COUR D'APPEL
D'ANGERS
recours honoraires avocat
Ordonnance n° 46/24
N° RG 23/01637 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FG7L
Recours sur décision du Bâtonnier d'Angers
en date du 11 septembre 2023
ORDONNANCE
RECOURS SUR HONORAIRES DE L'AVOCAT
25 Juin 2024
APPELANT :
Maître [B] [U] [R]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Non comparant représenté par Me Morgane DAZIN, avocat au barreau d'Angers,
INTIMÉ :
Monsieur [X] [C]
Né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non comparant représenté par Me François ROUXEL, avocat au barreau du Mans,
Après débats à l'audience publique du 09 Avril 2024 au cours de laquelle nous étions assistés de Ghizlane KADDOURI, greffier, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.
Signée par Yoann WOLFF, Conseiller agissant par délégation du premier président, et Sylvie LIVAJA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [B] [U] [R], avocat, a apporté son concours à M. [X] [C] dans le cadre notamment d'une procédure pénale qui s'est déroulée devant le tribunal correctionnel du Mans puis la cour d'appel d'Angers. M. [C] a saisi ensuite le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Angers d'une réclamation portant sur les honoraires de M. [U] [R].
Par décision du 11 septembre 2023, le bâtonnier, retenant l'absence de communication par M. [U] [R] de documents prouvant ses diligences, a condamné ce dernier à rembourser à M. [C] la somme de 3500 euros TTC.
M. [U] [R] a alors formé un recours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, expédiée le 13 octobre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [U] [R] demande l'infirmation de la décision du bâtonnier.
M. [U] [R] soutient que :
Il a facturé à M. [C], non pas la somme de 3500 euros, mais celle de 3900 euros. Ces honoraires sont relatifs à un dossier d'escroquerie complexe qui a donné lieu à un débat de plus de six heures devant le tribunal correctionnel. Sur ces 3900 euros, 1900 euros correspondent au solde de ses frais et honoraires de première instance, et 2000 euros à la provision sur ses honoraires d'appel. Les honoraires qui ont été réglés correspondent à ses diligences.
M. [C] maintient sa demande de remboursement de la somme de 3500 euros.
M. [C] soutient que :
Sur la somme de 3900 euros qu'il a virée le 17 septembre 2021, 400 euros l'ont été au titre des 1000 euros que M. [U] [R] lui avait réclamés pour la première instance, 2500 euros l'ont été pour la procédure d'appel, et 1000 euros pour une procédure devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Agen. En ce qui concerne la procédure d'appel, il s'est désisté et il n'y a pas eu de prestation fournie par l'avocat. S'agissant de la procédure devant le juge aux affaires familiales, la requête n'a jamais été déposée.
MOTIVATION
Les éléments reçus de M. [C] de manière non contradictoire après la clôture des débats ne seront pas pris en compte.
Le droit applicable
Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes
juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
À défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil. Le seul règlement partiel des honoraires est insuffisant à suppléer à cet écrit (2e Civ., 9 février 2023, pourvoi n° 21-10.622, publié).
Le défaut de signature d'une convention ne prive pas pour autant l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci (2e Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709, Bull. 2018, II, n° 118).
À cet égard, les diligences accomplies par un collaborateur ou un juriste au sein d'un cabinet d'avocat constituent des frais exposés par l'avocat dans l'exercice de son mandat de représentation et d'assistance et doivent être prises en compte dans la détermination de ses honoraires (2e Civ., 7 février 2013, pourvoi n° 11-26.718, Bull. 2013, II, n° 23).
L'application du droit à l'espèce
Le litige porte sur la somme de 3900 euros, dont 400 euros ne sont pas contestés, que M. [C] a payée à M. [U] [R] selon un ordre de virement du 17 septembre 2021, lequel a été exécuté selon M. [U] [R] le 29 septembre suivant. Les parties s'opposent sur les dettes auxquelles ce paiement se rapporte et sur leur justification.
Aux termes de l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. À défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. À égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.
En l'espèce, il convient tout d'abord de relever que si M. [C] considère que sur les 3900 euros qu'il a payés, 1000 euros l'ont été au titre d'une procédure devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Agen, il ne rapporte aucune preuve de l'existence, c'est-à-dire du caractère certain, liquide et exigible, ainsi que du caractère échu, au 17 septembre 2021, d'une telle dette, que M. [U] [R], censé en être le créancier, conteste lui-même.
Les éléments qu'il produit à cette fin sont tous postérieurs. Dans ces conditions, la somme litigieuse de 3900 euros doit être appréciée au regard des dettes suivantes, les seules que les procédures engagées antérieurement étaient susceptibles d'avoir rendu échues : celle résultant de la procédure ayant abouti au jugement du tribunal correctionnel du Mans du 18 juin 2021, et celle née de l'appel interjeté le 28 juin 2021 contre ce jugement.
À cet égard, selon la facture n° F2021-0460 du 7 octobre 2021 qu'il verse aux débats, M. [U] [R] considère que cette somme de 3900 euros est due au titre :
Du solde des honoraires de représentation devant le tribunal correctionnel du Mans pour 1900 euros TTC (hors les frais de déplacement) ;
Des honoraires forfaitaires pour la procédure d'appel à hauteur de 2000 euros TTC.
En ce qui concerne la première de ces sommes, il n'est justifié d'aucune convention d'honoraires, et notamment pas d'une convention qui, de quelque manière que ce soit, aurait fixé ces derniers à la somme de 1000 euros TTC invoquée par M. [C] (qui d'ailleurs évoque lui-même une somme de 1800 euros dans sa lettre du 9 mai 2023 qu'il a adressée à M. [U] [R] et qu'il verse aux débats). Cette somme de 1900 euros TTC revendiquée par M. [U] [R] au titre de la première instance doit donc être appréciée au regard des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences correspondantes de celui-ci. Sur ce point, la complexité invoquée par M. [U] [R] ressort du jugement qui a été rendu par le tribunal correctionnel du Mans le 18 juin 2021, et le temps qu'a duré l'audience concernée n'est pas contesté. Les 1900 euros TTC litigieux, soit 1583,33 euros HT, apparaissent ainsi appropriés. Il pourrait en outre être ajouté que la remise en cause du paiement effectué après service rendu est interdite (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-22.217, Bull. 2018, II, n° 25).
S'agissant des honoraires de 2000 euros TTC imputés par M. [U] [R] à la procédure d'appel, il n'est pas rapporté la preuve là non plus d'une convention d'honoraires. Cette somme doit donc être appréciée au regard des critères précités. Il ressort à cet égard des pièces versées aux débats qu'un appel a effectivement été interjeté, qu'une audience devant la cour d'appel a été fixée, et que ce n'est que le jour même de celle-ci que M. [C] s'est désisté. Il est donc légitime que M. [U] [R] soit rémunéré pour la préparation de cette audience et la présence de sa collaboratrice lors de celle-ci. Au regard de ce qui a été retenu pour la première instance, la somme litigieuse de 2000 euros TTC apparaît elle aussi appropriée compte tenu des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, de la notoriété de l'avocat et des diligences de celui-ci.
Dans ces conditions, la décision du bâtonnier sera infirmée et la demande de M. [C] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRMONS la décision déférée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
REJETONS la demande de remboursement de M. [X] [C] ;
CONDAMNONS M. [X] [C] aux dépens.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
S.LIVAJA Y. WOLFF