COUR D'APPEL
D'ANGERS
recours honoraires avocat
Ordonnance n°44/24
N° RG 23/01560 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FGZI
Recours sur décision du Bâtonnier de LE MANS
en date du 23 Août 2023
ORDONNANCE
RECOURS SUR HONORAIRES de L'AVOCAT
25 Juin 2024
APPELANT :
Madame [P] [F]
Née le [Date naissance 1] 1980
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante,
INTIMÉ :
Maître [V] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparante représentée par Me Jean de BARY, avocat au barreau d'Angers,
Après débats à l'audience publique du 28 Mai 2024 au cours de laquelle nous étions assistés de Viviane BODIN, greffier, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.
Signée par Yoann WOLFF, Conseiller agissant par délégation du premier président, et Sylvie LIVAJA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par décision du 23 août 2023 notifiée à Mme [P] [F] le 2 septembre suivant, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Mans a fixé les honoraires dus par celle-ci à Mme [V] [R], avocate, à la somme de 144 euros TTC.
Mme [F] a ensuite formé un recours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 30 septembre 2023 et reçue le 4 octobre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [F] soutient que :
Elle a d'abord appelé le secrétariat de Mme [R] pour connaître le coût d'une éventuelle procédure contre son employeur. Il lui a alors été demandé de venir au cabinet de l'avocate. Elle ne pensait pas que cela serait payant. Le rendez-vous a duré environ 15 minutes. Elle avait préalablement demandé à Mme [R] combien cela allait lui coûter, mais cette dernière ne lui avait alors pas répondu. Elle se rapporte pour le reste aux lettres qu'elle a envoyées.
Mme [R] demande la confirmation de la décision du bâtonnier.
Mme [R] soutient que :
Mme [F] lui a elle-même dit qu'elle ne pouvait pas bénéficier de l'aide juridictionnelle. Ses tarifs sont affichés dans sa salle d'attente. La consultation a duré entre 45 minutes et une heure.
MOTIVATION
Le droit applicable
Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Le défaut de signature d'une convention ne prive pas pour autant l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci (2e Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709, Bull. 2018, II, n° 118).
Il entre néanmoins dans les pouvoirs du bâtonnier, et sur recours, du premier président de la cour d'appel, saisis d'une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l'avocat (2e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-10.787, Bull. 2016, II, n° 10).
Enfin, la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats. Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client, résultant notamment d'un manquement à son devoir de conseil et d'information quant aux conditions de sa rémunération (2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 19-18.145, publié). Cela signifie que le premier président n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle faute professionnelle de l'avocat et sur une demande de dommages et intérêts tendant à voir réparer cette faute par voie d'allocation de dommages-intérêts ou de réduction du montant des honoraires.
L'application du droit à l'espèce
La facture litigieuse, portant le numéro 2022 392 et datée du 24 octobre 2022, se décompose de la manière suivante :
Rendez-vous/consultation du 19 octobre 2022 : 90 euros HT ;
Ouverture du dossier : 30 euros HT.
Il est constant que le rendez-vous a bien eu lieu. Il doit donc être rémunéré dès lors que, comme cela vient d'être rappelé, le juge de l'honoraire ne peut prendre en compte le fait que l'avocat aurait mal renseigné son client sur ses tarifs, ou que la qualité de sa prestation serait insuffisante. Ces derniers points ne relèvent pas du juge de l'honoraire, mais du juge de droit commun statuant en matière de responsabilité professionnelle de l'avocat.
Comme Mme [R] l'a elle-même indiqué au bâtonnier dans une lettre du 6 février 2023, elle n'a, en dehors de ce rendez-vous, « pas eu le temps [de] faire d'autres diligences ». Il n'y a donc pas lieu en revanche de rémunérer l'ouverture de dossier, qui n'a pas eu lieu.
Dans ces conditions, les honoraires dus par Mme [F] à Mme [R] seront fixés à la somme de 90 euros HT, soit 108 euros TTC, laquelle apparaît adaptée par rapport aux usages, à la situation de fortune de Mme [F] telle qu'elle ressort du dossier, et à la notoriété de l'avocate.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRMONS la décision déférée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
FIXONS les honoraires dus par Mme [P] [F] à Mme [V] [R] à la somme de 108 euros TTC ;
CONDAMNONS Mme [P] [F] à payer à Mme [V] [R] la somme de 108 euros TTC ;
REJETONS les autres demandes des parties ;
CONDAMNONS Mme [P] [F] aux dépens.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
S.LIVAJA Y. WOLFF