COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00267 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFBS
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 19 Avril 2023, enregistrée sous le n° Z22-10.391
ARRÊT DU 04 Juillet 2024
APPELANT :
Monsieur [E] [O]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 235870
INTIMEE :
S.A.S. [Localité 2] DISTRIBUTION
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me ROSSI, avocat substituant Maître François-Xavier CHEDANEAU de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS - N° du dossier 99044801
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024 à 9 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
du 04 Juillet 2024, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
La Sas [Localité 2] Distribution exploite un hypermarché 'Leclerc' situé à [Localité 2] (35). Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
M. [E] [O] a été engagé par la société [Localité 2] Distribution dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 23 octobre 2000 en qualité d'employé commercial puis à temps plein à compter du 1er juillet 2002.
Affecté dans un premier temps au rayon bazar du magasin, il a, à sa demande, obtenu un changement et a été affecté à compter du 28 mai 2015, au rayon épicerie.
Il a été arrêté du 27 juin au 18 juillet 2015, suite à une fracture d'un orteil.
Le 4 septembre 2015, M. [O] a été placé en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif.
Dans le cadre d'une visite de reprise réalisée le 1er avril 2016, M. [O] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.
Par courrier du 2 mai 2016, la société [Localité 2] Distribution a convoqué M. [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 11 mai 2016.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 mai 2016, la société [Localité 2] Distribution a notifié à M. [O] son licenciement pour inaptitude physique à l'emploi et impossibilité de reclassement.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Malo par requête du 12 mars 2018 pour obtenir la condamnation de la société Saint-Malo Distribution, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [Localité 2] Distribution s'est opposée aux prétentions de M. [O] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 4 décembre 2018, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement de M. [O] consécutif à son inaptitude est justifié ;
-dit que la société [Localité 2] Distribution n'appartient pas à un groupe et que les recherches de reclassement ont bien été effectuées ;
- débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté la société [Localité 2] Distribution de sa demande reconventionnelle ;
- condamné M. [O] aux entiers dépens de l'instance.
M. [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 21 décembre 2018, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'il énonce dans sa déclaration.
Par arrêt en date du 18 novembre 2021, la cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement du conseil des prud'hommes de Saint-Malo en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant :
- dit que M. [O] a été victime d'un harcèlement moral ;
- prononcé en conséquence la nullité du licenciement de M. [O] ;
- condamné la société [Localité 2] Distribution à lui payer les sommes de :
* 3 165,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 316,60 euros de congés payés afférents,
* 18 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,
- condamné la société [Localité 2] Distribution à payer à M. [O] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'instance d'appel ;
- condamné la société [Localité 2] Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société [Localité 2] Distribution a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 19 avril 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement de M. [O] et en ce qu'il a condamné la société Saint-Malo Distribution à lui payer les sommes de 3 165,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 316,60 euros à titre de congés payés afférents et 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. Elle a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers.
La Cour de cassation a rejeté les demandes présentées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [O] aux dépens.
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel de Rennes, en prononçant la nullité du licenciement après avoir retenu que le salarié avait été victime d'un harcèlement moral et constaté l'existence d'un lien entre celui-ci et son inaptitude alors que M. [O] sollicitait de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, avait violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile.
M. [O] a saisi la présente cour, désignée cour de renvoi par déclaration de saisine après cassation reçue au greffe le 17 mai 2023.
La société [Localité 2] Distribution a constitué avocat le 31 mai 2023.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2024 et le dossier a été fixé à l'audience collégiale de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 23 mai 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [O], dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo le 4 décembre 2018 encore en cause en suite de la cassation intervenue et portant grief au susnommé ainsi que ceux qui en dépendent, et particulièrement en ce qu'il:
- a dit que son licenciement consécutif à son inaptitude est justifié ;
- a dit que la société [Localité 2] Distribution n'appartient pas à un groupe et que les recherches de reclassement ont bien été effectuées ;
- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;
- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;
- décerner acte du caractère définitif du chef du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 novembre 2021 jugeant qu'il a été victime d'un harcèlement moral, lequel n'a pas fait l'objet d'une cassation ;
Et statuant à nouveau à titre principal,
- prononcer la nullité de son licenciement ;
- condamner la société [Localité 2] Distribution à lui régler une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 742,25 euros, outre 374,22 euros au titre des congés payés afférents ;
- condamner la société [Localité 2] Distribution à lui régler la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la société [Localité 2] Distribution a manqué à son obligation de sécurité à son égard ;
- dire et juger que la société [Localité 2] Distribution a manqué à son obligation de reclassement à son égard ;
En conséquence :
- déclarer son licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société [Localité 2] Distribution à lui régler une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 742,25 euros, outre 374,22 euros au titre des congés payés afférents;
- condamner la société [Localité 2] Distribution à lui régler la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
En toutes hypothèses :
- rejeter toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée ;
- condamner la société [Localité 2] Distribution à lui régler la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première et seconde instance ;
- condamner la société [Localité 2] Distribution aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
*
La société [Localité 2] Distribution, dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint Malo ;
- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [O] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
*
MOTIVATION
I - Sur la nullité du licenciement :
À titre liminaire, M. [O] affirme que le harcèlement moral dont il s'estime victime a débuté le 28 mai 2015 lorsqu'il a intégré le rayon pâtes de l'hypermarché et s'est poursuivi jusqu'au 4 septembre 2015. Il considère que les attestations et les pièces médicales communiquées établissent, comme l'a retenu la cour d'appel de Rennes, la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il soutient par ailleurs que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 18 novembre 2021 retenant un harcèlement moral à son encontre sont définitives dans la mesure où elles n'ont pas fait l'objet de cassation. Il en déduit que le harcèlement moral à son encontre ne peut être remis en cause par la présente cour.
M. [O] fait valoir que son inaptitude est imputable à la société [Localité 2] Distribution laquelle n'est pas intervenue pour mettre fin au management inadapté de M. [W], dont le comportement est directement à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude.
La société Saint-Malo Distribution réplique que M. [O] n'a jamais sollicité de dommages et intérêts pour harcèlement moral et qu'il n'imaginait pas plus soutenir que son licenciement devait être considéré comme étant nul avant l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 18 novembre 2021.
Elle conteste ensuite tout lien entre le harcèlement moral invoqué par M. [O] et son inaptitude. À cet égard, elle fait notamment observer qu'il a été déclaré apte par le médecin du travail le 7 août 2015 à la suite d'un premier arrêt pour maladie non professionnelle et que le 'syndrome anxiodépressif' à l'origine de son inaptitude prononcée le 1er avril 2016 n'a pas été reconnu comme d'origine professionnelle par la CPAM.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, dans sa version applicable : 'Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'.
L'article L.1152-3 énonce que : 'Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.
Dans le dispositif de son arrêt du 18 novembre 2021, la cour d'appel de Rennes a expressément indiqué 'Dit que Monsieur [E] [O] a été victime d'un harcèlement moral' et a condamné la société Saint-Malo Distribution à lui payer une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.
Le premier moyen du pourvoi en cassation tendait à remettre en cause l'appréciation faite par la cour d'appel de l'existence d'un harcèlement moral. Ce moyen, qui n'était pas susceptible d'entraîner la cassation, a fait l'objet d'un rejet non spécialement motivé.
Il s'en suit que la décision de la cour d'appel de Rennes est, en ce qu'elle a retenu l'existence d'un harcèlement moral, définitive.
La cour de céans, doit par suite uniquement se prononcer sur les conséquences de ce harcèlement quant au licenciement prononcé à l'encontre de M. [E] [O].
Pour répondre à la société Saint-Malo Distribution, qui ne soulève d'ailleurs aucune fin de non-recevoir, force est de constater que si M. [E] [O] n'a pas sollicité la nullité de son licenciement devant le conseil des prud'hommes (ni d'ailleurs devant la cour d'appel de Rennes), cette demande, qui a pour objet de remettre en cause le licenciement dont il a fait l'objet, tend aux mêmes fins que celle présentée en première instance, et est donc recevable.
Il ne peut être déduit de la position procédurale du salarié qui n'a pas, dans un premier temps, sollicité la nullité de son licenciement, que celui-ci était sans lien avec le harcèlement dont il avait été victime.
Le licenciement prononcé pour inaptitude est nul dès lors que celle-ci résulte du harcèlement dont le salarié a fait l'objet.
En raison de l'autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale, l'inopposabilité à l'employeur, dans ses rapports avec la CPAM, du caractère professionnel de la maladie du salarié ne fait pas obstacle à ce que le salarié invoque à l'encontre de son employeur l'origine professionnelle de sa maladie pour bénéficier de la législation protectrice applicable aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Dès lors, il importe peu que par courrier du 22 février 2016, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ile et Vilaine ait fait connaître à M. [E] [O] le refus de prise en charge de la maladie déclarée par lui le 30 novembre 2015 (syndrôme anxio-dépressif réactionnel), au motif qu'elle ne figurait pas dans les tableaux des maladies professionnelles.
En l'espèce, M. [E] [O] verse notamment aux débats les pièces suivantes :
-L'attestation de Mme [Y] qui indique : « Après son changement au secteur épicerie, j'ai constaté une dégradation physique et morale. Je lui ai demandé ce qui se passait, il m'a répondu que son chef l'humiliait et s'acharnait sur lui. Pour en avoir parlé avec d'autres employés, Monsieur [W] avait une réputation de chef autoritaire et agressif. Nous lui avons conseillé d'en parler à la Direction'.
-L'attestation de Mme [V] : 'En effet, j'ai pu entendre des propos de la part de M. [W] envers M. [O], parce que là c'est plus possible un tel bordel...
J'ai également pu constater la perte de poids très rapide de M. [O] et son état de désarroi face à la situation'.
-un certificat de son médecin traitant, le docteur [B] attestant qu'il l'a reçu en consultation le 4 septembre 2015, qu'il présentait un syndrome anxiodépressif réactionnel responsable d'une perte de poids importante,
-son dossier médical de l'ESLM -service médical de l'assurance maladie- de [Localité 4] qui relève à l'examen 'un tableau dépressif et anxieux patent' (19 novembre 2015), qui relate les difficultés au travail avec son chef dont M. [E] [O] lui a fait part (21 janvier 2016) et mentionne : 'on est face à un conflit au travail. Selon l'assuré c'est un problème de changement de poste qui s'est fait à la demande de l'assuré qui semble regretter son choix',
-les arrêts de travail pour maladie professionnelle (initial et de prolongation), à compter du 2 novembre 2015,
-son dossier de la médecine du travail, rempli par le docteur [S], qui mentionne, le 29 septembre 2015 : 'Arrêt maladie du 04.09.15. Antécédents : conflit avec sa hiérarchie suite à un changement de poste. Il éprouve des difficultés en épicerie. Ne se sent pas soutenu par son directeur qu'il vient de rencontrer. A suivre. NB : Parle d'horaires précoces ' Debout 5h (8h au bazar) - de malaise au retour de son travail dans son véhicule - de conflit avec le responsable épicerie - d'une perte de 5 kg.
J'ai rencontré l'employeur le 23.10. Entretien sans le salarié : souhaite le maintien en rayon épicerie sans retour au rayon bazar ' A suivre', qui indique le 8 décembre 2015 qu'il lui a donné les coordonnées d'un psychiatre, et qui conclut à son inaptitude le 1er avril 2016 en ces termes : 'Le maintien de M. [O] à son poste ou à tout autre poste dans l'entreprise actuelle pourrait entraîner pour le salarié un danger immédiat pour sa santé. Nous considérons ici que l'apparition de la notion de danger résulte de l'avis du médecin du travail. En d'autres termes, nous précisons et certifions ici que le maintien du salarié à quelque poste de travail que ce soit dans cette entreprise est de fait irréalisable au vu de l'état de santé actuel du salarié'.
Ces éléments établissent que l'inaptitude de M. [O] trouve sa cause dans le harcèlement moral dont il a été victime, peu important à cet égard que le médecin du travail n'ait émis aucune réserve le 7 août 2015 lors de la visite de reprise effectuée suite à la fracture de son orteil, cette visite étant ciblée sur ce problème, et que le salarié n'ait au final (compte tenu des vacances prises du 18 juillet au 7 août 2015 et de celles de son supérieur à compter du 25 août), que peu travaillé au rayon épicerie sous la responsabilité de M. [W].
Il convient, par suite, de prononcer la nullité de son licenciement.
II-Sur les conséquences de la nullité du licenciement :
Les dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail issues de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, ne sont pas applicables, dès lors que le licenciement de M. [O] est intervenu antérieurement à son entrée en vigueur.
Néanmoins, il était alors décidé (voir notamment en ce sens Cass. Soc., 3 décembre 2003, pourvoi n°0144427) que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du code du travail depuis lors recodifié.
A/Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
En application de l'article 5 de l'annexe employés et ouvriers de la convention collective de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, M. [O], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à une indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire.
En l'absence de dispositions conventionnelles sur ce point, l'indemnité est égale au salaire brut qui aurait été celui du salarié s'il avait travaillé pendant la période de délai-congé ( C. trav., art. L. 1234-5 ).
La prime conventionnelle est prévue par l'article 3.6 de la convention collective. En l'absence de licenciement, elle aurait été perçue par le salarié. Il convient donc d'en tenir compte dans le calcul de la rémunération du salarié.
L'employeur ne conteste pas que tel aurait également été le cas de la prime de vacances, versée en octobre 2014 et octobre 2015.
C'est donc à bon droit que le salarié sollicite qu'elles soient prises en considération pour le calcul de l'indemnité de préavis. Il demande à la cour de retenir la moyenne des deux dernières années de primes perçues en 2014 et 2015, divisée par 12 à ajouter à son salaire brut mensuel de 1598,87 euros, et à multiplier par deux.
L'employeur n'oppose pas de contestation à ce calcul, qui sera par suite retenu, et qui conduit à lui accorder la somme de 3742,24 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 374,22 euros au titre des congés payés y afférents.
B/Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul :
M. [O], âgé de 47 ans lors de son licenciement, a entrepris en avril 2017 une formation de menuisier agenceur. Il justifie avoir eu des missions de travail temporaire au cours de l'année 2018 et jusqu'en mars 2019, avant de signer un contrat de travail à durée indéterminée. Compte tenu de ces éléments et de son ancienneté (15 ans), il lui sera alloué une somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts.
III - Sur les frais irrépétibles et les dépens
La décision entreprise sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie succombante, la société [Localité 2] Distribution supportera les dépens de première instance et d'appel, en ce y compris ceux de l'instance cassée. Elle sera par suite déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de mettre à charge la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par son adversaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
-INFIRME le jugement rendu le 4 décembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
-DECLARE le licenciement de M. [E] [O] nul,
-CONDAMNE en conséquence la société [Localité 2] Distribution à lui payer les sommes suivantes :
*3742,24 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 374,22 euros au titre des congés payés y afférents,
*18 000 euros à titre de dommages et intérêts,
-CONDAMNE la société Saint-Malo Distribution à rembourser à France Travail les indemnités chômage versées à M. [E] [O] de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud'hommes dans la limite de six mois,
-CONDAMNE la société [Localité 2] Distribution aux dépens de première instance et d'appel,
dont distraction, pour ces derniers, au profit du conseil de M. [O],
-CONDAMNE la société [Localité 2] Distribution à payer à M. [E] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-REJETTE les demandes pour le surplus.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN