COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/02368 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETGV
jugement du 20 Septembre 2019
Tribunal de Commerce du MANS / FRANCE
n° d'inscription au RG de première instance 2018008338
ARRET DU 02 JUILLET 2024
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 17]
représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représentée par Me Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS substitué par Me BENOIST
INTIMES :
Monsieur [Z] [V]
né le [Date naissance 7] 1967 à [Localité 13]
[Adresse 15]
[Localité 10]/FRANCE
Représenté par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20191180
Madame [D] [W]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 16]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean Philippe HAMEIDAT, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Gora NGOM, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 07 Mai 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 02 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Julien CHAPPERT, conseiller pour la présidente de chambre empêchée et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [V] et Mme [D] [W] étaient co-gérants de la société (SARL) Sablé [Localité 14] environnement.
La SARL Sablé [Localité 14] environnement a ouvert, dans les livres de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17], un compte courant euro-compte pro n°[XXXXXXXXXX02].
Suivant acte sous seings privés du 23 juin 2015, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a consenti à la SARL Sablé [Localité 14] environnement, un prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX05], d'un montant en principal de 20 000 euros, au taux de 2,50% l'an, et au taux effectif global (TEG) de 4,42%, remboursable en 36 mensualités successives de 577,23 euros chacune hors assurance.
Aux termes de la clause 5-garanties de cet acte, M. [V] et Mme'[W] se sont portés cautions solidaires de la SARL Sablé [Localité 14] environnement, dans la limite de la somme de 20 000 euros couvrant le principal, les intérêts, et le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 60 mois.
Par actes sous seings privés du 10 septembre 2015, M. [V] et Mme [W] se sont portés, chacun, cautions de la SARL Sablé [Localité 14] environnement, pour le remboursement des sommes qu'elle peut ou pourrait devoir à la Caisse de crédit mutuel [Localité 17], dans la limite de 72 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de cinq ans.
Suivant lettre du 10 décembre 2015, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a consenti à la SARL Sablé [Localité 14] environnement une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 60 000 euros au taux EONIA + 4 %.
Suivant acte sous seings privés du 22 janvier 2016, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a consenti à la SARL Sablé [Localité 14] environnement, un crédit RT convention BPI (n°[XXXXXXXXXX04]) d'un montant en principal de 100 000 euros, au taux de 2,49% l'an et au TEG de 5,13%, remboursable en 84 mensualités successives de 1 373,47 euros chacune hors assurance.
Aux termes de la clause 5- garanties de cet acte, M. [V] et Mme [W] se sont chacun portés cautions de la SARL Sablé [Localité 14] environnement, dans la limite de la somme de 50 000 euros couvrant le principal, les intérêts, et le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 108 mois.
Par jugement du 11 avril 2017, le tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Sablé [Localité 14] environnement.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 31 mai 2017, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire, pour une somme de 94 846,49 euros à titre privilégié nanti, et de 63 003,71 euros à titre chirographaire.
Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Sablé [Localité 14] environnement.
Par lettres recommandées du 24 mai 2018 avec avis de réception adressées respectivement à M. [V] et à Mme [W], la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] les a vainement mis en demeure d'honorer leurs engagements en qualité de cautions de la SARL Sablé [Localité 14] environnement.
Au 24 mai 2018, la Caisse de crédit mutuel [Localité 14] [Localité 12] se prévalait de détenir :
- au titre du prêt crédit RT convention BPI, une créance d'un montant de 95 403,36 euros, outre intérêts au taux de 2,49% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement et les cotisations d'assurance au taux de 0,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement ;
- au titre de l'ouverture de crédit en compte-courant, une créance de 52 796,89 euros outre les intérêts au taux de 13,05% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement ;
- au titre du prêt professionnel précité du 23 juin 2015, une créance de 10 872,78 euros à la date du 24 mai 2018, outre les intérêts au taux de 2,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement dans la limite de 20 000 euros.
Par actes d'huissier du 7 août 2018, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a fait assigner M. [V] et Mme [W] devant le tribunal de commerce du Mans en exécution de leurs engagements de caution.
Le 21 janvier 2019, en garantie du paiement de ses créances, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a fait inscrire au greffe du tribunal de commerce du Mans des nantissements judiciaires provisoires de parts sociales détenues respectivement par M. [V], ou par M. [V] et Mme [W] dans différentes sociétés.
En l'état de ses dernières conclusions devant le tribunal de commerce, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a entendu voir condamner M. [V] et Mme [W], chacun, en leur qualité de caution de la SARL Sablé [Localité 14] environnement, à lui payer :
- au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] d'un montant en principal de 100 000 euros, la somme de 50 000 euros outre les intérêts au taux de 2,49% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement et les cotisations d'assurance au taux de 0,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement,
- au titre du solde débiteur du compte courant euro-compte pro n°[XXXXXXXXXX02], la somme de 52 796,89 euros outre les intérêts au taux de 13,05% l'an du 25 mai 2018, jusqu'à complet paiement dans la limite de 72 000 euros,
- au titre du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03] d'un montant en principal de 20 000 euros, la somme en principal de 10 872,78 euros, outre les intérêts au taux de 2,50% l'an du 25 mai 2018 jusqu'à complet paiement dans la limite de 20 000 euros,
En défense, M. [V] s'est opposé aux demandes de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] en invoquant l'existence d'une cession de créance de la Caisse de crédit Mutuel [Localité 17] au profit de la Caisse fédérale de crédit mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie, en soutenant que l'engagement de caution du 10 septembre 2015 se substituait aux actes de cautions précédemment souscrits respectivement les 9 janvier 2014 et 23 juin 2015 et que cet engagement du 10 septembre 2015 était nul et de nul effet pour avoir été souscrit par acte sous seing privé. A titre subsidiaire, il a opposé la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d'information de la caution. Il s'est également opposé aux prétentions de Mme [W], sollicitant la condamnation de celle-ci à lui payer une indemnité de 10 000 euros, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Mme [W] a demandé au tribunal de débouter la demanderesse de l'ensemble de ses demandes, de dire et juger que l'engagement de caution qu'elle a souscrit est nul et de nul effet en raison du dol émanant de M. [V] et condamner celui-ci à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ; à titre subsidiaire, de condamner M. [V] à la relever et garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, de dire et juger que l'engagement de caution qu'elle a souscrit le 10 septembre 2015 est nul et de nul effet en raison d'une part de l'octroi fautif du financement à la SARL'Sablé [Localité 14] environnement et d'autre part de la disproportion des garanties prises, de dire que la demanderesse a engagé sa responsabilité eu égard à l'absence de toute mise en garde et au caractère disproportionné des cautionnements souscrits et qu'elle est donc irrecevable à se prévaloir de l'engagement de caution à son encontre ; encore plus subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale à l'encontre de M. [V] ; à titre infiniment subsidiaire, de constater que la demanderesse a manqué à ses obligations d'information dont elle lui était redevable, de prononcer la déchéance du droit de la demanderesse aux pénalités ou intérêts de retard échus depuis la conclusion de chaque cautionnement qu'elle a consenti, de dire et juger que ses faibles ressources justifient l'application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil et de lui accorder les plus larges délais de grâce pour s'acquitter de la dette éventuellement mise à sa charge ; en tout état de cause, de condamner la demanderesse à lui verser la somme de 142 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 20 septembre 2019, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté M. [V] de sa demande au titre de la substitution des engagements de caution car mal fondée,
- débouté M. [V] de sa demande au titre de la validité de l'engagement de caution du 10 septembre 2015 car mal fondée,
- débouté M. [V] de sa demande au titre du montant des engagements souscrits au titre des deux actes de caution solidaire en date du 22'janvier 2016 car mal fondée,
- débouté M. [V] de sa demande au titre d'une prétendue cession de créance entre la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] et la Caisse fédérale de Crédit Mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie car mal fondée,
- accueilli la demande subsidiaire de M. [V],
- dit que la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce :
* depuis le 10 septembre 2015 pour l'engagement de caution au titre de l'ouverture d'un compte courant euro-compte pro n°[XXXXXXXXXX02],
* depuis le 23 juin 2015 pour l'engagement de caution au titre du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03] d'un montant en principal de 20'000 euros,
* depuis le 22 janvier 2016 pour l'engagement de caution au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] d'un montant en principal de 100 000 euros,
avant dire droit,
- ordonné la réouverture des débats et à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 17] de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés,
- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 25'novembre 2019 à 9h00, le jugement valant convocation des parties,
- sursis à statuer sur le surplus des demandes,
- droit, moyens et dépens réservés.
Le tribunal ne s'est prononcé que sur les moyens de défense invoqués par M. [V] mais n'a statué ni sur les moyens et prétentions de Mme'[W] ni sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [V] contre Mme [W].
Par déclaration du 3 décembre 2019, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions ; intimant M. [V] et Mme [W].
M. [V] a formé appel incident.
Mme [W] a aussi régularisé un appel incident.
Les parties ont conclu.
Par ordonnance du 26 novembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions déposées le 8 septembre 2020 par Mme [W] en ce qu'elles concernent l'appel principal formé à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 14] [Localité 12] et forment appel incident contre la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 14] [Localité 12] ; a déclaré recevables les conclusions déposées le 8 septembre 2020 par Mme'[W] en ce qu'elles concernent l'appel incident formé contre elle par M.'[V] ; a condamné Mme [W] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 14] [Localité 12] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a rejeté la demande formée par M. [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a déclaré irrecevable la demande de Mme'[W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a condamné Mme [W] aux dépens de l'incident et de l'appel principal la concernant.
Une ordonnance du 15 avril 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] sollicite de la cour qu'elle :
vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier en sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance n°2013-544 du 27 juin 2013,
vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
- déclare recevable mais mal fondé M. [V] en son appel incident du jugement contradictoire et en premier ressort rendu en date du 20 septembre 2019 par le tribunal de commerce du Mans (RG 2018 008338) dirigé à son encontre,
- en conséquence, déboute M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
- la dise et juge recevable et bien fondée en son appel du jugement limité aux dispositions ci-après, savoir :
'... dit que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 17] est déchue du droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce :
* depuis le 10 septembre 2015 pour l'engagement de caution au titre de l'ouverture d'un compte courant euro-compte pro n°[XXXXXXXXXX02],
* depuis le 23 juin 2015 pour l'engagement de caution au titre du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03] d'un montant en principal de 20'000 euros,
* depuis le 22 janvier 2016 pour l'engagement de caution au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] d'un montant en principal de 100 000 euros,
avant dire droit,
- ordonne la réouverture des débats et à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 17] de produire un décompte, depuis l'origine du crédit, sur lequel apparaissent les intérêts et frais décomptés' ;
- infirme le jugement entrepris du chef des dispositions ci-dessus rappelées,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- dise et juge qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions à l'égard de M. [V] et Mme [W] en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Sablé [Localité 14] environnement, ce, avec toute conséquence que de droit :
* au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] d'un montant en principal de 100 000 euros, suivant acte sous seing privé en date du 22 janvier 23016 aux termes duquel (clause 5-garanties) ;
* au titre de l'ouverture d'un compte courant eurocompte pro n°[XXXXXXXXXX02] par acte sous seing privé en date du 28 mai 2015,
* au titre d'un prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03] d'un montant en principal de 20 000 euros, suivant acte sous seing privé en date du 23 juin 2015 (clause 5-garanties),
à titre subsidiaire,
- dise et juge qu'elle n'est déchue que des seuls intérêts échus depuis la précédente information annuelle jusqu'à la date de communication de la nouvelle information annuelle aux cautions à l'exclusion des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée aux cautions, soit en l'espèce à compter du 24 mai 2018, ainsi que des autres sommes dues en vertu du cautionnement, savoir :
* au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] les intérêts de retard demeurés dus et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus conformément aux dispositions de l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables,
* au titre du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03] les intérêts de retard demeurés dus et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus conformément aux dispositions de l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables,
- dise en conséquence qu'elle produira dans le cadre de l'instance au fond actuellement pendante devant le tribunal de commerce du Mans des décomptes de créance, depuis l'origine des crédits, sur lesquels apparaîtront non seulement les intérêts contractuels échus depuis la précédente information annuelle jusqu'à la date de communication de la nouvelle information annuelle aux cautions mais aussi les intérêts au taux légal dus par ces dernières à compter du 24 mai 2018, date de la mise en demeure adressée aux cautions, et, au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] et du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03], conformément aux dispositions de l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables, les intérêts de retard au taux majoré de trois points et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus également demeurés dus,
en tout état de cause,
- condamne solidairement M. [V] et Mme [W] à lui payer une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne enfin solidairement M. [V] et Mme [W] aux entiers dépens d'appel.
M. [V] demande à la cour de :
- déclarer la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] irrecevable et en tous les cas mal fondée en son appel, en ses entières demandes,
- l'en débouter,
- le déclarer lui-même recevable et fondé en son appel incident,
y faisant droit et réformant la décision entreprise,
- déclarer le crédit mutuel [Localité 17] irrecevable et en tout le cas mal fondée en sa demande à son encontre de condamnation à lui payer des sommes,
- l'en débouter,
à titre subsidiaire,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la déchéance de tous droits à pénalités et intérêts pour défaut d'information aux cautions ;
en toutes hypothèses,
- condamner Mme [W] au paiement d'une indemnité de 10 000 euros à son profit à titre de dommages et intérêts,
- condamner la ou les parties défaillantes in solidum au paiement d'une somme de 3 000 euros à son profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la ou les mêmes in solidum aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Memin, membre de la SCP Lalanne Godard Héron Boutard Simon Villemont Mémin Gibaud.
Mme [W] demande à la cour de :
- déclarer l'appel principal de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] mal fondé,
- déclarer l'appel incident de M. [V] mal fondé et irrecevable,
- débouter la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] et M. [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement attaqué notamment en ce qu'il a validé les cautionnements souscrits par M. [V],
- la recevoir en son appel incident,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement attaqué - après avoir précisé que cela ne valait pas reconnaissance de la validité de ses cautionnements :
en conséquence, statuant à nouveau :
- condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] et M. [V] à lui payer une somme de 4 000 euros chacun au titre de ses frais irrépétibles,
- condamner la même aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe':
- le 18 août 2020 pour la Caisse de crédit mutuel [Localité 17],
- le 3 juin 2020 pour M. [V],
- le 8 septembre 2020 pour Mme [W], conclusions recevables seulement en ce qu'elles concernent l'appel incident formé contre elle par M.'[V].
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité des demandes de Mme [W]
Compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions déposées tardivement par Mme [W] en ce qu'elles répondent à l'appel principal formé à la Caisse de crédit mutuel [Localité 14] [Localité 12] et en ce qu'elles forment appel incident du jugement, prononcée par l'ordonnance du 26 novembre 2020 qui n'a pas été déférée à la cour, tous les moyens concernant la validité de ses cautionnements, le soutien abusif, la disproportion de ses engagements sont irrecevables.
En conséquence de cette irrecevabilité, Mme [W], en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, est censée avoir adopté les motifs du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux pénalités ou intérêts de retard échus depuis la conclusion des cautionnements.
Seules sont recevables les prétentions de Mme [W] qu'elle oppose aux demandes formées contre elle devant la cour par M. [V] et sur lesquelles le tribunal n'a, d'ailleurs, pas statué.
Sur la titularité des créances
M. [V], partant de ce que la Caisse de crédit mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie lui a envoyé une lettre au mois d'avril 2018 faisant état de ce qu'elle avait procédé à la déclaration de ses créances entre les mains de Maître [E] et que dans une lettre du 17 mai 2017, elle lui demandait le remboursement d'une certaine somme, soutient que la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] n'a plus la qualité de créancière parce qu'une cession de créance est manifestement intervenue au profit de la Caisse fédérale de crédit mutuel de Maine-Anjou et Basse-Normandie. Il en déduit que l'acte de cession doit être versé aux débats et que la cessionnaire doit intervenir volontairement à la procédure.
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] affirme ne pas avoir cédé sa créance mais explique que la Caisse de crédit mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie a été mandatée par elle en vertu de ses statuts et conformément aux dispositions du règlement général de fonctionnement applicables aux caisses locales.
Elle produit ses statuts qui renvoient à un règlement général de fonctionnement selon lequel la caisse locale a donné pouvoir général à la Caisse fédérale de crédit mutuel de Maine-Anjou et Basse-Normandie dont elle est adhérente, notamment pour procéder au recouvrement des sommes dues sur les dossiers gérés par les services recouvrement ou contentieux et non pas seulement pour déclarer toute créance aux procédures de sauvegarde de redressement ou liquidation judiciaire. La mise en oeuvre de l'engagement des cautions après ouverture de la procédure collective de la débitrice principale s'inscrit pleinement dans le mandat confié à la caisse fédérale et quand bien même cela ne serait-il pas le cas, il ne s'agirait alors que d'un dépassement de mandat dont la caution ne peut se prévaloir.
C'est donc exactement que les premiers juges ont retenu que la Caisse de crédit mutuel de Maine-Anjou et Basse-Normandie agissait en tant que mandataire et non cessionnaire de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17], laquelle est bien en droit d'exiger des cautions le paiement des sommes dues en exécution de leurs engagements.
Sur le cumul des engagements de cautions
M. [V] prétend que l'acte de cautionnement dit 'tous engagements' du 10 septembre 2015 qui vise à garantir toutes les dettes de la débitrice principale se substitue aux précédents cautionnements qui étaient quant à eux limités à la garantie d'un seul engagement financier et qui portaient sur des montants moindres. Il fait valoir que juger que les cautionnements successifs se cumulent n'aurait aucun sens puisque cela remettrait en cause la portée même de l'acte du 10 septembre 2015.
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] répond que la simple lecture de l'engagement de caution solidaire du 10 septembre 2015 montre que ce cautionnement ne vient pas se substituer aux engagements de caution des 9'janvier 2014 et 23 juin 2015.
En effet, aux termes de l'acte de cautionnement solidaire du 10'septembre 2015, il est stipulé que 'le présent cautionnement est accordé indépendamment de toutes autres garanties personnelles et réelles qui ont pu ou pourront être fournies par tous tiers ou par le soussigné'. Il en résulte que ce cautionnement, qui est d'une durée limitée à cinq ans, se cumule avec les précédents. Un tel cumul, au regard de sa durée et de son montant limités, ne rend pas sans intérêt les précédents cautionnements.
Sur la validité de l'engagement de caution du 10 septembre 2015
M. [V] prétend que son engagement de caution du 10'septembre 2015 est nul pour avoir été souscrit par une personne physique par acte sous seing privé alors que depuis la loi du 1er août 2003, ce type d'engagement couvrant tous les engagements d'une société vis à vis d'une banque doit être souscrit par acte authentique.
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] excipe de la validité de l'engagement de caution du 10 septembre 2015. Elle fait valoir que la loi Dutreil du 1er août 2003 autorise qu'un tel engagement pris par une caution solidaire personne physique le soit sous la forme d'un acte sous seing privé, à condition d'apposition d'une mention manuscrite reprenant fidèlement les mentions exigées par les articles L. 341-3 et L. 341-5 du code de la consommation, et d'une limitation du montant et dans le temps de l' engagement. Elle ajoute que la nature des créances n'a pas d'incidence sur le caractère déterminé ou non de ces montant et durée.
Aux termes de l'acte, M. [V] a déclaré se porter caution solidaire pour le paiement de toutes sommes que le débiteur principal peut ou pourra devoir à la banque, à concurrence de 72 000 euros en principal, intérêts, intérêts de retard, commissions, frais, indemnités forfaitaires et accessoires. La'caution garantit le paiement de toutes sommes que le débiteur peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'ensemble de ses engagements de financement de crédit court terme et en général pour quelque cause que ce soit, notamment soldes ou balances de comptes courants, avals, acceptations, cautions, crédits de trésorerie, ouvertures de crédit, négociations d'effets et toutes cessions de créances professionnelles (...) , ladite énumération étant simplement indicative.
Ainsi, l'indétermination ne porte que sur les obligations garanties dont est ou serait tenue la débitrice principale à l'égard de la banque mais l'engagement de caution est bien limité à la fois dans le temps et dans son montant.
Or, aux termes de l'article L. 341-2 du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 1er août 2013, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de [B]..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je'm'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si [B]... n'y satisfait pas lui-même." De même, l'article L. 341-2 dispose que lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la'personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En'renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec [B]..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement [B]...".L'article L. 341-5 ajoute que 'les'stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d'un créancier professionnel sont réputées non écrites si l'engagement de la caution n'est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires'.
Ainsi, les mentions manuscrites requises ad validitatem par ces textes imposent, lorsque le cautionnement solidaire est donné par acte sous seing privé par une personne physique au bénéfice d'un créancier professionnel, une limitation à la fois en montant et en durée.
Tel est le cas en l'espèce.
Il s'ensuit que le cautionnement est valable.
Sur le montant de l'engagement de chacune des cautions au titre du cautionnement du 22 janvier 2016
M. [V] prétend que le montant global des deux engagements de cautions solidaires du 22 janvier 2016, le sien et celui de Mme [W], se limiterait à la somme de 50 000 euros.
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] répond à juste titre que cette prétention se heurte à l'article 6.2 du contrat de crédit qui prévoit que les cautionnements s'ajoutent entre eux en stipulant que lorsque plusieurs cautions s'engagent dans le cadre du même acte, si elles garantissent chacune un montant inférieur à celui du crédit, elles garantissent chacune une fraction distincte du crédit à hauteur de leur engagement et que 'dans un tel cas, elles s'engagent solidairement avec l'emprunteur mais non solidairement entre elles et les montants de leurs engagements s'ajoutent entre eux'.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. [V] est tenu de tous les engagements dont se prévaut la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] dans la présente instance.
Sur l'information des cautions
Sur l'information donnée
M. [V] rappelle que la banque est tenue à une obligation d'information annuelle de la caution, en vertu tant de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier qui sanctionne son inexécution d'une déchéance du droit à tout intérêt échu entre la précédente information et jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, que de l'article L. 341-6 du code de la consommation qui prévoit une sanction de déchéance de tout droit à pénalités, intérêts et frais de retard. Il ajoute qu'elle était aussi tenue d'une obligation d'information du premier incident de paiement en vertu de l'article L. 341-1 du code de la consommation sanctionnée par la déchéance de tout droit à perception des pénalités ou intérêts de retard.
Il estime que la banque échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a respecté son obligation. Il souligne qu'il n'est pas justifié de l'envoi du moindre courrier avant 2017 et que les lettres produites aux débats proviennent d'une personne morale distincte de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17], alors que les textes relatifs aux obligations d'information envers les cautions, d'ordre public de protection de la caution, précisent que le débiteur de l'obligation est seulement le créancier professionnel, et non un tiers. Il reproche à l'appelante de modifier l'objet de ses statuts desquels il estime ressortir que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie n'est habilitée à procéder qu'à des opérations de recouvrement, ce en quoi ne s'analyse pas l'information aux cautions. En outre, il affirme que les procès-verbaux de constat que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie a fait dresser n'apportent pas la preuve requise dès lors que les constatations de l'huissier ne permettent pas d'établir que les enveloppes auraient été reçues par la poste pour être expédiées ni même qu'elles comportaient un courrier relatif au litige. Il note des discordances entre les dates d'établissement des procès-verbaux et les dates des prétendus courriers d'information aux cautions.
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17] prétend rapporter la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions, considérant démontrer qu'elle leur a envoyé des lettres d'information annuelles en 2016, 2017, 2018 et 2019, en produisant les copies de ces lettres établies à son en-tête ainsi que des procès-verbaux d'huissier de justice dressés les 21'mars 2017, 20 mars 2018 et 19 mars 2019 à la demande de la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie, mandatée par elle en vertu de ses statuts et conformément aux dispositions de son règlement général de fonctionnement, et qui attestent globalement des envois annuels depuis leur édition, en passant par leur stockage, la fermeture des plis et l'affranchissement avant leur expédition de toutes les lettres d'information. Elle souligne que les lettres produites aux débats comportent la référence au lot d'envoi auxquelles elles appartiennent et qui figure sur les procès-verbaux de constat.
Sur ce,
*Sur l'information de la défaillance de la débitrice principale
L'article L. 341-1 du code de commerce, dans sa version applicable exige que toute personne physique qui s'est portée caution soit informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
M. [V] affirme que cette exigence n'aurait pas été respectée sans indiquer quelles seraient les défaillances dont il n'aurait pas été informées.
Les déclarations de créances montrent que les premières échéances impayées déclarées au mandataire judiciaire sont celles du mois de février 2017. La banque produit une lettre du 17 mars 2017 informant les cautions du retard de paiement de la débitrice principale au titre de ses engagements et leur demandant de couvrir les échéances impayées des prêts, de se substituer à la débitrice principale pour les mensualités à venir et de régler le solde débiteur du compte courant.
Au vu de ces pièces, il apparaît que la banque a satisfait à la formalité prévue par l'article précité.
*Sur l'information annuelle des cautions
L'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, dispose que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
De même, aux termes de l'article L. 341-6 du code de la consommation dans sa version issue de la loi du 1er août 2003, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personnel physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Il incombe à l'établissement de crédit d'établir qu'il a envoyé à la caution les informations requises, sans avoir à démontrer que la caution les a effectivement reçues. La preuve de la délivrance de ces informations peut être rapportée par tous moyens.
La seule production en copie de lettres est insuffisante pour rapporter la preuve de l'envoi aux cautions des informations exigées. Tel est le cas des lettres envoyées aux cautions le 18 février 2016, étant rappelé que la première information devant intervenir avant le 31 mars 2016 au regard de la date de la souscription des engagements, de sorte que la déchéance, si elle était encourue, ne pourrait être effective qu'à compter du 1er avril 2016.
Pour les informations qui devaient intervenir l'année suivante avant le 31 mars 2017, la banque produit les lettres d'information portant la date du 17'février 2017, puis celles portant les dates du 19 février 2018 et 18 février 2019, donnant les informations requises pour le cautionnement du crédit n°[XXXXXXXXXX04], du prêt n°[XXXXXXXXXX05] et du solde du compte courant n°[XXXXXXXXXX02] ainsi que, pour chacune de ces années, un procès-verbal de constat dressé à la demande de la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie en vue d'établir la réalité de l'envoi des lettres.
Il a été retenu ci-dessus que la Caisse de crédit mutuel Maine Anjou Basse Normandie agissait par mandat de la Caisse de crédit mutuel [Localité 17], ce dont M. [V] a été informé par une lettre du 17 mars 2017 dans laquelle la première lui indiquait que le dossier de la SARL Sablé [Localité 14] environnement lui avait été transmis aux fins de recouvrement, de sorte qu'elle était valablement mandatée par la créancière, à compter du 17 mars 2017, pour faire établir par huissier de justice la réalité de l'envoi des informations annuelles à destination des cautions.
Dans ces procès-verbaux, l'huissier de justice déclare s'être transporté dans les locaux de l'atelier chargé de l'édition des lettres d'information des cautions, avoir constaté l'édition des lots dont le numéro est précisé, la mise sous pli des lettres éditées dans une enveloppe à fenêtre de façon automatique, avoir, procédant par sondage, en prélevant au hasard trois lettres par établissement, constaté que toutes les mentions requises figuraient sur les lettres et qu'elles étaient identiques à celles contenues sur le fichier enregistré sur les CD ROM qui avaient permis l'édition des lettres, avoir indiqué qu'il conservait en son étude une enveloppe scellée contenant le DVD ROM sur lequel ont été gravées les listes 'Recap. Inform. Aux cautions' de la banque, avoir constaté la présence d'un nombre de plis imprimés conforme au document répertoriant les listes de pointage des édition, enfin avoir constaté, concernant la prise en charge des plis par un sous-traitant de la poste, que les plis affranchis et répartis dans un nombre donné de cassettes PTT avaient été pris en charge par un camion de la société sous-traitante dont il a donné le numéro d'immatriculation et le nom du chauffeur et le numéro de scellé sur la porte arrière.
Mais il ne ressort pas de ces constatations que figuraient parmi les lettres mises sous plis puis acheminées par un transporteur jusqu'à la poste celles adressées à Mme [W] et à M. [V], à défaut de savoir ce que contenaient les supports à partir desquels les lettres ont été éditées en présence de l'huissier, le nombre de plis constaté ne permettant pas de tirer quelque enseignement sur ce point. Contrairement à ce que prétend la banque la référence en marge à gauche sur les lettres d'information d'un numéro de lot d'envoi ne correspond pas à celle figurant dans les procès-verbaux de l'huissier.
Il s'ensuit que la déchéance du droit aux intérêts est encourue mais seulement à compter du 1er avril 2016 pour les trois concours garantis, et non depuis l'origine des crédits comme l'a retenu le tribunal.
Sur l'étendue de la déchéance encourue
La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 17] fait valoir que la sanction applicable au défaut d'information annuelle est la déchéance des seuls intérêts échus à l'exclusion des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2018 adressée aux intimés, ainsi que des autres sommes dues en vertu de leurs cautionnements, notamment la pénalité prévue à l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables, majorant le taux des intérêts de retard de trois points et l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus demeurés dus.
M. [V] réplique que la banque ne peut demander une substitution aux intérêts contractuels des intérêts légaux alors que le créancier personnel défaillant au titre de son obligation d'information est déchargé de tous droits à intérêts et pénalités de retard.
Sur ce,
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
L'article L 341-6 du code de la consommation, qui a étendu l'obligation d'information à tout créancier professionnel, prévoit qu'en cas de non respect de cette information, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Il en résulte que le créancier professionnel est déchu non seulement des intérêts conventionnels mais aussi de toutes les pénalités de retard, ce qui engloble la majoration du taux des intérêts de retard sur la période pendant laquelle s'applique la déchéance et l'indemnité de retard, et ce, jusqu'à la communication d'une nouvelle information,.
Et lorsque le créancier est déchu de son droit aux intérêts conventionnels pour inobservation de son obligation d'information annuelle de la caution, cette dernière est tenue à titre personnel aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure ou de l'assignation qui en tient lieu.
Par suite, la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] devra produire au tribunal un décompte de ses créances expurgé des intérêts contractuels à compter du 1er avril 2016 et portant imputation des paiements faits par la débitrice principale en priorité sur la capital, et ne comprenant aucune pénalité de retard.
Sur la demande de M. [V] contre Mme [W]
M. [V] reproche à Mme [W] de soutenir de mauvaise foi une demande de garantie à son égard dans le but de lui nuire. Il fait valoir qu'une caution solidaire ne peut pas se dédouaner de son engagement de caution en sollicitant d'être relevée indemne de la garantie par quiconque, en actionnant la responsabilité des autres cautions solidaires. Il s'estime en droit d'obtenir des dommages et intérêts de Mme [W] lui reprochant d'adopter une attitude abusive en voulant se servir de la procédure pour régler ses comptes avec lui, alors qu'il est son ex- compagnon et qu'elle suivait les finances de la SARL au quotidien. Il considère que Mme [W] se livre à des accusations particulièrement graves de fraude de sa part, pour les besoins de la cause, sans preuve.
Mme [W] conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [V] formées contre elle comme se heurtant aux articles 561 et suivants du code de procédure civile, en considérant que le premier juge n'a pas tranché la question des dommages et intérêts sollicités. Sur le fond, elle réfute toute accusation gratuite de sa part à l'endroit de M. [V], concluant au rejet de sa demande indemnitaire à son encontre.
Le jugement frappé d'appel n'a statué que sur une partie des demandes. Le tribunal n'est donc pas dessaisi du litige en dehors des chefs sur lesquels il s'est prononcé et dont ne fait pas partie la demande de M. [V] en paiement de dommages et intérêts formée contre Mme [W]. L'effet dévolutif de l'appel ne peut donc opérer concernant ce chef de demande.
La demande de M. [V] est donc irrecevable.
Sur les frais et dépens
La Caisse de crédit mutuel [Localité 17], succombant en grande partie en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel excepté ceux de l'instance concernant Mme [W] sur lesquels il a déjà été statué.
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. [V] contre Mme [W].
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le point de départ de la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 17].
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] est déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter du 1er avril 2016 pour les trois cautionnements en cause ainsi que de son droit aux intérêts de retard au taux majoré de trois points et à l'indemnité conventionnelle de 5% des montants échus prévus à l'article 'retard' des conditions générales des crédits amortissables au titre du crédit RT convention BPI n°[XXXXXXXXXX04] et du prêt professionnel n°[XXXXXXXXXX03].
En conséquence,
Invite la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] à produire devant le tribunal un décompte expurgé des intérêts contractuels à compter du 1er avril 2016, portant imputation des paiements faits par la débitrice principale depuis le 1er avril 2016 en priorité sur la capital et ne comprenant aucune pénalité de retard ou intérêts de retard à compter de cette date, et ce, jusqu'à communication d'une nouvelle information.
Dit que la banque est en droit de réclamer les intérêts au taux légal dus par les cautions à compter du 24 mai 2018, date de la mise en demeure.
Condamne la Caisse de crédit mutuel [Localité 17] aux dépens d'appel excepté ceux de l'instance concernant Mme [W].
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, P/ LA PRESIDENTE empêchée,
S. TAILLEBOIS J. CHAPPERT