COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02027 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FH7S.
ARRÊT DU 23 Mai 2024
APPELANTE :
Madame [Z] [R] [G] divorcée [H]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Maître Ingrid BOZTSCH, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [C] [H], agissant en sa qualité d'associé de la SCI LORM
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.C.I. LORM, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. [C] [H]
[Adresse 7]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. SLEM & ASSOCIES, prise en la personne de Me Guillaume LEMERCIER, mandataire judiciaire
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentés par Me Audrey PAPIN, avocat substituant Maître Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame PORTMANN, président et Madame TRIQUIGNEAUX, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Marie-Christine COURTADE
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 23 Mai 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [H] et Mme [G], qui étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, ont constitué ensemble une société dénommée SCI Lorm, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 15 février 2000, chacun détenant la moitié des parts.
M. [H] a été le gérant de la société à compter de sa constitution et jusqu'en 2007, date à partir de laquelle Mme [G] a été nommée gérante, jusqu'à sa démission le 16 mai 2019. M. [H] est redevenu gérant à compter de cette date.
Le 30 avril 2021, estimant que Mme [G] occupait sans droit ni titre un immeuble appartenant à la société et qu'elle avait commis des fautes de gestion pendant sa gérance, la SCI Lorm, alors représentée par son gérant en exercice, M. [H], et M. [H], agissant en sa qualité d'associé de la société, ont assigné Mme [G] devant le tribunal judiciaire de Laval.
Par un jugement rendu le 7 novembre 2022, ladite juridiction a :
Sur les demandes principales de la SCI Lorm et de M. [H] :
- dit que Mme [G] et tous occupants de son chef occupent sans droit ni titre l'immeuble sis [Adresse 4], ainsi que le garage annexe sis [Adresse 2] ;
- dit que cette occupation est en violation de l'intérêt social de la SCI Lorm, propriétaire des biens ;
- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation de ces biens à la somme de 1 475 euros ;
- condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 88 500 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation relative à la période du 1er mai 2016 au 1er mai 2021 ;
- ordonné l'expulsion de Mme [G] et de tous occupants de son chef dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
- condamné Mme [G] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à la SCI Lorm d'un montant de 1 475 euros à compter du 1er mai 2021, et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
- dit que Mme [G] était gérante de droit et de fait de la SCI Lorm pendant la période du 26 décembre 2007 au 16 mai 2019 ;
- dit que Mme [G] a engagé sa responsabilité envers la SCI Lorm au titre des fautes de gestion qu'elle a commises durant sa gérance de la SCI Lorm ;
- dit que le caractère frauduleux des agissements de Mme [G] n'est pas démontré;
- dit que les fautes de gestion commises par Mme [G] au détriment de la SCI Lorm ont occasionné à la société civile une perte de chance de l'ordre de 60% du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2016, et jusqu'à la clôture de l'exercice 2019 ;
- condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 117 676,92 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus ;
- débouté la SCI Lorm de sa demande de condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 643 000 euros en indemnisation du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois ;
Sur les demandes reconventionnelles de Mme [G] :
- dit que la gestion de fait de la SCI Lorm par M. [H] du 26 décembre 2007 au 16 mai 2019 n'est pas démontrée ;
- dit que la responsabilité de M. [H], en qualité de gérant de fait de la SCI Lorm pour cette période ne peut être engagée ;
- en tant que de besoin, débouté Mme [G] des demandes formées de ce chef ;
- débouté Mme [G] de sa demande de condamnation de M. [H] au paiement, à la SCI Lorm, de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois ;
- débouté Mme [G] de sa demande de condamnation de M. [H] au paiement, à la SCI Lorm, de la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions de la vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois et des procédures judiciaires connexes ou subséquentes ;
- constaté l'existence d'une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la SCI Lorm ;
- ordonné la dissolution de la SCI Lorm ;
- désigné Me [M], 'ès qualité de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de la SCI Lorm', avec pour mission de réaliser la vente de tous les actifs immobiliers appartenant à la SCI Lorm, y compris au moyen d'une licitation judiciaire, au greffe des criées à défaut d'accord amiable, dans un délai raisonnable, et de désintéresser tous les créanciers de la SCI Lorm, et de répartir égalitairement s'il y a lieu le boni de liquidation entre les deux associés ;
- débouté Mme [G] de sa demande visant à la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral subi à raison de menaces et de harcèlement ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné Mme [G] à payer la somme de 6 000 euros à la SCI et la somme de 2 000 euros à M. [H], en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné Mme [G] aux dépens ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 20 décembre 2022, la SCI Lorm, sans plus de précision, et M. [H] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- limité le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [G] pour les fautes de gestion par elle commises au détriment de la SCI Lorm à la somme de 117676,92 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus;
- débouté la SCI Lorm de sa demande de condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 643 000 euros en indemnisation du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois ;
- constaté l'existence d'une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la SCI Lorm ;
- ordonné la dissolution de la SCI Lorm ;
- désigné Me [M], es qualité de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de la SCI Lorm, avec pour mission de réaliser la vente de tous les actifs immobiliers appartenant à la SCI Lorm, y compris au moyen d'une licitation judiciaire, au greffe des criées à défaut d'accord amiable, dans un délai raisonnable, et de désintéresser tous les créanciers de la SCI Lorm, et de répartir égalitairement s'il y a lieu le boni de liquidation entre les deux associés.
Mme [G] et Maître [X] qualité de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de la SCI Lorm', ont été intimés.
Cette instance a été enregistrée au répertoire général sous le n°22/02089.
Cet appel a été réitéré par déclaration du 22 décembre 2022 par la SCI Lorm et M. [H] avec la précision que la SCI Lorm agissait en la personne de son gérant en exercice, M. [H] et que ce dernier agissait en qualité d'associé de ladite SCI. Mme [G] et Me [E] [M], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de cette dernière, ont été intimés.
Cette instance a été enregistrée au répertoire général sous le n°22/02097.
Par jugement rectificatif du 6 février 2023, rendu sur requête de Maître [M], le tribunal judiciaire de Laval a :
- constaté que le jugement du 7 novembre 2022 est affecté d'une erreur matérielle ;
- ordonné la rectification du jugement du 7 novembre 2022 ;
- dit qu'il convient de lire en page 27 : "Par conséquent la SELARL SLEMJ & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [E] [M] sera désignée ès qualités de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de ladite société' ;
- dit qu'il convient de lire au dispositif : "Désigné la SELARL SLEMJ & ASSOCIES prise en la personne de Maître [E] [M], ès qualité de mandataire ad hoc de la SCI Lorm, en qualité de liquidateur de la SCI Lorm, avec pour mission de réaliser la vente de tous les actifs immobiliers appartenant à la SCI Lorm, y compris au moyen d'une licitation judiciaire, au greffe des criées à défaut d'accord amiable, dans un délai raisonnable, et de désintéresser tous les créanciers de la SCI Lorm, et de répartir égalitairement s'il y a a lieu le boni de liquidation entre les deux associés" ;
- dit que toutes les autres dispositions sont maintenues ;
- ordonné la rectification de la minute par le greffe.
Par déclaration du 15 mars 2023, SCI Lorm, avec la précision qu'elle agissait en la personne de son gérant en exercice, M. [H], et M. [H], agissant en qualité d'associé, ont formé appel contre ce jugement rectificatif en attaquant chacune de ses dispositions et ont réitéré l'appel formé contre le jugement rectifié, intimant Mme [G] et la Selarl Slemj & Associés.
Cet appel a été enregistré au répertoire général sous le n°23/00420.
Par ordonnances du 13 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des trois instances.
Le 29 juin 2023, Mme [G] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident d'irrecevabilité de l'appel de la SCI Lorm et d'irrecevabilité de toute constitution et conclusions de la SELARL SLEMJ & Associes prise en la personne de Maître [E] [M].
Par ses dernières conclusions d'incident remises au greffe le 14 novembre 2023, Mme [G] demandait au conseiller de la mise en état de :
- 'ordonner' la nullité des déclarations d'appel de la SCI Lorm «agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice M. [H] » des 20 et 22 décembre 2022, 15 mars 2023, respectivement enregistrées sous les numéros de RG 22/02089, 22/02097 et 23/00504 et désormais jointes sous le numéro de RG unique 22/02089 ;
- juger, en conséquence, que M. [H] est irrecevable à agir et/ou se défendre en cause d'appel dans l'exercice de l'action ut singuli, en sa qualité d'associé de la SCI Lorm, compte tenu de son exercice concomitant de l'action sociale ou action ut universi, en qualité de gérant de la SCI Lorm à l'encontre de l'ancienne gérante ;
- juger que M. [H] est seulement recevable à agir, en cause d'appel, en sa qualité d'associé de la SCI Lorm à l'encontre de la décision de dissolution prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Laval du 7 novembre 2022 ;
- juger que la SELARL SLEMJ & Associés, prise en la personne de Me [M] est irrecevable à agir et/ou se défendre, en sa double qualité de liquidateur et de mandataire ad hoc de la SCI Lorm ;
- et rejetant toutes prétentions contraires comme irrecevables et en tout cas non fondées ;
- condamner la SCI Lorm, en liquidation, au paiement à Mme [G] de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 13 décembre 2013, le conseiller de la mise en état a :
-Déclaré valides les déclarations d'appel faites au nom de la société Lorm 'à travers M. [H]' en ce qu'elles visent les dispositions suivantes du jugement rectifié :
*dit que les fautes de gestion commises par Mme [G] au détriment de la SCI Lorm ont occasionné à la société civile une perte de chance de l'ordre de 60% du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2016, et jusqu'à la clôture de l'exercice 2019 ;
*condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 117 676,92 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus ;
*débouté la SCI Lorm de sa demande de condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 643 000 euros en indemnisation du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois.
-Prononcé la nullité des déclarations d'appel formées au nom de la SCI Lorm portant sur les autres chefs des jugements entrepris,
-Dit que la SELARL SLEMJ & Associés ès qualités est recevable à agir en appel,
-Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-Joint les dépens de l'incident aux dépens de l'instance au fond.
Par requête enregistrée le 27 décembre 2023, Mme [G] a déféré cette ordonnance à la cour en sollicitant :
-qu'elle soit confirmée en ce qu'elle a :
*Prononcé la nullité des déclarations d'appel formées au nom de la SCI Lorm portant sur les autres chefs des jugements entrepris,
*Prononcé la nullité des déclarations d'appel en ce qu'elles visent les dispositions du jugement rectifié suivantes :
- dit que Mme [G] et tous occupants de son chef occupent sans droit ni titre l'immeuble sis [Adresse 3], ainsi que le garage annexe sis [Adresse 2] ;
- dit que cette occupation est en violation de l'intérêt social de la SCI Lorm, propriétaire des biens ;
- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation de ces biens à la somme de 1 475 euros ;
- condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 88 500 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation relative à la période du 1er mai 2016 au 1er mai 2021 ;
- ordonné l'expulsion de Mme [G] et de tous occupants de son chef dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
- condamné Mme [G] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à la SCI Lorm d'un montant de 1 475 euros à compter du 1er mai 2021, et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
- dit que Mme [G] était gérante de droit et de fait de la SCI Lorm pendant la période du 26 décembre 2007 au 16 mai 2019 ;
- dit que Mme [G] a engagé sa responsabilité envers la SCI Lorm au titre des fautes de gestion qu'elle a commises durant sa gérance de la SCI Lorm ;
- dit que le caractère frauduleux des agissements de Mme [G] n'est pas démontré;
- constaté l'existence d'une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la SCI Lorm ;
- ordonné la dissolution de la SCI Lorm ;
- condamné Mme [G] à payer la somme de 6 000 euros à la SCI et la somme de 2 000 euros à M. [H], en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Rejeté les demandes formées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-Joint les dépens de l'incident aux dépens de l'instance au fond,
qu'elle soit réformée en ce qu'elle a:
-Déclaré valides les déclarations d'appel faites au nom de la société Lorm à travers M. [H] en ce qu'elles visent les dispositions suivantes du jugement rectifié :
*dit que les fautes de gestion commises par Mme [G] au détriment de la SCI Lorm ont occasionné à la société civile une perte de chance de l'ordre de 60% du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2016, et jusqu'à la clôture de l'exercice 2019 ;
*condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 117 676,92 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus ;
*débouté la SCI Lorm de sa demande de condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 643 000 euros en indemnisation du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois.
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés :
-Prononcer la nullité intégrale des déclarations d'appel de la SCI Lorm 'agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice [C] [H]' des 20 et 22 décembre 2022, 15 mars 2023, désormais jointes sous le numéro de RG unique 22/02089,
-Juger qu'il appartiendra à la cour d'appel de Céans de trancher, au fond, la question de la qualité à agir et/ou défendre de la SELARL SLEMJ et associés, prise en la personne de Me [E] [M] en sa double qualité de liquidateur et de mandataire ad hoc de la SCI Lorm,
Et rejetant toutes prétentions contraires comme irrecevables et en tout cas non fondées,
-Condamner la SCI Lorm, en liquidation, au paiement à Mme [G] de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2024, la SCI Lorm, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. [C] [H], et M. [H], en sa qualité d'associé de la SCI Lorm, demandent à la cour de :
-débouter Mme [G] de son incident et de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
-Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité des déclarations d'appel formées au nom de la SCI Lorm portant sur la dissolution de la SCI Lorm et la désignation subséquente de la Selarl SLEMJ et Associés prise en la personne de Me [M],
-Déclarer valides les déclarations d'appel faites au nom de la SCI Lorm prise en la personne de son gérant, M. [H], des chefs du constat de la mésentente entre associés et de la dissolution subséquente de la SCI Lorm, et ce en exercice de ses droits propres,
En toute hypothèse,
-Constater que la recevabilité de l'appel de M. [H] en ce qu'il porte sur la mésentente entre associés, la dissolution de la SCI Lorm et la désignation subséquente de la SLEMJ et Associés prise en la personne de Me [E] [M], ne fait l'objet d'aucune contestation,
Pour le surplus,
-Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré valides les déclarations d'appel faites au nom de la société Lorm à travers M. [H] en ce qu'elles visent les dispositions suivantes du jugement rectifié :
*dit que les fautes de gestion commises par Mme [G] au détriment de la SCI Lorm ont occasionné à la société civile une perte de chance de l'ordre de 60% du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2016, et jusqu'à la clôture de l'exercice 2019 ;
*condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 117 676,92 euros, au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus ;
Subsidiairement, et si par impossible, l'appel de la SCI Lorm devait être déclaré nul de ces chefs, juger M. [H], ès qualités d'associé de la SCI Lorm, recevable à interjeter appel des chefs des demandes indemnitaires résultant des fautes de gestion commises par Mme [G] au préjudice de la SCI Lorm, en exercice de l'action ut singuli,
Et rejetant toutes prétentions contraires, condamner Mme [G] à lui payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-Joindre les dépens de l'incident aux dépens de l'instance au fond.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2024, la SELARL SLEMJ et associés, prise en la personne de Me [E] [M] s'en rapporte à justice sur la recevabilité de l'appel formé par la SCI Lorm, prise en la personne de son gérant M. [H], et sollicite de la cour qu'elle :
-déboute Mme [G] de son incident et de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
-confirme la décision en ce qu'elle a dit qu'elle était recevable à agir en appel,
-condamne Mme [G] à lui verser une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-joigne les dépens au fond.
L'affaire a été examinée à l'audience collégiale du 28 mars 2024.
MOTIFS :
I-Sur la validité des déclarations d'appel faite au nom de la SCI Lorm par son gérant, M. [H] :
Après avoir fait remarquer que, contrairement à ce que les appelants indiquent dans leurs écritures, Me [M] n'a pas été désigné en qualité de liquidateur amiable mais de liquidateur, Mme [G] conteste le pouvoir de M. [H] de faire appel du jugement rectifié au nom de la SCI Lorm et du jugement rectificatif dès lors que par ce jugement, qui bénéficie de l'exécution provisoire, la dissolution de la SCI Lorm a été prononcée, ce qui a mis fin aux fonctions de gérant de M. [H] en application des dispositions de l'article 1844-8 du code civil relatives à la désignation d'un liquidateur en lieu et place du gérant de la société dissoute. Elle en déduit que les déclarations d'appel des 20, 22 décembre 2022 et celle du 15 mars 2023, sont affectées d'une cause de nullité d'ordre public.
La SCI Lorm et M. [H] répliquent que la première conservait la possibilité de faire un recours à l'encontre de la décision prononçant sa dissolution, au titre de ses droits propres.
Sur ce :
Il convient, à titre préliminaire, d'observer que Mme [G] ajoute au dispositif de l'ordonnance déférée en sollicitant qu'elle soit confirmée en ce qu'elle a prononcé la nullité des déclarations d'appel 'en ce qu'elles visent les dispositions du jugement rectifié suivantes :
- dit que Mme [G] et tous occupants de son chef occupent sans droit ni titre l'immeuble sis [Adresse 3], ainsi que le garage annexe sis [Adresse 2] ;
- dit que cette occupation est en violation de l'intérêt social de la SCI Lorm, propriétaire des biens ;
- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation de ces biens à la somme de 1 475 euros ;
- condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 88 500 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation relative à la période du 1er mai 2016 au 1er mai 2021 ;
- ordonné l'expulsion de Mme [G] et de tous occupants de son chef dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si nécessaire ;
- condamné Mme [G] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à la SCI Lorm d'un montant de 1 475 euros à compter du 1er mai 2021, et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
- dit que Mme [G] était gérante de droit et de fait de la SCI Lorm pendant la période du 26 décembre 2007 au 16 mai 2019 ;
- dit que Mme [G] a engagé sa responsabilité envers la SCI Lorm au titre des fautes de gestion qu'elle a commises durant sa gérance de la SCI Lorm ;
- dit que le caractère frauduleux des agissements de Mme [G] n'est pas démontré;
- constaté l'existence d'une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la SCI Lorm ;
- ordonné la dissolution de la SCI Lorm ;
- condamné Mme [G] à payer la somme de 6 000 euros à la SCI et la somme de 2 000 euros à M. [H], en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile'.
La formule 'Prononce la nullité des déclarations d'appel formées au nom de la SCI Lorm portant sur les autres chefs des jugements entrepris', doit en effet être interprétée au regard des déclarations d'appel formées par la SCI.
Or, celles-ci ne visaient que le quantum des condamnations prononcées à l'encontre de Mme [G] d'une part, et la dissolution de la SCI avec désignation d'un mandataire ad hoc, puis d'un liquidateur par suite du jugement rectificatif, d'autre part.
Par suite seule la validité des déclarations d'appel faites de ces chefs peut être contestée.
-S'agissant de la dissolution de la société :
Aux termes de l'article 1844-7 5°) du code civil : 'La société prend fin :
[...]
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société'.
L'article 1844-8 du même code énonce que : ' La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication'.
Il résulte de ces textes, qu'à compter de la dissolution de la société prononcée par le tribunal, par une décision assortie de l'exécution provisoire, qui met fin à la société et qui entraîne sa liquidation ainsi que la désignation d'un liquidateur, le gérant n'a plus le pouvoir de représenter la société en justice. Il importe peu de savoir si la décision de dissolution a ou non été publiée, dès lors que Mme [G] n'est pas un tiers au sens de l'article 1844-8 précité.
Dans l'exercice des droits propres qu'elle tient de la loi, cette personne morale, dont le gérant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation, ne peut agir en justice que par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc. (2e Civ., 4 juillet 2002, pourvoi n° 02-01.276, Bulletin civil 2002, II, n° 157).
Les défendeurs au déféré ne peuvent se prévaloir d'arrêts rendus par la Cour de cassation en matière de liquidation judiciaire, domaine dans lequel il existe des dispositions spécifiques. (L.641-9 du code de commerce).
Il s'en suit que M. [H], qui n'était plus gérant, n'avait plus le pouvoir de représenter en cette qualité la SCI Lorm pour interjeter appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laval en ce qu'il a prononcé la dissolution de ladite société et nommé Me [M] puis la SELARL SLEMJ prise en la personne de Maître [M]. Le défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond qui, en application des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, entraîne la nullité de l'acte qui en est affecté.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a considéré que la déclaration d'appel régularisée de ce chef par la SCI Lorm était nulle.
-S'agissant de l'appel portant sur les autres dispositions :
Mme [G] fait valoir que pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés, la SCI Lorm ne pouvait valablement interjeter appel des jugements du tribunal judiciaire de Laval en étant représentée par M. [H] 'gérant en exercice'.
Sur ce :
Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. [H] n'avait pas le pouvoir d'interjeter appel au nom de la société Lorm en qualité de gérant, qualité dont il ne disposait plus par suite de la dissolution de la société.
Par suite, l'appel formé par la société Lorm représentée par son gérant en exercice doit être déclaré irrecevable.
II-Sur les appels diligentés par M. [H] en sa qualité d'associé :
Mme [G] prétend que M. [H] est seulement recevable à agir, en sa qualité d'associé, à l'encontre de la décision ordonnant la dissolution de la SCI Lorm dans la procédure d'appel.
Elle soutient pour le surplus qu'il ne peut exercer cumulativement une action ut universi et une action ut singuli, laquelle présente un caractère subsidiaire et n'existe que pour suppléer la carence du gérant, condition non remplie en l'espèce, dans la mesure où un appel a bien été interjeté par la société, même si, pour des raisons procédurales, il n'est pas valable.
Elle conteste la qualité à agir de M. [H].
Ce dernier réplique que décider, comme le demande son adversaire, que la SCI Lorm serait irrecevable à agir en la personne de son gérant dès lors qu'il ne serait plus en exercice, et que ledit gérant ne pourrait exercer une action ut singuli en qualité d'associé, reviendrait à le priver d'un double degré de juridiction.
Sur ce :
La qualité de M. [H] à interjeter appel en sa qualité d'associé à l'encontre de la décision ordonnant la dissolution de la SCI pour mésentente et désignant la SELARL SLEMJ n'est pas contestée.
Seule est contestée la validité de son appel portant sur l'indemnisation du préjudice de la société.
Aux termes de l'article 1843-5 du code civil : 'Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société'.
En l'espèce, M. [H] ne sollicite pas l'indemnisation d'un préjudice personnel mais conteste le montant de l'indemnisation allouée à la SCI Lorm. Il entend donc exercer l'action prévue par l'article 1843-5 précitée, dénommée action 'ut singuli'. Dès lors qu'il est associé, il dispose un intérêt à agir.
À défaut de précision, l'action sociale ut singuli est subsidiaire en ce sens qu'elle ne peut être mise en oeuvre qu'après l'action sociale 'ut universi', à savoir l'action engagée par la société elle-même au travers de ses représentants légaux, ou bien en cas d'inertie de ces derniers.
(Com., 27 mai 2021, pourvoi n° 19-17.568).
L'associé dispose alors d'un droit propre pour se substituer à autrui et il ne saurait être privé de ce droit du seul fait que devant les premiers juges, le représentant légal de la société (à savoir lui même en qualité de gérant) avait exercé l'action ut universi.
Crim., 12 décembre 2000, pourvoi n° 97-83.470, Bull. crim. 2000, n° 372.
Contrairement à ce que soutient Mme [G], le seul fait que M. [H] ait interjeté appel 'en qualité de gérant' de la SCI, alors qu'il n'en avait pas le pouvoir, ne constitue pas l'exercice de l'action ut universi dès lors que seule la SELARL SLEMJ pouvait interjeter appel du jugement, ce qu'elle n'a pas fait.
S'agissant d'un droit propre, il ne peut être considéré qu'il est exercé par la SCI 'au travers' de M. [H], ainsi que l'a décidé le conseiller de la mise en état. Il est exercé par M. [H] en sa qualité d'associé au profit de la SCI. C'est si vrai que la jurisprudence exige la mise en cause de la société.
L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée du chef de cette formulation, même si, au final, la saisine de la cour demeure la même.
III-Sur la qualité à agir de la SELARL SLEMJ & Associés :
Mme [G] fait valoir qu'en jugeant que la SELARL SLEMJ et associés était recevable à agir en appel, le conseiller de la mise en état a statué ultra petita.
Elle soutient que les deux mandats conférés à ladite SELARL sont juridiquement incompatbiles et que ladite société se trouve sans l'incapacité d'agir à quelque titre que ce soit, tant que le jugement du 7 novembre 2022 ne sera pas valablement rectifié par la cour qui pourra évoquer cette difficulté pour la trancher.
M. [H] réplique que la SELARL avait expressément demandé au magistrat de la mise en état de juger qu'elle était recevable et bien fondée à agir en qualité de liquidateur de la SCI Lorm, de sorte qu'il n'a pas statué ultra petita.
Il soutient que la mission du mandataire est de liquider la SCI, que la qualité de liquidateur de la SELARL ne souffre d'aucune contestation et que celle-ci demande à ce que la cour d'appel purge 'l'erreur' de double désignation.
La SELARL SLEMJ & Associés, prise en la personne de Maître [M], fait valoir les mêmes moyens et arguments.
Sur ce,
Il convient tout d'abord d'observer, que dans ses conclusions d'incident numéro 2, la SELARL SLEMJ & Associés prise en la personne de Me [E] [M], demandait au conseiller de la mise en état de juger qu'elle est 'recevable et bien fondée à agir en qualité de liquidateur de la SCI Lorm'.
Le conseiller de la mise en état n'a donc pas statué ultra petita.
La contestation de la constitution et de la recevabilité des conclusions de la SELARL SLEMJ & Associés élevée par Mme [G] repose sur la critique des jugements entrepris en ce qu'ils auraient désigné successivement Maître [M] puis la SELARL SLEMJ & Associés à la fois comme mandataire ad hoc de la SCI Lorm et liquidateur de la SCI Lorm, qualités qui seraient inconciliables, et en ce qu'il appartenait à la cour de rectifier le premier jugement, questions qui relèvent de l'appréciation de la cour d'appel.
Cependant, la SELARL SLEMJ § Associés, prise en la personne de Me [E] [M], a été intimée selon la qualité qui lui a été conférée par le jugement du 6 février 2023.
Il s'en suit qu'elle est recevable à agir en appel.
La décision entreprise sera de ce chef confirmée.
IV-Sur les demandes accessoires :
L'équité commande à chaque partie de conserver la charge des frais irrépétibles exposés au titre du présent incident, de sorte que les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Les dépens afférents à ce dernier seront joints au fond.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par décision mise à disposition au greffe,
-Confirme l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 13 décembre 2023, sauf en ce qu'il a 'déclaré valides les déclarations d'appel faites au nom de la société Lorm 'à travers M. [H]' en ce qu'elles visent les dispositions suivantes du jugement rectifié :
*dit que les fautes de gestion commises par Mme [G] au détriment de la SCI Lorm ont occasionné à la société civile une perte de chance de l'ordre de 60% du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2016, et jusqu'à la clôture de l'exercice 2019 ;
*condamné Mme [G] à payer à la SCI Lorm la somme de 117 676,92 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2018 inclus ;
*débouté la SCI Lorm de sa demande de condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 643 000 euros en indemnisation du manque à gagner sur le prix de vente de l'immeuble de Pavillons-sous-bois', sauf à préciser que ces déclarations d'appel sont valides en ce qu'elles ont été formées par M. [H] au titre de son action ut singuli.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
-Déclare les appels formés par la SCI Lorm nuls,
-Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Dit que les dépens afférents au présent incident seront joints à l'instance au fond,
-Renvoie l'affaire devant la chambre commerciale de la présente cour d'appel pour poursuite de la procédure.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN