il a ainsi été satisfait à l'exigence de forme du 2° de l'article R. 321-3.

S'agissant d'apprécier si le jugement en vertu duquel le commandement de payer a été délivré constitue un titre exécutoire au sens du 1° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution qui réserve cette qualification aux décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi qu'aux accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire, ce qui suppose qu'il ait été régulièrement signifié au débiteur puisque l'article 503 du code de procédure civile prévoit que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, la banque verse aux débats le jugement et sa signification qu'elle justifie, au demeurant, avoir transmis par mail officiel en date du 24 mars 2023 au conseil du débiteur qui en a accusé réception par mail officiel du 7 avril 2023, soit dès avant l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

Il apparaît que le jugement a été signifié au débiteur le 28 avril 2016, ce par accomplissement des formalités de l'article 9-2 du règlement (CE) n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, à l'adresse du '[Adresse 6], ROYAUME UNI' qui était celle mentionnée dans le jugement et à laquelle lui avait été signifiée l'assignation introductive d'instance du 22 septembre 2015.

À l'appui de sa contestation de la régularité de cette signification au motif qu'il n'habitait plus alors à l'adresse indiquée mais aux Etats-Unis, ce au su de la banque, le débiteur produit comme en première instance deux documents en langue anglaise, l'un daté du 23 juin 2016 correspondant à un certificat de travail auprès d'une société américaine S&P Global sur la période du 29 janvier 2014 au 19 mai 2016, l'autre daté du 25 avril 2016 correspondant à une offre de renouvellement pour 12 mois de la location d'un appartement au [Adresse 1] à [Localité 15], adresse mentionnée dans le certificat de travail, ainsi que des échanges de mails entre lui et une employée de la banque exerçant au sein de l'agence de [Localité 19], d'une part, en avril 2011 au sujet de la mise en place du prêt d'amélioration de l'habitat dont la banque poursuit actuellement le remboursement par voie de saisie immobilière, échange aux termes duquel il indique que 'le mieux pour avoir une signature rapide des documents est de tout envoyer à : [K] [H]-[M] - [Adresse 17] USA' et l'employée de banque répond que 'le dossier était déjà envoyé donc vous allez le recevoir via l'angleterre' après lui avoir demandé s'il était 'en ce moment plus sur [Localité 15] ou en Angleterre', d'autre part, en février 2012 au sujet de documents non précisés qu'il devait signer, échange aux termes duquel il propose que ces documents lui soient envoyés à la même adresse en expliquant 'je rentre à [Localité 12] dans trois semaines donc l'adresse à [Localité 15] est ce qu'il y a de plus sur et rapide'.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, ces pièces font seulement ressortir qu'il travaillait aux Etats-Unis et y vivait le plus souvent, mais non qu'il n'avait pas conservé son domicile à [Localité 12].

Par ailleurs, le débiteur ne justifie aucunement avoir informé la banque de l'adresse new-yorkaise à laquelle il résidait en 2016, différente de celle à laquelle il résidait en 2011-2012 et, si la banque qui exposait dans l'assignation du 22 septembre 2015 qu'il avait cessé de rembourser le prêt 'à compter de l'été 2014' a fait diligenter une enquête privée par la société [Z] [U] Renseignements commerciaux qui, dans un rapport confidentiel du 22 juin 2015, a conclu que la 'dernière adresse connue' du débiteur était celle de [Localité 12] où il 'était enregistré sur la liste électorale de 2007 à 2013', qu'il 'ne serait plus dans le pays' et 'pourrait actuellement être aux USA, et plus précisément dans la région de [Localité 15]', qu'il 'était actif au sein de la banque BARCLAYS puis au sein de MCLAGAN' et 'actuellement, (...) serait actif au sein de MCGRAW-HILL FINANCIAL aux USA', ces renseignements restent trop imprécis pour autoriser une signification ailleurs qu'à la dernière adresse connue.

Enfin, le fait que Me Lechartre, avocat au barreau de Laval, qui représentait la banque dans le cadre de la procédure de saisie immobilière en première instance comme dans le cadre de l'instance ayant abouti au jugement du 22 février 2016, a été le conseil du débiteur dans le cadre d'une procédure de référé expertise l'ayant opposé en 2013-2014 aux sociétés Chauviré, Pierres & Rénovation et Lelasseux et savait que celui-ci 'vi[vai]t le plus souvent aux Etats-Unis' comme indiqué dans un courrier adressé par ses soins à l'expert judiciaire le 20 janvier 2014 ne permet pas de conclure, compte tenu du secret professionnel auquel sont tenus les avocats, que la banque n'ignorait pas son adresse réelle, au demeurant non précisée dans ce courrier.

Le premier juge a donc, à bon droit, considéré que le jugement a été signifié régulièrement au débiteur et constitue un titre exécutoire valable.

Par ailleurs, le commandement de payer valant saisie immobilière porte sur la somme de 71 211,28 euros arrêtée au 13 janvier 2023 en principal, intérêts et accessoires et se décomposant suit :

- principal : 67 355,08 euros,

- intérêts à 1,54 % du 26.06.2015 au 13.01.2023 sur 62 735,76 euros : 6 891,55 euros,

- intérêts postérieurs : mémoire,

- intérêts au taux légal du 22.09.2015 au 13.01.2023 sur 4 619,32 euros : 1 784,02 euros,

- à déduire, acomptes versés : - 8 060,00 euros,

- dépens suivant état ci-joint : 2 288,53 euros,

- frais d'exécution : 952,10 euros.

Il distingue donc les sommes réclamées en principal, frais et intérêts, étant souligné que le 3° de l'article R. 321-3 n'exige pas que chacun de ces postes soit détaillé.

L'application des intérêts au taux de 1,54 % sur le principal de 62 735,76 euros à compter du 26 juin 2015 et au taux légal sur le surplus de la créance, soit 4 619,32 euros (67 355,08 - 62 735,76) à compter de l'assignation du 22 septembre 2015 est strictement conforme au dispositif du jugement du 22 février 2016 qui condamne le débiteur au paiement de ces sommes, ainsi qu'aux dépens et ordonne également la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil.

Le débiteur ne précise nullement en quoi le commandement de payer comporterait des indications erronées ou omettrait des indications requises.

Au demeurant, de simples erreurs et imprécisions, qu'il appartient à la juridiction de rectifier au stade de la fixation de la créance du poursuivant, n'invalideraient pas le commandement de payer valant saisie immobilière.

En outre, le juge de l'exécution, qui, selon l'article L. 213-6 alinéas 1 et 3 du code de l'organisation judiciaire, connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle, n'a aucunement le pouvoir de modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites de saisie immobilière exercées devant lui.

Le débiteur ne saurait donc remettre en cause le caractère liquide et exigible de la créance tel qu'il ressort du jugement du 22 février 2016.

Il est, tout au plus, en droit de se prévaloir pour les intérêts dus en exécution de ce jugement du délai de prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, selon lequel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, texte qui est applicable aux crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit.

En effet, le délai d'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, fixé à dix ans par l'article L. 111-4 du même code, n'est pas applicable aux créances périodiques nées en application d'un tel titre exécutoire, lesquelles sont soumises au régime de prescription en fonction de leur nature.

Cependant, le «décompte du dossier» établi par l'huissier de justice à la date du 7 septembre 2022, faisant état de versements effectués chaque mois de janvier 2016 à avril 2017, en juin, septembre et octobre 2017, en mars, juillet, octobre, novembre et décembre 2018, en février, mars et mai 2019 pour un montant global de 8 060 euros venu en déduction de la créance de la banque à l'égard du débiteur suffit à justifier de la réalité de ces paiements effectués, si ce n'est par ce dernier, du moins pour son compte, valant reconnaissance du droit à prescrire et emportant interruption du délai de prescription en application de l'article 2240 (anciennement 2248) du code civil.

En outre, en application de l'article 2244 du même code selon lequel le délai de prescription ou de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée, le délai de prescription a été interrompu ultérieurement par l'assignation en audience de saisie des rémunérations délivrée au débiteur le 29 juin 2020, par le commandement de payer aux fins de saisie-vente qui lui a été signifié le 13 avril 2021 et par le procès-verbal de sursis à saisie-vente du 29 juillet 2021.

La prescription n'était donc pas acquise à la date de signification du commandement de payer valant saisie immobilière du 17 avril 2023.

Dès lors, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté le débiteur de ses demandes de nullité du commandement de payer et de la procédure de saisie immobilière ainsi que de sa contestation de la créance de la banque et a fixé celle-ci à la somme de 71 211,28 euros en principal, intérêts et frais arrêtée au 13 janvier 2023, outre les intérêts postérieurs au taux contractuel de 1,54 % l'an ou au taux légal tels que prévus par le jugement en date du 22 février 2016.

Sur la recevabilité de la demande de délais de paiement

L'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

En l'espèce, n'ayant pas présenté à l'audience d'orientation sa demande de délais de paiement fondée sur l'article 1343-5 du code civil, le débiteur n'est pas recevable à la formuler pour la première fois en appel, ce qu'il y a lieu de relever d'office.

Sur l'orientation de la procédure et la demande d'autorisation de vente amiable

Il résulte de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée et que, lorsqu'il autorise la vente amiable, il s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.

En l'espèce, à l'appui de sa demande d'autorisation de vente amiable, le débiteur ne produit pas plus en appel qu'en première instance une estimation des biens immobiliers saisis, ni le moindre justificatif d'une quelconque démarche en vue de rechercher des acquéreurs et de parvenir à la vente, de sorte que la vente amiable n'apparaît pas pouvoir être conclue dans un délai raisonnable.

Par conséquent, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté le débiteur de sa demande d'autorisation de vente amiable, a ordonné la vente forcée, a fixé l'adjudication des biens immobiliers saisis sur la mise à prix de 15 000 euros à l'audience du 6 mai 2024, a renvoyé la taxation des frais à cette audience et a organisé les modalités de visite.

Sur les demandes annexes

Le débiteur, qui succombe en ses contestations, supportera les entiers dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a dit que les dépens de première instance seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

En outre, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, il sera tenu de verser à la banque la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement d'orientation entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare M. [H] [M] irrecevable en sa demande de délais de paiement ;

Condamne M. [H] [M] à payer à la CRCAM de l'Anjou et du Maine la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de la procédure civile et rejette sa demande au même titre ;

Le condamne aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du même code.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. LIVAJA C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 24/00210
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;24.00210 ?
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