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04/07/2024 | FRANCE | N°21/00387

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 04 juillet 2024, 21/00387


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00387 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E3LJ.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Angers, décision attaquée en date du 07 Juin 2021, enregistrée sous le n°





ARRÊT DU 04 Juillet 2024





APPELANTE :



S.A.S. SLT

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Maître Johan ROUSSEAU-DUMAR

CET, avocat au barreau de TOURS - N° du dossier 01120008





INTIME :



Monsieur [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Maître Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS ...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00387 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E3LJ.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Angers, décision attaquée en date du 07 Juin 2021, enregistrée sous le n°

ARRÊT DU 04 Juillet 2024

APPELANTE :

S.A.S. SLT

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Maître Johan ROUSSEAU-DUMARCET, avocat au barreau de TOURS - N° du dossier 01120008

INTIME :

Monsieur [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Maître Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 30190120

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Estelle GENET

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 04 Juillet 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [L] a été engagé par la Sas SLT dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2014 en qualité de conducteur routier courte distance, coefficient 150 de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires applicable à la relation de travail.

M. [L] habite à [Localité 5]. Il était initialement affecté aux trajets entre [Localité 5] et [Localité 6] cinq jours par semaine pour le compte du client Gefco. Suite à la perte de ce client, il a été affecté à compter de mars 2017 aux trajets aller-retour entre [Localité 7] (72), situé à 125 kilomètres de son domicile, et [Localité 8] (86).

Par requête reçue au greffe le 15 janvier 2020, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins de d'obtenir la condamnation de la société SLT, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de l'indemnité conventionnelle de grand déplacement '1 repas + 1 couchage', d'un rappel de salaire au titre des temps de trajet et des congés payés afférents, et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SLT s'est opposée aux prétentions de M. [L] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société SLT à verser à M. [L] les sommes suivantes :

- 36 617,47 euros brut au titre de l'indemnisation des grands déplacements ;

- 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société SLT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [L] de sa demande d'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

- laissé les entiers dépens à la charge de la société SLT.

La société SLT a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 8 juillet 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.

M. [L] a constitué avocat en qualité d'intimé le 19 juillet 2021.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 août 2021, la société SLT a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave, lequel n'est pas l'objet de la présente instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 décembre 2023 et l'affaire initialement fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 18 décembre 2023 a été appelée à l'audience du 7 mai 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société SLT, dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes d'Angers du 7 juin 2021 ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger M. [L] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- l'en débouter ;

A titre subsidiaire :

- limiter à la somme de 18 345,72 euros brut la somme due au titre de l'indemnisation des grands déplacements ;

- condamner M. [L] à lui verser une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] aux entiers dépens.

La SLT fait valoir que M. [L] a accepté d'effectuer le trajet [Localité 7]/[Localité 8], qu'il n'a formulé aucune réclamation pendant deux ans, et qu'en tout état de cause, il ne remplit pas les conditions d'octroi de l'indemnité de grand déplacement dans la mesure où il n'était pas dans l'impossibilité de regagner son domicile en raison d'un déplacement impliqué par le service, celui-ci étant constitué par le trajet aller-retour [Localité 7]/[Localité 8].

*

M. [L], dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 7 juin 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société SLT à lui payer l'indemnisation des grands déplacements '1 repas + 1 couchage' sur la période du mois de mars 2017 au mois de janvier 2021 ;

- condamné la société SLT aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- En conséquence, faire droit à toutes ses demandes, à savoir :

- à titre principal, condamner la société SLT à lui payer la somme de 45 231,64 euros brut au titre de l'indemnisation des grands déplacements '1 repas + 1 couchage' sur la période du mois de février 2021 au 23 août 2021 en cas d'adhésion à une organisation patronale signataire de la convention collective applicable ;

- à titre subsidiaire, condamner la société SLT à lui payer la somme de 44 869,60 euros brut au titre de l'indemnisation des grands déplacements '1 repas + 1 couchage' sur la période du mois de février 2021 au 23 août 2021 en cas de non adhésion à une organisation patronale signataire de la convention collective applicable ;

En tout état de cause :

- condamner la société SLT au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SLT aux éventuels dépens.

M. [L] se prévaut notamment de l'article 6 de la convention qui prévoit une indemnité de grand déplacement au bénéfice du personnel dans l'impossibilité de regagner son domicile. Il soutient que tel était le cas au vu de son temps journalier de conduite, et de la distance entre [Localité 7] et son domicile situé à [Localité 5].

MOTIVATION

A titre liminaire, il convient de relever que la société SLT n'a pas interjeté appel sur les dispositions du jugement ayant débouté M. [L] de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet et des congés payés afférents. M. [L] n'a pas formé d'appel incident de ces chefs de sorte qu'ils sont définitifs.

Sur l'indemnité conventionnelle de grand déplacement

M. [L] expose que depuis le changement de ligne en mars 2017, il quittait son domicile d'[Localité 5] le lundi en fin d'après-midi pour se rendre à [Localité 7] situé à 125 km, prenait son poste à 19h, arrivait à [Localité 8] vers 23h, puis revenait à [Localité 7] vers 3h30 du matin. Il effectuait le trajet [Localité 7]/[Localité 8] aller-retour aux mêmes horaires, chaque jour, du lundi au vendredi. De retour à [Localité 7], il n'était pas en mesure de faire 125 km de plus pour rentrer à son domicile et dormait dans son camion chaque soir, pour ne rentrer que le samedi matin. Il fait valoir à cet égard qu'il ne pouvait ajouter 3 heures de conduite aux 7 heures effectuées dans le cadre de sa tournée, sauf à être un danger pour lui-même et les usagers de la route, et rappelle l'obligation de sécurité de l'employeur et celle de veiller au repos quotidien des salariés. Il souligne ne pas avoir changé de domicile depuis son embauche et conteste avoir évoqué de déménager pour un lieu plus proche de [Localité 7] dans la mesure où cette affectation devait être temporaire.

Il considère que la notion de 'déplacement impliqué par le service' s'analyse comme le déplacement à réaliser pour rejoindre sa prise de poste depuis son domicile et inversement. Il estime dès lors être en droit de demander le paiement des indemnités de grand déplacement en se fondant sur l'article 6 de la convention collective, les avenants successifs en fixant les montants, le protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacements des ouvriers, et l'article 2 de l'arrêté du 25 juillet 2005.

La société SLT fait valoir que M. [L] a accepté d'effectuer les trajets entre [Localité 7] et [Localité 8] et qu'il n'était en tout état de cause, pas placé dans l'impossibilité de regagner son domicile en raison d'un 'déplacement impliqué par le service' dans la mesure où les seuls déplacements de cet ordre sont [Localité 7]/[Localité 8] et [Localité 8]/[Localité 7]. Elle soutient que tout autre déplacement n'implique pas le service et qu'elle n'a pas à être affectée par l'éloignement entre son domicile et son lieu d'affectation, le choix de son lieu de résidence relevant de sa vie privée. Elle souligne en outre qu'il était convenu que M. [L] déménage pour se rapprocher de [Localité 7].

Elle estime ensuite que l'arrêté du 20 décembre 2002 sur lequel s'est fondé le conseil de prud'hommes n'a pas vocation à déterminer les conditions d'octroi de l'indemnité de grand déplacement, mais à fixer les conditions dans lesquelles cette indemnité est déductible de l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale. Elle ajoute que seul le protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers doit trouver application, que M. [L] occupait toujours le poste de conducteur 'courte distance' celle-ci étant constituée par le trajet [Localité 7]/[Localité 8] aller-retour, et qu'il ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une indemnité de grand déplacement.

Aux termes de l'article 6 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport 'le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, dans l'impossibilité de regagner son domicile pour y prendre son repos journalier, perçoit une indemnité de grand déplacement'.

Le protocole du 30 avril 1974 , relatif aux frais de déplacement des ouvriers, attaché à la convention collective précitée, prévoit une clause identique à celle de l'article 6 de la convention collective.

Il définit par ailleurs le déplacement par 'l'obligation impliquée par le service de quitter le lieu de travail et le domicile', et le lieu de travail notamment par 'les autres lieux d'affectation (permanents ou provisoires) des conducteurs où ceux-ci, du fait de cette affectation, prennent et quittent le service'. Il distingue donc le lieu de travail et le lieu de déplacement.

Enfin, l'article 2 de l'arrêté du 25 juillet 2005 modifiant l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit que 'le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller)'.

En l'espèce, il est acquis que le domicile de M. [L] est situé à [Localité 5] depuis son embauche, qu'en mars 2017 il a été affecté à [Localité 7] situé à 125 km de celui-ci, et qu'il n'a pas déménagé lors de cette affectation, le projet d'un déménagement étant contesté par le salarié et n'étant pas avéré par l'employeur.

Il est de la même manière établi que chaque jour, dans le cadre de son service, M. [L] se déplaçait de [Localité 7] à [Localité 8] et en revenait, ses horaires de travail étant invariablement de 19h15 à 3h30, incluant 7 heures de conduite, cinq jours par semaine.

Conformément aux dispositions du protocole du 30 avril 1974, son lieu de travail était situé à [Localité 7] dans la mesure où il s'agissait de son lieu d'affectation, et qu'il y prenait et quittait son service. [Localité 7] ne peut donc être qualifié de lieu de déplacement.

La seule obligation contractuelle de quitter le lieu de travail imposée par l'employeur était d'effectuer le trajet [Localité 7]/[Localité 8] aller-retour, lequel constitue dès lors le seul 'déplacement impliqué par le service', et dont il n'est pas contesté qu'il entre dans les fonctions de conducteur 'courte distance' de M. [L].

Chaque soir, M. [L] revenait sur son lieu de travail. Dès lors, il ne pouvait être considéré comme en déplacement ni au sens du protocole du 30 avril 1974, ni au sens de l'arrêté du 25 juillet 2005 qui vise expressément la distance séparant le domicile et le lieu de déplacement et non celle séparant le domicile et le lieu de travail.

A cet égard, on note que les textes sur lesquels M. [L] fonde sa demande ne font pas référence au trajet aller du salarié pour rejoindre son lieu de travail, mais au seul trajet retour de celui-ci à son domicile en raison de l'éloignement de son lieu de déplacement, ces deux lieux ne répondant pas à la même définition.

Dès lors, M. [L] qui reproche en réalité à la société SLT de l'avoir affecté sur un lieu de travail trop éloigné de son domicile, ne remplit pas les conditions d'octroi de l'indemnité de grand déplacement, et doit être débouté de ses demandes formulées à ce titre.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'elle a débouté la société SLT de ce dernier chef.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SLT.

M. [L] qui succombe à l'instance est condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 7 juin 2021 par le conseil de prud'hommes d'Angers sauf en ce qu'il a débouté la société SLT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DEBOUTE M. [M] [L] de l'intégralité de ses demandes ;

DEBOUTE la Sas SLT de sa demande présentée en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Clarisse PORTMANN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00387
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.00387 ?
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