COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
JC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 23/00911 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFHI
ordonnance du 23 Mai 2023
Tribunal de Commerce du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2022 00531
ARRET DU 25 JUIN 2024
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Boris MARIE de la SCP MARIE & SOULARD, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 153959
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. SBCMJ
prise en la personne de Maître [V] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société CADRIBO CHAUSSEUR
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Séverine DUBREUIL de la SELAS JURI OUEST, avocat au barreau du MANS
Madame [M] [U] épouse [X]
[Adresse 4]
[Localité 6]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 25 Mars 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 25 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE :
Mme [M] [U] épouse [X] a été la présidente de la SAS'Cadribo Chausseur, société exploitant un fonds de commerce notamment de vente de chaussures et de maroquinerie.
Par un contrat signé le 26 avril 2019, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a consenti à la SAS Cadribo Chausseur l'ouverture dans ses livres d'un compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX01].
Le 26 avril 2019, la même banque a consenti à la SAS Cardibo Chausseur un prêt "Modulpro" n° 15489 04805 00091943002 pour l'acquisition d'un fonds de commerce, portant sur le capital de 50 000 euros, remboursable au taux nominal fixe de 0,97 % en 87 mensualités. Le remboursement de ce prêt a été garanti par le cautionnement de Mme [U], par le nantissement du fonds de commerce et par le nantissement du compte sur lequel devaient être domiciliés les remboursements.
Un avenant a été régularisé le 20 mars 2020 pour aménager le montant des mensualités et augmenter la durée du remboursement.
Par un jugement du 26 juillet 2022, le tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au profit de la SAS Cadribo Chausseur, et la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Mme [V] [L], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 30 juin 2022.
Le 23 août 2022, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a déclaré sa créance à titre privilégié pour un montant de 33 716,28 euros au titre du contrat de prêt du 26 avril 2019, avec les garanties suivantes :
- une inscription de nantissement sur le fonds de commerce,
- le nantissement des comptes selon les conditions générales et droit de rétention des fonds suivant le contrat de prêt "Modulpro" n°15489 04085 0009100943002 et le contrat de convention de compte,
Le 5 octobre 2022, la SELARL SBCMJ, ès qualités, a avisé la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] de la contestation de sa créance par Mme [U] au titre, d'une part, de la clause pénale et, d'autre part, du caractère privilégié du nantissement de compte et du droit de rétention.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a fait valoir ses observations par une lettre du 24 octobre 2022, maintenant les termes de sa déclaration de créance.
C'est dans ces circonstances que, par une ordonnance du 23 mai 2023, le'juge-commissaire du tribunal de commerce du Mans a :
- jugé que la clause d'indemnisation forfaitaire est une clause pénale,
- jugé que la majoration au taux de 7 % est excessive et l'a ramenée à un taux de 3%,
- admis la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8], à titre privilégié nanti sur fonds de commerce, pour un montant de :
* 31 494,84 euros, outre les intérêts en application de l'article L 622-28 du code de commerce calculés sur le capital restant dû au taux de 0,97 % x le nombre de jours jusqu'au règlement intégral de la créance / 365 jours,
* les intérêts et l'assurance courus au 26 juillet 2022 pour les montants de 9,21 euros et de 7,59 euros,
* une indemnité forfaitaire d'un montant de 944.84 € euros ;
soit un montant total de 32 456,48 euros,
- admis le caractère privilégié de nantissement de compte,
- rejeté le droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde créditeur du compte bancaire présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire,
- rejeté le surplus,
- enjoint au greffier d'en faire mention sur l'état des créances et de notifier la présente ordonnance aux parties et au liquidateur,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective,
Par une déclaration du 1er juin 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté le droit de rétention sur le solde créditeur du compte bancaire présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire, intimant Mme [U] et la SELARL SBCMJ, ès qualités.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] et la SELARL SBCMJ, ès qualités, ont conclu.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a fait signifier à Mme'[U] la déclaration d'appel ainsi que l'avis de clôture et de fixation par un acte de commissaire de justice du 25 octobre 2023, déposé à l'étude. Elle lui a ensuite fait signifier ses conclusions par un acte de commissaire de justice du 31 octobre 2023, également déposé à l'étude.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 21 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance du 23 mai 2023 en ce qu'elle a rejeté le droit de rétention,
statuant à nouveau,
- de juger qu'elle dispose d'un droit de rétention sur le solde créditeur du compte bancaire détenu par la SAS Cadribo Chausseur en ses livres, présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire,
- de confirmer l'ordonnance du 23 mai 2023 pour le surplus,
subsidiairement,
- d'inviter les parties à saisir le juge du fond en application de l'article R. 624-5 du code de commerce,
- de débouter la SELARL SBCMJ es qualités, de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de fixer au passif de la SAS Cadribo Chausseur la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 22 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la SELARL SBCMJ, ès qualités, demande à la cour :
- de déclarer recevable, mais mal fondée la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] en son appel,
- de la débouter en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de confirmer l'ordonnance rendue le 23 mai 2023 qui a rejeté le droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde créditeur du compte bancaire présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire.
y ajoutant,
- de débouter la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens d'appel,
- de condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] à lui payer, ès qualités, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est précisé, d'une part, que le présent arrêt est rendu par défaut en application de l'article 473, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans la mesure où la déclaration d'appel et l'avis de fixation n'ont pas été signifiés à la personne de Mme [U].
D'autre part, la cour n'est saisie que du seul chef de l'ordonnance qui a rejeté le droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde créditeur du compte bancaire présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire. Il'n'y a donc pas lieu de statuer sur les autres chefs de cette ordonnance, ne serait-ce que pour les confirmer, comme le sollicite pourtant la banque appelante.
- sur le droit de rétention :
Le juge-commissaire a considéré que le nantissement du compte résultant du contrat de prêt "Modulpro" n° 15489 04805 00091943002 était valable en ce qu'il respectait bien les conditions posées par l'article 2356 du code civil. En revanche, il a rejeté le droit de rétention invoqué par la banque en retenant que l'article 2360 du code civil, qui régit spécifiquement le nantissement de compte bancaire et doit donc déroger aux dispositions générales du nantissement de créances, ne prévoit aucunement un tel droit de rétention.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] prend acte que le nantissement du compte courant n'est pas contesté par le liquidateur judiciaire. Elle se prévaut toutefois d'un droit de rétention sur le solde créditeur du compte courant, arrêté au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire (26 juillet 2022) à un double titre. En premier lieu, au titre du droit de rétention conventionnel organisé tant par les conditions générales du contrat de prêt que par celles de la convention de compte courant, en faisant valoir que sa créance au titre du prêt, non contestée, est devenue exigible dès le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire par l'effet de l'article L. 643-1 du code de commerce. En second lieu, au titre du droit de rétention légalement prévu par l'article 2363 du code civil en faveur du créancier nanti.
La SELARL SBCMJ, ès qualités, conteste tout droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde du compte courant n°'00091940001. Elle affirme en effet que l'article 2360 du code civil, relatif au nantissement de compte bancaire, ne reconnaît pas au créancier nanti un droit de rétention mais prévoit uniquement l'assiette de la créance nantie et que le créancier pourra faire valoir dans le cadre de la déclaration de créance, renvoyant sur ce point à un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22'janvier 2020 (n° 18-21.647). Elle relève que l'appelante se fonde sur l'article 14.2.2 des conditions générales du compte courant, dont elle remarque, d'une part, qu'il n'est pas prétendu qu'il rendrait connexes les créances nées du prêt et du solde créditeur du compte courant et, d'autre part, qu'il ne prévoit pas de droit de rétention au profit du banquier en cas de liquidation judiciaire. Elle fait également valoir que la banque appelante ne soutient pas que la compensation aurait joué automatiquement avant ou, au plus tard, au jour du jugement d'ouverture et qu'au contraire, sa déclaration de créance ne procède à aucune compensation du solde du prêt avec le solde du compte courant.
La SELARL SBCMJ, ès qualités, ajoute que l'article 3 des mêmes conditions générales exclut tout droit de rétention de la banque en prévoyant que le nantissement n'entraîne pas le blocage des comptes et en laissant à l'emprunteur la liberté de disposer des fonds. Enfin, elle relève qu'aucune somme n'était exigible au titre du prêt avant l'ouverture de la procédure collective, que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] ne disposait donc d'aucun droit de rétention avant cette date et que l'exigibilité des sommes du seul fait de la liquidation judiciaire serait contraire aux dispositions d'ordre public des procédures collectives. Elle en conclut que l'article L. 622-7 du code de commerce interdit à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] de réaliser sa garantie par compensation du crédit du compte courant avec les sommes dues au titre du prêt et que le nantissement permet uniquement à la banque créancière de déclarer sa créance a titre privilégié à hauteur du crédit du compte de dépôt constituant l'assiette de sa créance.
Sur ce,
Les parties ne contestent ni l'admission de la créance de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] au titre du prêt "Modulpro" n° 15489 04805 00091943002 pour la somme de 32 456,48 euros, ni l'admission de cette créance à titre privilégié que ce soit au titre du nantissement du fonds de commerce ou au titre du nantissement du compte courant n° [XXXXXXXXXX01], dont le liquidateur judiciaire précise, sans susciter aucun débat sur ce point, qu'il était créditeur de 29 938,88 euros à la date du jugement d'ouverture.
C'est uniquement la possibilité pour la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] de se prévaloir d'un droit de rétention sur ce solde créditeur qui oppose les parties, au regard de l'incidence de l'ouverture de la liquidation judiciaire et puisque l'article 2287 du code civil rappelle que les dispositions de son Livre IV relatif aux sûretés ne font pas obstacle aux règles prévues en cas d'ouverture notamment d'une procédure collective.
L'article 2360 du code civil prévoit que lorsque le nantissement porte sur un compte bancaire, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution. En son deuxième alinéa, cet article ajoute que, sous la même réserve, au cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture.
Comme le rappelle toutefois la SELARL, ès qualités, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 janvier 2020 (pourvoi n° 18-21.647, publié), a précisé que l'article 2360, alinéa 2, du code civil ne confère pas un droit de rétention au créancier titulaire d'un nantissement du compte bancaire mais se contente de définir l'assiette de la créance nantie, que ce créancier pourra faire valoir dans sa déclaration de créance.
Mais la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] se prévaut également de dispositions conventionnelles et, notamment, des conditions générales du contrat de prêt ('nantissement de comptes', page 9), qui prévoient que :
"conformément aux articles 2355 à 2366 du code civil, l'emprunteur remet en nantissement au profit du prêteur, à titre de sûreté, le compte sur lequel sont ou seront domiciliés les remboursements du crédit objet des présentes, et plus généralement l'ensemble des comptes présents ou futurs ouverts sur les livres du prêteur, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie de ce crédit. (...) Ce nantissement est consenti en garantie du paiement et du remboursement de toutes sommes en capital, intérêts, frais et accessoires dus au titre du crédit présentement consenti. Conformément à la loi, et sauf convention contraire entre l'emprunteur et le prêteur, le nantissement ainsi convenu n'entraînera pas blocage des comptes de l'emprunteur. Celui-ci pourra librement disposer des sommes retracées sur ces comptes sans avoir à solliciter l'accord préalable du prêteur. Cependant, en constituant ce nantissement, l'emprunteur accorde au prêteur le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur les comptes ainsi nantis. Le prêteur sera donc en droit d'opposer le nantissement à tout tiers qui pratiquerait une mesure conservatoire d'exécution sur les comptes nantis, ou qui revendiquerait un droit quelconque sur ses comptes au préjudice des droits du prêteur. De même, le prêteur pourra se prévaloir du nantissement en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers et sera en droit d'isoler sur un compte spécial bloqué à son profit les soldes créditeurs des comptes nantis existant à la date du jugement déclaratif d'ouverture de la procédure collective. Conformément à la loi, en cas de non-paiement par l'emprunteur d'une somme quelconque devenue exigible restant due au prêteur, celui-ci sera en droit de compenser de suite jusqu'à due concurrence, la créance détenue sur l'emprunteur avec les soldes créditeurs provisoires ou définitifs des comptes nantis. La compensation aura lieu après régularisation des opérations en cours"
Cette clause de nantissement du compte, dont il n'est pas contesté qu'elle a notamment produit ses effets sur le solde du compte bancaire, prévoit classiquement l'absence de blocage du compte et la possibilité pour le client de disposer librement des fonds, qui est de l'essence même du nantissement du compte bancaire, tout en organisant un blocage du solde créditeur du compte au profit de la banque, assimilable à un droit de rétention, en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire notamment.
La question reste de savoir si cette clause de blocage peut trouver application en l'espèce et la SELARL SBCMJ, ès qualités, met en avant les dispositions d'ordre public des procédures collectives pour y faire obstacle, calquant ainsi le raisonnement de la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt précité.
La cour observe toutefois que les deux raisons qui ont motivé cette décision de la Cour de cassation, dans le cas d'un redressement judiciaire, ne sont pas transposables en l'espèce, où une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte. C'est ainsi, d'une part, les dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce ne trouvent pas à s'appliquer et, au contraire, le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a entraîné l'exigibilité immédiate du prêt par l'effet de l'article L. 643-1 du code de commerce. D'autre part, il ne peut pas être question de vider de son sens le potentiel de la liquidation judiciaire en l'absence de poursuite de l'activité.
La SELARL SBCMJ, ès qualités, invoque certes également l'interdiction par l'article L. 622-7 du code de commerce du paiement des créances antérieures et la possibilité d'une compensation uniquement en cas de réunion des conditions de la connexité des créances.
Mais il est important, à cet égard, de bien cerner l'objet de la demande de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8], en s'en tenant au dispositif de ses conclusions qui contient, seul, la prétention dont la cour est saisie, nonobstant les motifs par ailleurs développés. La banque appelante demande en effet uniquement de se voir reconnaître un droit de rétention sur le solde créditeur du compte courant n° [XXXXXXXXXX01], arrêté à la date du jugement qui a ouvert la liquidation judiciaire. Elle ne demande en revanche aucunement d'obtenir le paiement des sommes retenues mais uniquement de pouvoir préserver ces sommes et de les conserver par-devers elle dans l'attente de la suite de la procédure collective. C'est d'ailleurs en ce sens que, comme le relève le liquidateur judiciaire, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] a déclaré sa créance au titre du prêt sans en retrancher le montant du solde crédit du compte courant, manifestant par là même son intention de se soumettre à la discipline collective et d'attendre l'issue de la procédure de liquidation pour en obtenir le règlement. Tous les développements consacrés par les parties à l'exigibilité anticipée du prêt, aux conditions de la connexité pour permettre la compensation ou encore à l'interdiction du paiement des créances antérieures sont donc sans objet, en ce qu'ils touchent à la réalisation de la sûreté et au paiement, dépassant comme tels l'objet de la demande formulée par l'appelante dans le dispositif de ses conclusions.
La SELARL SBCMJ, ès qualités, ne démontre donc aucunement que le droit de rétention, organisé conventionnellement par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] à son profit en cas d'ouverture d'une liquidation judiciaire notamment, porte atteinte aux règles d'ordre public des procédures collectives. De ce fait, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a rejeté le droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde créditeur du compte bancaire existant à la date de l'ouverture de la liquidation judiciaire, un tel droit devant être reconnu au profit du créancier.
- sur les demandes accessoires :
Les dispositions de l'ordonnance qui ont statué sur les dépens de première instance ne sont pas contestées.
La SELARL SBCMJ, ès qualités, partie perdante en appel, sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les'dépens d'appel et les frais irrépétibles constituent des créances certes postérieures mais qui ne remplissent pas les conditions de l'article L. 641-13 du code de commerce pour pouvoir donner lieu à une condamnation au paiement. Aussi, les dépens d'appel ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles seront mis à la charge de la SELARL SBCMJ, ès qualités, et il appartiendra à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] de faire valoir ces créances dans les conditions de l'article L. 622-24 du code de commerce.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, dans les limites de l'appel et par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté le droit de rétention de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] sur le solde créditeur du compte bancaire présent à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Cadribo Chausseur ;
statuant à nouveau,
Dit que la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] dispose d'un droit de rétention sur le solde créditeur du compte bancaire détenu par la SAS Cadribo Chausseur en ses livres et existant à l'ouverture de la liquidation judiciaire ;
y ajoutant,
Déboute la SELARL SBCMJ, ès qualités, de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Met à la charge de la SELARL SBCMJ, ès qualités, les dépens d'appel ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] ;
Rappelle à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 8] les dispositions de l'article L. 622-24, alinéa 6, du code de commerce s'il entend voir admettre au passif de la procédure collective de la SAS Cadribo Chausseur les créances postérieures accordées par le présent arrêt ;
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
S.TAILLEBOIS C. CORBEL