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07/05/2024 | FRANCE | N°23/00340

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 07 mai 2024, 23/00340


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







CC/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 23/00340 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FD6V



ordonnance du 17 Février 2023

Juge commissaire du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 2022000142



ARRET DU 07 MAI 2024



APPELANTS :



Monsieur [G] [R]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]



Madame [I] [U] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1951

à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentés par Me Frédéric BOUTARD de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20151192





INTIMEES :



S.A...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 23/00340 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FD6V

ordonnance du 17 Février 2023

Juge commissaire du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 2022000142

ARRET DU 07 MAI 2024

APPELANTS :

Monsieur [G] [R]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Madame [I] [U] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentés par Me Frédéric BOUTARD de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20151192

INTIMEES :

S.A.R.L. HOLDING MGCB MANAGEMENT

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

S.E.L.A.R.L. SLEMJ & ASSOCIES

Prise en la personne de Maître [B] [S], agissant ès qualités de Commissaire à l'Exécution du plan de la SARL HOLDING MGCB MANAGEMENT

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentées par Me Séverine DUBREUIL de la SELAS JURI OUEST, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 12 Février 2024 à 14'H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 07 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte du 6 novembre 2012, les époux [R] ont cédé à la SARL'Holding MGCB Management des parts sociales qu'ils détenaient dans la SARL JPME. En raison d'un litige avec le précédent propriétaire du fonds de commerce exploité par la SARL JPME, apparu entre la signature du compromis de cession des parts sociales et l'acte contenant réitération de la cession de parts sociales du 6 novembre 2012, une clause a été insérée à l'acte pour prévoir une éventuelle réduction du prix de vente d'un montant de 150 000 euros et le dépôt de cette somme par le cessionnaire sur un compte ouvert au nom de la société JPME dans l'attente de l'issue du litige, laquelle est intervenue par un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 19 mai 2015, confirmant un jugement du tribunal de commerce du Mans du 7 juin 2013, qui n'a prononcé aucune condamnation contre la société JPME.

Le 22 janvier 2016, après délivrance d'un certificat de non-pourvoi, les époux [R] ont vainement demandé à la SARL Holding MGCB management de leur régler la somme de 150 000 euros restant due sur le prix de cession.

Par ordonnances du 23 février 2016 rendues à la demande de la SARL JPME et de la SARL Holding MGCB management, le président du tribunal de commerce du Mans a ouvert, en application des dispositions des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, une procédure de conciliation au profit de la SARL JPME et de la SARL Holding MGCB management.

Le 23 juillet 2016, un protocole d'accord de conciliation a été signé entre la SARL'JPME et la SARL Holding MGCB Management, la Caisse de crédit mutuel du [Localité 8] Centre, les époux [R], M. [Z] et M [Y], en présence du conciliateur. Ce protocole met à la charge de la SARL Holding MGCB Management l'obligation de verser aux époux [R] la somme de 30 000 euros au plus tard le 1er décembre 2016 puis celle de 120 000 euros sur dix ans, par semestrialité de 6 000 euros à compter du 30 juin 2017. Il a été rendu exécutoire par ordonnance du 23 novembre 2016 du président du tribunal de commerce du Mans.

Le protocole n'a été que très partiellement exécuté : seules la somme de 30 000 euros et la première semestrialité de 6000 euros ont été versées.

Après plusieurs relances, les époux [R] ont, en vain, mis en 'uvre la clause de médiation, le 6 septembre 2018, avant d'assigner, le 21 juin 2021, la SARL Holding MGCB Management en ouverture de procédure collective.

Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal de commerce du Mans a ouvert à l'égard de la SARL Holding MGCB management une procédure de redressement judiciaire, désignant la SELARL SLEMJ & Associés, prise en la personne de M.'[S] en qualité de représentant des créanciers.

Par lettre recommandée du 27 juillet 2021, les époux [R] ont déclaré leur créance entre les mains du représentant des créanciers, pour un montant de 140'044,17 euros à titre chirographaire, en principal et intérêts arrêtés au 12 juillet 2021, calculée comme suit : principal de 150 000 euros, intérêts de 26 044,17 euros, déduction à faire des paiements d'un total de 36 000 euros imputés en priorité sur les intérêts.

Par lettre recommandée du 2 novembre 2021, le représentant des créanciers, faisant état de la contestation du dirigeant de la SARL Holding MGCB management selon lequel aucun intérêt n'est dû avant la lettre recommandée du 30 octobre 2017, a proposé au juge commissaire l'admission de la créance à hauteur de 114 000 euros au titre du capital restant dû hors intérêts et le rejet à hauteur de 26 044,17 euros correspondant aux intérêts.

Par lettre recommandée du 16 novembre 2021 réceptionnée par le représentant des créanciers le 22 novembre suivant, les époux [R] ont maintenu leur déclaration de créance en indiquant avoir produit une lettre de mise en demeure du 22 janvier 2016 portant réclamation du paiement de la somme de 150 000 euros et faisant courir les intérêts conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce du Mans a arrêté un plan de redressement de la SARL Holding MGCB management et désigné la la SELARL SLEMJ & Associés, prise en la personne de M. [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance rendue le 17 février 2023, le juge commissaire de la procédure collective de la SARL Holding MGCB management a :

- constaté que les époux [R] ne produisent aucun courrier prononçant l'exigibilité avant la mise en redressement judiciaire de la SARL Holding MGCB Management,

- jugé que les intérêts légaux ne s'appliquent que sur les échéances échues avant le redressement judiciaire et non payées,

- fixé la créance à 116 853,79 euros à titre chirographaire,

- prononcé l'admission de la créance des époux [R] au passif de la société SARL Holding MGCB management pour le montant de 116 853,79 euros à titre chirographaire et rejeté le surplus,

- débouté les époux [R] de leurs demandeurs, fins et conclusions,

- condamné les époux [R] à payer à la société Holding MGCB management la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le juge commissaire a observé que le premier versement prévu au protocole, de 30 000 euros, a été effectué avec retard, le 13 décembre 2016, au lieu du 1er'décembre 2016, que la première semestrialité a également été versée avec retard, le 7 novembre 2017 au lieu du 30 juin 2017 et que les autres semestrialités représentant un total de 114 000 euros n'ont pas été payées. Il'a'relevé que le protocole prévoyait en cas d'impayé une exigibilité anticipée que les époux [R] n'ont pas demandée et que ce n'est que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire qui a entraîné la résiliation de plein droit de ce protocole d'accord et, par suite, l'exigibilité de la somme de 114 000 euros. Il'a constaté que le protocole prévoit des sanctions précises en cas de son non-respect, en l'espèce, l'exigibilité du solde en cas de redressement judiciaire, ce qui l'a conduit à considérer que cela ne le rend pas caduc et ne permet pas un retour à la situation initiale, c'est-à-dire, à celle du contrat de cession. Ayant retenu que le protocole ne prévoit pas d'obligation de payer des intérêts de retard, que le premier retard de paiement de l'échéance de 30 000 euros n'était pas imputable à la débitrice, il a considéré qu'étaient dus les intérêts de retard sur le paiement de la première semestrialité, soit 130 jours X 3,4 % et les intérêts au taux légal sur les huit semestrialités échues et impayées au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit un total d'intérêts de 2 853,79 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 27 février 2023, les époux [R] ont interjeté appel de cette ordonnance en attaquant toutes ses dispositions sauf celle prononçant l'admission de leur créance au passif de la société SARL Holding MGCB management pour le montant de 116 853,79 euros à titre chirographaire.

La société Holding MGCB management et la SELARL SLEMJ & associés, ès qualités, ont été intimées.

La société Holding MGCB management a conclu en présence de la SELARL SLEMJ & associés, ès qualités.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les époux [R] demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant de nouveau,

- à titre principal, vu la mise en demeure du 22 janvier 2016 et la résolution du protocole de conciliation, fixer la créance à la somme de 140 044,17 euros à titre chirographaire,

- à titre subsidiaire, fixer la créance à la somme de 128 147,72 euros à titre chirographaire,

En toute hypothèse :

- débouter la SARL Holding MGCB management de tous ses moyens, fins, conclusions, et demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

- condamner la SARL Holding MGCB Management à payer aux époux [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Partant de ce qu'en raison de l'inexécution par les cessionnaires du protocole de conciliation et de l'ouverture à leur égard d'une procédure de redressement judiciaire qui a mis fin de plein droit à l'accord en application de l'article L. 611-12 du code de commerce, le contrat de cession initial a repris son plein effet et qu'ils ont ainsi retrouvé l'intégralité de leur créance et des droits qui y étaient attachés avant la conclusion de l'accord, les époux [R] soutiennent qu'ils sont en droit de réclamer, en application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts échus sur la somme de 150 000 euros à compter du 22 janvier 2016, date d'une lettre qu'ils prétendent valoir mise en demeure. Ils en déduisent, compte tenu de l'imputation des paiements par priorité sur le capital (30 000 euros, le 22'décembre 2016, et 6 000 euros, le 13 novembre 2017), qu'à la date de l'ouverture de la procédure collective, il leur restait due la somme de 140 044,17 euros.

Subsidiairement, ils se prévalent, en vertu de la clause d'exigibilité insérée au protocole de conciliation, de l'exigibilité anticipée de la somme de 120 000 euros restant due après le versement de 30 000 euros, ensuite d'une mise en demeure du 30 octobre 2017 demeurée sans effet durant huit jours. Ils en tirent la conséquence que la somme de 120 000 euros, devenue exigible, a fait courir des intérêts légaux à compter du 30 octobre 2017 et qu'il convient d'imputer le paiement de la somme de 6 000 euros versée par la suite en priorité sur les intérêts, de sorte que serait due au 12 juillet 2021 la somme de 128 147,72 euros.

La SARL Holding MGCB management demande à la cour de :

- déclarer irrecevable les époux [R] en leur demande d'intérêt pour la période allant du 13 décembre au 22 décembre 2016 pour la première fois en cause d'appel, faute d'avoir déclaré cette créance dans le délais de deux mois à compter de la publication au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société MGCB management,

- débouter les époux [R] de toutes leurs demandes.

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 février 2023,

Y ajoutant :

- condamner les époux à payer à la SARL Holding MGCB management la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procdure civile en cause d'appel.

- condamner les époux aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Dubreuil, SELAS Juriouest, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Holding MGCB management fait valoir que le protocole de conciliation ne prévoit pas l'application d'un taux d'intérêt, même légal ; qu'elle n'est pas responsable du retard de paiement de la première échéance de 30 000 euros effectué le 13 décembre 2026 dû au retard des époux [R] à transmettre leur relevé d'identité bancaire pour que puisse être opéré le prélèvement de cette somme sur son compte bancaire et, qu'en tout état de cause, les époux [R] sont forclos en leur demande d'intérêts de la période allant du 13'décembre au 22 décembre 2016 au titre des intérêts retard de paiement de l'échéance de 30 000 euros qu'ils n'ont pas déclarés, et qui s'analyse, en outre, en une demande formée pour la première fois en cause d'appel.

En l'absence d'exigibilité anticipée des sommes dues en vertu du protocole d'accord, considérant que les époux [R] n'ont pas mis en oeuvre la clause la prévoyant, la société Holding MGCB management approuve le calcul des intérêts fait par le premier juge.

Elle constate que les époux [R] n'ont engagé aucune action en résolution de l'accord de conciliation comme le permet l'article L. 611-10-3 du code de commerce et que seule l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire a mis fin à l'accord.

Contrairement aux époux [R] qui soutiennent que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire a entraîné la résolution de l'accord et que cela les autoriserait à réclamer des intérêts échus depuis janvier 2016, elle fait valoir que l'article L. 611-12 du code de commerce se limite à dire que l'ouverture d'une procédure collective met fin de plein droit à l'accord et observe que le protocole de conciliation prévoit expressément que la résiliation de l'accord, lorsqu'elle est demandée, a lieu sans rétroactivité, en rappelant à cet égard que l'article L. 611-10-4 du code de commerce dispose que la caducité ou la résolution de l'accord amiable ne prive pas d'effets les clauses dont l'objet est d'en organiser les conséquences. Elle en déduit que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire a pour effet de mettre fin à l'accord sans effet rétroactif, et donc sans l'anéantir et sans remettre les parties dans la situation antérieure à sa conclusion.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 9 février 2024 pour les époux [R],

- le 4 février 2024 pour la société Holding MGCB management et la SELARL SLEMJ & associés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'effet de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire sur l'accord de conciliation

Aux termes de l'article L. 611-12 du code de commerce, 'l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l'accord constaté ou homologué en application de l'article L. 611-8. En ce cas, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 611-11".

Il en résulte que l'ouverture du redressement judiciaire entraîne la caducité du protocole d'accord de conciliation.

Ainsi, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient.

A la différence de la nullité, la caducité n'a pas nécessairement d'effet rétroactif. Elle emporte disparition des effets du contrat pour l'avenir de sorte qu'il n'y a pas, sauf circonstances particulières, de restitution pour le passé, si le contrat était valable à l'origine. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la période d'exécution qui a pu se dérouler normalement avant que ne survienne l'événement entraînant la caducité.

Dans le cas où elle est due à l'ouverture du redressement judiciaire, la caducité de l'accord n'est pas liée à la disparition d'un élément nécessaire à l'exécution du contrat. Elle n'a donc pas à avoir un effet rétroactif.

D'ailleurs, l'article L. 611-12 précité précise que les sommes perçues doivent être déduites de la créance et non pas restituées.

Il est, en outre, constaté que les parties ont stipulé, dans la clause de médiation, qu'en cas de demande de résolution du protocole, la résolution n'aura pas d'effet rétroactif.

Il s'ensuit que les époux [R], s'ils ont recouvré l'intégralité de leur créance, déduction faite des sommes perçues, ne sont pas en droit de réclamer, sur la période correspondant à l'exécution de l'accord de conciliation, les intérêts qui auraient été dus en l'absence de cet accord, lequel prévoyait que leur créance faisait l'objet d'un étalement sans intérêt.

Sur la mise en oeuvre de la clause d'exigibilité anticipée

Le protocole d'accord subordonne l'exigibilité anticipée de la créance en cas de non-respect des engagements pris, notamment, en cas de non-paiement à son échéance d'une somme due en vertu du protocole, à l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse.

Aux termes de l'article 1139 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

La lettre du 30 octobre 2017, distribuée le 3 novembre suivant, dont se prévalent les époux [R], comporte l'expression d'une volonté de se prévaloir de l'exigibilité anticipée des sommes dues en cas de persistance de l'inexécution de l'obligation de paiement prévue au protocole. En effet, cette lettre met en demeure la société Holding MGCB management d'avoir à s'acquitter, sous huit jours, de la somme de 6 000 euros qui était exigible depuis le 30 juin 2017 et mentionne l'intention des époux [R] de se prévaloir de l'article 6 du protocole relatif à l'exigibilité anticipée des sommes dues.

Mais la somme réclamée a été payée le 7 novembre 2017, date figurant sur le chèque établi par la débitrice au bénéfice de la CARPA, soit avant l'expiration du délai de huit jours à compter de la réception de la lettre, et encaissé le 13'novembre suivant, selon les époux [R], soit en tout état de cause, avant l'expiration du délai d'un mois prévu au protocole.

En effet le protocole conditionne, en son article 6, l'exigibilité anticipée à l'existence d'une mise en demeure restée infructueuse un mois en cas de non-paiement à son échéance d'une somme due au titre du protocole. Certes, il indique, par la suite, que l'intégralité des sommes dues pourra être rendue exigible huit jours calendaires après une mise en demeure adressée par lettre recommandée à la partie défaillante d'avoir à remplir ses obligations. En présence de deux délais différents, il y a lieu de prendre celui qui est spécialement prévu pour le cas du défaut de paiement et qui est favorable au débiteur.

Par la suite, la lettre recommandée du 12 janvier 2018 adressée par le conseil des époux [R] à la société Holding MGCB management, si elle fait état de la défaillance de celle-ci qui n'avait pas réglé la semestrialité du 31 décembre 2018, n'évoque la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme que sous l'angle d'une éventualité dépendant de la volonté future des époux [R]. Il en est de même de la lettre recommandée du 20 mars 2018.

Il s'ensuit qu'en l'absence d'exigibilité anticipée, les époux [R] ne sont pas fondés à faire courir les intérêts au taux légal sur la somme de 120 000 euros à compter du 30 octobre 2017, comme ils le demandent.

Sur le montant des intérêts dus au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire

Il découle de ce qui précède que les époux [R] peuvent seulement réclamer, à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les intérêts de retard qui auraient courus sur la somme de 150 000 euros avant l'accord de conciliation ainsi que les intérêts de retard sur les échéances impayées du protocole, le tout dans les conditions de l'article 1146 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lequel dispose que 'les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante'.

La lettre du 22 janvier 2016 adressée par le conseil des époux [R] à la société Holding MGCB management est une simple demande de paiement. Elle ne vaut pas mise en demeure en l'absence d'interpellation de la débitrice.

Il en résulte que les intérêts n'ont pas commencé à courir sur la somme de 150'000 euros à compter du 23 janvier 2016, ni avant l'homologation du protocole d'accord, en l'absence de mise en demeure jusqu'à cette date.

La première échéance du protocole, d'un montant de 30 000 euros, qui aurait due être payée le 1er décembre 2016, l'a été avec retard.

Les époux [R] exposent que le retard n'a pas été de treize jours mais de vingt deux jours, suivant un relevé CARPA faisant apparaître le crédit de 30 000 euros à la date du 22 décembre 2016.

Mais il ressort du tableau joint à leur déclaration de créance sur le calcul des intérêts déclarés d'un montant de 26 044,17 euros, que les époux [R] n'ont déclaré les intérêts de retard sur le paiement de 30 000 euros que jusqu'au 13 décembre 2016, ayant retenu le paiement de cette somme à cette date. Ils sont donc irrecevables à demander l'admission des intérêts sur cette somme pour la période comprise entre le 14 décembre 2016 et le 22 décembre 2016 qu'ils n'ont pas déclarés.

S'agissant des intérêts réclamés sur la période comprise entre le 1er décembre et le 13 décembre 2016, les époux [R] rappellent que le paiement est normalement portable et non quérable, conformément aux dispositions de l'article 1247 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Il n'en reste pas moins que, dans le cas présent, le protocole prévoyait que la somme de 30 000 euros devait être prélevée sur le compte bancaire de la débitrice, ce qui nécessitait que les époux [R] transmettent à temps à la banque un relevé d'identité bancaire, ce qui n'a été fait que le 12 décembre 2016. En tout état de cause, ils ne justifient d'aucune mise en demeure susceptible d'avoir fait courir ces intérêts.

La société Holding MGCB management ne conteste pas devoir les intérêts de retard au taux légal sur la première semestrialité de 6 000 euros pour une période de 130 jours bien que n'ayant été mis en demeure de payer que le 30 octobre 2017, ainsi qu'au titre des huit semestrialités échues et impayées au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, comme l'a retenu le premier juge.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée sur le montant des intérêts admis.

Sur l'imputation des paiements

En l'absence de paiement après celui de la première semestrialité, il n'y a pas d'imputation des paiements à faire entre le principal et les intérêts.

Sur les frais et dépens

L'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.

Les époux [R] qui succombent dans une large partie, seront condamnés aux dépens d'appel.

Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant, publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande d'admission des intérêts sur la somme de 30 000 euros entre le 14 décembre 2016 et le 22 décembre 2016.

Confirme l'ordonnance entreprise.

Y ajoutant,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Condamne les époux [R] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00340
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;23.00340 ?
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