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25/06/2024 | FRANCE | N°21/01104

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 25 juin 2024, 21/01104


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







IG/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/01104 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2HV



jugement du 31 Mars 2021

Tribunal paritaire des baux ruraux de SAUMUR

n° d'inscription au RG de première instance 20/00687



ARRET DU 25 JUIN 2024



APPELANTE :



SAS COMPAGNIE FINANCIERE DE MARCHAND DE BIENS [Localité 8] exerçant sous l'enseigne COFIMAB

[Adresse 1]

[Localité 3]



Non comparante, représentée par M

e Jean charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier J110010





INTIMEE :



E.A.R.L. AQUA

[Adresse 6]

[Localité 2]



Non comparante, représentée par Me Laure...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

IG/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/01104 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2HV

jugement du 31 Mars 2021

Tribunal paritaire des baux ruraux de SAUMUR

n° d'inscription au RG de première instance 20/00687

ARRET DU 25 JUIN 2024

APPELANTE :

SAS COMPAGNIE FINANCIERE DE MARCHAND DE BIENS [Localité 8] exerçant sous l'enseigne COFIMAB

[Adresse 1]

[Localité 3]

Non comparante, représentée par Me Jean charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier J110010

INTIMEE :

E.A.R.L. AQUA

[Adresse 6]

[Localité 2]

Non comparante, représentée par Me Laurent BEZIE de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS exerçant sous l'enseigne COGEP AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me Jean DENIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 04 Mars 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme GNAKALE

Greffier lors du prononcé : M. DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 25 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte notarié du 2 avril 2009, la SCI Anastasia a consenti à l'EARL'Aqua un bail rural à long terme, prenant effet à compter du 1er janvier 2009, sur divers biens situés sur les communes de [Localité 7] (49), [Localité 5] (49) et [Localité 4] (49), moyennant un fermage annuel de 3.000 euros payable au 30 décembre de chaque année.

La SCI Anastasia a été placée en liquidation judiciaire et l'ensemble des biens faisant l'objet de ce bail rural à long terme ont fait l'objet d'une vente forcée.

Suivant jugement du 3 juin 2013, le tribunal de grande instance d'Angers a déclaré la SAS compagnie financière de marchand de biens [Localité 8] dont le nom commercial est Cofimab, adjudicataire de l'ensemble de ces biens.

Par requête en date du 16 mars 2020, la SAS compagnie financière de marchand de biens [Localité 8] (ci-après la société Cofimab) a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saumur aux fins d'obtenir la résiliation du bail rural pour non paiement des fermages et la condamnation de l'EARL Aqua à lui payer les fermages dus.

Suivant jugement en date du 31 mars 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saumur a :

- condamné l'EARL Aqua à payer à la SAS Cofimab la somme de 16.117,20 euros au titre des fermages 2014 à 2018, avec capitalisation des intérêts à compter du 6 décembre 2019,

- condamné l'EARL Aqua à payer à la SAS Cofimab la somme de 3.142,80 euros au titre du fermage 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 21 janvier 2020,

- rejeté la demande de délais de paiement formée par l'EARL Aqua et sa demande de séquestre,

- débouté la SAS Cofimab de sa demande de résiliation du bail rural du 2 avril 2009 et du surplus de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 avril 2021, la société Cofimab a interjeté appel de ce jugement en ses dispositions l'ayant déboutée de sa demande de résiliation du bail rural et du surplus de ses demandes (à savoir l'expulsion sous astreinte de l'EARL Aqua, la fixation d'une indemnité d'occupation, le débouté de l'intégralité des demandes formées par l'EARL Aqua), de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit qu'elle conservera la charge de ses propres dépens ; intimant l'EARL Aqua.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 14 février 2024 et reprises oralement à l'audience, la société Cofimab demande à la cour, au visa de l'article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime, de l'article 1147 ancien du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné l'EARL Aqua à payer à la SAS Cofimab la somme de 16.117,20 euros au titre des fermages 2014 à 2018, avec capitalisation des intérêts à compter du 6 décembre 2019,

- condamné l'EARL Aqua à payer à la SAS Cofimab la somme de 3.142,80 euros au titre du fermage 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 21 janvier 2020,

- rejeté la demande de délais de paiement formée par l'EARL Aqua et sa demande de séquestre,

- débouté l'EARL Aqua de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la SAS Cofimab de sa demande de résiliation du bail rural du 2'avril 2009,

- débouté la SAS Cofimab de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, prononcer la résiliation du bail rural dont bénéficie l'EARL Aqua,

- ordonner l'expulsion de l'EARL Aqua et de tout occupant de son chef dans le mois suivant la signification du jugement à intervenir (sic),

- assortir l'expulsion d'une astreinte de 150 euros par jour de retard avec au besoin recours à la force publique, et ce à compter du délai précédent,

- à défaut d'astreinte, fixer une indemnité d'occupation sur la base du calcul du fermage prévu contractuellement et ce, jusqu'à la libération effective des lieux constatée par voie d'Huissier de Justice aux frais du défendeur,

- condamner l'EARL Aqua au règlement des fermages dus pour la période courant du 1er janvier 2024 à la date de résiliation de son bail rural,

- en toute hypothèse, condamner l'EARL Aqua à lui verser une somme totale de 6.801,60 euros au titre des fermages 2022 et 2023,

- en toute hypothèse, condamner l'EARL Aqua à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses uniques écritures déposées le 5 février 2014 et reprises oralement à l'audience, l'intimée demande à la cour, au visa des dispositions de l'article L 411-31 I du code rural, de :

- la déclarer recevable et bien fondée,

- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la SAS Cofimab à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance.

À l'audience, l'intimée a ajouté qu'elle est offrante de régler les fermages 2022 et 2023, déplorant toutefois n'avoir été destinataire d'aucun appel de fermages et observant qu'elle n'est pas en mesure de vérifier les montant dus, notamment avec la prise en compte des indices de fermages.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour constate que les dispositions du jugement ayant condamné l'EARL Aqua à payer à la SAS Cofimab les sommes de 16.117, 20 euros au titre des fermages 2014 à 2018, avec capitalisation des intérêts à compter du 6 décembre 2019 et de 3142,80 euros au titre du fermage 2019, avec capitalisation des intérêts à compter du 21 janvier 2020, n'ont fait l'objet d'aucun appel, de sorte que la cour n'en est pas saisie et n'a pas à les confirmer.

I - Sur la demande en résiliation du bail pour défaut de paiement du fermage

Le tribunal qui a constaté que les fermages étaient dus par l'EARL Aqua depuis 2014 et l'a ainsi condamnée à payer à la bailleresse une somme de 16.117,20 euros au titre des échéances 2014 à 2018 et 3.142,80 euros au titre de l'échéance 2019, a retenu que ce non-paiement par le preneur, jusqu'en 2019, résultait en définitive d'un refus d'encaissement des fermages opposé par la bailleresse qui n'admettait pas la réalité du bail rural. À ce titre, il a constaté que la preneuse avait tenté régulièrement de payer ses fermages, adressant des règlements à la bailleresse. Le tribunal a estimé qu'il appartenait à cette dernière d'encaisser ces chèques de règlement, au besoin au titre d'indemnités d'occupation puisqu'elles étaient incontestablement dues en toute hypothèse dès lors que l'EARL Aqua occupait les lieux. Les juges en ont déduit que dans ce contexte, les refus répétés de la bailleresse d'accepter les versements qui lui étaient adressés constituent des raisons sérieuses et légitimes du non-paiement des fermages au sens de l'article L 411-31 du code rural, ne permettant pas à la bailleresse d'invoquer ce motif pour obtenir la résiliation du bail.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante souligne liminairement que l'intimée ne conteste pas qu'elle se trouvait redevable d'arriérés de fermages jusqu'à l'exécution du jugement entrepris. En premier lieu, elle expose qu'après le prononcé de la décision du tribunal judiciaire du 3 avril 2019, reconnaissant l'existence d'un bail rural au bénéfice de l'EARL Aqua, elle a mis en demeure cette dernière par lettre recommandée réceptionnée le 6 décembre 2019, de lui régler les échéances de fermages dues pour les années 2014 à 2018, n'étant plus en mesure d'encaisser les chèques qui avaient pu un temps être adressés à son conseil, soit parce que les chèques avaient été retournés ou parce que les délais d'encaissement étaient largement dépassés. En second lieu, l'appelante fait état de la seconde mise en demeure qu'elle a adressée en janvier 2020 à la preneuse et portant sur l'échéance impayée de 2019. En réponse à sa contradictrice qui affirme avoir procédé à son règlement par chèque, elle soutient n'avoir été destinataire d'aucun paiement, relevant la carence probatoire de l'intimée à cet égard. Elle observe encore que contrairement aux dires de cette dernière, la seconde mise en demeure est postérieure à la saisine du tribunal paritaire et que l'intimée se trouvait dès lors bien assistée d'un conseil lors de la réception de ladite mise en demeure. S'agissant des refus d'encaissement des règlements de fermages qui lui sont reprochés, l'appelante rappelle qu'elle avait engagé en juin 2016 une action en nullité tendant à faire invalider l'existence de l'intimée au regard de l'ineffectivité de son activité et que le bail rural aurait été déclaré nul en cas de reconnaissance de la fictivité de la société adverse. Aussi, elle fait valoir que dans ce contexte, il était tout à fait logique pour elle de refuser les règlements de fermages qui lui étaient adressés par l'EARL Aqua. Elle précise qu'elle s'en était d'ailleurs expliquée par lettre officielle du 9 février 2018 auprès du précédent conseil de l'intimée. Elle ajoute qu'elle ne pouvait encaisser ces sommes même en arguant d'une indemnité d'occupation sauf à se mettre en contradiction avec le positionnement qu'elle soutenait par ailleurs devant la juridiction civile. Elle affirme dès lors qu'il n'est nullement possible de considérer comme motifs sérieux et légitimes les refus qu'elle a pu opposer un temps à la preneuse en raison de son désaccord à reconnaître l'existence d'un bail rural à son bénéfice. L'appelante énonce encore que ces refus n'ont pas été réitérés dès lors que le tribunal judiciaire a statué en avril 2019 sur l'absence de fictivité de l'intimée et qu'elle a alors émis deux mises en demeure de payer, démontrant ainsi sa volonté d'obtenir le règlement des fermages. Elle ajoute encore qu'il appartenait à l'intimée de provisionner les sommes dues au titre du bail.

Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée soutient que la bailleresse ne saurait se fonder sur des arriérés de fermages impayés pour solliciter la résiliation du bail rural alors même que c'est elle qui a refusé d'encaisser ces fermages, ce qui constitue une raison sérieuse et légitime justifiant son défaut de paiement, au sens des dispositions de l'article L 411-31 I du code rural. Elle fait ainsi valoir que la première mise en demeure réceptionnée le 6 décembre 2019, portant sur les échéances 2014 à 2018, ne peut fonder la résiliation du bail dès lors que ces fermages ont fait l'objet de l'envoi de chèques à destination de la bailleresse, laquelle n'a jamais voulu les encaisser. L'intimée ajoute que le fermage 2019, objet de la seconde mise en demeure, a été réglé par ses gérants, au moyen d'un chèque daté du 13 janvier 2020, adressé directement à l'appelante et non à son conseil car elle ne disposait plus alors de conseil. Elle fait remarquer que ce chèque, comme les précédents, n'a pas été encaissé. Aussi, l'intimée expose que la résiliation du bail n'est pas encourue dès lors que pour sa part elle a toujours procédé au paiement de ses fermages en dépit du refus de la bailleresse de les encaisser jusqu'à l'échéance de 2019. Elle souligne que l'appelante qui a pu un temps contester l'existence du bail rural, pouvait parfaitement procéder à l'encaissement des chèques en faisant valoir que les paiements devaient alors être qualifiés d'indemnités d'occupation. Enfin, la preneuse observe que malgré la reconnaissance d'un bail rural par la bailleresse depuis le jugement rendu en avril 2019, celle-ci n'a pas davantage encaissé le chèque qui lui a été envoyé directement par ses gérants pour le règlement de l'échéance 2019.

Sur ce, la cour

En application de l'article L 411-31 I 1°) du code rural, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance et qui doit, à peine de nullité, rappeler les termes de cette disposition.

Cet article précise que les motifs de résiliation qu'il mentionne dont le défaut de fermage ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

Il est de principe que les deux mises en demeure exigées par l'article L'411-31 peuvent concerner la même échéance de fermage mais peuvent aussi porter sur deux échéances différentes. Si les mises en demeure portent sur des échéances différentes, il n'est pas nécessaire qu'un délai de 3 mois se soit écoulé entre elles.

Par ailleurs, les motifs de résiliation doivent s'apprécier au jour de la demande en justice.

En l'espèce, suivant courrier recommandé en date du 25 novembre 2019 adressé à l'intimée et réceptionné par cette dernière le 6 décembre 2019, le conseil de l'appelante la mettait en demeure, en sa qualité de preneuse en vertu du bail rural à long terme conclu le 2 avril 2009, de lui payer une somme totale de 16.117,20 euros au titre des fermages, se décomposant comme suit :

- échu au 30 décembre 2014 pour un montant de 3.249 euros

- échu au 30 décembre 2015 pour un montant de 3.301,50 euros

- échu au 30 décembre 2016 pour un montant de 3.287,70 euros

- échu au 30 décembre 2017 pour un montant de 3.188,40 euros

- échu au 30 décembre 2018 pour un montant de 3.090,60 euros.

Suivant second courrier recommandé en date du 16 janvier 2020, réceptionné le 21 janvier 2020 par l'intimée, l'appelante mettait en demeure cette dernière de lui régler la somme de 3.142,80 euros au titre du fermage impayé dû au 30 décembre 2019.

L'intimée ne discute pas la notification de ces deux mises en demeure qui reproduisent par ailleurs la disposition prescrite par l'article L 411- 31 I 1° susvisé. Elle ne conteste pas davantage le défaut de paiement des fermages ensuite de la réception de la première mise en demeure mais oppose des motifs sérieux et légitimes pour le justifier, ce qui ferait obstacle à la résiliation du bail.

Il est en effet d'une part établi que dans les trois mois de la réception de la première mise en demeure, l'intimée n'a pas réglé les fermages demeurant impayés depuis 2014 et aucune régularisation de paiement n'est intervenue au jour de la saisine du tribunal. Ce n'est que dans le cadre de l'exécution du jugement entrepris que l'intimée s'est acquittée de sa dette au titre des fermages impayés.

D'autre part, pour justifier ce défaut de paiement à la fin de l'année 2019 et partant pour écarter la résiliation du bail, la preneuse excipe d'une raison sérieuse et légitime, à savoir le refus de la bailleresse de recevoir ses règlements.

Il résulte tant des écritures des parties que des pièces produites aux débats que l'intimée a adressé régulièrement à l'appelante le règlement des fermages dus sur la période allant de 2014 à 2018 mais que les chèques, systématiquement émis pour un montant de 3.000 euros et dûment réceptionnés, n'ont pas été encaissés, voire pour certains ont été retournés.

L'appelante justifie son refus d'encaisser les règlements par le contentieux qui l'a opposée à l'intimée entre juin 2016 et avril 2019, relativement à l'action en nullité de la société intimée qu'elle a elle-même engagé sur le fondement de l'article 1832 du code civil, pour absence d'activité réelle et sérieuse. A ce titre, elle produit aux débats un courrier de son conseil, en date du 9 février 2018, adressé au conseil de l'intimée, indiquant : 'je reviens vers vous dans le cadre de ce dossier et vous prie de bien vouloir trouver, sous ce pli, en retour, le règlement de la somme de 3.000 euros que vous avez voulu adresser à la société Cofimab en paiement du fermage de l'EARL Aqua. En effet, la société Cofimab n'a jamais appelé le fermage. Elle considère que le bail rural est fictif comme l'est la société. Elle se réserve donc la possibilité de faire juger la fictivité du bail rural, raison pour laquelle elle n'entend pas accepter le règlement que je vous restitue'.

Si l'appelante a souhaité attendre l'issue de la procédure initiée par ses soins relativement à la fictivité de la société intimée et a préféré s'abstenir de toute action pouvant être interprétée comme une ratification d'une convention avec celle-ci, il n'en demeure pas moins que le non-encaissement des règlements n'est pas imputable à la preneuse débitrice.

Comme souligné justement par cette dernière, la discussion sur sa fictivité devant la juridiction civile, n'empêchait pas l'appelante d'encaisser les sommes qui lui étaient adressées en spécifiant qu'elles ne pouvaient qu'être qualifiées d'indemnités d'occupation, compte tenu de son refus de reconnaître un bail rural au bénéfice de l'intimée occupant les parcelles dont elle est propriétaire.

Par ailleurs, le défaut d'encaissement des fermages résultant de son propre chef pendant plusieurs années, l'appelante ne peut valablement reprocher à l'intimée de ne pas avoir provisionné les sommes dues au titre du bail afin d'être en capacité financière de verser en une fois l'intégralité des loyers, à première demande. En effet, en réclamant, en décembre 2019, une somme totale de 16.117,20 euros à régler dans les trois mois et qui s'explique par son seul refus d'encaisser les chèques, l'appelante a mis, à l'évidence, la preneuse dans une situation financière difficile de sorte que cette dernière n'a pu s'acquitter de sa dette dans les délais.

Ce refus de l'appelante, pendant plusieurs années de recevoir les paiements de la preneuse est constitutif d'une raison sérieuse et légitime de nature à faire échec à la demande de résiliation formée par la bailleresse.

S'agissant de la seconde mise en demeure portant exclusivement sur le fermage 2019, l'intimée pour justifier s'être acquittée de celui-ci, produit devant la cour comme en première instance, le talon d'un chèque qui mentionne '13/01/2020 Aqua Loyer 3.000 euros'. S'il est indifférent que ce règlement ait été émis par un tiers, le paiement pour autrui étant valable en application de l'article 1342-1 du code civil, la réalité du paiement n'est toutefois pas établie par cette pièce qui au demeurant n'est pas corroborée par le relevé du compte bancaire des époux [T] de janvier 2020, non produit. De même, l'extrait de compte de résultat simplifié pour l'exercice clos au 31 décembre 2018, faisant figurer au titre des charges d'exploitation un fermage de 3.000 euros est insuffisant à démontrer un paiement libératoire.

Il s'ensuit, ainsi qu'a pu le juger le tribunal, que l'intimée ne rapporte pas la preuve du paiement de l'échéance 2019, à tout le moins au mois de janvier 2020 comme elle l'allègue.

Néanmoins, au vu de ce qui précède, la cour ayant retenu que la preneuse avait des raisons sérieuses et légitimes de ne pas payer les fermages 2014 à 2018 réclamés aux termes de la mise en demeure du 25 novembre 2019, le défaut de paiement de la seule échéance 2019, ne permet pas de prononcer la résiliation du bail sur le fondement de l'article L 411-31 précité.

En conséquence et par ajout de ces motifs, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de résiliation du bail rural du 2 avril 2009 pour défaut de paiement des fermages.

II- Sur la demande en paiement des fermages 2022 et 2023

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante fait valoir que l'intimée n'a pas procédé au règlement des fermages dus pour 2022 et 2023, se trouvant ainsi redevable d'une somme totale de 6.801,60 euros.

A l'audience, l'intimée a indiqué qu'elle est offrante de régler les fermages 2022 et 2023, déplorant toutefois n'avoir été destinataire d'aucun appel de fermages et observant qu'elle n'est pas en mesure de vérifier les montant dûs, notamment avec la prise en compte des indices de fermages.

Sur ce, la cour

Aux termes de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :

1°) d'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention,

2°) de payer le prix du bail aux termes convenus.

En l'espèce, le bail consenti à l'intimée le 9 avril 2009 stipule à l'article 11 un fermage annuel de 3.000 euros à actualiser chaque année, à la date anniversaire de la prise d'effet du bail, compte tenu de la variation de l'indice des fermages défini à l'échelon du département ou de la région naturelle par le préfet, après avis de la commission consultative paritaire des baux ruraux. Le paiement doit intervenir le 30 décembre de chaque année, au siège social du bailleur, soit en espèces, soit par chèque ou virement bancaire ou postal.

S'agissant de la demande afférente au paiement des fermages échus impayés au titre des années 2022 et 2023, présentée devant la cour et portant sur une somme totale de 6.801,60 euros (3.307,80 euros pour le fermage dû au 30 décembre 2022 et 3.493,80 euros pour le fermage dû au 30 décembre 2023), l'intimée ne conteste pas être redevable de ces échéances.

A l'audience, si elle a indiqué être offrante de les régler, elle a néanmoins souligné qu'elle n'avait pas été destinataire des appels de fermage et qu'elle n'est pas en mesure de vérifier les montant dûs, notamment avec la prise en compte des indices de fermages.

A cet égard, la cour rappelle que le défaut d'envoi des appels de fermage n'est pas de nature à exonérer le preneur de son obligation au paiement, étant observé que l'intimée est en mesure de calculer l'indexation et que le calcul des loyers, avec référence aux indices appliqués, est détaillé avec précision aux écritures de la bailleresse, du 14 février 2024.

Force est de constater que la demande en paiement formalisée par la bailleresse à compter de cette date n'a été suivie d'aucune proposition de règlement avant l'audience du 4 mars 2024 au cours de laquelle l'affaire a été retenue.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement formée par la bailleresse pour le nouvel arriéré de fermage qui n'est pas valablement contesté dans son principe et son montant et ainsi de condamner l'intimée à lui verser la somme de 6.801,60 euros au titre des fermages 2022 et 2023.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'appelante succombant majoritairement en ses demandes, il convient de la condamner aux dépens d'appel. En revanche, compte tenu du sens du présent arrêt, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elles dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Saumur du 31 mars 2021,

Y ajoutant,

CONDAMNE l'EARL Aqua à payer à la SAS compagnie financière de marchand de biens [Localité 8] la somme de 6.801,20 euros au titre des fermages 2022 et 2023,

DEBOUTE la SAS compagnie financière de marchand de biens [Localité 8] de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE l'EARL Aqua de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la SAS compagnie financière de marchand de biens [Localité 8] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE empêchée

T. DA CUNHA I. GANDAIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 21/01104
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.01104 ?
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