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25/06/2024 | FRANCE | N°23/00995

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 25 juin 2024, 23/00995


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







JC/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 23/00995 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFOY



ordonnance du 22 Mai 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 22/00305





ARRET DU 25 JUIN 2024



APPELANT :



Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 9]



Représenté par Me Guillaume BOIZARD de la

SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 220344 substitué par Me'Rémi HUBERT





INTIMES :



Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 11]

[Adresse 7]
...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 23/00995 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFOY

ordonnance du 22 Mai 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 22/00305

ARRET DU 25 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me Guillaume BOIZARD de la SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 220344 substitué par Me'Rémi HUBERT

INTIMES :

Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Sébastien HAMON de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 220055 substitué par Me Pierre LAUGERY

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] [10] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me Audrey PAPIN

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 25 Mars 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 25 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [B], M. [N] [C] et M. [R] [W] ont été associés de la SCI FXL.

Par un acte authentique reçu le 27 octobre 2006, la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] a consenti à la SCI FXL trois prêts aux fins d'acquisition d'un bien immobilier situé au [Adresse 2] à [Localité 5] (Maine-et-Loire), pour des montants respectifs de 75 000 euros (n° 0302 8509502 01), de 120 000 euros (n° 0302 8509502 02) et 89 000 euros (n° 0302 8509502 03).

M. [B], M. [C] et M. [W] se sont portés cautions solidaires de ces prêts à hauteur de 13 000 euros (pour le prêt (n° 0302 8509502 01), de 25 000 euros (pour le prêt (n° 0302 8509502 02) et de 12 000 euros (pour le prêt (n°'0302 8509502 03).

Le 10 mai 2012, la Caisse de Crédit Mutuel a prononcé la déchéance du terme des trois prêts et elle a mis la SCI FXL en demeure de lui régler la somme totale de 300 251,08 euros.

Par des actes d'huissier du 1er juin 2012 et du 7 juin 2012, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] a fait assigner M. [B], M. [C] et M. [W], en leurs qualités de cautions solidaires de la SCI FXL, pour obtenir leur condamnation au paiement d'une somme de 50 000 euros chacun au titre de leurs trois engagements.

Le 7 juin 2012, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] a fait délivrer à la SCI FXL un commandement de payer valant saisie du bien immobilier du [Adresse 2] à [Localité 5] (Maine-et-Loire), en exécution des prêts authentiques du 27 octobre 2006. Une assignation a été délivrée le 28 septembre 2012 à une audience d'orientation du 3 décembre 2012 mais la suite et l'issue de la procédure de saisie immobilière ne sont pas connues.

Le 15 juillet 2013, le bien immobilier du [Adresse 2] à [Localité 5] (Maine-et-Loire) a été vendu au prix de 190 000 euros et une somme de 188 500 euros est revenu à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10].

Par un jugement du 4 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Angers a notamment constaté que le prêt de 120 000 euros (n° 0302 8509502 02) avait été soldé par le prix de la vente du bien immobilier, a constaté que le solde de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] représentait une somme globale de 129 529,35 euros et a condamné M. [B], M. [C] et M.'[W] à verser chacun à la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] la somme de 25 000 euros au titre de leurs engagements de caution des prêts de 75 000 euros (n° 0302 8509502 01) et de 89 000 euros (n° 0302 8509502 03), avec les intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2012 et la capitalisation des intérêts.

M. [B] et M. [W] ont interjeté appel de cette décision.

Par deux arrêts du 19 mars 2019, la cour d'appel d'Angers a infirmé le jugement concernant M. [W] et débouté la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] de ses demandes en paiement à son encontre mais, l'a confirmé en toutes ses dispositions concernant M. [B].

La SCI FXL a fait l'objet d'une liquidation amiable décidée par une assemblée générale du 28 novembre 2017, M. [B] et M. [C] éttant désigné liquidateurs amiables. Cette dissolution a fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales du 15 décembre 2017 puis au Bulletin des annonces civiles et commerciales (Bodacc) du 28 février 2018. Une assemblée générale ordinaire du 2 octobre 2018 a approuvé les comptes de liquidation et constaté la clôture de cette liquidation. La radiation a été publiée au Bodacc du 30 octobre 2018.

Faisant valoir que, suivant décompte actualisé au 14 décembre 2021 et déduction faite des règlements effectués par les cautions, la SCI FXL restait lui devoir des sommes au titre du prêt de 75 000 euros (n° 0302 8509502 01) et du prêt de 89 000 euros (n° 0302 8509502 03) mais qu'elle ne pouvait en poursuivre le recouvrement auprès de la société désormais dissoute, la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] a fait assigner M. [B] et M. [C] devant le tribunal judiciaire d'Angers par des actes du 4 février 2022 et du 11 février 2022 pour obtenir leur condamnation au paiement, en leur qualité d'associés et sur le fondement de l'article 1857 du code civil, d'une somme de 14 328,95 euros en principal au titre du prêt de 75 000 euros (n° 0302 8509502 01) et d'une somme de 33 019,37 euros en principal au titre du prêt de 89 000 euros (n° 0302 8509502 03).

M. [B] et M. [C] ont saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident pour faire déclarer irrecevable comme prescrite l'action ainsi dirigée à leur encontre.

Par une ordonannce du 22 mai 2023, le juge de la mise en état d'Angers a':

- dit que l'action engagée par la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] à l'encontre M. [B] et M. [C] n'est pas prescrite,

- débouté en conséquence M. [B] et M. [C] de leur demande respective d'irrecevabilité de l'action engagée à leur encontre,

- débouté M. [B] et M. [C] mais également la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 31 août 2023 pour conclusions au fond de la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10],

- réservé les dépens.

Par une déclaration du 19 juin 2023, M. [B] a interjeté appel de cette ordonnance, l'attaquant en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et intimant la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] et M. [C].

M. [B], la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] et M. [C] ont conclu, ce dernier formant appel incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions n° 3 signifiées par la voie électronique le 10 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, M. [B] demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise dans les termes de la déclaration d'appel,

statuant à nouveau, et y ajoutant :

- de dire et juger irrecevable comme étant prescrite, l'action de la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10],

en conséquence,

- de débouter la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de la condamner au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

Aux termes de ses dernières conclusions n° 3 signifiées par la voie électronique le 24 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, M. [C] demande à la cour :

- de le juger recevable et bien fondé en ses demandes,

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 22 mai 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angers en ce qu'elle a dit que l'action engagée par la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] n'est pas prescrite, en ce qu'elle a débouté M. [B] et M. [C] de leurs demandes respectives d'irrecevabilité de l'action engagée à leur encontre, en ce qu'elle a débouté M.'[B] et M. [C] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 31 août 2023 pour conclusions au fond de la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] et en ce qu'elle a réservé les dépens,

statuant à nouveau,

- de juger irrecevable l'action de la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] comme étant prescrite,

- de débouter la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2 signifiées par la voie électronique le 26 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la Caisse de crédit mutuel demande à la cour :

- de débouter M. [B] et M. [C] de leur appel principal et incident et de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, déclarés non fondées,

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- de condamner M. [B] et M. [C] à lui verser, chacun, une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens in solidum, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la prescription :

Le juge de la mise en état a constaté qu'il n'était pas discuté que l'action en paiement introduite par la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10] contre M. [B] et M. [C] sur le fondement de l'article 1857 du code civil était soumise au délai quinquennal et que son point de départ était le même que celui de l'action en paiement contre la société elle-même, soit la déchéance du terme survenue le 10 mai 2012. Il a toutefois considéré que le délai de prescription avait été interrompu par l'action introduite par la banque contre les cautions solidaires et que cette interruption avait produit ses effets contre la SCI FXL, débitrice principale, par l'effet de l'article 2245 du code civil et pour l'intégralité du montant de la dette, jusqu'à l'extinction de l'instance par l'arrêt du 19 mars 2019. Il en a conclu qu'un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter de cette date contre la SCI FXL et, par voie de conséquence, contre M. [B] et M.'[C] en leurs qualités de débiteurs subsidiaires.

M. [B] reproche au juge de la mise en état d'avoir confondu le point de départ du délai de la prescription quinquennale, qui est en effet le même que celui de l'action contre la société et se situe à la date de la déchéance du terme (10'mai 2012), et le régime du cours des deux prescriptions. Il affirme en effet que les deux délais sont indépendants, de telle sorte que l'interruption de l'un est sans incidence sur le cours de l'autre. C'est pourquoi il soutient que l'interruption de l'action de la banque contre la société par l'effet de l'assignation en paiement des cautions solidaires ne s'est pas étendue à l'action de la banque à l'encontre des associés fondée sur l'article 1857 du code civil. Il ajoute que, si la solidarité entre les cautions et la société devait justifier l'extension de l'interruption de la prescription à l'action dirigée par la banque contre les associés au titre de leur responsabilité subsidiaire, alors une telle interruption ne pourrait valoir qu'à hauteur des montants garantis. Or, il a déjà exécuté son cautionnement en réglant les 50 000 euros correspondant au montant de sa garantie et la banque poursuit désormais le solde des prêts après ces paiements. Il en conclut que l'interruption de la prescription n'a pas pu jouer pour ces sommes qui excédaient le montant de son engagement de caution. Enfin, il conteste que le point de départ de la prescription puisse être fixé au jour de la dissolution de la SCI FXL, comme le prétend la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 5] [10], puisqu'une telle solution ne vaut qu'en cas d'action en recouvrement des dettes personnelles des associés sur le fondement de l'article 1859 du code civil, alors que la banque recherche en l'espèce la responsabilité subsidiaire des associés en application de l'article 1857 de ce même code.

M. [C] oppose, d'une part, que même en considérant que l'action de la banque contre les cautions a interrompu la prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, cette dernière correspond au jugement du 4 janvier 2016 en ce qui le concerne, puisqu'il n'a pas interjeté appel de cette décision. Il ajoute qu'il n'est pas juridiquement cohérent d'étendre l'effet interruptif de la prescription d'une action dirigée contre les cautions solidaires à une action tendant à engager la responsabilité personnelle des associés, tout comme il n'est pas juridiquement cohérent d'étendre l'effet interruptif de la prescription d'une action en paiement de certaines sommes à une action tendant au paiement d'autres sommes. D'autre part, il reproche au juge de la mise en état d'avoir confondu l'action qui avait été exercée à son encontre en sa qualité de caution et celle qui est aujourd'hui exercé contre lui en sa qualité d'associé, débiteur solidaire. Il reprend sur ce point le même raisonnement que M. [B], consistant à dire que, si le point de départ de la prescription quinquennale de l'action contre les associés, débiteurs subsidiaires, est le même que celui de l'action contre la société, les deux prescriptions sont distinctes et indépendantes.

De son côté, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] approuve le raisonnement du juge de la mise en état, en ce qu'il a considéré que son action exercée contre les cautions avait interrompu le délai de prescription de l'action contre la SCI FXL, en raison de la solidarité et compte tenu de l'article 2245 du code civil, jusqu'à l'arrêt du 19 mars 2019. Elle précise à cet égard qu'il est indifférent que M. [C] n'ait pas formé appel du jugement du 4 janvier 2016, dès lors que l'instance s'est poursuivie contre M. [B] et que, de ce simple fait, l'interruption de l'action contre la SCI FXL a perduré. Elle approuve tout autant le juge de la mise en état d'avoir considéré que l'effet interruptif de la prescription n'a pas été limité aux sommes dues par les cautions mais a joué pour l'intégralité de la dette. Elle insiste sur le fait qu'il n'est pas question du report du point de départ de la prescription mais bien uniquement de l'interruption du délai, qui a recommencé à courir pour cinq ans à compter du 19 mars 2019. Elle conteste enfin que le point de départ de la prescription de son action fondée sur l'article 1857 du code civil puisse être fixé à la date de la déchéance du terme et elle soutient qu'au contraire, la nécessité de démontrer une vaine poursuite contre la personne morale implique que ce point de départ se situe à la date de la dissolution anticipée de la SCI FXL par la décision du 28 novembre 2017 publiée au Bodacc du 28 février 2018.

Sur ce,

La question de la prescription discutée par les parties implique de bien identifier le fondement juridique de l'action introduite par la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] à l'encontre de M. [B] et M. [C] sur les assignations du 4 février 2022 et du 11 février 2022.

Le créancier dispose en effet de deux actions distinctes, qui répondent à des règles de prescription qui leur sont propres. La première, qui découle des articles 1857 et 1858 du code civile, est l'action dirigée contre l'associé de la société civile en sa qualité de débiteur subsidiaire pour obtenir sa condamnation au paiement de la dette de la société. La seconde est celle de l'article 1859 du code civil et consiste pour le créancier, lorsque la société civile fait l'objet d'une dissolution, à obtenir la condamnation de l'ancien associé au paiement de la dette qui lui est personnelle correspondant à sa part dans le passif social.

La difficulté tient en l'espèce à ce que la SCI FXL a fait l'objet d'une dissolution amiable, dûment publiée. Les deux fondements juridiques précités s'offrent donc à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10]. Toutefois, il ressort clairement tant des conclusions déposées de part et d'autre devant la cour que des énonciations de l'ordonnance entreprise que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] dirige son action en paiement contre M. [B] et M. [C] uniquement en leurs qualités d'associés de la SCI FXL tenus subsidiairement au paiement de la dette sociale sur le fondement de l'article 1857 du code civil.

A partir de là, le délai de la prescription de l'action n'est pas celui de l'article 1859 du civil, de cinq années à compter de la publication de la dissolution de la SCI FXL, mais bien exclusivement celui de l'article 2224 du code civil courant, comme pour la société elle-même, pour une durée de cinq années à compter de la date de chaque échéance impayée et à compter de la déchéance du terme s'agissant du capital restant dû.

Les décomptes fournis par la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] permettent de déterminer que la première échéance demeurée impayée remonte au 1er août 2010 s'agissant du prêt n° 0302 8509502 01 (75 000 euros) et au 10'juin 2010 s'agissant du prêt n° 0302 8509502 03 (89 000 euros), tandis que la déchéance du terme est survenue le 10 mai 2012.

Toutefois, la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] justifie qu'elle a exercé une action en paiement à l'encontre de M. [B], de M. [C] et de M.'[W], en leurs qualités de cautions solidaires de la SCI FXL, pour l'exécution notamment des deux prêts litigieux (n° 0302 8509502 01 et n° 0302 8509502 03) et par des actes du 1er juin 2012 et du 7 juin 2012, soit avant l'expiration du délai de cinq ans ayant couru depuis chacune des premières échéances impayées et, à plus forte raison, depuis de la déchéance du terme. Le premier juge a, de façon pertinente, rappelé que cette action contre les cautions solidaires avait eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription à l'encontre de la SCI FXL, débitrice principale jusqu'au terme de l'instance, soit jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 19 mars 2019.

La question reste de savoir si cette interruption de la prescription de l'action de la banque à l'encontre de la SCI FXL a pu également produire ses effets sur la prescription de l'action de la banque à l'encontre de M. [B] et de M.'[C], pris en qualité d'associés tenus subsidiairement à la dette sociale.

Ces derniers soutiennent que tel n'est pas le cas puisque les deux délais de prescription sont indépendants et ils s'appuient en ce sens sur un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 mars 2019 (pourvoi n° 17-18.924). Mais leur argumentation procède d'une confusion entre les prescriptions applicables et l'arrêt qu'ils citent n'est pas transposable en l'espèce, puisqu'il opère une distinction entre la prescription de l'action du créancier contre l'associé tenu subsidiairement à la dette sociale et celle de l'action de ce même créancier contre l'ancien associé tenu personnellement au passif social en application de l'article 1859 du code civil.

Au contraire, la solution dégagée par l'arrêt de la troisième chambre civile du 19 janvier 2022 (pourvoi n° 20-22.205), également cité par M. [B] et M.'[C], tient au fait que l'associé recherché en tant que débiteur subsidiaire de la dette sociale est en réalité tenu de la même dette que celle de la société. C'est pourquoi il ne peut pas être condamné au paiement de la dette sociale lorsqu'elle est prescrite et qu'il peut, tout comme la société elle-même, opposer au créancier la prescription de la créance. Mais cette unicité de la dette implique une unicité du régime de la prescription, avec ces conséquences que les causes d'interruption valent tout autant contre la société que contre les associés et que le cours de la prescription est le même pour la première et pour les seconds.

En définitive, le délai de la prescription de l'action de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] à l'encontre de la SCI FXL, interrompu dans les conditions précédemment rappelé jusqu'au 19 mars 2019 pour recommencer à courir pour un nouveau délai de cinq ans à compter de cette date, n'ayant pas expiré lors de l'introduction de son action contre M. [B] et M. [C] (4 février 2019 et 11 février 2019), l'action dirigée contre ces derniers en leurs qualités d'associés, débiteur solidaires de la société, n'est donc pas non plus prescrite.

Il est à cet égard indifférent, d'une part, que M. [C] n'ait quant à lui pas interjeté appel du jugement du 4 janvier 2016 dès lors que, du fait de l'unicité de la dette, il a suffi que le délai de la prescription de l'action à l'encontre de la SCI'FXL reste interrompu par l'effet de l'appel interjeté par M. [B] jusqu'à l'arrêt du 19 mars 2019 pour produire les mêmes effets sur le cours de la prescription de l'action à l'encontre des associés.

D'autre part, il est tout aussi indifférent que la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] n'ait agi à l'encontre des cautions qu'à hauteur des montants que celles-ci avaient accepté de garantir sur chacun des trois prêts puisque, comme l'a rappelé le premier juge, l'effet interruptif vaut pour l'intégralité de la dette et ne se limite pas à la seule partie cautionnée.

Il en résulte que l'action de la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] à l'encontre de M. [B] et de M. [C], en leurs qualités d'associés de la SCI'FXL et sur le fondement de l'article 1857 du code civil, n'est pas prescrite. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.

- sur les demandes accessoires :

L'ordonnance entreprise est également confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et sur les dépens de première instance.

M. [B] et M. [C], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP ACR Avocats. Ils seront déboutés de leur demande respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ils seront à l'inverse condamnés à verser à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] une somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déboute M. [B] et M. [C] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] et M. [C] à verser à la Caisse de crédit mutuel d'[Localité 5] [10] une somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne in solidum M. [B] et M. [C] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP ACR Avocats ;

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00995
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.00995 ?
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