COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00557 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4WI.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du Mans, décision attaquée en date du 10 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00513
ARRÊT DU 04 Juillet 2024
APPELANT :
Monsieur [I] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me PRINC, avocat substituant Maître Virginie CONTE de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
S.A.S. SEMENTAL
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE - GODARD - BOUTARD - SIMON - GIBAUD, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20181358
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame CHAMBEAUD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 04 Juillet 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Semental, prise en la personne de son représentant légal, M. [S] [N], est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros de céréales, de tabacs non manufacturés, de semences et d'aliments pour le bétail. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des produits du sol, engrais et produits connexes en date du 2 juillet 1980 (Convention n° 3165).
À compter du 1er janvier 2017, M. [I] [J] a été engagé par la société Semental dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable communication, statut cadre, coefficient 350. Il percevait en contrepartie une rémunération fixe annuelle brute de 38 000 euros soit 2 923 euros brut mensuels. Il était prévu en outre une gratification annuelle, égale à un mois du salaire de base, versée par moitié fin juin et fin décembre. En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle s'élevait à la somme de 3 050 euros brut.
Le 17 janvier 2019, M. [J] a fait parvenir sa candidature au second tour de l'élection des membres titulaires du comité social et économique. Il n'a pas été élu.
M. [J] a été placé en arrêt maladie du 21 au 25 janvier 2019.
Entre les mois de février et d'avril 2019, les parties se sont engagées dans des pourparlers aux fins de formaliser une rupture conventionnelle du contrat de travail lesquels n'ont toutefois pas abouti.
Par courrier du 7 août 2019, la société Semental a convoqué M. [J] à un entretien préalable fixé le 20 août suivant. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
M. [J] a de nouveau été placé en arrêt de travail du 7 au 31 août 2019.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 août 2019, la société Semental a notifié à M. [J] son licenciement pour faute grave motifs pris d'un non-respect des missions confiées ; d'une mauvaise gestion de la photothèque ; d'un refus de communication des codes d'accès aux fichiers sources ; d'une attitude irrespectueuse envers Mme [N] ainsi qu'un refus d'utiliser le serveur SEMENTAL et l'arborescence « Communication » ; d'avoir eu le 18 juillet 2019 une attitude d'intimidation envers M. [N] et le sentiment d'insécurité généré par son attitude auprès de ses collègues.
Par courrier du 7 septembre 2019, M. [J] a contesté les griefs invoqués par la société Semental à l'appui de son licenciement.
Par courrier du 10 octobre 2019, M. [J] a informé la société Semental d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe. Par correspondance du 15 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la maladie qu'il avait déclarée le 10 octobre 2019.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans par requête du 20 décembre 2019 afin d'obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société Semental à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire au titre de la mise à pied du 7 au 30 août 2019 et les congés payés afférents et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Semental s'est opposée aux prétentions de M. [J] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la procédure de licenciement est irrégulière et en conséquence a condamné la société Semental à verser à M. [J] une indemnité de 1500 euros à ce titre ;
- dit que le licenciement de M. [J] est licite et procède bien d'une faute grave ;
- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes en lien avec le licenciement ;
- débouté M. [J] et la société Semental de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement au visa de l'article 515 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
M. [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique à la cour d'appel le 7 octobre 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'il énonce dans sa déclaration.
La société Semental a constitué avocat en qualité d'intimée le 13 octobre 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2024 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers le 8 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [J], dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour, sur le fondement des articles L.1152-1, L. 1154-1, L. 1232-2, L. 1235-2, L.1332-4 et L.2411-7 du code du travail, de :
- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 10 septembre 2021 ;
- confirmer la décision déférée en ce que le conseil de prud'hommes du Mans a dit que la procédure de licenciement était irrégulière et a condamné la société Semental à lui verser une indemnité de 1 500 euros ;
- infirmer la décision déférée en ce que le conseil de prud'hommes du Mans :
- a dit que son licenciement était licite et procédait bien d'une faute grave ;
- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes en lien avec le licenciement ;
- a débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens.
En conséquence,
- dire et juger que son licenciement est nul et de nul effet en raison :
- d'un détournement de la procédure et d'une violation du statut protecteur dont il bénéficiait,
- de l'existence d'un harcèlement moral dont il était victime,
En conséquence,
- condamner la SAS Semental à lui verser les sommes suivantes :
* indemnité légale de licenciement : 2 992,92 euros
* indemnité compensatrice de préavis : 9 169,80 euros,
* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 916,98 euros,
* indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur : 18 339,60 euros,
* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 5 000 euros,
* indemnité de l'article L.1235-3 du code du travail : 10 698,10 euros,
* rappel de salaire suite à la mise à pied du 7 au 30 août 2019 : 2 495,46 euros, * congés payés sur rappel de salaire : 249,54 euros ;
à titre subsidiaire,
- dire et juger que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- condamner la SAS Semental à lui verser les sommes suivantes :
* indemnité légale de licenciement : 2 992,92 euros
* indemnité compensatrice de préavis : 9 169,80 euros,
* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 916,98 euros,
* rappel de salaire suite à la mise à pied du 7 au 30 août 2019 : 2 495,46 euros,
* congés payés sur rappel de salaire : 249,54 euros ;
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12 228 euros,
En tout état de cause,
- dire que les créances salariales produiront des intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes du Mans et que les créances indemnitaires produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- condamner la société Semental à lui remettre l'attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire, le tout rectifié tenant compte des condamnations prononcées ;
- condamner la société Semental à lui verser une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Semental à tous les dépens de première instance et d'appel.
La société Semental, dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2022 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement de première instance rendu le 10 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans ;
- dire et juger que le licenciement notifié à M. [J] est bien fondé ;
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- reconventionnellement, condamner M. [J] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [J] en tous les frais et dépens de l'instance.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
Sur le harcèlement moral
M. [I] [J] prétend avoir été victime d'actes de harcèlement moral de la part de M. [S] [N], actes qui sont à l'origine de la dégradation de son état de santé et notamment de sa maladie professionnelle.
La société Semental réfute tout acte de harcèlement moral faisant valoir que M. [I] [J] n'a aucunement alerté le médecin du travail et l'inspection du travail. Elle considère que les divers mails produits par l'appelant ne sont que l'illustration du pouvoir de direction de l'employeur lequel, en tant que seul gestionnaire et responsable de l'entreprise, est autorisé à souligner le retard pris par un salarié dans l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Elle estime que les attestations produites par M. [I] [J] sont dénuées d'objectivité car émanant, soit de personne avec qui il existe un contentieux prud'homal, soit de personne à qui il n'a pas été proposé de contrat de travail à durée indéterminée. Il en conclut qu'il s'agit pour M. [I] [J] de jeter le discrédit sur la personne de son ancien employeur aux fins de tenter d'obtenir de multiples condamnations financières
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L'article L.1152-2 alinéa 1 dudit code précise qu'« aucune personne ayant subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L.1121-2 ».
Selon l'article L.1152-3 du même code, « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».
En vertu de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de faits invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code civil. Dans l'affirmative, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles
Il est de principe que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur et de l'existence d'une intention malveillante. Les méthodes de gestion et de direction mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il ressort des pièces versées aux débats par M. [I] [J] pour justifier les faits de harcèlement moral dont il s'estime victime, qu'il n'y a pas eu de difficultés relationnelles entre lui et M. [S] [N], président de la société Semental, durant l'année 2017 et 2018, la qualité de son travail lui ayant permis de bénéficier d'une prime exceptionnelle et d'une augmentation de rémunération, son employeur soulignant même son dévouement envers la société Semental.
Les relations avec le président de la société se sont très fortement dégradées à compter de janvier 2019 concomitamment au recrutement d'une graphiste ; recrutement qui a surpris M. [I] [J], alors responsable communication, pour ne pas en avoir été informé et à qui était désormais confiée une partie de ses missions.
Ainsi, le 7 janvier 2019, M. [S] [N] lui indiquait par courriel adressé en copie à Mme [U] [Z], Comptable, « nous allons effectivement faire un point sur votre activité assez rapidement et la répartition des tâches. Je vous rappelle que vous disposez déjà d'[F] et de deux cabinets graphiques ». M. [I] [J] prenait alors acte du refus de M. [S] [N] d'arrêter ses instructions par écrit.
Les courriels des 9 et 10 janvier 2019 témoignent de l'existence d'une tension entre les deux hommes. Alors que M. [I] [J] lui faisait un point sur les dossiers qu'il lui avait remis et lui demandait de plus amples informations concernant ses annotations et post-it afin d'exécuter sa mission conformément à ses directives, qu'il lui faisait des propositions sur certains supports de communication et lui précisait que les données se trouvaient sur le serveur, M. [S] [N] lui répondait le lendemain en ces termes : « Bonjour, Jamais vues celles qui auraient été faites ! Jamais eu celles qui « attendent » mon retour ; ou sont-elles ' Qui les a faites ' Vous, [F] ' »
M. [I] [J] connaissait alors un premier arrêt-maladie du 21 au 25 janvier 2019. Dans le cadre de celui-ci, le 22 janvier 2019, par lettre recommandée avec accusé de réception, M. [S] [N] lui demandait le mot de passe du NAS. Le 24 suivant, M. [I] [J] lui faisait part de son étonnement, le mot de passe du NAS étant à la fois sur son poste de travail et dans le MAC dans un fichier Excel nommé « Mots de passe communication » accessible à tous, tout en précisant que l'entreprise Conty, qui avait installé le NAS, le détenait également dans la mesure où il était inchangé depuis son installation. Nonobstant cela, il le mentionnait dans sa correspondance.
A sa reprise de travail, M. [I] [J], constatant une détérioration de ses conditions de travail, proposait le 5 février 2019 à son employeur d'envisager la signature d'une rupture conventionnelle, ce que ce dernier refusa. Le 25 février suivant, M. [S] [N] revenait sur sa position. Par courriel du 6 mars, M. [I] [J] prenait acte de ce revirement et lui demandait quelles étaient ses conditions de la rupture. Son employeur lui répondait par courriel le 8 mars 2019, en mettant en copie M. [P] [N], Mme [H] [N] et Mme [U] [Z], en ces termes « ASSEZ DE VERBIAGE ! ! Arrêtez de donner des leçons ! Vous ne comprenez pas la situation. Avez-vous oublié la bâche que vous avez pris à l'élection ! ! Elle représente ce que les gens pensent de vous et, de votre travail. Cordialement ».
Par courriel du 11 mars 2019, M. [S] [N] demandait à M. [I] [J] de lui restituer les clés du bureau. Il clôturait son courriel en ces termes : « Par ailleurs, faites attention aux fautes d'orthographe « aucune heures supplémentaires. » « Aucune », c'est du singulier, donc pas de « S » à heures et à supplémentaires. Cela fait désordre pour un responsable COM ! ! Merci ». Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, M. [S] [N] proposait à M. [I] [J] de le rencontrer le 20 mars dans le cadre de sa demande d'une éventuelle rupture conventionnelle, ce dernier y répondant favorablement par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 suivant.
Dans un courriel du 15 mars 2019 adressé aux 7 commerciaux avec en copie M. [P] [N], Mme [H] [N] et Mme [U] [Z], ayant pour objet « Argumentaires et fiches produits », M. [S] [N] mettait en cause la qualité du travail de M. [I] [J].
Alors que ce dernier lui relatait un incident survenu avec Mme [U] [Z] laquelle avait exigé qu'il quittât la veille les locaux, M. [S] [N] lui répondait le 27 mars en mettant en copie de son message Mesdames [Z] et [N], ce qui suit : « Monsieur, Pas le bol de vos problèmes psychologiques et vos paraphrases ; nous avons l'entreprise à faire tourner. Je n'ai pas le temps de lire en permanence votre prose. Ne vous en déplaise, vos horaires sont ceux qui vous sont mentionnés ; la situation est très claire. Vous n'avez pas à rester en dehors de ces horaires. Merci d'en tenir compte».
Du 1er au 5 avril 2019, M. [I] [J] était en arrêt-maladie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2019, M. [S] [N] prenait acte du refus de M. [I] [J] de l'offre de la proposition de rupture et lui reprochait le ton très péremptoire, arrogant et agressif de sa réponse courrier, l'accusait de créer sans cesse des situations conflictuelles, notant des contresens quant au choix de l'avocat qu'il avait effectué pour conclure qu'il était difficile de se comprendre devant de tels contresens ou contrevérités.
Le même jour, M. [I] [J] adressait un courriel à M. [S] [N] avec en copie les époux [N] et Mme [Z], décrivant le comportement agressif dont il avait été victime de la part de sa belle-fille et ce, en présence de M. [F] [B], cette dernière lui criant dessus, l'accusant de complexifier les choses ou d'entraver la bonne marche de SEMENTAL et de la part également de son fils, lequel l'avait poursuivi dans les locaux en l'accusant de harceler les salariés.
Le 18 juin, M. [S] [N] adressait à M. [I] [J] une lettre recommandée avec accusé de réception de trois pages qu'il :
- commençait ainsi : « Je ne rentrerai pas dans le jeu de vous répondre point par point à vos multiples écrits ; ma réponse sera globale, mais je souhaite prendre acte une fois de plus que vous utilisez votre statut de salarié protégé pour nous provoquer, créer des situations conflictuelles et entraver l'activité de l'entreprise »
- poursuivait en détaillant les carences professionnelles de M. [I] [J] ' qu'il considère comme n'étant « absolument pas capable de produire une communication » et décrivant ses relations dans l'entreprise avec ses collègues insistant sur le fait qu'il « n'y a pas que le personnel de direction qui ne vous apprécie pas. Je vous rappelle votre score aux élections du CSE ; une voix, la vôtre »
- clôturait en ces termes : « vous avez un problème d'ego et de narcissisme. Votre travail et votre conduite laissent pour le moins à désirer, et ne devraient pas vous conduire à adopter une telle attitude. Le ton de vos écrits est dominateur et donneur de leçon ; nous n'avons aucune leçon à recevoir de votre part. Ne cherchez pas plus loin, c'est ce genre d'agissements qui fait que vous agacez votre entourage. Comment voulez-vous qu'une telle situation perdure ; l'issue est connue de tous et je vous le confirme, vous ne serez pas toujours salarié protégé. Les manquements professionnels et votre conduite ne manqueront pas de nous donner l'opportunité de donner suite dans les règles de l'art ».
A ces pièces qui retracent la détérioration des relations contractuelles entre M. [I] [J] et M. [S] [N], s'ajoute une série de courriels échangés entre les deux hommes dont il ressort que M. [I] [J] s'est toujours adressé à son employeur en termes courtois et respectueux ; qu'il a été argumenté et factuel en ses réponses ; qu'il a demandé d'avoir des directives écrites afin de clarifier ses tâches ; qu'il a explicité les difficultés auxquelles il était confronté en raison de la nécessaire validation de toute étape du processus de communication ; qu'il a formulé des propositions lesquelles ont été soit rejetées, soit ignorées, soit jugées inopportunes ; qu'il a communiqué à plusieurs reprises les divers mots de passe ; qu'il a explicité maintes fois l'accès au document sur le serveur, le NAS et les copies de sauvegarde et qu'il a confirmé utiliser le serveur afin de sécuriser les dossiers techniques de SEMENTAL, ce que les chemins d'accès des fichiers sources démontrent.
En retour à ces mails, il a obtenu de la part de M. [S] [N] des réponses ou des demandes formulées en termes violents et durs, méprisants et humiliants tels que relatés ci-dessus ou comme : « Monsieur [J] STOP !! De grâce, laissez-nous travailler !!! MERCI » ; « Monsieur, Le patron, c'est MOI »
Deux personnes ayant quitté l'entreprise Semental témoignent en faveur de M. [I] [J], Mme [Y] [E] et M [F] [B].
Mme [Y] [E] atteste de l'important turn-over du personnel au sein de la société Semental en raison du climat extrêmement tendu, de l'ambiance très lourde régnant au sein de l'entreprise du fait du comportement de M. [S] [N]. Elle précise que « la plupart des collaborateurs « avaient « peur » de Monsieur [N], entre ses colères, reproches, accusations, le quotidien était lourd à gérer pour l'équipe. Le ton montait régulièrement au sein des locaux ce qui générait un stress important et quotidien. Il n'hésitait pas à traiter l'ensemble des salariés de « bras cassés » ou de « nuls » et à dénigrer les compétences de chacun ». Elle décrit M. [I] [J] comme une personne « ultra dynamique, très qualifié », « avenant, professionnel, consciencieux et extrêmement courageux », présentant « un excellent relationnel avec ses collègues ». Elle relate les colères de M. [S] [N] à l'égard de M. [I] [J], les reproches incessants qu'il lui formulait publiquement, les directives qu'il lui donnait au dernier moment.
M. [F] [B], étudiant à l'[4] à [Localité 6] en « Marketing et Communication » recruté au moment des faits en contrat de professionnalisation, indique qu'il n'a pas eu pour tuteur M. [I] [J] mais M. [S] [N]. Lors de son arrivée dans l'entreprise, ce dernier ne l'a pas placé dans le bureau de M. [I] [J] mais dans un bureau seul en lui précisant ainsi qu'à M. [I] [J] « à chacun ses tâches ». Les tâches qui lui étaient confiées nécessitant l'aide et l'assistance de M. [I] [J], il explique avoir fini par braver l'interdit posé par M. [S] [N] pour s'installer dans le bureau de M. [I] [J] afin d'assurer un meilleur suivi des dossiers et être formé par un professionnel de la communication. Il témoigne de l'inexistante de relations humaines et de propos très crus et durs et totalement disproportionnés par rapport aux faits fréquemment formulés à l'encontre de M. [I] [J]. Il relate les « recadrages » publics de M. [I] [J] effectués tant par M. [S] [N] que par son fils et sa belle-fille, les injonctions paradoxales, les ordres et contre-ordres.
Enfin, à ces éléments, s'ajoutent les documents médicaux suivants :
- le certificat médical du docteur [K] du 8 août 2019 laquelle certifie avoir examiné M. [I] [J] lequel « dit avoir été agressé verbalement et physiquement par son employeur le 7 août 2019. Aujourd'hui, il est stressé, anxieux. Objectivement, il présente un hématome de 1cm/1 cm au niveau du bras gauche » ;
- le compte-rendu de suivi du docteur [G], psychiatre du 12 février 2020 décrivant son syndrome anxiodépressif dans un contexte de tensions au travail depuis fin 2018 nécessitant un suivi mensuel et son lourd traitement en raison de sa mauvaise réponse aux antidépresseurs.
Ainsi, l'ensemble des éléments ci-dessus, en ce compris les éléments médicaux dont il ressort que M. [I] [J] a souffert d'un syndrome anxiodépressif ayant donné lieu à des arrêts de travail, à un traitement médical et à une reconnaissance en tant que maladie professionnelle, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Dès lors, il convient d'examiner si l'employeur démontre que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral à l'égard de M. [I] [J].
La société Semental produit :
- l'attestation de Mme [H] [N], belle-fille de M. [S] [N], contrôleuse de gestion, laquelle déclare avoir « été témoin de l'attitude provocatrice de M. [I] [J] », « de ses intentions de tourner toutes les situations en conflits », « de ses intentions de bloquer l'avancement de l'entreprise » sans pour autant faire état de faits précis matériellement vérifiables,
- l'attestation de M. [P] [N], fils du président de la société, directeur adjoint, lequel déclare être victime de harcèlement moral de la part de M. [I] [J], s'être demandé chaque jour ce que M. [I] [J] pouvait faire pour lui nuire et nuire à Semental, faire le travail de M. [I] [J] à sa place
- l'attestation de Mme [U] [Z], comptable, décrit M. [I] [J] comme une personne « bizarre », « rigolant bêtement », envoyant de nombreux mails quotidiennement contenant des formules telles « Sincères salutations » ou « Je te remercie », ou encore « Bonne journée » qu'elle juge complètement fausses dans le contexte.
- l'attestation de Mme [D] [C], assistante ADV chez SEMENTAL, déclare avoir été suivie par M. [I] [J] sur le parking le premier jour de son intérim, ce dernier lui demandant combien de temps elle était supposée rester au sein de l'entreprise ; avoir été suivie une deuxième fois sur le parking par M. [I] [J] lequel a dit une blague ; avoir « presque peur » de M. [I] [J] car ses réactions étaient inattendues
- un constat d'huissier de justice dressé le 9 août 2019, soit après la mise à pied de M. [I] [J], répertoriant les différents outils informatiques lequel démontre au demeurant que la société Semental avait en sa possession les codes d'accès.
Aucune des pièces fournies aux débats par la société Semental, en ce compris les courriels, ne démontre que les agissements dont se plaint M. [I] [J] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. Le pouvoir de direction de M. [S] [N] invoqué pour justifier son attitude à l'égard de ce dernier, pouvoir au demeurant jamais contesté par M. [I] [J], ne saurait légitimer de tels comportements et ce surtout quand l'employeur ne démontre pas avoir procédé à une répartition des tâches entre le responsable communication et le graphiste bien qu'annoncé par mail du 7 janvier 2019, ne justifie d'aucun entretien d'évaluation professionnelle de M. [I] [J] avec fixation d'objectifs clairs et précis, ne justifie pas de l'existence de directives écrites en dépit des demandes réitérées de M. [I] [J] contraignant ainsi son responsable communication à « naviguer à vue » en l'absence d'une stratégie globale de communication, le considérant de facto tantôt comme un responsable communication, tantôt comme un simple exécutant. De surcroît, ses propres pièces sont révélatrices de son management. Elles illustrent son comportement colérique, la tension et pression qu'il faisait régner, les intentions qu'il prête à M. [I] [J] lesquelles ne reposent sur rien de démontré. Elles ne justifient d'aucune difficulté relationnelle entre M. [I] [J] et ses collègues. En toute hypothèse, le pouvoir de direction de M. [S] [N] ne saurait l'autoriser à humilier publiquement son responsable communication, en mettant notamment en copie des courriels par lesquels il remet en cause son travail et formule des critiques sur sa personne même, des salariés qui n'ont aucun pouvoir hiérarchique à son égard et qui exercent des fonctions sans rapport avec la communication telles Mme [Z], comptable, et Mme [H] [N], contrôleuse de gestion.
Dès lors, la cour dira que le harcèlement moral de M. [I] [J] est caractérisé.
Sur la violation du statut protecteur du salarié
M. [I] [J] prétend que la société Semental a détourné la procédure et violé le statut protecteur dont il bénéficiait suite à sa candidature au second tour des élections du CSE le 17 janvier 2019.
La société Semental soutient avoir parfaitement respecté le statut du salarié protégé, les faits reprochés à M. [I] [J] étant postérieurs à la période de protection.
Il est de jurisprudence constante au visa de l'article L 2411-7 du code du travail, que l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection légale à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. Toutefois, est nul le licenciement du salarié prononcé au terme de la période de protection en raison de faits commis pendant cette période et qui auraient dû être soumis à l'inspection du travail.
En l'occurrence, il est constant et non contesté que la période de protection de M. [I] [J] expirait au 17 juillet 2019 ; que M. [I] [J] a bénéficié de congés payés du 22 juillet au 2 août 2019 puis a repris son travail le 5 août avant d'être mis à pied le 7 août suivant, date à laquelle il a été convoqué à un entretien préalable.
La lettre de convocation à l'entretien préalable du 7 octobre 2019 fait mention d'un comportement inacceptable et outrancier adopté depuis plusieurs semaines sur lequel M. [I] [J] aurait été émis en garde. Ainsi, ce sont des faits qui auraient été commis pendant qu'il bénéficiait du statut de salarié protégé. En outre, dans la lettre l'employeur reproche au salarié de ne pas avoir effectué les missions pour lesquelles il avait été recruté, d'avoir heurté le 18 juillet 2019 de façon volontaire un membre de la direction, d'avoir eu une attitude provocatrice lors de la tentative de remise en mains propres de la convocation à l'entretien préalable. Il s'agit de griefs qui se sont déroulés pendant la période de protection. En effet, ils étaient déjà énoncés dans la lettre de M. [S] [N] du 18 juin 2019 alors que M. [I] [J] avait le statut du salarié protégé.
Il est ainsi établi que la société Semental a attendu l'expiration du délai de protection pour engager la procédure aboutissant au licenciement de M. [I] [J], alors qu'elle n'invoque ni ne démontre l'existence de faits postérieurs à celle-ci.
La violation du statut du salarié protégée est donc établie.
Il résulte donc des motifs qui précèdent que le licenciement de M. [I] [J] est nul.
Par suite, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [I] [J] est licite et procède bien d'une faute grave et a débouté en conséquence M. [I] [J] de l'intégralité de ses demandes en lien avec le licenciement et de sa demande d'indemnisation au titre de la violation du statut protecteur. Statuant à nouveau, la cour dira que le licenciement de M. [I] [J] est nul.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement
Un licenciement nul étant sans cause réelle et sérieuse, M. [I] [J] ne remplit pas les conditions de l'article L.1235-2 du code du travail relatives à l'allocation d'une indemnité en cas d'irrégularité de procédure quand bien même la lettre de convocation du 7 août 2019 ne respectait pas les dispositions des articles L.1232-2 et R. 1232-1 du code du travail pour ne pas contenir l'indication non équivoque qu'un licenciement pouvait être envisagé par l'employeur.
Par suite, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a accordé à M. [I] [J] des dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros de ce chef et, statuant à nouveau, déboutera M. [I] [J] de sa demande.
Sur les conséquences financières du licenciement nul
Sur le rappel de salaire et de congés payés afférents
La société Semental sera condamnée à payer à M. [I] [J] la somme de 2 495, 46 euros brut au titre du rappel de salaire pour la période du 7 août au 30 août 2019 relative à la mise à pied et la somme de 249,54 euros brut au titre des congés afférents.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et congés afférents.
Selon l'article L.1234-1 3°, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
M. [I] [J] bénéficiait d'une ancienneté de 2 ans et 8 mois à la date de son licenciement. Le licenciement ayant été déclaré nul, il peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois sur la base d'une rémunération moyenne de 3 050 euros brut.
En conséquence, la cour condamnera la société Semental à payer à M. [I] [J] la somme de 6 100 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et la somme de 610 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité de licenciement
La cour condamnera la société Semental à payer à M. [I] [J] la somme de 2 992,92 euros telle que réclamée par lui au titre de l'indemnité de licenciement.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul.
Selon l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Au titre des nullités visées par l'article L.1235-3-1 du code du travail, figurent notamment la violation du statut de salarié protégé et le harcèlement moral.
Dès lors, M. [I] [J] sera débouté de sa demande d'indemnité à hauteur de 10 698,10 euros au titre de l'article L.1235-3 du code du travail.
En application de l'article précité, la cour condamnera la société Semental à payer à M. [I] [J] la somme de 18 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison de la violation du statut protecteur.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral (Cass. Soc 1er juin 2023 n° 21-23.438)
En l'occurrence, M. [I] [J] établit souffrir d'un syndrome anxiodépresif résistant au traitement en lien direct avec les faits de harcèlement moral dont il a été victime de la part de M. [S] [N], président de la société Semental, de sorte que ladite société sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail
Il suit de ce qui précède que le licenciement ayant été prononcé au mépris des dispositions de l'article L. 1152-3, il sera ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées à M. [I] [J].
Sur les intérêts
Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.
Sur les documents sociaux.
La société Semental devra remettre à M. [I] [J] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de sa notification.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens.
La société Semental, partie succombante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de condamner la société Semental à payer à M. [I] [J] une indemnité de procédure de 3 000 euros qui vaudra au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La société Semental sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 10 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant,
DIT que le licenciement de M. [I] [J] est nul ;
CONDAMNE la société Semental, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [I] [J] les sommes suivantes :
- DEUX MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT QUINZE EUROS ET QUARANTE SIX CENTIMES D'EUROS (2 495, 46) au titre du rappel de salaire pour la période du 7 août au 30 août 2019 relative à la mise à pied et la somme de DEUX CENT QUARANTE NEUF EUROS ET CINQUANTE QUATRE CENTIMES D'EUROS (249,54) au titre des congés afférents,
- SIX MILLE CENT (6 100) EUROS brut au titre de l'indemnité de préavis et la somme de SIX CENT DIX (610) EUROS brut au titre des congés payés afférents,
- DEUX MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DOUZE EUROS ET QUATRE VINGT DOUZE CENTIMES D'EUROS (2 992,92) au titre de l'indemnité de licenciement,
- DIX HUIT MILLE TROIS CENT (18 300) EUROS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- CINQ MILLE (5 000) EUROS à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral ;
DEBOUTE M. [I] [J] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article L.1235-3 du code du travail à hauteur de 10 698,10 euros ;
ORDONNE le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées à M. [I] [J] ;
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, et les créances indemnitaires à compter de la présente décision ;
ORDONNE à la société Semental la remise à M. [I] [J] d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;
CONDAMNE la société Semental, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [I] [J] la somme de TROIS MILLE (3 000) EUROS à titre d'indemnité de procédure en vertu de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la société Semental aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN