COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00463 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E3ZX.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saumur, décision attaquée en date du 02 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/00005
ARRÊT DU 04 Juillet 2024
APPELANT :
Monsieur [K] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]/France
comparant - assisté de Me Elvire MARTINACHE, avocat substituant Maître François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS et par Maître Chrystelle DESCHAMPS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. CONSORTIUM FRANCAIS DE CONSTRUCTEURS POUR L'AGRO INDUSTRIE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Olivier PFLIGERSDORFFER, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Maître FALCONNIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame CHAMBEAUD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 04 Juillet 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société par actions simplifiée Consortium Français de Construction pour l'Agro Industrie (SAS CFCAI), appartenant au groupe Consortium Français de Constructeurs, est spécialisée dans la vente de matériel agricole constitué de séchoir, trieuse et nettoyage de grains. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective de la métallurgie de l'Oise.
M. [K] [L] a été engagé par la société CFCAI dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 14 septembre 2015 jusqu'au 11 mars 2016 en qualité de monteur, statut ouvrier, coefficient 215, niveau III, échelon 1, en raison d'un accroissement temporaire d'activité. La relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée à compter du 10 septembre 2016.
Par un avenant du 17 septembre 2018, la durée de travail de M. [K] [L], chef-monteur, a été organisée dans le cadre d'une convention de forfait annuel de 218 jours, incluant la journée de solidarité.
Par courrier du 14 juin 2019, la société CFCAI a notifié à M. [K] [L] un rappel à l'ordre pour ne pas avoir justifié une absence le 29 avril 2019 et pour avoir pris l'initiative de travailler seul sur un chantier le week-end du 4 et 5 mai 2019, sans en avertir sa hiérarchie, au mépris des règles de sécurité.
Par courrier du 12 août 2019, la société CFCAI a convoqué M. [K] [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 26 août suivant.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 septembre 2019, la société CFCAI a notifié à M. [K] [L] son licenciement pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'exécution de préavis lui reprochant ses absences injustifiées des 24 et 25 juillet 2019 lesquelles ont entraîné l'arrêt de deux chantiers.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [K] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur par requête du 24 janvier 2020 pour obtenir la condamnation de la société CFCAI, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement. Il sollicitait également que le conseil prononce la nullité de la convention de forfait à compter de septembre 2018, qu'il constate le non-respect du forfait en heures, et qu'il condamne la société CFCAI à lui verser des dommages et intérêts pour illicéité de la convention de forfait jours, des dommages et intérêts pour non-respect du forfait en heures, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées et non rémunérées et les congés payés afférents, une indemnité pour travail dissimulé, des sommes indument prélevées et induites du solde de tout compte et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CFCAI s'est opposée aux prétentions de M. [K] [L] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 2 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement de M. [K] [L] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse
- débouté M. [K] [L] de toutes ses demandes y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société CFCAI de toutes ses demandes y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laisser à la charge de chacune des parties les dépens exposés par elle.
M. [K] [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 30 juillet 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'il énonce dans sa déclaration.
La société CFCAI a constitué avocat en qualité d'intimée le 6 septembre 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2024 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 8 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [K] [L], dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles L.1235-3, L.8821-5 du code du travail et 700 du code de procédure civile de :
- infirmer le jugement ;
En conséquence, statuant à nouveau :
- le dire et juger bien-fondé et recevable en ses demandes ;
- fixer son salaire de référence à une somme d'un montant de 3 131,71 euros brut ;
- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- condamner la société CFCAI au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 15 658 euros net ;
- dire et juger que son licenciement a été notifié dans des conditions vexatoires et condamner la société à la somme de 3131,71 euros à titre de dommages et intérêts ;
- constater la nullité d'une convention de forfait à son profit à compter de septembre 2018;
- constater le non-respect du forfait en heures ;
En conséquence,
- condamner la société CFCAI à lui verser la somme de 15 658 euros net à titre de dommages et intérêts pour illicéité de la convention de forfait jour ;
- condamner la société CFCAI à lui verser la somme de 15 658 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect du forfait en heures ;
-condamner à titre principal la société CFCAI au paiement de 15 heures supplémentaires de la 35 à la 50ème heure par semaine, soit 21 009 euros et 2 100,90 euros de congés afférents ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 2 100,90 euros au titre des congés payés afférents ;
- condamner à titre subsidiaire, la société au paiement des 5 heures supplémentaires par semaine soit une somme de 7 003 euros d'heures supplémentaires et 703,30 euros de congés payés ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 15 658 euros net au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 1 000 euros indûment prélevée sur le solde de tout compte au titre de la prime de fin d'année ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 2 500 euros indûment déduite sur le solde de tout compte au titre de l'avance sur frais ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 766,73 euros à titre de rappel de contrepartie de déplacement ;
- condamner la société CFCAI à la somme de 76,67 euros à titre de congés payés afférents;
- condamner la société CFCAI à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CFCAI aux entiers dépens.
La SAS Consortium Français de Constructeurs, dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 21 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [K] [L] ;
- débouter M. [K] [L] de sa demande à titre de dommages-intérêts ;
A titre subsidiaire,
- ramener la demande de M. [K] [L] à titre de dommages-intérêts à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- débouter M. [K] [L] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires;
A titre subsidiaire,
- constater que M. [K] [L] n'apporte aucun élément permettant d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires,
En conséquence,
- débouter M. [K] [L] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,
- condamner M. [K] [L] au paiement de la somme de 1503,28 euros au titre des JRTT dont il a bénéficiées,
En conséquence,
- débouter M. [K] [L] de sa demande à titre de dommages-intérêts,
- débouter M. [K] [L] de ses demandes liées à son solde de tout compte,
- débouter M. [K] [L] au titre du rappel de contrepartie de déplacement et les congés payés afférents,
A titre reconventionnel,
- condamner M. [K] [L] au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes tendant à voir « juger », « dire et juger», «dire», «constater» ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile mais constituent, en réalité, des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Il ne sera donc pas statué sur ces «demandes» qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur la convention de forfait-jour
M. [K] [L] demande de déclarer nulle la convention de forfait jours prévue à l'article 4 de son contrat de travail. Il affirme que son contrat de travail ne prévoit pas les caractéristiques de sa fonction justifiant le passage à une convention de forfait. Il fait valoir ensuite que l'employeur n'a pas contrôlé ni procédé au suivi effectif de sa charge de travail au cours de l'exécution de son contrat de travail contrairement à ses obligations légales. Il souligne que le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du 14 juin 2019 met en lumière que les questions relatives à sa charge de travail et à son équilibre vie privée / vie professionnelle n'ont pas été abordées.
La société CFCAI fait valoir que si M. [K] [L] avait estimé que sa charge de travail était trop lourde et/ou incompatible avec sa vie privée, il aurait, sans aucun doute exprimé ce problème lors de l'entretien annuel. Elle conclut donc au rejet de la demande de nullité de la convention de forfait jours.
L'article L.3121-58 du code du travail prévoit que « peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixés en application du 3e du I de l'article L. 3121-64 : ['] 2° les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».
Selon l'article L.3121-64 du même code, « I - L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° la période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;
3° le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours s'agissant du forfait en jours ;
4° les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période ;
5° les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II ' L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévue au 7ede l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relative aux congés payés ».
En l'espèce, l'article 4 du contrat de travail du 17 septembre 2018 liant les parties, est ainsi libellé :
« Compte tenu de la nature des fonctions du salarié qui le conduit à ne pas suivre l'horaire collectif applicable au sein de la société et du degré d'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps, la durée de travail ne peut être prédéterminée, le salarié relève pour le calcul de son temps de travail du forfait annuel en jours prévu par la convention collective applicable au sein de la société.
À ce titre, le salarié est soumis aux dispositions des articles L. 3121-58 et suivants du code du travail.
Le salarié s'engage à travailler 218 jours par année civile, incluant la journée de solidarité.
Le salarié pourra, le cas échéant, travailler au-delà de son forfait dans la limite de 235 jours maximum par an conformément à l'article L. 3121-66 du code du travail.
[']
Compte tenu de l'autonomie dont le salarié dispose dans l'organisation de son temps de travail, celui-ci s'engage à respecter, en toutes circonstances, le repos minimal quotidien de 11 heures consécutives et le repos hebdomadaire d'une durée de 24 heures.
[']
Un entretien individuel annuel avec son supérieur hiérarchique permettra d'adapter, si nécessaire, le nombre de jours travaillés à la charge de travail. Cet entretien annuel aura également pour objet d'examiner les éventuelles difficultés d'articulation de son activité professionnelle et de sa vie personnelle et familiale.
L'amplitude et sa charge de travail devront permettre aux salariés de concilier vie professionnelle avec vie privée.
Il tiendra informé son responsable hiérarchique des événements ou éléments qui accroissent de façon inhabituelle ou anormale sa charge de travail.
En cas de difficultés inhabituelles portant sur ces aspects d'organisation et de charge de travail ou en cas de difficultés liées à un sentiment d'isolement professionnel, le salarié aura la possibilité d'émettre, par écrit, une alerte auprès de sa direction qui le recevra dans les 8 jours et formulera par écrit les mesures qui seront, le cas échéant, mises en place pour permettre un traitement effectif de la situation.
Ces mesures feront l'objet d'un compte-rendu écrit et d'un suivi.
En tout état de cause, dans l'hypothèse où le salarié se trouverait dans l'impossibilité d'assurer sa charge de travail conformément au cadre légal et conventionnel, il en informerait sans attendre la direction ».
En l'espèce, hormis le compte-rendu d'entretien annuel d'évaluation 2019 du 14 juin 2019, ce qui est parfaitement insuffisant au regard des règles ci-avant énoncées, la société CFCAI ne justifie en aucune façon de la mise en 'uvre concrète d'une mesure susceptible de garantir le contrôle de l'application du forfait en jours, du suivi de l'organisation du travail de M. [K] [L], de l'amplitude de ses journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
La société CFCAI, sur qui pèse la charge de la preuve, ne justifie guère plus avoir satisfait aux dispositions de l'article L. 3121-64 du code du travail, qui impose à l'employeur d'organiser un entretien individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur sa rémunération étant précisé que l'examen du compte-rendu d'entretien annuel d'évaluation 2019 démontre que les questions relatives à sa charge de travail et à son équilibre vie privée / vie professionnelle n'ont pas été abordées.
Il s'ensuit, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen de nullité invoqué par l'appelant, que ladite convention de forfait est privée d'effets à l'égard de M. [K] [L].
En conséquence, la cour infirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [K] [L] de ce chef de demande.
Dès lors, M. [K] [L] est bien fondé à solliciter que sa durée de travail soit examinée sous le prisme du droit commun, c'est à dire au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 3121-27 du code du travail qui fixe à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail, l'accord collectif applicable ne fixant pas une durée distincte hebdomadaire des salariés soumis au forfait.
Sur les heures supplémentaires
M. [K] [L] communique des fiches de déplacement pour rapporter la preuve des heures de travail effectuées. Il considère que l'employeur, du fait de sa défaillance dans la mise en place de moyen de contrôle, n'est pas en mesure de démontrer le nombre réel d'heures de travail qu'il a effectuées. Il estime que la société ne peut tirer argument du fait qu'il ne l'aurait jamais informée d'un dépassement d'horaires. Il conteste toute modification de ces fiches de déplacements indiquant qu'il a simplement ajouté l'horaire global de ses heures de travail effectif. Il soutient en outre qu'il est fait sommation à la société de produire l'intégralité de ses fiches de déplacements depuis septembre 2017 jusqu'à septembre 2019. Il rappelle qu'avant de signer un avenant portant convention de forfait, il travaillait selon un horaire hebdomadaire minimum de 40 heures faisant remarquer que très souvent il avait une moyenne de 50 heures de travail par semaine.
La société prétend que M. [K] [L] qui affirme avoir réalisé plus de 60 heures supplémentaires par mois ne fournit aucune preuve de leur réalité ni aucun élément de nature à étayer sa demande. Elle fait observer qu'il se contente de solliciter une somme globale représentant un volume d'heures supplémentaires de 5 heures par semaine quoi qu'il arrive. Elle relève que ce dernier ne l'a jamais informé d'un tel dépassement d'horaires et n'a jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires. Elle fait observer que M. [K] [L] a modifié les fiches d'interventions qu'il produit et en conclut qu'elles ne peuvent fonder sa demande. Elle indique également qu'elle a dû rappeler à M. [K] [L] qu'il était inutile d'arriver trop tôt sur les chantiers. Elle fait encore valoir que M. [K] [L] confond temps de travail effectif et temps de déplacement sur ses fiches d'interventions. Enfin, elle rappelle son autonomie d'organisation et la possibilité pour lui de gérer ses déplacements comme bon lui semble notamment en réservant des nuitées dans des hôtels.
Aux termes de l'article L. 3171-3 du même code, « l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire ».
Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud'homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié.
M. [K] [L] présente au soutien de sa demande :
- ses bulletins de salaire de septembre 2015 à août 2019 dont il ressort qu'aucune heure supplémentaire n'a été payée étant cependant rappelé que la convention de forfait jours qui lui est inopposable date du 17 septembre 2018,
- 9 fiches d'intervention pour la plupart illisibles, sans mention précise de la date et du lieu d'intervention, faisant état pour le jour concerné d'une durée de travail de 9 heures, 8 heures, 11 heures selon les cas sans qu'un décompte d'un temps de travail hebdomadaire ne soit produit. Leur analyse comparative avec celles versées aux débats par la société CFCAI révèle que M. [K] [L] les a modifiées après leur remise à son employeur en mentionnant des heures d'arrivée et de départ. C'est notamment le cas pour les fiches 002658, 0026204, 026205,0026841.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'aucun d'eux n'est précis et pertinent quant aux heures supplémentaires que l'intéressé prétend avoir effectuées. Il n'est en effet produit aucune pièce qui soit de nature à renseigner la cour sur la réalité de son amplitude journalière, ses heures d'arrivée et de départ ou encore ses temps de pause lors de ses journées de travail et sur son amplitude hebdomadaire.
Faute pour lui de produire des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, étant noté qu'il s'abstient d'en définir le nombre, pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement, la cour confirmera le jugement déféré de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour inopposabilité
M. [K] [L] estime que l'absence d'effet de la convention de forfait lui permet de solliciter des dommages et intérêts.
La société CFCAI fait valoir que cette demande est présentée sans qu'il soit fait état d'un préjudice alors qu'il appartient à M. [K] [L] d'en apporter la preuve.
Dans la mesure où M. [K] [L] ne caractérise ni ne justifie dans ses écritures de l'existence d'un préjudice en lien direct avec l'inopposabilité de la convention de forfait jours, il sera débouté de sa demande de ce chef.
Par suite, la cour confirmera le jugement de ce chef.
Sur le travail dissimulé
M. [K] [L] prétend que la société a intentionnellement dissimulé le les heures de travail qu'il a accomplies.
La société soutient que l'intentionnalité n'est pas démontrée quand bien même la convention de forfait serait déclarée nulle.
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'
Selon l'article L. 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'occurrence, même si la société CFCAI ne justifie pas des heures effectivement réalisées par M. [K] [L], force est de constater que ce dernier ne rapporte pas la preuve de l'intention de son employeur de se soustraire à ses obligations légales étant observé que l'élément matériel du délit de travail dissimulé, à savoir l'accomplissement d'heures supplémentaires, n'est pas davantage caractérisé au vu de ce qui précède.
En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la convention de forfait,
[K] M. [L] prétend que la société a contrevenu aux dispositions de l'article 12 de la convention collective applicable en ce qu'elle n'a pas fait apparaître le nombre réel d'heures travaillées mensuellement sur ses bulletins de salaire (151h67 mentionnées au lieu de 173h33). Il estime que ce manquement de l'employeur ouvre droit à des dommages et intérêts.
La société souligne que M. [L] ne démontre aucun préjudice.
Faute pour M. [K] [L] de caractériser et de justifier de l'existence d'un préjudice en lien direct avec le non-respect de l'article 12 de la convention collective, il sera débouté de sa demande de ce chef.
Par suite, la cour confirmera le jugement de ce chef.
Sur le rappel de contrepartie de déplacement
M. [K] [L] fait valoir que cette demande est recevable en ce qu'elle se rattache, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, à ses demandes afférentes à la contestation de la convention de forfait jour. Sur le fond, il précise n'avoir jamais reçu de contrepartie de déplacement et estime être en droit de solliciter une contrepartie fixée à 50% de son taux horaire pour chaque heure passée en déplacement. Il précise que la durée de trajet moyenne domicile-travail dans l'Oise est de 19,7 minutes soit 0,32 heures et que son taux horaire est de 20,65 euros.
La société CFCAI prétend que cette demande constitue une demande nouvelle et conclut à son irrecevabilité. Elle fait valoir qu'aucun texte ou usage ne permet de fixer le taux de déplacement à la moitié du taux horaire.
Selon l'article L. 3121-4 du code du travail « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail, n'entraîne aucune perte de salaire ».
Il en résulte que la charge de la preuve du temps de trajet inhabituel n'incombe spécialement aux salariés que pour la demande de contrepartie.
Relativement à la recevabilité, en application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, la cour déclarera recevable la présente demande s'agissant d'une demande se rattachant à la demande en paiement d'heures supplémentaires.
Relativement au bien-fondé, force est de constater que les 9 fiches d'intervention produites par M. [K] [L] sont insuffisantes à démontrer la réalité du dépassement du temps normal de trajet alléguée étant observé de surcroît que l'examen de ses bulletins de salaire révèle qu'il a bénéficié de repos compensateur.
Par conséquent, la cour déboutera M. [K] [L] de sa demande de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de la société au titre des RTT
M. [K] [L] prétend que les bulletins de salaire sur lesquels s'appuie la société pour fonder sa demande reconventionnelle, ne comportent pas de mention de RTT.
Du fait de l'inopposabilité de la convention de forfait jours, la société CFCAI réclame le remboursement des RTT octroyées à M. [K] [L].
Lorsqu'une convention de forfait est privée d'effets, l'employeur peut, pour la période de suspension, réclamer le remboursement des jours de réduction du temps de travail dont le paiement est devenu indu (Cass. Soc 6 janvier 2021 n° 1728324)
Au préalable, la cour observe que le conseil de prud'hommes de Saumur n'a pas statué sur ce chef de demande.
Cela effectué,
En l'occurrence, l'analyse des bulletins de salaire de septembre 2018 à septembre 2019 révèle que M. [K] [L] a perçu un montant de 388,32 euros sur le bulletin de paie de décembre 2018 et un montant de 1164,96 euros mois de septembre 2019 au titre des RTT.
Ajoutant au jugement, la cour condamnera M. [K] [L] à payer à la société CFCAI la somme de 1503,28 euros à ce titre.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement du 16 septembre 2019 est libellée comme suit :
« Cher Monsieur,
Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du lundi 26 août 2019 pour vous exposer les motifs qui nous conduisaient à envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Les explications que vous avez pu nous apporter lors de cet entretien ne nous amènent pas à modifier notre position sur les faits qui vous sont reprochés.
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute suffisamment grave qui aurait pu nous amener à prononcer à votre encontre un licenciement pour faute grave.
En effet, du 24 juillet au 25 juillet 2019, en votre qualité de « référent sécurité » vous deviez assurer la sécurité du chantier SEVEPI. À ce titre, il vous appartenait de vous assurer que chaque salarié respecte les règles de sécurité, soit équipé des éléments de protection individuelle utiles.
En l'absence de « référent sécurité », il ne nous est pas possible de laisser un chantier en activité et de prendre le risque qu'un salarié soit blessé lors d'un accident du travail.
Or, vous ne vous êtes pas présenté sur le chantier SEVEPI compromettant ici les règles de sécurité qu'il vous incombe de faire respecter. Vous ne nous avez nullement informés au préalable de votre absence, ce qui nous aurait permis de nous organiser, ni postérieurement à celle-ci.
Votre absence a conduit à l'immobilisation de deux chantiers, à savoir l'arrêt du séchoir auprès du client CALYPSO et l'arrêt total du chantier SEVEPI.
Vous n'êtes pourtant pas sans ignorer que vous devez impérativement prévenir votre supérieur hiérarchique au plus tard dans les 24 heures et justifier toute absence dans un délai de 48 heures auprès du service du personnel.
Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas été en mesure de justifier des raisons de votre absence. À cette date, nous n'avons toujours pas eu cette justification.
L'arrêt temporaire de ces chantiers nous cause nécessairement un préjudice, notamment en termes d'image vis-à-vis de nos clients et nous expose au versement de pénalités en cas de retard dans la livraison.
Par ailleurs, nous avons déjà eu l'occasion de vous reprocher des faits similaires et à ce titre nous vous avions conseillé de prévenir immédiatement votre hiérarchie en cas d'absence et d'envoyer vos justificatifs d'absence au service personnel.
Nous ne pouvons que constater que vous n'avez pas souhaité respecter ces instructions malgré le rappel à l'ordre qui vous avait été notifié le 14 juin 2019.
Après examen approfondi des faits qui vous sont reprochés, et compte tenu des graves répercussions de votre conduite sur la bonne marche de l'entreprise, nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse».
M. [K] [L] estime que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse faisant valoir qu'il n'avait reçu aucun ordre de mission pour le 24 juillet 2019 et qu'il avait avisé son employeur de ce que son téléphone professionnel ne fonctionnait pas bien depuis février 2019. Il soutient s'être rendu le 25 juillet sur le chantier SEVEPI dès qu'il en a été informé. Il fait observer que la société ne démontre pas l'arrêt total du chantier SEVEPI soulignant que le document de réception du chantier n'est pas produit. Relativement au courrier de la société SEVEPI versé aux débats par la société, M. [K] [L] fait valoir qu'il ne fait pas référence à l'arrêt du chantier et que les manquements listés par cette dernière ne peuvent par lui être imputés puisque non datés et généraux. Il prétend ne jamais avoir été missionné sur le chantier Calypso.
M. [K] [L] soutient que la véritable cause de son licenciement est économique puisque la société n'a pas procédé à son remplacement. Il fait observer que la société a refusé de communiquer son registre du personnel en première instance et verse désormais un pièce n°23 dont il estime qu'elle est incomplète et ne permet pas d'apprécier les mouvements de personnel entre le 9 septembre 2015 et le 16 septembre 2019.
La société CFCAI soutient que M. [K] [L] n'était pas présent le 25 juillet 2019 sur le site de SEVEPI et sur le site Calypso le 24 juillet 2019. Relativement à la cause économique de son licenciement, la société CFCAI prétend que M. [L] plaide par voie d'affirmation et qu'il a été remplacé en interne par M. [G].
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur en application de l'article L1232-6 du code du travail. Elle doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il est fait grief à M. [L] de ne pas avoir été présent les 24 et 25 juillet 2019 sur le chantier SEVEPI et Calypso, cette absence ayant entraîné l'immobilisation de deux chantiers à savoir l'arrêt du séchoir auprès du client Calypso et l'arrêt total du chantier SEVEPI.
Pour justifier du bien-fondé des griefs allégués, la société CFCAI verse aux débats :
- une lettre de rappel du 14 juin 2019 adressée en recommandé à M. [K] [L] par M. [M] [H], Directeur Général de la société CFCAI, aux termes de laquelle il indique : « Nous avons pris acte du fait que vous n'aviez pas justifié votre absence du 29 avril 2019. De plus, en date du 4 et 5 mai 2019, vous avez pris l'initiative de travailler seul sur le chantier un week-end sans informer votre hiérarchie au risque de compromettre les règles de sécurité qui m'incombe.
Nous attirons votre attention sur l'importance que nous accordons au respect des consignes de sécurité applicables au sein de la société.
Nous vous rappelons également que vous devez impérativement vous conformer aux règles de l'entreprise, et en cas d'absence, votre hiérarchie soit immédiatement prévenue, et que vous fassiez parvenir sous 48 heures, à celle-ci, au service du personnel une pièce justificative.
Compte tenu de la qualité de votre dossier professionnel, nous avons décidé de ne pas retenir de sanctions à votre encontre mais tenons, par la présente, à vous mettre en garde contre les conséquences que pourrait avoir à l'avenir tout renouvellement d'une pareille attitude.
En conséquence, par la présente lettre, nous vous adressons ce rappel à l'ordre »,
- un rapport d'incident établi le 8 août 2019 par M. [C] [A], responsable montage, dans lequel il indique avoir le mardi 23 juillet 2019, donné mission à M. [K] [L] d'être le référent sécurité sur le chantier SEVEPI, ce qu'il a accepté. Il précise que le salarié ne s'est pas présenté, le mercredi 24 juillet 2019 auprès de la société Calypso pour effectuer un relevé de côtes ni le jeudi 25 juillet 2019 auprès du client SEVEPI pour garantir la sécurité de ce chantier. Il ajoute avoir téléphoné à plusieurs reprises le 25 juillet 2019 à M. [K] [L] lequel lui a répondu à 15 heures et s'est rendu à 19 heures sur le chantier alors que la journée de travail pour l'ensemble des intervenants était finie. Suite à cela, le 26 juillet 2019, le responsable d'exploitation SEVEPI s'est plaint auprès de la direction du directeur général de la société,
- une attestation de M. [C] [A], en grande partie illisible, laquelle ne satisfait pas aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile notamment en ce qu'elle n'est pas datée, signée, ne comporte pas la mention de la connaissance par son auteur de sa production en justice et des éventuelles conséquences pénales en cas de faux témoignage de sorte qu'elle doit être prise avec circonspection,
- une lettre du 29 juillet 2019 adressé au directeur général de la société CFCAI par le Responsable Exploitation SEVEPI et le Responsable Opérationnel SEVEPI par laquelle ces derniers notifient à la société CFCAI un avertissement de manquement aux règles de sécurité. Ils font état de :
* l'absence de visite préalable du chantier par M. [K] [L] avec le Responsable Exploitation SEVEPI pour définir l'implantation du ballon d'eau de sorte que les conducteurs de la société CFCAI sont arrivés sur site sans accompagnement et donc sans connaître au préalable le dispositif d'implantation de cette installation.
* l'absence de définition d'un périmètre de sécurité interdisant l'accès de toutes personnes sur les lieux d'intervention technique,
* l'absence de signalétique indiquant l'interdiction de pénétrer dans le périmètre défini pour toutes personnes étrangères au projet technique et de l'absence d'affichage du numéro d'appel du conducteur de travaux sur la barrière
* la présence de techniciens sous-traitants n'ayant jamais réalisé la formation sécurité silo obligatoire,
- une copie de l'habilitation « Sécurité Silos » délivrée le 14 décembre 2018 à M. [K] [L],
- le calendrier d'absence de M. [K] [L] de l'année 2019 dont il ressort qu'il n'est pas mentionné en congé les 23 et 24 et 25 juillet.
M. [K] [L] produit :
- l'acte de décès de son ami,
- une attestation de Mme [J] [T], certifiant la présence de M. [K] [L] aux obsèques de son époux,
- une attestation de M. [B] [O], de M. [E] [S] et de Mme [W] [S] lesquels louent les qualités humaines et professionnelles de M. [K] [L],
- une attestation de son fils, [Z] [L], lequel atteste que le 25 juillet 2019, Adecco l'a appelé via son téléphone personnel pour essayer de prendre contact avec son père suite à la demande de la société CFCAI car il n'arrivait pas à le joindre sur son téléphone professionnel, du fait que celui-ci ne fonctionnait pas,
- un courriel du 23 juillet 2019 adressé par M [I], de la société SEVEPI, à Messieurs [C] [P], [C] [U], avec en copie [D] [Y], SEVEPI-Saussay, [R] [V] et [N] [F].
Il ressort de l'ensemble des éléments susvisés que la société CFCAI, qui s'abstient de communiquer tous éléments permettant d'appréhender son organisation, le nombre exact de salariés, le nombre exact de responsables sécurité, le planning de M. [K] [L], ne démontre pas avoir mandaté celui-ci sur le chantier SEVEPI pour les journées du 24 et 25 juillet 2019.
S'il est exact que le Responsable Exploitation et le Responsable Opérationnel de la société SEVEPI ont notifié à la société CFCAI le 29 juillet 2019 un avertissement pour manquement aux règles de sécurité, ils ne visent pas expressément dans leur lettre de mécontentement le comportement de M. [K] [L] étant rappelé que la société CFCAI n'établit nullement que ce dernier est le seul responsable sécurité au sein de sa structure. À cet égard, il sera observé que M. [K] [L] n'est pas destinataire du courriel du 23 juillet 2019 de M. [I], de la société SEVEPI, ayant pour objet « Informations Sécurité » et que la société CFCAI s'abstient de préciser la qualité de Messieurs [C] [P] et [C] [U], seuls concernés par le courriel précité.
Par ailleurs, compte-tenu de la nature du grief reproché à M. [K] [L] fondant pour l'employeur un licenciement avec cause réelle et sérieuse, il est pour le moins curieux que le Responsable Montage, supérieur hiérarchique de M. [K] [L], chef-monteur, n'établisse que le 8 août 2019 un rapport d'incident pour des faits qui se seraient passés les 24 et 25 juillet 2019 eu égard aux conséquences alléguées lesquelles au demeurant ne sont pas démontrées.
En outre, s'il ne peut être contesté que M. [K] [L] a reçu un rappel à l'ordre le 14 juin, celui-ci ne prouve en aucun cas son absence sur le chantier SEVEPI les 24 et 25 juillet.
De plus, la société CFCAI ne verse aux débats aucun élément probant démontrant d'une part, que le séchoir du client Calypso a dû être arrêté, et d'autre part, que cet arrêt, à le supposer établi, est imputable à M. [K] [L], aucun ordre de mission de M. [K] [L] n'étant produit.
Enfin, force est de constater que la société CFCAI s'abstient de verser aux débats une impression écran de l'espace personnel de M. [K] [L] sur l'applicatif de gestion des absences Kelio pour les mois de juillet, impression que ne peut produire M. [K] [L] non titulaire de droits. Elle ne démontre pas dès lors les absences injustifiées qu'elle lui impute.
Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent, que la société CFCAI ne rapporte pas la preuve de l'existence des griefs allégués et conséquemment de leur imputabilité à M. [K] [L] de sorte que le licenciement de M. [K] [L] est sans cause réelle et sérieuse.
Par suite, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [K] [L] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, dira que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau contenu dans cet article et qui sont fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.
En l'occurrence, M. [K] [L], qui bénéficie d'une ancienneté de 4 ans, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 5 mois de salaire brut d'un montant de 3 131,71 euros.
Le préjudice subi par M. [K] [L] du fait de son licenciement abusif, compte tenu de son âge au moment de la rupture (50 ans), de son ancienneté, d'un salaire mensuel moyen brut de 3 131,71 euros et des éléments communiqués quant à son devenir personnel et professionnel, sera réparé par l'allocation d'une somme de 15 658 euros telle que réclamée par l'intéressé.
Sur dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
M. [L] soutient que la société en lui reprochant des fautes fictives a entouré son licenciement de conditions particulièrement brutales et vexatoires alors qu'il est un professionnel reconnu dans ce domaine d'activité.
La société s'oppose à cette demande qu'elle estime non étayée.
Indépendamment du bien-fondé du licenciement, un salarié peut solliciter des dommages et intérêts pour circonstances vexatoires lorsqu'il apparaît que son employeur a entouré le licenciement d'un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité.
En l'occurrence, force est de constater que M. [K] [L] ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant entouré son licenciement de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Par suite, la cour confirmera le jugement de ce chef.
Sur le solde de tout compte
M. [K] [L] prétend que l'employeur a indûment prélevé la somme de 2500 euros au titre d'une reprise sur avance sur frais qu'il indique n'avoir jamais reçue et dont ce dernier ne démontre pas l'existence. Il conteste la valeur probante du document versé par la société au soutien de sa prétention. Il réfute être redevable de la somme de 1 000 euros au titre d'une avance sur prime qui lui aurait été consentie.
La société soutient que M. [K] [L] a sollicité à plusieurs reprises de bénéficier d'une avance de frais alors même qu'il a été remboursé des frais exposés dans le cadre de son activité. Elle considère que le bien-fondé de cette retenue est démontré par la production de sa pièce n°17, la balance comptable, au jour de son départ faisant état d'un solde de 2 500 euros au profit de la société. Elle s'estime donc en droit de retenir ce montant dans le cadre du solde de tout compte.
Au préalable, la cour observe que le conseil de prud'hommes de Saumur n'a pas statué sur ce chef de demande.
Cela effectué,
Contrairement à la thèse développée par la société CFCAI, sa pièce n°18 est insuffisante à elle-seule à établir la réalité de la créance de 2 500 euros dont elle se prévaut à l'encontre de M. [K] [L].
Par ailleurs, il ressort de l'attestation de remboursement en faveur de l'employeur signée le 14 juin 2019 par M. [K] [L], que celui-ci a perçu une avance sur le 13ème mois de 1 000 euros qu'il s'est engagé à la rembourser sur la paie de décembre de l'année en cours, ou sur son solde de tout compte en cas de départ. Il ne saurait dès lors légitimement prétendre que cette somme lui a été indûment prélevée sur le solde de tout compte.
Par suite, la cour, ajoutant au jugement, déboutera la société CFCAI et M. [K] [L] de leur demande respective de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens.
La société CFCAI, partie succombante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de condamner la société CFCAI à payer à M. [K] [L] une indemnité de procédure de 3 000 euros qui vaudra au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La société CFCAI sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe ;
DECLARE recevable la demande au titre des frais de déplacement ;
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 2 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant,
DIT que la convention de forfait jours est privée d'effets à l'égard de M. [K] [L] ;
CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la société CFCAI, prise ne la personne de son représentant légal, la somme de MILLE CINQ CENT TROIS EUROS ET VINGT HUIT CENTIMES D'EUROS (1 503,28) au titre du remboursement des RTT ;
DIT que le licenciement de M. [K] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société CFCAI, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] [L] les sommes suivantes :
QUINZE MILLE CINQ CENT SOIXANTE HUIT (15 568) EUROS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEUX MILLE CINQ CENTS (2 500) EUROS en remboursement de la somme indûment prélevée sur le solde de tout compte ;
DEBOUTE M. [K] [L] de ses autres demandes ;
DEBOUTE la société CFCAI de ses autres demandes ;
CONDAMNE la société CFCAI, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] [L] la somme de TROIS MILLE (3 000) EUROS à titre d'indemnité de procédure en vertu de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudra au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société CFCAI aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN