La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2024 | FRANCE | N°19/01675

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 02 juillet 2024, 19/01675


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







CM/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/01675 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERXP

jugement du 21 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 16/04354







ARRET DU 02 JUILLET 2024



APPELANTS :



Monsieur [O] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Madame [I] [P] épouse [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentés par Me Inès RUBINEL,

avocat postulant de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS et par Me GRESSARD, substituant Me Christophe ADRIEN, avocats plaidants au barreau de PARIS





INTIMEES :



SA LLOYD'S INSURANCE COMPAGNY, venant...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

CM/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01675 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERXP

jugement du 21 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 16/04354

ARRET DU 02 JUILLET 2024

APPELANTS :

Monsieur [O] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [I] [P] épouse [N]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Inès RUBINEL, avocat postulant de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS et par Me GRESSARD, substituant Me Christophe ADRIEN, avocats plaidants au barreau de PARIS

INTIMEES :

SA LLOYD'S INSURANCE COMPAGNY, venant aux droits des souscripteurs du LLOYD'S par suite d'une procédure de transfert dite 'part VII transfer' autorisée par la High Court of Justice de Londres

[Adresse 4]

[Adresse 4]

S.A.S. SEGAP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentées par Me Anne-sophie ROUILLON, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 20170001 et par Me Manuel RAISON, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A. MMA IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20160321

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 13 Juin 2023 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente qui a été préalablement entendue en son rapport et devant Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 02 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Exposé du litige

Dans un ensemble immobilier en copropriété situé [Adresse 5], M. [N] et son épouse Mme [P] (ci-après les propriétaires) ont acquis en l'état futur d'achèvement le 14 décembre 2009 une maison individuelle d'habitation dénommée «[Adresse 6]» qui a été livrée en mars 2011 et dont ils ont confié la gestion locative à la SARL Cabinet Francigestion (ci-après l'agence immobilière) selon mandat de gestion locative n°844 en date du 6 mars 2011, en adhérant alors au contrat d'assurance «garantie loyer impayé et vacance locative» n°4 928 888 souscrit par celle-ci auprès de la société DAS.

L'agence immobilière a donné le bien en location à compter du 1er juillet 2011 à M. [Z] et Mme [U] moyennant un loyer mensuel de 921 euros hors charges.

Elle a informé les propriétaires le 16 avril 2015 de son changement d'assureur qui était 'précédemment Galian pour la garantie financière et Covéa Risks pour la responsabilité civile' et serait désormais 'Lloyds/Segap en garantie financière et RCP'.

Les locataires ont été défaillants dans le règlement des loyers sans qu'elle mette en oeuvre les procédures adaptées en vue du recouvrement des impayés, de l'expulsion des locataires et de la mobilisation des garanties d'assurance, avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Melun en date du 2 octobre 2015.

Les propriétaires ont déclaré leur créance le 12 octobre 2015 entre les mains du liquidateur pour un montant de 21 472,91 euros au titre des arriérés de loyer et de 1 963 euros au titre du dépôt de garantie.

Par courriers en date du 19 septembre 2015 et relances ultérieures, ils ont en vain réclamé le règlement des loyers impayés depuis 2012 et/ou des primes d'assurance «loyer impayé» non remboursées par l'agence immobilière, d'une part, à la société DAS dont le courtier a répondu le 15 janvier 2016 que le contrat d'assurance avait été résilié le 31 décembre 2011, d'autre part, à la société Covéa Risks qui a fait l'objet d'une fusion absorption en décembre 2015 par la SA MMA iard, laquelle a indiqué le 18 janvier 2016 ne pas donner suite en l'absence de preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité allégués et d'une attestation d'assurance l'identifiant comme l'assureur de l'agence immobilière puis les a invités le 3 mars 2016 à s'adresser au nouvel assureur, enfin, à la société 'Lloyds - Segap', suite à quoi le courtier Segap a fait savoir le 26 février 2016 que les Souscripteurs du Lloyd's n'interviendraient pas pour des faits remontant à une période où ils n'étaient ni garant financier ni assureur de responsabilité civile professionnelle.

Ils ont saisi le tribunal d'instance de Melun qui, par jugement en date du 17 mai 2016, a constaté la résiliation du bail, a ordonné l'expulsion des locataires et les a condamnés au paiement d'une somme de 14 547,99 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté en mars 2015.

Par actes d'huissier en date du 23 novembre 2016, ils ont fait assigner les sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles (ci-après les MMA) venant aux droits de Covéa Risks et la société 'Lloyds - Segap' devant le tribunal de grande instance du Mans.

Par actes d'huissier en date du 20 septembre 2017, les MMA ont appelé en cause Les Souscripteurs du Lloyd's et les instances ont été jointes.

En l'état de leurs dernières conclusions de première instance, les propriétaires ont demandé de constater que l'agence immobilière a manqué à ses obligations professionnelles et de condamner in solidum les MMA, les Souscripteurs du Lloyd's et la société Segap à leur verser les sommes de 69 443,19 euros en réparation de leur préjudice financier, de 3 000 euros pour résistance abusive et de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les MMA ont conclu au rejet des demandes au motif que l'existence d'un contrat d'assurance qui aurait lié l'agence immobilière à Covéa Risks n'est pas prouvée, qu'en tout état de cause, le contrat aurait été résilié le 16 avril 2015 selon les demandeurs alors que la réclamation déclenchant la garantie conformément à l'article L. 124-5 du code des assurances est survenue le 19 septembre 2015, à une date où l'agence immobilière était assurée auprès des Souscripteurs du Lloyd's, et, subsidiairement, que l'agence immobilière n'est tenue que d'une obligation de moyens, qu'une part des responsabilités incombe aux propriétaires pour ne pas s'être souciés du non-paiement des loyers pendant plusieurs années et que le préjudice consiste tout au plus en une perte de chance.

Les Souscripteurs du Lloyd's et la société Segap ont conclu à la mise hors de cause du courtier et au rejet des demandes contre l'assureur au motif que l'agence immobilière avait connaissance du fait dommageable lorsqu'elle a souscrit le nouveau contrat en avril 2015.

Par jugement en date du 21 mai 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevable l'action dirigée contre la société Segap

- débouté M. [N] et son épouse Mme [P] de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles et des Souscripteurs du Lloyd's

- condamné M. [N] et son épouse Mme [P] aux dépens

- débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles en paiement d'une indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration en date du 12 août 2019, les propriétaires ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable leur action contre la société Segap, les a déboutés de leurs demandes contre les MMA et Les Souscripteurs du Lloyd's et les a condamnés aux dépens, intimant Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres représentés en France par la SAS Lloyd's France, la SAS Segap et les MMA.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2020, confirmée sur déféré le 13 avril 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de la signification du jugement entrepris effectuée le 5 juillet 2019, déclaré l'appel interjeté par les propriétaires irrecevable à l'égard des MMA, mais recevable à l'égard de la société Segap et des Souscripteurs du Lloyd's représentés en France par la société Lloyd's France, déclaré recevable l'appel incident de la société Segap et des Souscripteurs du Lloyd's à l'encontre des MMA, dit n'y avoir lieu de constater le dessaisissement de la cour à l'égard des MMA, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.

La société de droit belge Lloyd's insurance company SA est venue aux droits des Souscripteurs du Lloyd's pour les risques localisés dans l'Union européenne en vertu d'une procédure de transfert dite «Part VII transfer» approuvée par ordonnance de la Haute cour de justice de Londres en date du 25 novembre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2023.

Dans leurs dernières conclusions d'appel n°3 en date du 18 novembre 2021, M. [N] et son épouse Mme [P] demandent à la cour, au visa des articles 1231-1 du code civil, L. 124-3 et L. 124-5 du code des assurances, de :

- les recevoir en leur appel

- prendre acte du désistement de leur appel à l'encontre de la SAS Segap

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance du Mans en ce qu'il a constaté que la responsabilité de la société Francigestion est engagée envers eux en raison des manquements à son contrat de mandat de gestion

- l'infirmer pour le surplus et particulièrement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes formées à l'encontre des Souscripteurs du Lloyd's et condamnés aux dépens

statuant à nouveau sur les dispositions critiquées,

- constater que les Souscripteurs du Lloyd's de Londres ne démontrent pas que la société Francigestion avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de sa police d'assurance de responsabilité civile professionnelle

- constater que leur réclamation est intervenue pendant la période de garantie des Souscripteurs du Lloyd's de Londres

- dire et juger que les Souscripteurs du Lloyd's de Londres doivent leur garantie

en conséquence,

- condamner les Souscripteurs du Lloyd's de Londres à leur payer les sommes de 52 483,72 euros et 16 959,47 euros, soit 69 443,19 euros avec intérêts calculés au taux légal à compter du 19 septembre 2015, date de leur première mise en demeure, et de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral

- ordonner l'anatocisme des intérêts

- débouter les intimés de toutes exceptions, fins de non-recevoir et demandes incidentes

- condamner les Souscripteurs du Lloyd's de Londres à leur payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Rennes Angers.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés n°3 en date du 25 avril 2023, la société Segap et la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's demandent à la cour, au visa des articles 9, 31, 122, 328 et suivants du code de procédure civile, 1984 et 1998 du code civil, L. 124-5 du code des assurances, de :

- à titre liminaire, prendre acte de l'intervention de la société Lloyd's insurance company SA et lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits des Souscripteurs du Lloyd's

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles en paiement d'une indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

- le confirmer en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action dirigée contre la société Segap, a débouté M. [N] et son épouse Mme [P] de leurs demandes formées à l'encontre des MMA et des Souscripteurs du Lloyd's et les a condamnés aux dépens

en conséquence,

in limine litis,

- constater que la société Segap n'est pas une compagnie d'assurance mais un simple courtier d'assurance et en déduire que M. et Mme [N] ne détiennent aucun intérêt né et actuel à agir à l'encontre de celle-ci

- constater que, si M. et Mme [N] avaient fait preuve de précaution, ils n'auraient pas agi à tort à l'encontre d'un simple courtier

- en conséquence, prendre acte du désistement d'instance et d'action de M. et Mme [N] à l'égard de la société Segap

à titre principal,

- constater que la société Francigestion avait connaissance du fait dommageable au jour de la souscription du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle auprès des Souscripteurs du Lloyd's et n'en a pas informé ces derniers et en déduire que le présent sinistre est exclu de la garantie des Souscripteurs du Lloyd's

- constater que tant la garantie de la société MMA que la garantie des Souscripteurs du Lloyd's est une garantie dite «base réclamation» et, dans l'hypothèse où le tribunal (sic) considérerait que les deux déclarations de sinistre des 4 et 16 janvier 2015 concernent le présent litige, que la première réclamation a été adressée lorsque la société MMA venant aux droits de Covéa Risks était assureur de la société Francigestion et en déduire que seule la société MMA pourrait être condamnée à garantir la société Francigestion de toute condamnation prononcée à son encontre

- en conséquence, débouter M. et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes

à titre subsidiaire,

- constater que les griefs formulés par M. et Mme [N] à l'encontre de la société Francigestion n'entrent pas dans le champ d'application de la garantie des Souscripteurs du Lloyd's

- constater la faute intentionnelle et dolosive de la société Francigestion

- en conséquence, en déduire qu'il ne saurait y avoir lieu à garantie des Souscripteurs du Lloyd's et débouter M. et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes

à titre infiniment subsidiaire,

- minorer très substantiellement le préjudice allégué

- dire et juger qu'il ne pourrait correspondre qu'à une simple perte de chance

à titre reconventionnel,

- condamner les sociétés MMA iard et MMA iard assurances mutuelles à les garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre

en toute hypothèse,

- minorer les condamnations pouvant être mises à la charge de la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's du montant de la franchise restant dû par l'assuré, soit 10 % des condamnations avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 4 500 euros

- condamner M. et Mme [N], au besoin in solidum, à verser à la société Segap les sommes de 1 500 euros au titre des frais de procédure de première instance et de 1 500 euros au titre des frais de procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 699 du même code, dont distraction au profit de Me Rouillon

- condamner M. et Mme [N], au besoin in solidum, à verser à la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's les sommes de 3 000 euros au titre des frais de procédure de première instance et de 5 000 euros au titre des frais de procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 699 du même code, dont distraction au profit de Me Rouillon.

Dans leurs dernières conclusions n°2 d'intimées en date du 2 février 2022, la société MMA iard venant aux droits et obligations de la société Covéa Risks et la société MMA iard assurances mutuelles demandent à la cour de :

au principal,

- constater que l'appel des époux [N] a été déclaré irrecevable contre elles,

- repousser en conséquence toutes demandes des époux [N] contre elles

au surplus,

- constater que les conditions de mobilisation de leur garantie ne sont pas réunies, d'une part, parce que la société Francigestion avait manifestement connaissance du fait dommageable au jour de la souscription à effet du 1er janvier 2014 du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle proposée par Galian, avec pour assureur Covéa Risks aux droits de qui elles viennent, d'autre part, parce que la première réclamation a été adressée postérieurement à la résiliation du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle souscrit par Galian auprès de Covéa Risks aux droits de qui elles viennent

- dans toutes les hypothèses, prononcer leur mise hors de cause

- rejeter toutes demandes dirigées contre elles

- rejeter toutes demandes de garantie contre elles

au subsidiaire,

- constater que les fautes reprochées à la société Francigestion par les époux [N], à les supposer même caractérisées, ne suffisent pas à engager sa responsabilité professionnelle au titre des préjudices revendiqués par eux et infirmer à cet égard les considérations contraires ayant motivé le jugement

- débouter les époux [N] de toutes leurs prétentions

- rejeter toutes demandes de garantie contre elles

- par voie de conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] et son épouse Mme [P] de leurs demandes formées à leur encontre

à titre très subsidiaire,

- constater que tous les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré sont exclus de l'assurance souscrite par Galian avec pour assureur Covéa Risks

- débouter en conséquence M. et Mme [N] de toutes prétentions contre elles

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire très significativement les préjudices allégués et statuer uniquement en fonction d'une simple perte de chance, à supposer que ce fondement juridique puisse être invoqué par M. et Mme [N], s'ils ne sont déclarés irrecevables à s'en prévaloir

- dire et juger qu'elles seront fondées à opposer le montant de la franchise prévue par l'assurance, par sinistre, fixée à 10 % du montant, avec un minimum de 750 euros et un maximum de 7 500 euros, et en droit de déduire cette franchise de toutes condamnations dont elles feraient l'objet

en toute hypothèse,

- rejeter toutes demandes tendant à la condamnation ou à leur garantie de l'une et/ou l'autre d'entre elles

- condamner tout succombant à leur verser une indemnité de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce,

Sur le désistement à l'égard du courtier Segap

Bien qu'ils aient intimé la société Segap et relevé appel de la disposition du jugement qui, au motif que cette société n'est intervenue qu'en qualité de courtier et n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission de courtier, a déclaré irrecevable l'action dirigée contre elle, M. [N] et son épouse Mme [P] n'ont formé aucune prétention contre elle ni développé aucun moyen à son égard ni énoncé aucun chef de jugement critiqué la concernant, ce dès leurs conclusions d'appel n°1 en date du 12 novembre 2019 qui, en dehors du rappel de la procédure, l'évoquent uniquement, d'une part, dans le rappel des faits en page 4 en ces termes : 'Ainsi, par courriers de mise en demeure du 19 septembre 2015, M. et Mme [N] ont formé une réclamation auprès des deux assureurs de responsabilité civile de la société FRANCIGESTION : (...) - LES SOUSCRIPTEURS DES LLOYD'S DE LONDRES via la société SEGAP es qualités de courtier' et 'La SEGAP, société de courtage, a, pour sa part, indiqué que LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S refusaient leur garantie au motif que les faits remontaient à une période antérieure à la souscription du contrat en avril 2015', d'autre part, dans la discussion relative au préjudice moral en page 14 en ces termes : 'L'importance des arriérés de loyers a généré un stress important conduisant les époux [N] à multiplier les démarches auprès de : (...) - la société SEGAP, es qualités de courtier des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES'.

Ils ont ainsi admis clairement sa seule qualité de courtier et abandonné sans équivoque leurs moyens de première instance sur sa qualité apparente d'assureur et sur sa responsabilité en qualité de courtier pour non-transmission de la déclaration de sinistre à l'assureur.

Il en ressort qu'ils se sont désistés implicitement et sans réserve de leur appel à son égard avant même de formuler expressément ce désistement à partir de leurs conclusions d'appel n°2 en date du 5 mai 2020.

Dès lors, conformément à l'article 401 du code de procédure civile qui dispose que le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente, il y a lieu de considérer que ce désistement est parfait sans requérir l'acceptation de la société Segap qui n'a formé appel incident du rejet de sa demande d'indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile que postérieurement aux termes des conclusions d'intimés n°1 notifiées dans son intérêt et celui des Souscripteurs du Lloyd's le 5 février 2020.

La société Segap ne peut donc maintenir cet appel incident tout en demandant à la cour de prendre acte du désistement de M. et Mme [N] à son égard, au surplus en considérant qu'il s'agit d'un désistement d'instance et d'action, ce qui excède la volonté exprimée par les appelants.

Ce désistement rend sans objet sa demande reconventionnelle subsidiaire, formée par voie d'appel incident, tendant à être garantie par les MMA de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.

Sur la garantie des Souscripteurs du Lloyd's

Le contrat d'assurance en exécution duquel les propriétaires recherchent directement la garantie des Souscripteurs du Lloyd's, aux droits desquels intervient désormais la société Lloyd's insurance company SA, correspond à la police «responsabilité civile professionnelle des agents immobiliers» n°LEGI04615 souscrite par l'agence immobilière à effet du 9 avril 2015 pour couvrir ses activités de transaction et gestion immobilière et résiliée le 7 octobre 2015 suite à sa mise en liquidation judiciaire.

Il n'est pas contesté que la garantie responsabilité civile professionnelle était déclenchée par la réclamation, l'article 2 A des conventions spéciales reproduisant à cet égard les dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 124-5 du code des assurances selon lesquelles :

'La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.'

Il n'est pas davantage contesté que les propriétaires ont adressé leur première réclamation le 19 septembre 2015, soit antérieurement à la résiliation de la police.

L'article L. 124-1-1 du code des assurances définit le fait dommageable comme étant l'événement qui constitue la cause génératrice du dommage.

À cet égard, les manquements imputés par les propriétaires à l'agence immobilière sont les suivants :

- n'avoir 'demandé aucune régularisation du chèque sans provision remis en paiement du dépôt de garantie'

- n'avoir 'pas alerté les appelants de l'absence de paiement régulier des loyers par leurs locataires à compter de décembre 2013'

- n'avoir 'pas pris en compte cette absence de règlement'

- n'avoir 'ém[is] plus aucun compte-rendu de gestion'

- n'avoir pas 'actionn[é] de garantie loyers impayés'

- n'avoir pas engagé 'la moindre action judiciaire aux fins d'expulsion des locataires'.

S'agissant du chèque remis par les locataires à l'agence immobilière en règlement du dépôt de garantie d'un montant de 921 euros, soit un mois de loyer hors charges, stipulé au contrat de bail du 1er juillet 2011, il est constant qu'il 'est revenu impayé et qu'aucune régularisation n'a été effectuée' comme l'a constaté la société Galian à la lecture des 'relevés de compte locataire' obtenus du liquidateur ainsi qu'elle l'a indiqué dans son courrier adressé le 8 avril 2016 aux propriétaires.

Au regard de son mandat lui conférant le pouvoir d''encaisser, percevoir, déposer tous loyers, charges, cautionnements, indemnités d'occupation et d'assurances, provisions, généralement toute somme ou valeur relativement au bien géré', l'agence immobilière n'a donc pu qu'avoir connaissance dès les premiers mois de location de la non-régularisation du dépôt de garantie.

S'agissant de l'absence de réaction de l'agence immobilière face au non-paiement des loyers, si les propriétaires ont quelque peu modifié leur argumentaire en appel par rapport à leurs conclusions de première instance mentionnant : 'le sinistre, c'est à dire le défaut de paiement des loyers est survenu dès 2011 (Pièce 12). Il appartenait à FRANCIGESTION d'actionner l'assurance loyers impayés dès 2011 et de faire délivrer aux locataires un commandement visant la clause résolutoire dès 2011', il ressort du décompte des loyers dus arrêté au 30 mai 2016 qu'ils produisent en pièce 12 que le premier impayé non régularisé remonte à décembre 2012, qu'après avoir rattrapé une partie du retard en mars 2013, les locataires n'ont rien versé d'avril à juillet 2013 inclus, qu'après avoir repris le règlement du loyer courant, ils ont à nouveau cessé tout paiement de décembre 2013 à mars 2014 inclus et qu'hormis un règlement légèrement supérieur au montant du loyer en avril 2014, leur dette n'a plus cessé de croître ensuite pour atteindre 14 926,64 euros en janvier 2015, 15 975,59 euros en mars 2015 et 16 496,17 euros en avril 2015, soit l'équivalent de 16,5 mois de loyers.

Les propriétaires exposaient d'ailleurs en première instance qu'ils 'délivraient leur commandement de payer visant la clause résolutoire le 13.11.2014 et assignaient les locataires le 8 juillet 2015 (cf : pièce n°21 : Jugement d'expulsion page 2 §2 et 3)' et, bien qu'ils se contentent de communiquer en appel, en pièce n°21, la première page de ce jugement, ils maintiennent que 'L'absence de règlement total de loyer par les locataires pendant 4 mois consécutifs de décembre 2013 à mars 2014 aurait dû justifier la mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion des locataires à compter de cette date'.

Au regard de son mandat lui conférant le pouvoir de, 'en cas de difficultés ou à défaut de paiement, diligenter comme demandeur ou comme défendeur toutes poursuites judiciaires, tous commandements, sommations, assignations et citations devant les tribunaux et toutes commissions administratives', l'agence immobilière n'a pu qu'avoir connaissance au plus tard en décembre 2013 de ce qu'elle était susceptible d'engager sa responsabilité envers les propriétaires pour n'avoir pas diligenté les procédures adéquates aux fins de recouvrement de l'arriéré de loyers devenu conséquent, de résiliation du bail et d'expulsion des locataires.

S'agissant du défaut d'assurance loyers impayés, il est constant que le contrat d'assurance «garantie loyer impayé et vacance locative» n°4 928 888 souscrit par l'agence immobilière auprès de la société DAS par l'intermédiaire du cabinet Bessé Immoplus et auquel les propriétaires ont adhéré le 6 mars 2011 a été résilié le 31 décembre 2011 et que, depuis cette date, l'agence immobilière a continué de percevoir au titre de la garantie risques locatifs une rémunération sur les sommes encaissées sans avoir jamais justifié de la conclusion d'un nouveau contrat d'assurance au profit des propriétaires pour couvrir le risque de loyers impayés ni du règlement des primes d'assurance y afférentes, étant relevé qu'avant d'avoir confirmation de cette résiliation par le courtier Bessé Immoplus le 15 janvier 2016, les propriétaires n'ignoraient pas que la garantie initialement souscrite n'était plus en vigueur puisqu'ils précisaient déjà dans leurs courriers adressés à Covéa Risks et à 'Lloyds - Segap' le 19 septembre 2015 que 'la SARL Francigestion n'a jamais cessé d'encaisser tant les primes d'assurance loyer impayés que ses frais de gestion sans toutefois reverser les primes d'assurance au cabinet BESSE IMMO PLUS qui ne nous garantie pas' (sic).

Au regard du bulletin individuel d'adhésion revêtu de son cachet et de sa signature, par lequel les propriétaires l'ont mandatée expressément pour agir en leur nom afin qu'elle 'prenne en charge la gestion des relations avec l'assureur et reçoive en [leur] nom les éventuelles indemnités d'assurance versées par ce dernier', l'agence immobilière n'a pu qu'avoir connaissance dès 2012 du défaut d'assurance loyers impayés.

Le seul fait que, dans la rubrique 'Antécédents' du questionnaire joint à la proposition d'assurance du 6 mars 2015, l'agence immobilière, d'une part, n'a déclaré que deux sinistres au cours des 36 derniers mois, l'un de 'loyers impayés' pour un montant de 16 000 euros en date du 12 janvier 2015, l'autre d''absence de [illisible] loyers impayés' pour un montant de 18 000 euros en date du 4 janvier 2015, sinistres dont les propriétaires ne prétendent plus en appel qu''il n'est pas exclu que le présent litige y soit inclus', ce qui a toujours été contesté par le courtier Segap et l'assureur Les Souscripteurs du Lloyd's, d'autre part, a coché la case 'Non' en réponse à la question 'Connaissez-vous des faits qui sont de nature à entraîner des réclamations ultérieures', n'est pas de nature à réfuter les éléments de preuve relatifs à sa connaissance des faits dommageables.

Le premier juge a donc, à bon droit, considéré que Les Souscripteurs du Lloyd's n'avaient pas à couvrir l'agence immobilière pour les conséquences pécuniaires d'un sinistre résultant de faits dommageables dont il est établi que celle-ci avait connaissance à la date de souscription de la garantie.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les propriétaires de leurs demandes formées à l'encontre des Souscripteurs du Lloyd's.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le recours en garantie de la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's à l'encontre des MMA, qui est sans objet.

Sur les demandes annexes

L'article 399 du code de procédure civile, applicable au désistement d'appel en vertu de l'article 405, prévoit que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte.

En application de ce texte et en tant que parties perdantes sur la partie du litige dont ils ne se sont pas désistés en appel, les propriétaires supporteront in solidum les entiers dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance.

En outre, nonobstant l'effet extinctif immédiat des désistements d'appel, les intimés concernés sont en droit de former, y compris postérieurement, une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui ne tend qu'à régler les frais de l'instance éteinte au sens de l'article 399.

En considération de l'équité et de la situation respective des parties, les propriétaires seront tenus de verser aux MMA ensemble et à la société Segap une indemnité de 1 000 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel et à la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Soucripteurs du Lloyd's une indemnité de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel, sans pouvoir bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs propres frais.

Par ces motifs,

La cour

Déclare parfait le désistement d'appel de M. [N] et son épouse Mme [P] à l'égard de la société Segap.

Constate l'intervention de la société Lloyd's insurance company SA aux droits des Souscripteurs du Lloyd's.

Confirme le jugement entrepris dans les limites de sa saisine, excepté en ce qu'il a débouté les Souscripteurs du Lloyd's de leur demande en paiement d'une indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirmant de ce chef et y ajoutant,

Condamne M. [N] et son épouse Mme [P] in solidum à payer les sommes de 1 000 (mille) euros à la société Segap et de 3 000 (trois mille) euros à la société Lloyd's insurance company SA venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamne à payer la somme de 1 000 (mille) euros aux société MMA iard et MMA iard assurances mutuelles sur le même fondement.

Les déboute de leur demande au même titre.

Les condamne in solidum aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

T. DA CUNHA C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 19/01675
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;19.01675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award