COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/01523 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERNI
jugement du 04 Juin 2019
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance : 16/00102
ARRET DU 02 JUILLET 2024
APPELANTS :
Monsieur [C] [H]
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 9] (09)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Madame [D] [E] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 10] (72)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentés par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMES :
Maître [J] [F]
[Adresse 8]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. WALTER & GARANCE AVOCATS
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Arnaud BARBE de la SCP PROXIM AVOCATS, avocat plaidant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2019373 et par Me DELORGERIL, substituant Me Bérengère SOUBEILLE, avocats plaidants au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 09 Mai 2023 à 14 H 00, M. WOLFF, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 02 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [C] [H] et Mme [D] [E] épouse [H] ont créé en 1975 la société Rubex (la société), société par actions simplifiée, dont ils détenaient à eux deux la quasi-totalité des actions. Cette société avait pour activité la vente par correspondance de matériel dit péri-pharmaceutique.
À partir du début des années 2000, la société COJEF, devenue à la suite d'une fusion-absorption la société Walter & Garance Avocats, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, et au sein de laquelle M. [J] [F], avocat, exerçait, a assuré le conseil juridique de la société.
Courant 2010, M. et Mme [H], souhaitant prendre leur retraite, ont décidé de vendre leur société.
Dans ce cadre, M. [I]-[C] [O] a signé le 23 septembre 2010 une lettre d'intention portant sur l'acquisition de la totalité des titres de la société, puis, à l'issue de pourparlers auxquels M. [F] a été associé, un premier protocole de cession sous conditions suspensives a été conclu le 24 novembre 2010 entre M. et Mme [H] et M. [O], avant que les actions ne soient définitivement cédées à la société Holding Guillaudrale, présidée par M. [O], son associé unique, par acte sous signature privée du 31 décembre 2010, pour un prix de 2 775 000 euros (dont une partie variable de 743 000 euros). Le même jour, M. et Mme [H] ont passé avec la société Holding Guillaudrale un contrat d'émission d'obligations convertibles, aux termes duquel ils ont souscrit à l'émission d'un emprunt obligataire convertible d'une durée de 43 mois, et ce, pour un montant de 300 060 euros représentant 1667 obligations convertibles.
Dans une lettre du 28 mai 2015, M. [H] a informé M. [F] de la dégradation de ses relations avec M. [O], liée selon lui à des manquements de l'avocat dans sa mission d'assistance lors de la rédaction des actes, et notamment au non-respect, lors de cette rédaction, des consignes qu'il lui aurait données.
Par acte d'huissier de justice du 29 décembre 2015, M. et Mme [H] ont ensuite fait assigner M. [F] et la société Walter & Garance Avocats devant le tribunal de grande instance d'Angers, afin d'engager leurs responsabilités.
Par jugement du 4 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a :
Débouté M. et Mme [H] de leur action en responsabilité engagée à l'encontre de M. [F] ;
Débouté M. et Mme [H] de leurs demandes contre M. [F] et de la société Walter & Garance Avocats ;
Condamné in solidum M. et Mme [H] à verser à M. [F] et à la société Walter & Garance Avocats la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum M. et Mme [H] aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juillet 2019, M. et Mme [H], intimant l'ensemble des autres parties ont relevé appel de l'intégralité de ce jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, M. et Mme [H] demandent à la cour :
D'infirmer le jugement ;
De dire que M. [F] a commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle ;
De condamner in solidum M. [F] et la société Walter & Garance Avocats à leur verser les sommes de :
137 238,07 euros en réparation de leur préjudice financier ;
10 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner in solidum M. [F] et la société Walter & Garance Avocats aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
M. et Mme [H] soutiennent que :
Il appartenait à M. [F], mandaté à cette fin, de s'assurer de l'efficacité des actes de cession et de leur conformité à leurs attentes, lesquelles avaient été clairement exprimées et acceptées par M. [O]. M. [F] était redevable à leur égard d'un devoir de conseil et devait attirer leur attention sur les conséquences juridiques et financières des stipulations du contrat de cession, afin d'en assurer la parfaite efficacité eu égard au but poursuivi. Or M. [F] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la parfaite exécution de son obligation. Il est ainsi établi que les conditions contenues dans la lettre d'intention du 23 septembre 2010 et réitérées dans le courriel d'instruction adressé par M. [R] le 19 novembre 2010 n'ont pas été respectées.
Alors que dans le projet de protocole daté du 19 novembre 2010, le prix était composé notamment d'une partie B représentative de la trésorerie excédentaire, correspondant à la trésorerie telle qu'existant dans la caisse sociale au jour de la réitération définitive de l'acquisition des titres, ils ont découvert après la signature de l'acte définitif que la trésorerie excédentaire était désormais évaluée en considération de la trésorerie disponible et distribuable. Or la trésorerie distribuable correspond à la trésorerie excédentaire moins les provisions. Contrairement à ce que M. [F] prétend, ils n'ont jamais entendu faire cette concession. Ils n'ont finalement accepté de transiger avec M. [O] que contraints et forcés. Ce changement de formulation a engendré une perte sèche 124 578 euros.
La vente de la société a fait l'objet d'un crédit-vendeur pour la somme de 300 060 euros prenant la forme d'un emprunt obligataire convertible en actions. Alors qu'il avait été demandé expressément à M. [F] que les intérêts au taux de 4 % soient calculés jusqu'au parfait paiement, il a été stipulé à l'article 9 du contrat que l'emprunt aurait une durée de 43 mois à compter du 4 janvier 2011, et qu'il expirerait le 31 juillet 2014. Il appartenait à M. [F] de mettre en évidence cette faille contractuelle et de prévenir tout risque d'inexécution. La perte qui en découle pour eux s'établit à 12 660,07 euros.
Ils ont été extrêmement déçus et blessés de voir M. [F] rompre la relation de confiance qui les liait depuis de nombreuses années. Les agissements fautifs de M. [F] leur ont causé un préjudice moral qu'il convient de réparer hauteur de 10 000 euros.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2020, M. [F] et la société Walter & Garance Avocats demandent à la cour :
vu l'article 1231-1 du code civil et les pièces communiquées,
De confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
De rejeter l'ensemble des demandes de M. et Mme [H] ;
De les condamner in solidum à leur verser la somme de 4500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
De les condamner in solidum aux dépens.
M. [F] et la société Walter & Garance Avocats soutiennent que :
Il ressort du courriel de M. [H] du 27 septembre 2010 qu'il a négocié lui-même le prix de cession, sans prendre à aucun moment conseil auprès de M. [F]. M. [H] a signé la lettre d'intention le 30 septembre 1010, soit trois jours après avoir informé ce dernier de son existence. Aucun manquement ne saurait donc être retenu contre M. [F].
S'agissant précisément de la valorisation de la trésorerie, force est de constater que les termes du projet de protocole sont parfaitement identiques à ceux de la lettre d'intention. Il est inconcevable d'imaginer que M. [H] ait signé la lettre d'intention, puis le protocole intermédiaire et enfin l'acte de cession définitif sans vérifier chaque chiffre ayant servi au calcul de la valorisation de l'entreprise. M. [H] est malvenu d'affirmer que ses instructions du 19 novembre n'ont pas été prises en compte, dès lors qu'il a relu, corrigé et signé le protocole du 24 novembre 2010. En tout état de cause, M. [H] n'a jamais mandaté M. [F] pour négocier le prix de cession. M. et Mme [H] sont bien en peine de rapporter la preuve que ce dernier a pu formuler des observations sur le calcul de la trésorerie. La formule finalement retenue est strictement la même que celle indiquée dans le protocole de cession sous conditions suspensives signé le 24 novembre 2010. S'il y avait une erreur, M. et Mme [H] avaient la possibilité de s'en assurer le jour de la signature.
Dès lors qu'ils ont accepté de transiger, M. et Mme [H] sont malvenus de tenter d'obtenir, par le truchement de la responsabilité civile de M. [F] et sans rapporter la moindre preuve d'un prétendu manquement, un nouveau complément de prix de cession.
Le contrat stipule expressément que les intérêts sont calculés jusqu'au parfait paiement. Les griefs ne sont pas fondés à cet égard et aucun manquement ne saurait être reproché à M. [F].
M. et Mme [H] n'explicitent pas ni ne justifient le préjudice dont ils demandent réparation à hauteur de 10 000 euros. Les tracas qu'ils ont subis sont liés aux tensions avec le repreneur, auxquelles M. [F] est parfaitement étranger.
MOTIVATION
Sur la responsabilité de M. [F] au titre du prix de cession
Sur la faute
Il est constant que l'avocat qui apporte son concours à la rédaction d'un acte est tenu à l'égard de ses clients, quelles que soient leurs compétences personnelles, d'une obligation de conseil et, le cas échéant, de mise en garde en ce qui concerne, notamment, les effets et les risques des stipulations convenues et que l'existence d'une clause claire dans l'acte ne le dispense pas de les informer sur les conséquences qui s'y attachent.
Selon l'article 1353 du code civil, c'est le cas échéant à l'avocat de justifier qu'il s'est libéré de cette obligation.
En l'espèce, M. [F] produit lui-même un courriel du 18 octobre 2010 (sa pièce n° 3) qu'il a envoyé aux avocats de M. [O] pour leur indiquer : « Notre cabinet a la charge du suivi juridique de la société RUBEX depuis de longues années. Monsieur [C] [H] nous a demandé de l'assister pour la cession de son entreprise. Nous vous remercions de bien vouloir nous adresser le projet de protocole d'accord par mail dès que vous l'aurez établi. »
Il en ressort qu'à compter du 18 octobre 2010 au moins, M. [F] a été chargé par M. [H] de l'assister pour la négociation de la cession de son entreprise à M. [O]. Cette « assistance dans le cadre de la cession des actions de la Société RUBEX » a d'ailleurs fait l'objet le 6 janvier 2011 de la part de M. [F] d'une facture de 12 036 euros (pièces nos 7 et 22 de M. et Mme [H]). M. [F] était ainsi redevable à l'égard de M. [H] d'une obligation de conseil et de mise en garde dont les compétences éventuelles de son client ne le dispensaient pas, pas plus que les interventions, ponctuelles et limitées à quelques points techniques selon les éléments versés aux débats, d'autres professionnels.
Le projet de protocole réclamé par M. [F] lui a été transmis par l'avocat principal de M. [O] par lettre du 8 novembre 2010 (pièce n° 4 de M. [F]), laquelle précisait : « le prix de cession est acté à titre provisoire, les parties étant encore en cours de négociation ».
Ce projet (pièce n° 12 de M. et Mme [H]) prévoyait notamment à son article 3.1, de manière identique à la lettre d'intention émise par M. [O] le 23 septembre 2010 (pièce n° 1 de M. et Mme [H]), que le prix serait composé de la partie variable suivante : « Une partie B représentative de la trésorerie excédentaire ['] correspondant à la trésorerie telle qu'elle existera dans la caisse sociale au jour de la réitération définitive de l'acquisition des titres ». Cette stipulation était illustrée par un exemple auquel il était aisé de se référer, selon lequel la trésorerie au 31 mars 2010 devait être calculée de la manière suivante : « 811 309 € ' 2 788 € d'endettement financier = 808 521 € ».
Après que M. [X] [R], consultant au sein du cabinet Interface entreprises, a suggéré s'agissant de la trésorerie disponible qu'un accord soit entériné sur le fait que « le calcul de la trésorerie s'entend endettement net », et que M. [O] a donné son accord sur ce point (pièce n° 10 de M. et Mme [H]), M. [H] a retourné à M. [F] une version annotée du projet de protocole, datée du 19 novembre 2010 (pièce n° 3 de M. et Mme [H]), dans laquelle il indiquait en ce qui concerne l'article 3.1 relatif au prix de cession :
« les parties ont convenu d'un accord qui a fait l'objet de l'accord de monsieur [O] et du mien. Il n'y a donc plus de négociation. »
« Merci de modifier cet article en fonction des éléments figurant dans le mail du 19 novembre de monsieur [R] ».
Cependant, après divers échanges entre M. [F] et l'avocat de M. [O], le protocole de cession des titres sous conditions suspensives soumis à la signature des parties le 24 novembre 2010 (pièce n° 28 de M. [F]), ainsi que le protocole définitif du 31 décembre 2010 (pièce n° 18 de M. [F]), tous mis en forme dans un premier temps par l'avocat de M. [O], ont stipulé finalement que la partie B du prix correspondrait « à la trésorerie disponible et distribuable (nette des acomptes d'IS dus et non réglés) telle qu'elle existera dans la caisse sociale ».
Ainsi, les protocoles signés par M. et Mme [H] à compter du 24 novembre 2010 définissaient le prix de cession d'une manière différente de celle arrêtée par M. [H] cinq jours plus tôt avec l'accord de M. [O], sans qu'il ressorte des pièces versées aux débats que cela ait fait l'objet d'une nouvelle négociation, pas même entre M. [F] et l'avocat de M. [O]. Il n'est pas contesté à cet égard qu'il s'agissait là d'une modification substantielle, faisant dépendre la partie B du prix, non plus de la trésorerie, déduction faite seulement de l'endettement, telle qu'elle existait dans la caisse sociale, mais de la seule partie de cette trésorerie disponible et susceptible de pouvoir être distribuée.
M. [F], tenu à l'égard de M. [H] d'une obligation d'information et de mise en garde, se devait dans ces conditions d'attirer l'attention de son client sur cette modification et de le mettre en garde sur ses effets et les risques de minoration du prix qu'elle faisait courir.
Or M. [F] ne justifie pas l'avoir fait.
Il a ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité.
1.2. Sur le préjudice matériel
Dans leurs conclusions, M. et Mme [H] évoquent successivement :
D'une part, un « manque à gagner » de 122 074 euros, résultant de la différence entre « les sommes restant dues » « conformément aux termes de l'accord intervenu le 19 novembre 2010 », soit 408 000 euros, et « la "trésorerie distribuable", tel [sic] qu'évaluée par Monsieur [O] », d'un montant de 285 926 euros ; M. et Mme [H] réaffirment à cet égard que « le montant restant dû s'élevait à 408 000€ en décembre 2010, et non à 285 926€ tel que versé par Monsieur [O] par référence à la trésorerie distribuable » ;
D'autre part, des « écarts » constatés entre le 31 décembre 2010 et le 31 mars 2010 en ce qui concerne le stock au 31 décembre 2010, le compte clients, le dû fournisseurs et les dettes sociales et fiscales, dont la prise en compte leur aurait permis selon eux de recevoir la somme supplémentaire de « 138.420 € x 90 % = 124.578 € ».
C'est cette dernière somme que M. et Mme [H] demandent en réparation de leur préjudice financier. Cependant, ils ne s'expliquent pas sur la distinction qu'ils font entre le « manque à gagner » et cet « écart ». Dans ces conditions, leur préjudice ne pourra en toute hypothèse être fixé au-delà du manque à gagner allégué à hauteur de 122 074 euros.
À cet égard, le protocole de cession du 31 décembre 2010 stipulait à son article 3.1 un prix de 2 775 000 euros composé de deux parties :
Une partie A ferme et non révisable de 2 032 000 euros ;
Une partie B variable représentative de la trésorerie excédentaire, d'un montant de 822 927,81 euros au 31 décembre 2010, correspondant à la trésorerie disponible et distribuable telle qu'elle existera dans la caisse sociale, cette partie B étant elle-même composée :
D'un montant plancher de 150 000 euros auquel est appliqué un coefficient de 100 % ;
Du surplus auquel est appliqué un coefficient de 90 %.
Il était prévu à l'article 3.2 que le surplus éventuel serait réglé au plus tard le 31 mars 2011 après audit contradictoire, entre les conseils des parties et le commissaire aux comptes, du montant de la trésorerie excédentaire disponible et distribuable à la date du 31 décembre 2010, en plus ou en moins.
Or il ressort effectivement des pièces versées aux débats que, se fondant notamment sur le caractère distribuable ou non des sommes en jeu (voir par exemple, pour le trop-perçu clients, le document intitulé Complément de prix net à verser figurant pièce n° 23 de M. [F]), M. [O] a évalué, de manière « ferme et non discutable », le surplus à payer à 285 926 euros, alors que M. et Mme [H] produisent une pièce n° 14 selon laquelle ce surplus aurait dû être de 408 000 euros.
Ces éléments ne sont en rien discutés par M. [F], qui ne formule aucune observation sur le préjudice.
En finissant par accepter la somme proposée par M. [O], « contraints et forcés » comme ils l'ont exprimé à l'époque par courriel à M. [F] (pièce n° 13 de M. et Mme [H]), M. et Mme [H] n'ont en aucune manière reconnu la justesse de la position de M. [O].
Cette différence de calcul du surplus, représentant 122 074 euros, constitue pour M. et Mme [H] un préjudice direct et certain qu'ils n'auraient pas subi si M. [F] n'avait pas manqué à son obligation de conseil et de mise en garde, au regard de l'accord auquel ils étaient parvenus avec M. [O] le 19 novembre 2010 cinq jours avant la signature du protocole, et de la ferme intention exprimée par M. [H] de ne plus négocier le prix, intention renouvelée dans un courriel du 1er décembre 2010 (pièce n° 9 de M. [F]).
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé et M. [F] et la société Walter & Garance Avocats seront condamnés in solidum à verser à M. et Mme [H] la somme de 122 074 euros.
2. Sur la responsabilité au titre des intérêts de l'emprunt obligataire
Le contrat d'émission d'obligations convertibles stipulait notamment :
« Les obligations produisent, à compter du jour de leur libération et pendant toute la durée du contrat, un intérêt annuel calculé au taux de 4.00 % qui est payable au domicile de l'obligataire.
[']
Les intérêts cessent de courir à compter du jour du remboursement ou de la conversion des obligations.
[']
En cas de non conversion à la date du 31 juillet 2014, l'emprunt sera amorti en trois tranches d'égal montant chacune les 1er septembre 2014, 1er septembre 2015 et 1er septembre 2016.
Le tableau d'amortissement y relatif figure en annexe des présentes. »
Contrairement à ce que M. [O] a fait valoir auprès de M. [H] dans une lettre du 16 février 2015, il ne ressort pas de ces stipulations que les intérêts n'étaient dus que pendant la durée du « contrat obligataire », mais qu'en l'absence de conversion, ils couraient jusqu'au remboursement des obligations, et ce, dans le cadre d'un amortissement spécifique après le 31 juillet 2014, date de la fin de l'emprunt et pas de son remboursement. M. [F] n'était donc redevable à cet égard d'aucunes information ni mise en garde particulières. Il n'a ainsi commis aucune faute, quand bien même M. [O] et son avocat ont opposé ultérieurement leur interprétation personnelle du contrat, jamais confirmée judiciairement, pour échapper au paiement des intérêts après le 31 juillet 2014.
Sur ce point, la demande de M. et Mme [H] sera donc rejetée.
3. Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Il ressort des pièces versées aux débats qu'à la suite du manquement de M. [F], qui vient d'être reconnu, M. et Mme [H] ont dû subir un différend avec M. [O], lequel a donné lieu à plusieurs échanges et différents tracas qui les ont fait « cogiter », et au terme duquel ils ont finalement fait le choix de ne « pas entrer dans un conflit », de stopper « la polémique », et de renoncer « contraints et forcés » aux droits qu'ils croyaient légitimement détenir (pièce n° 13 de M. et Mme [H]). Cela leur a causé un préjudice moral qui, en l'absence d'autres éléments d'appréciation fournis par M. et Mme [H], sera réparé à hauteur de la somme globale de 1500 euros.
4. Sur les frais du procès
Perdant finalement le procès, M. [F] et la société Walter & Garance Avocats seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à verser à M. et Mme [H] la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Leur demande faite sur le même fondement sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que M. [F] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de M. [C] [H] et de Mme [D] [E] épouse [H] ;
Condamne in solidum M. [J] [F] et la société Walter & Garance Avocats à verser à M. [C] [H] et Mme [D] [E] épouse [H] les sommes de :
122 074 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
1500 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Condamne in solidum M. [J] [F] et la société Walter & Garance Avocats aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de M. [C] [H] et Mme [D] [E] épouse [H] ;
Condamne in solidum M. [J] [F] et la société Walter & Garance Avocats à verser à M. [C] [H] et Mme [D] [E] épouse [H] la somme de 6000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
T. DA CUNHA C. MULLER