COUR D'APPEL
D'ANGERS
recours honoraires avocat
Ordonnance n°40/24
N° RG 23/01416 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FGQL
Recours sur décision du Bâtonnier d'Angers
en date du 2 août 2023
ORDONNANCE
RECOURS SUR HONORAIRES DE L'AVOCAT
25 Juin 2024
APPELANTE :
Madame [J] [R]
Née le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 6] (49)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Dispensée de comparaître,
INTIMÉ :
Maître [Y] [N] de la SERL 08H08 avocats,
[Adresse 5]
[Localité 2]
Comparant,
Après débats à l'audience publique du 28 Mai 2024 au cours de laquelle nous étions assistés de Viviane BODIN, greffier, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 25 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.
Signée par Yoann WOLFF, Conseiller agissant par délégation du premier président, et Sylvie LIVAJA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Cabinet [H], société civile professionnelle d'avocats, a apporté son concours à Mme [J] [K] épouse [R] dans le cadre d'une procédure devant le tribunal judiciaire de Saumur. M. Jean-Baptiste Lefèvre, avocat agissant au nom de la société 08H08 Avocats, société d'exercice libéral à responsabilité limitée venant aux droits de la société Cabinet [H], a ensuite saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Angers d'une réclamation relative au recouvrement de ses honoraires.
Par décision du 2 août 2023 notifiée à Mme [R] le 11 août suivant, le bâtonnier a fixé les honoraires dus par cette dernière à la société 08H08 Avocats à la somme de 3632,28 euros TTC, et le solde restant dû à 1832,28 euros.
Mme [R] a formé un recours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, expédiée le 24 août 2023.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 avril 2024, à laquelle Mme [G] [K] épouse [U] s'est présentée munie d'un pouvoir de Mme [R].
L'affaire a alors été renvoyée au 28 mai 2024 afin :
Soit que Mme [R] comparaisse en personne ou dûment représentée par un avocat ;
Soit qu'elle communique ses observations par écrit, une dispense de se présenter à l'audience ultérieure lui étant d'ores et déjà accordée en application de l'article 946 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes des écritures qu'elle a communiquées, Mme [R] demande que la somme de 229,12 euros lui soit créditée et que le dossier soit clôturé.
Mme [R] soutient que :
Il n'a nullement été question d'honoraires de résultat avec le Cabinet [H]. Le paragraphe, dans la convention conclu avec ce dernier, relatif à de tels honoraires n'a fait l'objet d'aucune explication et elle pouvait considérer qu'il ne la concernait pas. Elle n'avait aucune raison de s'en méfier.
Sans résultat, la clause de résultat n'a plus de raison d'être.
Elle a réglé pour le compte de M. [H] des frais de postulation qui n'ont pas été inclus dans les provisions versées.
M. [N] demande la confirmation de la décision du bâtonnier.
M. [N] soutient que :
Une convention d'honoraires a été signée. Il ne fait qu'appliquer cette convention.
MOTIVATION
Il résulte de l'article 414 du code de procédure civile qu'une partie n'est admise à se faire représenter en justice que par une des personnes habilitées par la loi.
Selon l'article 931 du même code, applicable aux procédures sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la faculté pour les parties de se faire représenter dépend des règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement.
Or l'article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui organise la procédure devant le bâtonnier, ne prévoit pas qu'une partie puisse être représentée devant celui-ci par un tiers autre qu'un avocat.
C'est la raison pour laquelle Mme [U] ne pouvait pas représenter valablement Mme [R].
Sur les honoraires
Le droit applicable
Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
À cet égard, les diligences accomplies par un collaborateur ou un juriste au sein d'un cabinet d'avocat constituent des frais exposés par l'avocat dans l'exercice de son mandat de représentation et d'assistance et doivent être prises en compte dans la détermination de ses honoraires (2e Civ., 7 février 2013, pourvoi n° 11-26.718, Bull. 2013, II, n° 23).
Il résulte également de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 que l'avocat peut conclure avec son client une convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
Enfin, la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats. Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client, résultant notamment d'un manquement à son devoir de conseil et d'information quant aux conditions de sa rémunération (2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 19-18.145, publié). Cela signifie que le premier président n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle faute professionnelle de l'avocat et sur une demande de dommages et intérêts tendant à voir réparer cette faute par voie d'allocation de dommages-intérêts ou de réduction du montant des honoraires.
L'application du droit à l'espèce
Il est produit la convention d'honoraires que Mme [R] ne conteste pas avoir signée après avoir paraphé chacune de ses pages. Il n'est invoqué à cet égard aucune cause de nullité au sens des articles 1128 et suivants du code civil. Quant à la question de savoir si l'avocat a respecté à cette occasion son devoir d'information et de conseil, elle ne relève pas du juge de l'honoraire, mais du tribunal judiciaire saisi le cas échéant d'une mise en cause de la responsabilité de l'avocat.
Cette convention contient une clause qui stipule expressément, avec certaines parties en gras pour appeler l'attention du lecteur :
« Un honoraire de résultat sera perçu par L'AVOCAT en fonction des gains obtenus et de l'économie réalisée.
[']
L'économie réalisée est constituée par la différence entre le montant le plus élevé raisonnablement envisageable auquel L'AVOCAT ET LE CLIENT évaluent d'un commun accord le risque encouru dans le cadre de la présente procédure, soit la somme de 80.000 €.
L'honoraire de résultat sur l'économie réalisée est fixée à 10 % de la différence entre cette somme et celle qui sera attribuée de façon définitive. Ils seront réglés lorsque la décision sera devenue définitive. »
Ainsi, dès lors qu'aucune somme n'a finalement été mise à la charge de Mme [R] par le jugement du tribunal judiciaire de Saumur du 18 février 2021, M. [N] a fait une exacte application du contrat en facturant un honoraire de résultat d'un montant global de 8000 euros, égal à 10 % de la somme de 80 000 euros préalablement fixée par les parties.
Cet honoraire complémentaire de résultat ne peut être réduit que s'il apparaît exagéré au regard du service rendu (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.563, publié). Est exagéré quelque chose qui dépasse la mesure.
Or, dès lors que Mme [R] avait elle-même mesuré le risque encouru à la somme de 80 000 euros en signant la convention, et qu'elle a échappé totalement à ce risque en gagnant son procès à la suite de l'intervention de son avocat qui a été loin d'être négligeable, l'honoraire de résultat calculé conformément à la prévision des parties ne saurait être considéré comme exagéré.
Enfin, la convention d'honoraires prévoit expressément que « LE CLIENT s'acquitte des frais et débours payés à des tiers dans l'intérêt de la mission ». Il n'y a donc pas lieu d'imputer sur les honoraires réclamés par Me [N] la somme déjà réglée à l'attention de l'avocat postulant.
Dans ces conditions, les mentions de la facture litigieuse n'étant pas pour le reste contestée, la décision du bâtonnier sera confirmée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant pulicquement et contradictoirement,
CONFIRMONS la décision déférée ;
Y ajoutant :
Condamnons Mme [J] [K] épouse [R] aux dépens.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
S.LIVAJA Y. WOLFF