COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/00521 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E7EN
jugement du 22 Février 2022
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 21/00957
ARRET DU 04 JUIN 2024
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST nouvelle dénomination de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric BOUTARD de la SCP LALANNE - GODARD - BOUTARD - SIMON - GIBAUD, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 20201109 et par Me Jean-Philippe RIOU, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE :
Madame [U] [X] épouse [R]
née le 23 Juin 1951 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Cécile FROGER OUARTI, avocat postulant au barreau du MANS et par Me Arnaud CONSTANS, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 02 Avril 2024 à 14'H'00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M.'CHAPPERT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé du 11 décembre 2009, Mme [U] [X] épouse [R] a donné à bail à la société Banque Populaire de l'Ouest (BPO) aux droits de laquelle vient désormais la Banque Populaire Grand Ouest (BPGO), un immeuble à usage commercial et d'habitation situé [Adresse 5], au [Localité 7] (72), pour une durée de 9 ans et 20 jours, à effet au 11 décembre 2009, se terminant au 31 décembre 2018, sans faculté de résiliation à l'expiration de l'une des périodes triennales.
Ce bail était consenti et accepté moyennant un loyer annuel de 21'00 euros, net de toutes charges, que la preneuse s'engageait à payer à la bailleresse par trimestre civil et d'avance. Le loyer était ramené à la somme de 15'00 euros en principal par an du 20 novembre 2009 au 31 décembre 2012, puis à la somme de 18 000 euros du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étant stipulé que le loyer 'variera automatiquement et de plein droit en plus ou en moins, chaque année à la date du 1er janvier (...) en fonction des variations de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE, lequel est en relation directe avec l'objet du contrat.'
Les parties ont précisé à l'article 'loyer' que :
'Si le bail venait à faire l'objet d'un renouvellement, les parties conviennent d'ores et déjà de fixer le montant du loyer de renouvellement au 1er janvier 2019 à la somme de 41 000 euros (...) principal par an.
Toutefois, le bailleur garde la faculté, lui seul et seulement s'il le préfère, de faire fixer le montant du loyer de renouvellement à la valeur locative au 1er janvier 2019 par le juge compétent en la matière, étant précisé que les parties conviennent par les présentes que le loyer de renouvellement au 1er janvier 2019 sera dans ce cas fixé à la valeur locative mais en tenant compte de tous les travaux de démolition - reconstruction et, plus généralement, de tous les travaux réalisés à, l'adresse des lieux loués par le preneur à ses frais pendant le cours du présent bail lesquels feront donc accession au 31 décembre 2018.
Les parties entendent préciser que le montant du loyer du présent bail a été négocié et fixé en tenant compte de cette disposition dérogatoire sur le montant du loyer futur et des règles que les parties se donnent dès aujourd'hui quant aux modalités de sa fixation au cas où le bailleur préférerait une fixation judiciaire à la valeur locative.
Ce loyer au 1er janvier 2019 sera ensuite automatiquement révisé à compter du 1er janvier 2020 pour tenir compte de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction (ou de tout indice qui lui serait légalement substitué) sur la base de l'indice paru au titre du second trimestre 2019, l'indice de base étant celui du second trimestre 2018.'
Par acte extrajudiciaire du 30 octobre 2018, Mme [R] a donné congé à la BPGO pour le 30 juin 2019 avec offre de renouvellement à compter du 1er juillet 2019 moyennant un loyer annuel de 41 000 euros en se référant au montant conventionnel sur lequel s'étaient mises d'accord les parties dans le bail initial en cas de renouvellement.
Par lettre de son conseil du 24 octobre 2019, la BPGO a indiqué qu'elle acceptait le principe du renouvellement mais refusait la fixation du montant du loyer à la somme de 41 000 euros.
Le 23 avril 2020, Mme [R] a signifié à la BPGO un mémoire préalable en fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
Par mémoire en réponse du 24 décembre 2020, la BPGO a conclu au rejet de la demande de fixation du loyer à 41 000 euros au 1er juillet 2019, au double motif qu'elle échappait au pouvoir juridictionnel du juge des loyers commerciaux et qu'en tout état de cause, le contrat ne prévoyait aucune possibilité de fixer le loyer à cette somme à cette date.
Le 25 novembre 2020, Mme [R] a fait assigner la BPGO devant le président du tribunal judiciaire du Mans statuant comme juge des loyers commerciaux. Par décision du 19 mars 2021, le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent au profit de la chambre civile du tribunal judiciaire du Mans.
En l'état de ses dernières écritures de première instance, Mme [R] a demandé au tribunal de :
à titre principal,
- dire et juger que par application de la clause intitulée loyer du bail conclu le 11 décembre 2009, le montant du loyer renouvelé doit être fixé à 41000 euros annuels, hors charges et hors taxes, à compter du 1er juillet 2019,
- dire et juger que par application de la clause intitulée loyer du bail conclu le 11 décembre 2009, l'indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction doit se faire à compter du 1er janvier 2019,
- dire et juger que les compléments de loyer dû par le locataire porteront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil de plein droit à compter de la date d'effet du nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
- condamner la BPGO à lui verser, pour les échéances passées, la somme de 42 120,94 euros, soit le différentiel entre le montant convenu et le montant payé au titre de l'ensemble des loyers depuis janvier 2019, de leur indexation sur l'indice INSEE et du réajustement du dépôt de garantie, et pour les échéances futures, à lui verser un loyer annuel de 41 000 euros augmenté selon la variation de l'indice INSEE du coût de la construction (indice de base deuxième trimestre 2018), à compter de la date des présentes conclusions,
à titre subsidiaire,
- désigner un expert avec pour mission de donner son avis sur le montant du loyer du bail renouvelé au regard de la valeur locative,
- fixer le loyer provisionnel à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la fin de la procédure à la somme annuelle de 41 000 euros,
En défense, la BPGO a demandé au tribunal de débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, au vu des articles L. 145-33 et suivants et R. 145-23 alinéa 1 in fine du code de commerce, de statuer ce que de droit sur la demande d'expertise judiciaire.
Par jugement du 22 février 2022, le tribunal judiciaire du Mans a':
- constaté qu'en application des dispositions contractuelles, le loyer annuel hors taxes et hors charges dû par la société coopérative BPGO s'élève à la somme de 41 000 euros à compter du 1er juillet 2019,
en conséquence,
- condamné la société coopérative BPGO à payer à Mme [R] la somme totale de 62 272,50 euros outre intérêts légaux, sous déduction des sommes éventuellement déjà versées par elle au titre des loyers des deux derniers trimestres de l'année 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société coopérative BPGO à verser à Mme [R] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société coopérative BPGO aux dépens.
Par déclaration du 24 mars 2022, la BPGO (nouvelle dénomination de la Banque Populaire Atlantique) a formé appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions ; intimant Mme [R].
La BPGO et Mme [R] ont conclu.
Une ordonnance du 18 mars 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La BPGO sollicite de la cour qu'elle :
- réforme le jugement du 22 février 2022 en toutes ses dispositions
vu l'article 1193 du code civil, ensemble l'article 1192 du même code,
- déboute Mme [R] de l'ensemble de ses demandes relatives à la fixation du loyer du bail renouvelé le 1er juillet 2019 (contractuelle ou judiciaire),
- déboute Mme [R] de l'ensemble de ses demandes consécutives à cette fixation,
- condamne Mme [R] à lui payer la somme de 9.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne Mme [R] en tous les dépens,
vu les articles L. 145-33 et suivants du code de commerce,
vu l'article R. 145-23 alinéa 1er in fine du code de commerce,
- statue ce que de droit sur la demande d'expertise judiciaire,
- déboute Mme [R] de sa demande de loyer provisionnel.
La BPGO soutient que sauf à dénaturer le sens clair et précis de la clause prévoyant la fixation du 'loyer de renouvellement au 1er janvier 2019" à la somme annuelle de 41 000 euros, cette clause ne pouvait jouer que si le renouvellement avait lieu au 1er janvier 2019 et non pas à une autre date.
Elle constate qu'il ne peut exister et qu'il n'existera jamais de renouvellement au 1er janvier 2019 et ainsi jamais de 'loyer de renouvellement au 1er janvier 2019' dès lors que ni le bailleur, par la délivrance d'un congé, ni le preneur, par une demande de renouvellement, n'ont renouvelé le bail au 1er janvier 2019 et que le bail a été tacitement prolongé jusqu'au congé délivré pour le 30 juin 2019.
Elle fait valoir que la clause a été prévue en parfaite connaissance des mécanismes de fonctionnement de la durée du bail et que les parties se sont donc ouvertes la possibilité de laisser le bail se prolonger pour éviter, pour le bailleur, un refus de sa proposition de renouvellement ou de capitaliser sur une hausse des prix de marché après le 1er janvier 2019, et d'éviter, pour le preneur, un renouvellement du bail d'une période ferme minimale de trois ans alors qu'en cas de tacite prolongation, il peut donner congé à tout moment, ou de capitaliser sur une éventuelle baisse des prix de marché après le 1er janvier 2019.
Elle estime indifférente l'absence de mention expresse selon laquelle le loyer de 41000 euros ne serait pas limité exclusivement à un renouvellement au 1er janvier 2019, la mention selon laquelle le loyer s'applique à un renouvellement au 1er janvier 2019 étant suffisante.
Elle prétend que l'indication dans la clause de ce que 'ce loyer au 1er janvier 2019 sera ensuite automatiquement révisé à compter du 1er janvier 2020 pour tenir compte de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction (...)' confirme qu'il est question d'un loyer de renouvellement au 1er janvier 2019, et que cette stipulation est inapplicable et même illicite en cas de transposition au 1er juillet 2019 en ce qu'elle créerait une distorsion prohibée par l'article L. 112-1du code monétaire et financier.
Elle considère que s'il fallait néanmoins interpréter cette clause, cela ne pourrait l'être que strictement, au regard des critères posés par les articles 1157 et suivants du code civil, en soulignant que cette clause 'loyer' était exorbitante de droit commun, totalement dérogatoire et inhabituelle, offrant une faculté exceptionnelle au bailleur de bénéficier d'un loyer potentiellement déconnecté au marché en cas de renouvellement au 1er janvier 2019.
Elle se prévaut de ce que l'article 1162 du code civil conduit à une interprétation en faveur du preneur qui a contracté l'obligation de payer un loyer hors marché, sans faculté de rechercher la valeur locative.
Elle conteste l'interprétation faite par le tribunal de la clause de fixation du loyer au 1er janvier 2019 que, selon elle, l'économie générale du contrat ne commandait pas. Elle souligne à cet égard que le bail a été consenti à la suite d'une cession du droit au bail, d'une déspécialisation à raison du changement d'activité accompagnée d'une obligation pour elle de réaliser des travaux lourds et coûteux et de payer une indemnité de 5 000 euros. Elle rejette l'argumentation de la bailleresse qui voit dans la fixation du loyer de renouvellement à 41 000 euros une indemnisation/compensation acquise pour avoir accordé un premier loyer très faible.
La BPGO ajoute que si la cour adoptait l'interprétation du tribunal, elle devrait tout de même débouter la bailleresse de ses demandes, s'estimant fondée à opposer, par voie d'exception, le caractère non écrit, subsidiairement nul, de la clause telle qu'interprétée par le tribunal. Elle expose que le fait d'imposer un loyer de 41 000 euros sans égard à la date du renouvellement (qui aurait pu être en 2050 ou plus), a nécessairement pour effet de faire échec au droit au renouvellement alors qu'il n'existe aucune visibilité sur l'évolution des prix sur une période indéterminée. Elle soutient que l'intérêt à défendre, par défense au fond, le caractère non écrit ou nul est évident puisqu'il doit conduire au rejet des demandes, reprochant à l'intimée qui soulève l'irrecevabilité de ce qu'elle qualifie de prétention, de confondre demande et moyen de défense.
La BPGO considère en définitive que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative conformément aux articles L.145-33 et suivants du code de commerce.
Elle conclut au rejet de la demande adverse d'expertise, considérant qu'elle ne saurait pallier la carence de l'intimée dans l'administration de la preuve. Elle estime que même si une expertise était ordonnée, le loyer provisionnel ne pourrait pas être fixé à 41 000 euros, mais au montant du dernier loyer en cours avant la date d'effet du congé.
Très subsidiairement, la BPGO approuve le tribunal d'avoir débouté Mme [R] de sa demande tendant à la condamner à payer un loyer annuel de 41 000 euros au-delà du 31 décembre 2021, pour les loyers non encore échus, alors que cela reviendrait à consentir un titre exécutoire pour toute la durée du bail.
Elle ajoute qu'il n'est possible d'indexer un loyer qu'à compter de sa date d'entrée en vigueur et que Mme [R] ne peut donc pas solliciter une indexation rétroactive à compter du 1er janvier 2019, non prévue par le bail qui ne prévoit d'indexation au 1er janvier 2019 que pour un loyer fixé au 1er janvier 2019'; qu'une telle pratique crée une distorsion prohibée au regard de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. Elle précise que même si la distorsion ne résultait que d'un décalage de date anniversaire à raison de l'absence de congé pour la date anniversaire, et si la clause devait être sauvée, le calcul de la première indexation fait par l'intimée ne serait pas valable. A la fin de non-recevoir que lui oppose la partie adverse, elle répond qu'elle présente un nouveau moyen de défense au fond, non assimilable à une demande nouvelle d'annulation de la clause.
Mme [R] demande à la cour de :
vu les articles 1103, 1188 et 1191 du code civil,
vu les articles R. 145-23 à R. 145-29 du code de commerce,
vu les articles 31, 564, 910-4 et 954 du code de procédure civile,
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il ' a constaté qu'en application des dispositions contractuelles, le loyer annuel hors taxes et hors charges dû par la société coopérative BPGO s'élève à la somme de 41 000 euros à compter du 1er juillet 2019' et condamné la BPGO à payer à Mme [R] la somme de 63'72,50 euros, outre intérêts légaux, sous déduction des sommes éventuellement déjà versées par elle au titre des loyers des deux derniers trimestres de l'année 2021,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la BPGO de ses demandes,
y ajoutant,
- condamner la BPGO à lui verser un loyer annuel de 41 000 euros, augmenté selon la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, à compter de la date des conclusions, soit un loyer trimestriel de 10 986,02 euros en 2022,
- condamner la BPGO à lui verser la somme due au titre du réajustement du dépôt de garantie dû pour 2022, soit 410,24 euros,
à titre subsidiaire,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de donner son avis sur le montant du loyer du bail renouvelé au regard de la valeur locative,
- dans ce cas, dire et juger que le loyer provisionnel que le locataire devra régler à compter du 1er juillet 2019 et jusqu'à la fin de la procédure définitive, est de 41 000 euros (hors charges et hors taxes) et réserver les dépens,
en tout état de cause,
- déclarer irrecevable, et en tout état de cause mal fondée, la demande de la BPGO tendant à faire juger nulle ou non écrite la clause 'loyer' du bail du 11 décembre 2009,
- déclarer irrecevable, et en tout état de cause mal fondée, la demande de la BPGO tendant à 'débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes consécutives à la fixation' en ce qu'elle critique les modalités d'indexation retenues par le tribunal, cette demande fondée sur l'article L. 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, n'ayant pas été exposée en première instance,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la BPGO,
- condamner la BPGO à lui verser la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile (outre les sommes mises à la charge de la banque en première instance),
- condamner la BPGO aux entiers dépens.
Mme [R] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la BPGO à lui payer un loyer annuel de 41 000 euros augmenté de l'indexation INSEE, à compter du 1er juillet 2019.
Elle affirme que l'article 'loyer' du bail fixe irrévocablement le montant du loyer du bail à 41 000 euros, hors taxe et hors charges, dans l'hypothèse de son renouvellement, quelle que soit la date de celui-ci. Elle soutient qu'il doit être fait application de cet accord ; que la clause est claire et se suffit à elle-même ; que si les parties avaient voulu réellement limiter l'application de la clause au renouvellement du bail au 1er janvier 2019, elles l'auraient précisé. Elle ajoute que le recours par la suite dans la clause à la locution de 'loyer futur' et non de 'loyer applicable uniquement en cas de renouvellement au 1er janvier 2019' démontre que l'accord des parties sur le prix du bail renouvelé s'entendait de tout loyer postérieur à l'expiration du bail, indépendamment de la date de renouvellement.
Elle rappelle que les parties peuvent librement convenir par avance, au terme du bail initial, le montant du bail renouvelé et que l'article L.145-12 du code de commerce prévoit expressément la possibilité que le bail renouvelé puisse prendre effet non à l'expiration du précédent bail mais postérieurement, et donc en l'espèce au 1er juillet 2019.
Prétendant que la fixation du bail renouvelé à 41000 euros s'explique par le fait que le montant du loyer avait été minoré lors des premières années du bail et que le preneur disposait ainsi d'un loyer préférentiel, elle approuve le tribunal de s'être appuyé sur cette volonté des parties, conformément à l'article 1188 (1156 ancien) du code civil, que l'appelante dénature, et d'avoir apprécié la clause en tenant compte tant de l'économie générale du contrat, comme le prescrit l'article 1189 (1161 ancien) du code civil, que, conformément à l'article 1191 (1135 ancien) du code civil, de son effet utile qui serait perdu si l'interprétation restrictive de la BPGO devait prévaloir, en ajoutant qu'il est impossible de comprendre pourquoi les parties auraient voulu limiter le nouveau loyer que dans le cas où le renouvellement interviendrait au 1er janvier 2019.
Elle soulève l'irrecevabilité de la demande de la BPGO de nullité de la clause litigieuse sur le fondement des articles 910-4 et 954 du code de procédure civile en observant que cette demande présentée par la suite dans le corps des conclusions de la BPGO n'est pas reprise dans leur dispositif. Elle ajoute que cette demande est irrecevable à défaut d'intérêt actuel à agir de l'appelante dans la mesure où elle est sollicitée dans l'hypothèse d'un 'renouvellement en 2050 ou au plus tard' et repose ainsi sur une hypothèse non survenue. En tous les cas, elle considère cette demande mal fondée à défaut pour la BPGO d'expliquer en quoi l'application de la clause obérerait son droit au renouvellement du bail.
Elle prétend que la BPGO conteste pour la première fois devant la cour le quantum de ses demandes.
Elle considère que l'appelante est irrecevable à soulever pour la première fois en appel, une prétendue contrariété de l'indexation sur laquelle elle se base. En tous les cas, elle fait valoir que la distorsion invoquée par la BPGO n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier lequel ne sanctionne pas les distorsions résultant de circonstances survenues au cours de la vie du bail, en particulier celle apparaissant en raison du décalage entre la date de renouvellement du bail et celle prévue pour l'indexation annuelle du loyer.
Ainsi, elle sollicite la confirmation du jugement au titre des sommes au paiement desquelles le tribunal a condamné la BPGO, que ce soit au titre du solde des loyers dus au premier semestre 2019 (245,34 euros), augmentés selon la variation de l'INSEE applicable, au titre du différentiel entre le montant du nouveau loyer et le montant payé au titre des 3ème et 4ème trimestres 2019 (8'36,46 euros), hors taxe et hors charge, au titre du différentiel entre le montant du nouveau loyer augmenté selon la variation de l'INSEE applicable, et le montant payé a titre des quatre trimestres 2020, hors taxe et hors charge (18 807,12 euros), au titre du différentiel entre le montant du nouveau loyer augmenté selon la variation de l'INSEE applicable, et le montant payé au titre des 1er et 2ème trimestres 2021, hors taxe et hors charge (9 488,02 euros), au titre du réajustement du dépôt de garantie pour les 3ème et 4ème trimestres 2010 (4 418,22 euros) et pour les années 2020 (283,55 euros) et 2021 (42,23 euros), et au titre du loyer du bail renouvelé pour les 3ème et 4ème trimestres 2021, soit un total de 63'72,50 euros.
Elle demande la condamnation en sus de la BPGO au titre du montant du loyer du bail renouvelé postérieurement aux périodes prises en compte dans le jugement, soit à compter du 1er janvier 2022 sur la base d'un loyer de 10 986,02 euros par trimestre, et au titre du réajustement du dépôt de garantie pour l'année 2022, de 410,24 euros.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe':
- le 4 janvier 2024 pour la BPGO,
- le 12 septembre 2022 pour Mme [R].
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur le montant du loyer renouvelé
Les parties sont en désaccord sur le sens et la nécessité ou non d'interpréter la clause stipulant que 'si le bail venait à faire l'objet d'un renouvellement, les parties conviennent d'ores et déjà de fixer le montant du loyer de renouvellement au 1er janvier 2019 à la somme de 41 000 euros (...) principal par an'.
Cette clause indique que le loyer de renouvellement au 1er janvier 2019 est fixé à 41 000 euros par an sauf volonté du bailleur de le fixer à la valeur locative, sans spécifier que le renouvellement doit avoir lieu impérativement le 1er janvier 2019.
De ce fait, cette clause est ambigüe parce qu'il faudrait déduire de ce que le nouveau loyer est indiqué comme étant celui du 1er janvier 2019 que cette clause ne s'applique que si le renouvellement intervient le 1er janvier 2019, ce qui ne s'impose pas. En effet, les parties peuvent ne pas avoir envisagé qu'il y aurait prorogation du bail initial, ce qui pourrait expliquer qu'elles aient fixé la date du loyer de renouvellement comme étant le 1er janvier 2019, sans pour autant avoir réduit le champ de la clause à la seule hypothèse où le bail serait renouvelé à cette date.
La clause litigieuse appelle donc une interprétation.
La cour approuve l'interprétation que le premier juge a faite de cette clause en s'appuyant sur la volonté des parties, laquelle ressort de la précision qu'elles ont entendu donner dans cette même clause, selon laquelle 'le montant du loyer du présent bail a été négocié et fixé en tenant compte de cette disposition dérogatoire sur le montant du loyer futur et des règles que les parties se donnent dès aujourd'hui quant aux modalités de sa fixation au cas où le bailleur préférerait une fixation judiciaire à la valeur locative' et de laquelle il ressort que les parties ont voulu que soit prise en compte la minoration du loyer les premières années qui s'expliquait par les travaux importants entrepris et financés par la preneuse. Retenir que le loyer futur ainsi déterminé ne serait que celui qui correspondrait à un renouvellement du bail au 1er janvier 2019 revient également à méconnaître l'économie du contrat.
La preneuse oppose le caractère non écrit, subsidiairement nul, de la clause interprétée comme imposant un loyer de renouvellement d'un montant pré-déterminé quelle que soit la date du renouvellement.
Il s'agit-là d'une défense au fond puisqu'elle tend à faire rejeter la prétention adverse voulant voir fixer le montant du loyer de renouvellement à 41'000 euros. Comme telle, elle n'avait pas à figurer dans le dispositif des conclusions de l'appelante.
La preneuse expose que le fait d'imposer un loyer de 41 000 euros sans égard à la date du renouvellement (par exemple en 2050), a nécessairement pour effet de faire échec au droit au renouvellement alors qu'il n'existe aucune visibilité sur l'évolution des prix sur une période indéterminée.
Mais les parties peuvent librement déterminer, d'un commun accord, dès l'origine, le montant du loyer de renouvellement puisque les textes relatifs à la fixation de ce loyer, notamment les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, ne sont pas d'ordre public. Une telle clause ne fait pas obstacle au droit au renouvellement du preneur.
En outre, la cour observe qu'à supposer même qu'un contrôle doive être opéré pour rechercher si une clause de fixation du loyer de renouvellement contreviendrait au droit au renouvellement du bail dont dispose le preneur, ce contrôle ne pourrait avoir lieu qu'au regard de la situation concrète dans laquelle intervient le renouvellement, soit dans le cas présent, le 1er juillet 2019, ce qui ne peut conduire qu'au rejet du moyen invoqué.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que le loyer annuel hors taxes et hors charges dû par la société coopérative BPGO s'élevait à la somme de 41 000 euros à compter du 1er juillet 2019.
Selon l'article 'dépôt de garantie', il était précisé que 'en cas de variation du loyer, le dépôt de garantie devra être immédiatement et de plein droit réajusté, sans aucune formalité préalable, de façon à toujours représenter deux trimestres de loyer en principal.'
Au titre des loyers échus au 31 décembre 2019, compte tenu des sommes versées, la preneuse restait devoir la somme de 9 081,80 euros correspondant au différentiel de loyer et celle de 4 418,22 euros au titre du réajustement du dépôt de garantie, soit un total de 13 500,02 euros.
Sur l'indexation du nouveau loyer
L'article L. 112-1 du code monétaire et financier dispose qu'est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.
La preneuse est recevable à invoquer pour la première fois en cause d'appel un moyen tiré de l'application du texte précité pour contester le montant des sommes réclamées. Il ne s'agit pas là d'une prétention nouvelle comme le soutient la partie adverse pour en soulever l'irrecevabilité sur le fondement de l'article 954 du code de procédure civile
Dans le cas présent, le nouveau loyer est fixé à compter du 1er juillet 2019 alors que le bail prévoit une indexation 'à compter du 1er janvier 2020 pour tenir compte de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction (ou de tout indice qui lui serait légalement substitué) sur la base de l'indice paru au titre du second trimestre 2019, l'indice de base étant celui du second trimestre 2018" parce qu'il se place dans l'hypothèse où le bail aurait été renouvelé le 1er janvier 2019.
La bailleresse ne peut exiger une indexation du loyer au 1er janvier 2020 en appliquant la variation de l'indice entre le second trimestre de l'année 2018 et le second trimestre de 2019, comme prévu au bail, et comme l'a retenu le premier juge, parce que cela reviendrait à créer une distorsion temporelle entre le temps écoulé pour la revalorisation du loyer qui n'est que de six mois et l'évolution de l'indice sur un an, ce qui est prohibé.
Mais dès lors que la distorsion provient seulement de ce que la date de renouvellement du bail ne correspond pas avec celle prévue dans la clause pour l'indexation annuelle du loyer et non du jeu de la clause, une adaptation de la clause est autorisée.
En conséquence, il convient d'adapter la clause en décalant la date de revalorisation au 1er juillet pour obtenir une année entière et en décalant les indices de deux trimestres, de sorte que la revalorisation de ce nouveau loyer annuel de 41 000 euros ne peut avoir lieu pour la première fois qu'à compter du 1er juillet 2020 sur la base de l'indice paru au quatrième trimestre 2019, l'indice de base étant celui du dernier trimestre 2018. Les indexations suivantes auront lieu dans les mêmes conditions, les 1er juillet de chaque année, l'indice de référence étant l'indice du quatrième trimestre 2018 et l'indice de comparaison étant le dernier indice paru au titre du quatrième trimestre de l'année précédant la date de revalorisation.
En conséquence, le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation au titre des loyers échus entre le 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021.
Les loyers s'établissent comme suit :
- 1er et 2ème trimestres 2020 :10 250 X2 = 20 500
- 3ème et 4ème trimestre 2020 : [10 250 X1764/1703] X 2= 21 235
- 1er et 2ème trimestres 2021: 21 235
- 3ème et 4ème trimestre 2021: [10 250 X1795/1703] X 2= 21 607,46
- 1er et 2ème trimestres 2022 : 21 607,46
soit un total de 106 184,92 euros déduction à faire des sommes versées par la BPGO et ajustement du dépôt de garantie en sus.
Il appartiendra à la bailleresse de refaire le calcul des loyers échus à compter du 1er juillet 2022 et des ajustements du dépôt de garantie conformément aux dispositions du présent arrêt et de déduire les sommes versées par la preneuse.
Sur les frais et dépens
Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La BPGO, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [R] la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société coopérative BPGO à payer à Mme [R] la somme totale de 62 272,50 euros outre intérêts légaux, sous déduction des sommes éventuellement déjà versées par elle au titre des loyers des deux derniers trimestres de l'année 2021.
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société coopérative BPGO à payer à Mme [R] la somme totale de 13 500,02 euros, outre intérêts légaux au titre des sommes dues au 31 décembre 2019.
Dit que la revalorisation du loyer de renouvellement annuel de 41'000 euros ne peut avoir lieu pour la première fois qu'à compter du 1er juillet 2020 sur la base de l'indice paru au quatrième trimestre 2019, l'indice de base étant celui du dernier trimestre 2018.
Dit que les indexations suivantes auront lieu dans les mêmes conditions, les 1er juillet de chaque année, l'indice de référence étant l'indice du quatrième trimestre 2018 et l'indice de comparaison étant le dernier indice paru au titre du quatrième trimestre de l'année précédant la date de revalorisation.
En conséquence,
Condamne la société coopérative BPGO à payer à Mme [R] la somme de 106 184,92 euros euros, au titre des sommes dues entre le 1er janvier 2020 et le 31 juin 2022, déduction à faire des sommes versées par la BPGO et ajustement du dépôt de garantie en sus, outre les intérêts légaux.
Dit qu'il appartient à la bailleresse de refaire le calcul des loyers échus à compter du 1er juillet 2022 et des ajustements du dépôt de garanties conformément aux dispositions du présent arrêt et de déduire les sommes versées par la preneuse.
Dit que les sommes dues jusqu'au prononcé du présent arrêt portent intérêts au taux légal à compter de leur échéance.
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154, ancien, du code civil.
Condamne la BPGO aux dépens d'appel.
Condamne la BPGO à payer à Mme [R] la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL